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Avec « un peu de chance », comment l’EuroTournoi attire les stars du hand à Strasbourg

Ce jeudi et tout ce week-end, le Rhénus retrouve l’excellence du handball européen avec Thierry Omeyer, Nikola Karabatic et Michaël Guigou, des grands joueurs habitués de son parquet. Depuis ses débuts à la Robertsau dans les années 1990 et « un peu de chance », les plus grands clubs et sélections européennes affluent à l’EuroTournoi de Strasbourg, attirés par le challenge sportif mais aussi une organisation aux petits soins et un public assidu.

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Avec « un peu de chance », comment l’EuroTournoi attire les stars du hand à Strasbourg

En ce lundi 20 août, le Rhénus Sport se pare des derniers préparatifs pour accueillir la 25e édition de l’EuroTournoi (ET), une série de rencontres « amicales » rassemblant des équipes professionnelles de handball venues de toute l’Europe. Cette année, il s’agit de Nantes, Paris, Montpellier, Veszprem, Skopje et les biélorusses du Meshkov Brest, soit « le top du handball mondial » comme se présente le tournoi.

Le directeur de l’association organisatrice, Christophe Celeny, fait le tour de la salle : il faut encore monter l’éclairage, lustrer le parquet, préparer le carré VIP… Dès ce jeudi 23 août, Nantes et Montpellier s’affrontent, soit un bis repetita de la finale de la Ligue des Champions du mois de mai, remportée par le club héraultais.

Les meilleurs viennent… parce que les meilleurs viennent

C’est la particularité de l’édition 2018 : pour la première fois, l’EuroTournoi n’affiche que des équipes ayant foulé les parquets de la plus grande compétition européenne de clubs. Une fierté pour le directeur :

« On avait déjà fait le plateau avant de voir qui s’illustrerait en Ligue des Champions ! En fait on se rend compte que souvent, les équipes qui viennent à l’EuroTournoi sont performantes la saison qui suit. Puis elles reviennent l’année d’après et ça crée un cercle vertueux. Les nouveaux clubs viennent parce qu’ils regardent les affiches des années passées. »

Ce n’est pas le palmarès de l’ET qui le contredira : en 2001, le Chambéry de Bertrand Gille, international français des années 2000, gagne le tournoi avant de devenir champion de France au printemps suivant. En 2006, les espagnols de Ciudad Real gagnent avec Didier Dinart (actuel entraîneur de l’équipe de France), l’année de leur sacre comme champions d’Europe.

Les frères Karabatic et le danois Mikkel Hansen deviennent des habitués de l'EuroTournoi, ici avec le maillot du PSG (Photo EuroTournoi)
Les frères Karabatic et le danois Mikkel Hansen deviennent des habitués de l’EuroTournoi, ici avec le maillot du PSG (Photo EuroTournoi)

D’année en années, la poignée d’équipes invitées reflètent l’hégémonie de l’époque. Il fait la part belle aux équipes allemandes durant les années 1990 et début 2000 : en 1997, le FC Großwallstadt de Jackson Richardson remporte le trophée, puis le SC Magdeburg de Joël Abati et Guéric Kervadec en 1998 et le THW Kiel de Stefan Lövgren en 2002.

Les années 2010 témoignent d’abord de la domination montpellieraine puis de l’avènement du PSG actuel, avec ses stars Thierry Omeyer, Nikola Karabatic, Luc Abalo, Daniel Narcisse et Mikkel Hansen, la star du handball danois.

« On a juste eu de la chance »

Ces équipes, qui évoquent aux passionnés les plus grandes légendes du handball, ont régulièrement répondu présent, et ce, alors que la manifestation affichait des ambitions bien plus modestes à l’origine. En 1994, quelques cadres du club de l’ASL Robertsau (aujourd’hui fusionné avec Schiltigheim au sein de l’Essahb) lancent un tournoi de préparation. Parmi eux figure Christian Carl, président historique, décédé au mois de mai 2018. La compétition se déroule dans le modeste gymnase du club, au nord de Strasbourg grâce à l’action de quelques bénévoles.

