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L’Université prête à appeler des huissiers contre ses vacataires

Mi-novembre, des enseignants vacataires ont reçu un deuxième courrier de l’Université de Strasbourg réclamant le remboursement d’un trop-perçu et menaçant cette fois de l’intervention d’un huissier de justice. Le collectif Dicensus et plusieurs syndicats enseignants et étudiants dénoncent une attitude « brutale et injuste ».

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Chaque année, des centaines d'étudiants travaillent pour l'université de Strasbourg

Vacataire précaire de l’Université de Strasbourg, au chômage, Simon (le prénom a été modifié) est dans une situation kafkaïenne. L’enseignant a reçu un courrier du service comptable de l’Unistra à la mi-octobre : suite à une erreur du Ministère de l’Economie et des Finances, Simon doit rembourser autour de 90 euros de sa maigre paye.

Problème : « J’ai dû rendre mon revenu à Pôle Emploi parce que je bénéficie d’une aide au retour à l’emploi… » Malgré sa prise de contact avec l’administration universitaire, Simon reçoit un deuxième courrier, en novembre, carrément menaçant :

« Sans paiement de votre part dans un délai de huit jours, je serai dans l’obligation de mettre en oeuvre à votre encontre une procédure de recouvrement par voie d’huissier de justice dont les frais seront à votre charge (…) »

Une menace pour recouvrer… 5 125 euros au total

Selon l’Université de Strasbourg, 141 vacataires ont reçu un salaire trop élevé du fait d’une défiscalisation indue des heures complémentaires. L’administration a décidé d’envoyer un courrier de recouvrement à 70 personnes, dont les excédents de rémunération étaient supérieurs à 30 euros. Au total, l’Unistra compte ainsi récupérer 5125 euros. « Le trop-perçu moyen était de 41 euros, pour un maximum de 284 euros », assure la responsable de la communication.

Le 14 novembre, le collectif Dicensus (Défense et Information des Chercheurs et Enseignants Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg) a écrit à Elisabeth Demont, vice-présidente en charge des ressources humaines. Plusieurs syndicats étudiants et enseignants (SES-CGT, SNESUP-FSU, SNTRS-CGT, Solidaires Étudiant-e-s Alsace, Sud Education Alsace) se joignent à la démarche, qui reste sans réponse. Pire : quelques jours plus tard, la menace de l’huissier de justice arrive dans les boites aux lettres de certains vacataires.

Deuxième courrier du service comptabilité de l’Université de Strasbourg aux vacataires ayant perçu un excédent de salaire pendant l’année scolaire 2018-2019. (Document Remis)

« Nous demandons une remise gracieuse »

A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Université assurait qu’une réponse aux syndicats et collectif était en cours de rédaction. Martin (le prénom a été changé), membre du collectif Dicensus, dénonce ce silence de l’administration, qui a précédé la médiatisation de l’affaire. Le militant exprime la revendication du collectif :

« Nous demandons que ces sommes soient remises gracieusement car les montants sont importants pour les vacataires, mais dérisoires pour l’université. »

La précarité des vacataires

Pour les vacataires menacés, c’est une énième source de stress due à la précarité de sa situation. Pour rappel, Rue89 Strasbourg révélait cette année que les enseignants non-contractuels de l’unistra sont rémunérés à un taux inférieur au minimum légal. Pour Simon, il y a aussi un problème de santé qui traîne. Pour obtenir un arrêt maladie après son opération, l’enseignant doit attendre le début de l’été :

« Malgré trois ans de doctorant contractuel et trois ans de chargés de cours, je n’ai pas assez d’heures travaillées pour obtenir un arrêt maladie. Il faut bosser quatre mois à temps plein pour l’obtenir, soit 150 heures de cours contre 110 de cours pour moi au premier semestre. C’est scandaleux parce que l’Université ne compte que nos heures passées en cours, alors qu’on doit préparer les cours, corriger les copies… »

« Il faudrait que les vacataires soient salariés »

Julie (le prénom a été changé) a aussi reçu les courriers du service comptabilité de l’Université de Strasbourg. Elle doit rendre 60 euros à l’Unistra. Choquée par la menace d’une intervention d’un huissier, Julie dénonce l’absence de compréhension de l’administration vis-à-vis des vacataires :

« Malgré ma précarité, je peux rembourser 60 euros… mais il y a d’autre manière de faire. L’administration pourrait s’excuser même si la faute se trouve à Bercy. Parce que leur modalité de rémunération nous met dans une situation difficile car trop floue pour des institutions comme la CAF ou Pôle Emploi. Ma paye au mois d’août, c’était 1800 euros sur plusieurs mois, mais la CAF ne comprend pas ça. Vu qu’il y a des mois où je gagne rien, j’ai pas de prime pour l’emploi, et sinon je gagne trop pour avoir le RSA… Il faudrait que les vacataires soient salariés, que l’université paye des charges pour qu’on soit protégé. Notre travail à l’université, c’est pas pour de l’argent de poche. »

« Un courrier de relance standard »

Interrogé sur le recours à un huissier de justice en cas de non-remboursement du trop-perçu, la communication de l’Unistra a répondu à Rue89 Strasbourg :

« Ce courrier est un courrier de relance standard dans le cadre du dispositif de recouvrement. Il rappelle l’origine de la créance, demande une nouvelle fois de la régler ou « à défaut d’informer -l’agence comptable- des raisons qui s’y opposent ». Parmi ces raisons, les motifs sociaux sont pris en comptes, et peuvent donner lieu à la mise en place d’échéancier. »

Pour les deux vacataires interrogés, cette situation démontre le peu d’égard de l’Unistra vis-à-vis de ses vacataires. Dicensus et les syndicats enseignants et étudiants rappellent que « les enseignants vacataires assurent 25% des heures de cours et que le nombre d’enseignants titulaires n’a fait que diminuer ces dernières années (-5% entre 2010 et 2018). » Julie dénonce le rapport de force inégal : « Nous, vacataires précaires, devrions les rembourser sous huit jours, alors que l’Unistra met toujours plus de six mois à nous payer! C’est scandaleux… »


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