

La maladie de Lyme se transmet par les morsures de tiques infectées (Photo Fairfax County / Flickr / CC)
Le laboratoire Schaller à Strasbourg était devenu le spécialiste français du diagnostic de la maladie de Lyme. La raison de ce succès ? Un double test systématique qui vaut à Viviane Schaller d’être accusée d’escroquerie aujourd’hui par l’assurance maladie. À moins d’un nouveau renvoi, elle comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Strasbourg la semaine prochaine. Bernard Christophe, docteur en pharmacie, est lui accusé d’exercice illégal de la profession de pharmacien, pour avoir vendu le Tic-Tox, un produit à base d’huiles essentielles censé soulager les victimes de la maladie de Lyme.
Le 24 septembre, Viviane Schaller, 66 ans, et Bernard Christophe, 65 ans, comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. La première doit répondre à l’accusation d’escroquerie à l’assurance maladie, pour avoir dérogé au protocole de test de la maladie de Lyme, une infection bactériologique transmise par les tiques. Le second est prévenu d’exercice illégal de la profession de pharmacien pour avoir commercialisé, sans autorisation de mise sur le marché, un produit destiné à soulager les symptômes liés à la maladie de Lyme : le Tic Tox.
Les deux co-accusés sont également soupçonnés de complicité, ils se seraient mutuellement renvoyés des patients en vue de faire fructifier leurs affaires. Lors d’une première audience en 2012, le Parquet a requis un an de prison avec sursis contre Viviane Schaller, 30 000€ d’amende et obligation de remboursement des 192 000€. Mais le tribunal avait alors demandé un supplément d’information, l’audience avait été renvoyée en mai, puis à la semaine prochaine (voir la chronologie ci-dessous). Ce procès s’inscrit dans un contexte de controverse scientifique autour de la maladie de Lyme, dont les symptômes peuvent être très différents d’une personne à l’autre.
Chronologie de l’affaire Schaller
Au commencement, un protocole de test contrarié
Pour diagnostiquer la maladie de Lyme, la Spilf (Société de pathologie infectieuse de langue française) a établi un protocole décrit dans ce que l’on appelle communément la conférence de consensus de 2006 :
« La démarche diagnostique doit toujours comprendre en première intention un test ELISA. En cas de résultat négatif, il n’y a pas lieu de faire un test de confirmation. Un test ELISA positif ou douteux doit être confirmé par immuno-empreinte (test Western Blot) ».
Ce que la justice reproche à Viviane Schaller, c’est d’avoir modifié ce protocole de diagnostic de la maladie de Lyme (aussi appelée borréliose de Lyme) dès 2007 parce qu’elle dit avoir mis à jour « une faille dans les techniques qu’on nous proposait et qu’on nous recommandait d’utiliser ». Cette faille apparaît dans le test ELISA des laboratoires français bioMérieux (groupe Sanofi Pasteur), qui peut produire des faux positifs et des faux négatifs, et que la pharmacienne-biologiste ne trouve pas fiable.
Afin de rendre systématique un test de confirmation, Viviane Schaller aurait abaissé le seuil de positivité du test ELISA pour le rendre positif ou douteux (avec un taux supérieur de 87 % à la moyenne des autres laboratoires de biologie médicale, selon l’accusation). Quoiqu’il en soit, le laboratoire Schaller a réalisé systématiquement les tests ELISA et Western Blot sur la période 2007-2012, un choix assumé par Viviane Schaller (voir Diagnostic insuffisant et scandale sanitaire : la parole d’une « lançeuse d’alerte »).
Un tiers de la sérologie de Lyme de France à Strasbourg
Des patients, convaincus d’avoir contracté la borréliose de Lyme mais déclarés négatifs partout en France – et généralement victimes de parcours de soins fastidieux, se ruent dans ce laboratoire privé de Strasbourg pour en avoir le cœur net. En 2012, Viviane Schaller s’est retrouvée, « sans le savoir » assure-t-elle, à réaliser « un tiers des sérologies de France ».