Ils commencent à contacter des clubs, et sont eux-mêmes surpris du succès immédiat, comme le raconte Christophe Celeny, lui aussi fondateur du tournoi :

« Au début c’était vraiment juste quelques passionnés de hand qui voulaient mettre en place un tournoi de préparation dans le coin, pas forcément avec les meilleures équipes européennes. On a juste eu de la chance, parce que Montpellier a dit oui tout de suite. Et par la suite, les équipes se sont dit “Si Montpellier vient”… »

En 1999, les équipes s'affrontaient dans des gymnases de la Robertsau. Cette année-là, Montpellier était encore présente avec Stéphane Stoecklin, international français (Photo EuroTournoi)
En 1999, les équipes s’affrontaient dans des gymnases de la Robertsau. Cette année-là, Montpellier était encore présente avec Stéphane Stoecklin, international français (Photo EuroTournoi)

Jackson Richardson au Centre Sportif de la Robertsau

Après sa victoire du premier Eurotournoi à l’été 1994, le club montpellierain remporte son premier titre de champion de France au printemps 1995. C’est l’époque de l’arrivée de l’entraîneur historique Patrice Canayer. Le club règne ensuite en maître (14 titres en 18 éditions, meilleure équipe jusqu’à l’avènement du PSG des années 2010) avant de perdre un peu son statut « d’all star team ».

À cette époque, dans le centre sportif de la Robertsau et ses quelques centaines de places, commencent aussi à arriver des équipes des plus belles terres de hand, de Scandinavie, de Hongrie, d’Espagne. Très vite, on peut voir Jackson Richardson au, mais aussi les frères Gille, Jérôme Fernandez et Thierry Omeyer, gardien multi-étoilé de l’équipe de France.

En 2003, l’EuroTournoi déménage au Rhénus Sport au Wacken, et peut accueillir plus de 4 000 personnes. Cette année-là, on aperçoit déjà un certain Nikola Karabatic sous les couleurs du Montpellier Handball Club. Les années suivantes verront passer d’autres légendes du hand, comme l’entraîneur russo-espagnol Talant Dujshebaev.

Les années olympiques (2000, 2004, 2008 2012 et 2012), le tournoi est avancé au mois de juillet et accueille quatre sélections internationales dont celle de la France. À chaque fois ou presque, les trois équipes sont médaillées le mois suivant lors des Jeux. Pour la 25e édition, le tournoi aligne à nouveau une bonne partie des internationaux français.

Quelques jours avant le tournoi, le comité d'organisation s'affaire pour les derniers réglages, comme l'éclairage. Les panneaux rappelant le palmarès seront accrochés au centre du terrain (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
Quelques jours avant le tournoi, le comité d’organisation s’affaire pour les derniers réglages, comme l’éclairage. Les panneaux rappelant le palmarès seront accrochés au centre du terrain (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

« Les équipes viennent jauger leur vrai niveau »

Les organisateurs ne sont plus surpris de la fidélité des équipes stars, même si c’est chaque année « un long travail de discussion ». Pour construire le tableau, le comité se penche sur les grands championnats, tisse des relations avec les cadres et négocie toute l’année.

Il faut jongler avec les calendriers des clubs, aller chercher les grands noms qui draineront le public, et tabler sur les « copains » historiques du tournoi. Montpellier reste un fidèle qui a « grandi avec l’EuroTournoi », d’après les mots de Christophe Celeny.

Mais selon lui, c’est aussi et surtout parce que les clubs y trouvent leur compte au niveau sportif. Le tournoi amical s’est professionnalisé au fil des années, en investissant le Rhénus mais aussi d’autres lieux d’entraînements, en développant des partenariats avec des hôtels et un service « aux petits soins ». Et ça, les joueurs et encadrants apprécient :

« C’est la fin de la période de préparation, les équipes veulent s’étalonner et jauger leur vrai niveau à l’approche de la reprise. Ici, elles trouvent les meilleures conditions, une bonne opposition sportive et des infrastructures. On leur vend le tournoi clés en mains, avec hébergement, centre de remise en forme et lieux d’entraînement évidemment. »

Sans oublier un public alsacien en manque d’équipe dans l’élite française (Sélestat a longtemps été en première division jusqu’à 2017) dans une région importante du handball :

« Les joueurs aiment aussi venir pour jouer dans une salle pleine, devant un public de connaisseurs, car en début de saison, les gradins sont souvent vides. Maintenant, il y a même des clubs qui inscrivent leur victoire à l’EuroTournoi à leur palmarès officiel. »

Chaque année, l’affluence augmente au fil des jours, avec un dimanche toujours complet, le jour des trois matches finaux.

