
Croissance d’Airbnb et manque de chambres Crous : à Strasbourg, les raisons de la galère des étudiants
Des dizaines d’étudiants n’ont pas trouvé de logement à Strasbourg en cette rentrée 2023. Par manque de foncier disponible, le Crous peine à augmenter le nombre de logements étudiants tandis que les propriétaires sont de plus en plus nombreux à louer leur appartement sur Airbnb.
« Pendant les cours, je ne peux pas m’empêcher de me demander si je trouverai un appartement », souffle Mohammed. Le jeune Marocain est arrivé à Strasbourg en août pour un master en ingénierie des systèmes numériques. Comme 27 autres personnes, à la mi-septembre, il bénéficie du dispositif d’urgence de l’association étudiante Afges, qui a loué trois dortoirs dans l’auberge de jeunesse The People à la Krutenau et sept chambres dans un hôtel à Illkirch. Dans un dortoir voisin, Nabila confie qu’elle n’a pas osé parlé de ses difficultés à ses parents :
« Ça ne sert à rien qu’ils s’inquiètent. J’ai la chance de ne pas avoir dormi dehors. Mais je ne sais pas où je serai dans quelques jours, c’est très stressant, je pleure beaucoup. »

Alexa Foulon, présidente de l’Afges, estime que la situation empire d’année en année :
« C’est un fléau à Strasbourg. En 2022, on a logé 70 personnes jusqu’en octobre ou novembre. Là, on est déjà à plus de 100 demandes. Mais on ne peut pas toutes les prendre en charge. Nous avons été obligés de dire à des étudiants d’appeler le 115 (numéro pour l’hébergement d’urgence, NDLR). Et on parle seulement de ceux qui nous sollicitent nous. »
L’Afges a été soutenue à hauteur de 72 000 euros par l’Université de Strasbourg (15 000 euros), l’Eurométropole (15 000 euros) et des dons privés (42 000 euros) pour mettre en place son dispositif. Les fonds ont été débloqués entre juin et fin juillet. « Quand on a essayé de contacter les hôtels pour trouver des places, la plupart étaient déjà complets. On aurait pu proposer davantage de chambres si on avait reçu l’argent avant », se désole Alexa Foulon. L’Eurométropole et la Ville soutiennent aussi à hauteur de 32 000 euros par an des projets de colocations solidaires associatives.
Plus d’étudiants, pas assez de logements
D’autres dispositifs de solidarité ont été mis en place à Strasbourg. L’association des étudiants de l’Institut National des Sciences Appliqués (INSA) propose des colocations aux personnes en difficulté, en attendant qu’elles trouvent un logement. Sur les réseaux sociaux, chaque jour, des étudiants publient des posts pour tenter de bricoler une solution d’hébergement temporaire.
Ce phénomène de tension immobilière pour les étudiants s’explique par un déséquilibre entre le nombre de logements disponibles et le nombre de personnes qui cherchent un appartement en septembre. Selon l’Agence d’urbanisme de Strasbourg Rhin supérieur (Adeus), entre 2011 et 2021, le nombre d’étudiants est passé de 60 000 à 70 000 dans le Bas-Rhin. Parmi ces 70 000 étudiants, environ 40 000 ne sont pas chez leurs parents et doivent donc se loger par leurs propres moyens.
À Strasbourg, ils sont désormais près de 60 000 à étudier, un chiffre resté stable pour les rentrées 2022 et 2023. En tout, 89% des étudiants strasbourgeois sont installés dans le parc privé. Les 11% restants sont dans des logements étudiants dédiés, par exemple du Crous. Les étudiants cherchent principalement de petites surfaces pour limiter les loyers.
Les logements étudiants transformés en Airbnb
« Beaucoup de ces petits appartements du centre-ville ciblés par les étudiants sont transformés en meublés touristiques par les propriétaires ces dernières années. C’est plus avantageux pour eux », analyse Caroline Zorn, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de la vie étudiante. Le nombre de meublés touristiques en location via des plateformes comme Airbnb ou Abritel recensés sur l’Eurométropole ne cesse d’augmenter d’après des données fournies par la collectivité. Il est passé de 1 172 en 2018 à 3 189 en 2023. 2 817 se situent dans la commune de Strasbourg. Autant d’appartements qui ont donc disparu de l’offre pour les étudiants.