Ainsi, le laboratoire a effectué le diagnostic de 12 à 15 000 patients par an… dont une partie aurait été recommandée par Bernard Christophe, docteur en pharmacie mais non inscrit à l’Ordre des pharmaciens, qui prescrit le Tic Tox depuis une quinzaine d’années, un composé d’huiles essentielles destiné à soulager les symptômes de la maladie de Lyme (voir ci-contre).
Le début des sanctions
Le 7 mai 2010, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin découvre l’irrégularité des tests effectués chez Schaller, fait ses comptes et porte plainte contre le laboratoire : elle estime à 192 000€ la somme des paiements indus au laboratoire Schaller, qui a agi en dehors du cadre établi par la conférence de consensus de 2006.
Parallèlement, l’Agence régionale de santé (ARS) a aussi le laboratoire Schaller dans le collimateur. Elle suspend pendant un mois l’activité du laboratoire le 10 février 2012, pour divers motifs : hygiène, sous-effectif… et protocole de test ELISA, considérés comme « positifs à tort ». Le laboratoire dispose alors d’un mois pour se mettre aux normes. Le 31 mai 2012, la décision de fermeture définitive du laboratoire Schaller par l’ARS est décrétée, pour « persistance du non respect de la réglementation et des bonnes pratiques professionnelles ». Viviane Schaller apprend dans l’après-midi du 31 qu’elle ne pourra pas rouvrir son laboratoire le lendemain.
La biologiste refusera de fermer son laboratoire les quatre premiers jours. L’ARS sanctionne alors financièrement le laboratoire et porte plainte à la section des assurances sociales du Conseil de l’ordre. Son laboratoire, fermé, a été racheté et renommé Laboratoire du Parc, Viviane Schaller y travaille en tant qu’associée minoritaire.
À cette peine s’en ajoute une deuxième : le Conseil de l’ordre des pharmaciens a récemment sanctionné Viviane Schaller, donnant suite à la plainte de l’ARS, suspension d’exercice pendant deux ans, du 31 juillet 2013 au 1er août 2015. La biologiste a fait appel de cette décision. Pendant la procédure, Viviane Schaller peut encore exercer.
Les décisions de l’ARS
Première audience en 2012
Le 18 septembre 2012, Viviane Schaller et Bernard Christophe comparaissent devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. Bien qu’ils aient un parcours différent, c’est leur complicité supposée qui les fait s’asseoir côte à côte sur le banc des accusés. Un rapprochement en vue d’augmenter les profits nié par la défense : « Mme Schaller ne touchait pas un pourcentage sur les ventes de Tic Tox » explique Me Cédric Lutz-Sorg, l’avocat de Viviane Schaller. Me Catherine Faivre, l’avocate de Bernard Christophe assène :
« Il est reproché à mon client d’avoir adressé un certain nombre de patients à Mme Schaller en vue de faire fructifier son laboratoire, ce qui à mon sens n’est absolument pas caractérisé et ne peut pas tenir pour la simple et bonne raison qu’il n’en a retiré strictement aucun bénéfice et qu’il n’y a eu aucune intention délictuelle. C’est quelque chose qui est hors-sujet ».
Pour Me Dominique Harnist, avocate de la CPAM, c’est la démarche de Viviane Schaller qui est en cause :
« Viviane Schaller aurait dû partager ce manque d’estime pour le test ELISA avec ses patients et indiquer que pour elle, ce premier test ne valait rien au lieu de choisir de faire systématiquement passer les deux et présenter le tout comme un droit au remboursement alors qu’elle savait pertinemment que selon les tests et les préconisations du fabricant, ils étaient négatifs ».