En 2016, l'équipe de France remporte l'EuroTournoi. Depuis l'an 2000, elle vient tous les 4 ans à Strasbourg se frotter aux plus grosses équipes du monde lors d'un tournoi pré-olympique (Photo EuroTournoi)
En 2016, l’équipe de France remporte l’EuroTournoi. Depuis l’an 2000, elle vient tous les 4 ans à Strasbourg se frotter aux plus grosses équipes du monde lors d’un tournoi pré-olympique (Photo EuroTournoi)

Un succès dû aussi à « la convivialité du handball »

Dans les premières années, celui qui n’était alors que vice-président du tournoi raconte qu’il fallait tabler sur autre chose que les hôtels et spas pour faire venir les stars à la Robertsau :

« Au début l’atout du tournoi, c’était la proximité entre les spectateurs, les fans et les grands joueurs. Dans le handball, il y a cette convivialité entre athlètes, organisateurs et spectateurs, qui crée un climat propice à l’organisation d’un tel tournoi. »

Le directeur du tournoi, Christophe Celeny, est confiant dans l'avenir de l'ET, qui est entre les mains d'une grosse centaine de bénévoles (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)
Le directeur du tournoi, Christophe Celeny, est confiant dans l’avenir de l’ET, qui est entre les mains d’une grosse centaine de bénévoles (Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc)

Faire les courses VIP au supermarché

Le tournoi a connu une histoire un peu artisanale avant de se développer :

« Au début, on faisait des dîners de clôture au Parlement européen, où chaque équipe invitée devait chanter quelque chose. Une année, on avait invité une équipe japonaise, où jouaient nos amis Stéphane Stoecklin et Frédéric Volle (d’anciens internationaux français, ndlr), et les joueurs se sont mis à nous faire un spectacle de sauts acrobatiques. Maintenant on ne fait plus ça, ça a un peu changé. C’est comme les espaces VIP : les premières années on allait nous-mêmes au supermarché acheter des cacahuètes et des salamis, et on mettait ça dans des bols. Aujourd’hui, on a 1 200 places dans le carré VIP du Rhénus… Se développer nous a aussi permis de recevoir encore mieux « comme à la maison » : on organise des visites de Strasbourg, des activités de team-building, etc. »

Avec un budget de 360 000€, issus pour un tiers de la vente des billets, un tiers des sponsors et un tiers du soutien public de la Région Grand Est et de l’Eurométropole, l’événement s’appuie sur 120 bénévoles issus des clubs de la région.

Les équipes européennes aussi connaissent bien le tournoi strasbourgeois. Ici, le coach Dushebajev donne des consignes aux polonais de Kielce, fraîchement champions de Pologne 2014. (Photo EuroTournoi)
Les équipes européennes aussi connaissent bien le tournoi strasbourgeois. Ici, le coach Dujshebaev donne des consignes aux polonais de Kielce, fraîchement champions de Pologne 2014. (Photo EuroTournoi)
En 2017, les russes de Moscou affrontaient Montpellier et son gardien Vincent Gérard, également gardien de l'équipe de France (Photo EuroTournoi)
En 2017, les russes de Moscou affrontaient Montpellier et son gardien Vincent Gérard, également gardien de l’équipe de France (Photo EuroTournoi)

Bientôt un EuroTournoi devant 8 000 spectateurs

Fort de ses succès, l’Eurotournoi voit son avenir en grand, avec notamment une salle plus grande, la future Arena (ou « Crédit Mutuel Forum« ) de plus de 8 000 places. De quoi accueillir les supporters de toute l’Europe qui commencent à affluer, d’après le comité d’organisation :

« On est passé d’un public de connaisseurs à des gens qui viennent en famille de toute la région, et maintenant, on a des supporters venus de l’étranger. »

Malgré tout, le comité espère maintenir un événement familial, accessible, dans la veine de ce qu’avait imaginé son fondateur historique, conclut le nouveau directeur :

« C’était le bébé de Christian mais tout le monde y est vraiment attaché. Il y a eu une réorganisation, qui a libéré des énergies, avec des jeunes et des moins jeunes qui veulent s’investir. On va continuer sur sa lancée. Faisons déjà de 2018 une édition en hommage à Christian Carl. »


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