La municipalité strasbourgeoise tente de limiter la progression d’Airbnb avec des mesures prises dès 2021 qui ont réduit la durée de location en meublé touristique de neuf à six ans. L’Eurométropole avait aussi tenté de compliquer la demande de changement d’usage des appartements, obligatoire pour les transformer en meublé touristique. Mais le tribunal administratif de Nancy a retoqué la mesure en mars 2023. Suzanne Brolly assure aussi militer auprès du ministre de la Ville et du Logement pour obtenir des limitations du logement touristique au niveau national. En attendant, la collectivité mise sur « la communication avec les propriétaires », expose Caroline Zorn :
« À l’agence du climat, qui aide les propriétaires dans différents projets comme les rénovations énergétiques, on discute avec eux pour les pousser à privilégier le logement étudiant. On appelle les entreprises qui possèdent des appartements vacants afin de les convaincre de les remettre sur le marché. Nous réfléchissons même à faire une campagne de porte-à-porte pour aller directement discuter avec les propriétaires. »

Plus de difficultés pour les étrangers
L’augmentation des loyers complexifie également l’accès au logement des étudiants. L’Afges estime que la moyenne pour un studio de 20 à 30 mètres carrés à Strasbourg est de 545 euros en 2023, contre 539 euros en 2022 et 529 euros en 2021. Amine, étudiant en biologie logé par l’Afges à l’auberge The People, ne trouve pas d’appartement accessible : « Les propriétaires demandent des garants en France, mais mes parents sont en Algérie. Comme il y a beaucoup de concurrence, ils choisissent des profils qu’ils jugent plus sûrs. »
Alexa Foulon remarque que la majorité des étudiants qui n’ont aucune solution et qui sont logés par l’Afges sont des étudiants étrangers. Ces derniers ont aussi « moins de chance de connaitre des personnes qui pourront les accueillir quelques jours ». Amine poursuit :
« Mon profil a été refusé deux fois par des propriétaires. En plus il y a des arnaques et des appartements tout petits avec des loyers de plus de 600 euros, c’est hors de prix. L’idéal serait vraiment une chambre étudiante. Mais on m’a dit qu’il n’y a plus de place. »
Certaines chambres proposées par le Crous sont à moins de 250 euros par mois charges comprises, des prix avantageux pour Strasbourg. Mais il existe aussi des logements Crous à plus de 500 euros par mois, par exemple à la résidence Gallia. Le coût moyen des chambres universitaires du Crous à Strasbourg de moins de 20 mètres carrés est de 371,4 euros selon l’Afges, soit environ 200 euros que moins que les logements étudiants privés (545 euros en moyenne, NDLR).
Manque de foncier
À la rentrée 2023, le Crous propose 4 748 logements étudiants. Une offre bien en-dessous de la demande. 10 206 vœux de logements ont été formulés. « C’est un chiffre à prendre avec des pincettes étant donné qu’un étudiant a la possibilité de faire des demandes sur trois académies », tempère le Crous. Ainsi certains étudiants qui ont demandé une chambre à Strasbourg sont finalement dans une autre ville.
Directrice du Crous jusqu’en février 2022, Lina Rustom évoque les difficultés auxquelles elle a fait face pour augmenter le nombre de chambres :
« Le principal obstacle dans une ville comme Strasbourg, c’est le manque de foncier. Il n’y a quasiment aucun terrain disponible. Et ensuite il faut trouver les fonds. Pour ça, on doit convaincre l’État qu’il y a un besoin en logement. C’est un combat permanent. »
Avec la rénovation de la résidence Paul Appell qui a commencé en 2018, le Crous a gagné 450 logements étudiants en optimisant l’espace. Le nombre de places du Crous augmentera encore à la rentrée 2024 grâce à la rénovation de la résidence de la Somme, qui apportera 231 chambres supplémentaires. Le prochain projet d’envergure sera un bâtiment place d’Islande d’une capacité d’accueil de 500 places pour un budget d’environ 40 millions d’euros. Mais le projet devrait être livré à l’horizon 2027-2028. Un rythme bien lent en comparaison avec l’urgence de la situation des étudiants les plus précaires.
1 357 logements étudiants de plus en 2028-2030
Suzanne Brolly, adjointe à la maire en charge de l’urbanisme, détaille les actions de la municipalité pour créer des logements, notamment dédiés aux étudiants :
« Nous démarchons les propriétaires de biens vacants pour les pousser à les mettre sur le marché. Dès août 2020, nous avons commencé un état des lieux du patrimoine bâti et non bâti de la Ville et de l’Eurométropole afin d’identifier des sites pour répondre aux besoins en logement, notamment des étudiants. Ainsi, nous avons vendu un terrain à Cronenbourg rue Jean-Pierre Clause pour créer une résidence étudiante de 85 studios. »
Ces chambres sont construites par Nexity. Contacté, le promoteur indique qu’elles seront livrées en septembre 2025. Seul huit des 85 logements seront des appartements sociaux. Les autres devraient avoir des loyers similaires à ceux proposés dans une résidence étudiante Nexity voisine : plus de 550 euros par mois pour des chambres de 20 mètres carrés.
En tout, la Ville a mobilisé du foncier pour la construction de 1 357 logements étudiants à partir de 2024-2025. Les projets sont portés par les bailleurs Vilogia, Domial, Habitation Moderne, Batigere ou encore CDC Habitat selon Suzanne Brolly. Leurs livraisons prévisionnelles sont prévues sur une période s’étalant de 2028 à 2030.
Le problème est qu'il est devenu un ersatz d'hôtellerie qui cannibalise le parc locatif.
Les gagnants: les propriétaires d'immeubles, la société qui gère le site internet. Thénardiers des temps modernes. Accessoirement, les touristes de passage y trouve avantage en trouvant facilement une chambre qu'ils auraient louée plus cher dans un hôtel.
Les perdants: Les étudiants et personnes précaires en recherche de logement.
Les règles en place favorisent les premiers au dépens des seconds. Et ce sont aussi malheureusement les premiers qui, par leur composition sociologique, obtiennent toute l'attention des dirigeants politiques et personnes de loi, eux--mêmes appartement majoritairement à la classe bourgeoise.
Un projet de construction de deux tours d'immeubles composés exclusivement de studios était porté par la SCI Suma propriétaire de l'ancien supermarché Suma du centre commercial de l'Esplanade qui est fermé depuis tellement d'années que je n'arrive même pas à me souvenir de l'année de sa fermeture. Ce projet de déconstruction du supermarché suivie donc de la construction de deux tours portait sur la création de plus de mille studios, oui j'écris bien plus de mille studios pour nos étudiants à l'Esplanade, sachant qu'une grande partie de nos étudiants à Strasbourg ont leurs cours sur le campus de l'Esplanade justement. Qui bloque ce projet ? Pourquoi ce projet est refusé ? Toutes les personnes du quartier qui s'intéressent réellement à ce projet connaissent la réponse à ma première question mais une réponse apportée à ma seconde question serait la bienvenue... encore du travail d'investigation pour nos journalistes...bisous.
Premièrement pour les voisins directs, c’est une source de nuisance. Déjà les bruits normaux, que les habitants ont appris à ne pas faire. Par exemple dans mon immeuble, on entend tout ce qu’il se passe dans la cour. Les nouveaux arrivants font d’abord du bruit dans la cour, puis au bout de quelques jours ils se rendent compte que ça résonne beaucoup, et ils font attention. Mais avec Airbnb, comme il y a des nouveaux tous les jours, ils ne restent pas assez longtemps pour faire cet apprentissage. Résultat, aucun voisin ne téléphone dans la cour, sauf les Airbnb ! Ensuite les bruits de fête. Quand on a des voisins « habitants », globalement tout le monde a le même rythme, et quand il y a des soirées et des fêtes, elles ont généralement lieu le week-end. De plus, quand on a des voisins trop bruyants, on peut aller les voir et la prochaine fois ils feront moins de bruit. Quand on a des voisins « AirBnB », c’est différent, il peut y avoir du bordel n’importe quand ! Vous pouvez avoir un karaoké, des gens qui braillent dans la cour en rentrant de soirée ou même qui se battent dans les escaliers n’importe quel jour et à n’importe quelle heure, mais surtout la nuit bien évidemment. Vous aurez beau aller les voir, il y en aura des nouveaux le lendemain, c’est sans fin et sans solution. Heureusement ces nuisances n’ont pas lieu tous les jours, mais en été c’est beaucoup plus difficile à supporter, car il faut ouvrir les fenêtres la nuit pour rafraîchir l’air et ça a une réelle incidence sur la qualité de sommeil et sur la santé. Sans compter ceux qui viennent sonner parce qu’il n’y a pas de tire-bouchon, pas de papier toilette, qu’ils ont perdu la clé, qu’il y a eu une double réservation sur Airbnb et Booking le même jour. Mais casse-toi ! Je ne bosse pas pour Airbnb ! Si t’as un problème tu appelles le service client, tu me fais pas chier ! J’ai pas demandé à ce que des Airbnb s’installent en dessous de chez moi ! Bon j’ai été sympa j’ai quand même donné du PQ une fois, parce qu’elle avait l’air gentille et qu’elle avait l’air d’avoir la chiasse la pauvre !
Deuxièmement le mélange habitat/hôtellerie pose problème. Normalement, dans un immeuble, chacun salit plus ou moins de la même manière, et les charges de l’ensemble des habitants servent à payer le nettoyage normal des communs. Sauf que les Airbnb salissent beaucoup plus ! Depuis que j’habite mon immeuble, personne n’a jamais vomi dans la cour, sauf les Airbnb ! Personne n’a jamais renversé de bière dans les escaliers, sauf les Airbnb ! Personne ne laisse de bouteilles en verre à côté de la poubelle dans la cour, sauf les Airbnb ! (Oui car probablement que dans leur pays le ramassage du verre se fait par collecte, et pas en point d’apport volontaire, donc ils ne savent pas où il faut les mettre et ne veulent pas les mettre dans la poubelle normale. Ça part d’une bonne volonté, mais ça fait chier ceux qui doivent ramasser derrière). Résultat, il y a plus de ménage à faire, et bien évidemment ce coût est réparti sur l’ensemble des locataires et des habitants de l’immeuble, alors que ça bénéficie seulement au propriétaire du Airbnb. Pour les copropriétaires ça peut aussi être un problème. Chez moi, les propriétaires m’ont dit que le propriétaire d’un Airbnb s’oppose à des travaux. Ben oui c’est logique, il est là pour rentabiliser son investissement rapidement, pas pour entretenir un immeuble sur le long terme.
Troisièmement, et c’est le sujet de l’article, c’est un phénomène généralisé de prédation sur le logement pour l’ensemble des habitants de la ville. L’article évoque 3 189 logements recensés par l’Eurométropole en 2023, mais s’agit-il seulement des Airbnb déclarés ? N’y en a-t-il pas au moins autant qui passent sous les radars car les loueurs ne les déclarent pas ? Par exemple dans mon immeuble situé rue des Pucelles, il y a déjà trois Airbnb sur 15 logements, soit 20% d’Airbnb. Mais si on regarde en fonction de la taille des logements, c’est encore pire. Sur les 15 logements, il y a 4 grands logements et un moyen. Il y a seulement 10 petits logements accessibles pour des étudiants. Donc en réalité les Airbnb représentent 30% des logements de cet immeuble potentiellement louables par les étudiants. Et il y a plusieurs autres immeubles de cette rue avec des Airbnb, car je vois souvent des touristes avec valises à roulettes entrer et sortir de plusieurs immeubles. Donc le phénomène doit être assez généralisé dans le centre-ville.
Cette réduction du nombre de logements disponibles dans certains quartiers (Grande Île, Krutenau, Gare) aura à terme un impact sur toute la ville, car ceux qui ne trouveront pas de logement dans le centre-ville devront bien se reporter sur un autre quartier pour se loger, y faisant mécaniquement augmenter les prix des loyers comme les prix à l’achat. Si les étudiants sont les premiers touchés, d'autres catégories socio-professionnelles le seront également, par ce phénomène de report. Il est temps d’agir, comme le font déjà certaines villes.
Vous évoquez les mesures de 2021. Or, si vous lisez la délibération il y a beaucoup d'exception à la compensation qui ont été ajoutées.
Il serait interessant de faire une vraie étude: combien d'immeubles airbnb ? Les écolos ont toujours refusé de s'attaquer à ce sujet.
Combien de verbalisations en cas de non respect de la réglementation?
Il y a bien des villes en France qui n'attendent pas le changement de réglementation. Pourquoi Strasbourg n'a pas de courage politique?
https://www.mediapart.fr/journal/france/190923/airbnb-la-mairie-de-paris-de-nouveau-condamnee-met-la-pression-sur-le-gouvernement
https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/pyrenees-atlantiques/biarritz/l-objectif-est-d-envoyer-un-message-aux-fraudeurs-au-pays-basque-les-controles-se-mettent-en-place-pour-limiter-les-airbnb-2801555.html
Les dispositifs de certaines villes ont été retoqué par la Justice, mais pas tous.
https://objectifaquitaine.latribune.fr/business/2023-03-07/au-pays-basque-la-reglementation-anti-airbnb-validee-par-la-justice-954366.html
Une vraie étude sur les immeubles entiers à Strasbourg serait interessante avec l'impact qu'une telle réglementation pourrait engendrer. https://www.ville-saint-malo.fr/meubles-de-tourisme-mode-demploi/