Un patient peut réclamer la réalisation d’un test Western Blot malgré un test ELISA négatif, mais à sa charge, pour un coût de 40,50 €. En clair, Viviane Schaller aurait réalisé des faux positifs en toute connaissance de cause. Viviane Schaller ne le nie pas. Que le résultat soit négatif ou positif : qu’importe. Défiant la conférence de consensus de 2006, le test ELISA est pour la biologiste « douteux par définition », devant mener à la réalisation d’un deuxième test, arguant par ailleurs qu’un « bon diagnostic » doit donner droit à un remboursement. Un jeu sur les mots ? Peut-être, mais Viviane Schaller invoque son éthique pour se justifier :
« Le GBEA (Guide de bonne exécution des analyses en biologie médicale) dit clairement : « Si un biologiste constate une faille dans une technique, selon les constats qu’il a fait dans son propre labo ou selon des articles scientifiques nationaux ou internationaux, il a le droit de prendre une autre technique qu’il juge meilleure ». J’ai le droit de le faire. J’ai même respecté la loi, à tous les niveaux ».
La biologiste précise également qu’après la réouverture de son laboratoire en mars 2012, elle a fait payer « de leur poche » le test Western Blot aux patients, en demandant en plus que ce test soit inscrit sur l’ordonnance du médecin. Amère, Viviane Schaller constate que cela n’a pas empêché l’ARS de fermer son laboratoire définitivement en juin 2012 et ne peut s’empêcher de se demander si on ne chercherait pas à la faire taire, en accumulant les sanctions effectives pour une même fraude encore non jugée…
Renvoi puis nouvelle date d’audience
Reportage de France3 Alsace à l’issue de la première audience.
C’est toute la difficulté de ce procès, qui déborde de l’accusation de fraude à l’encontre des deux pharmaciens, vers le débat qui divise la communauté scientifique autour de la maladie de Lyme. Le tribunal aura du mal à s’affranchir de répondre à la question de savoir si oui ou non, le test ELISA est effectivement inefficace pour diagnostiquer la maladie de Lyme. À l’issue de la première audience, le tribunal, dans l’expectative, a demandé un « supplément d’information » à remettre le 15 mai 2013. Le rapport n’étant pas parvenu dans les temps, l’audience a été repoussée à ce 24 septembre. À l’heure actuelle, personne n’a encore accès à ce fameux rapport. Me Harnist se demande d’ailleurs si elle aura accès aux documents avant l’audience et pourrait demander un nouveau renvoi.
« Un problème de méthode »
Par ailleurs, Me Cédric Lutz-Sorg pointe un « problème de méthode » dans ce procès. Pour lui, ni les professeurs cités par l’accusation en tant que témoins, ni les juges du tribunal correctionnel n’ont « la compétence » pour juger l’affaire qui concerne sa cliente, le débat se situant à un niveau scientifique selon lui, il demande une enquête aboutie. L’avocat explique qu’il n’existe pas de véritables experts, des personnalités neutres, pour apporter un avis le plus objectif possible sur la question de la fiabilité des tests ELISA.
Ainsi, Me Lutz-Sorg demandera que soit ordonnée une information judiciaire, de préférence dépaysée. Et si le juge d’instruction se trouve en difficulté, Me Lutz-Sorg suggère la consultation d’un pôle de santé public.
Aller plus loin
Sur Rue89 : En France, la maladie de Lyme souffre de déni médical
Sur Ouvertures : Pr Christian Perronne : « L´interdiction du Tic Tox intervient dans un contexte polémique » (interview)
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur la maladie de Lyme et notre dossier.
(J'était moi-même diagnostiqué dépressive et préscrits ces antidepresseurs, avant de découvrir la cause, Lyme, et me faire soigner).
- Soigner = vendre des produits le plus cher possible,
- guérir = c'est ne plus en vendre.
Pour la société capitaliste le choix est vite fait. dabord les dividendes ensuite seulement la santé des personnes.
Mon médecin généraliste m'a mis en garde contre ces "charlatans" qui allaient me dire que j'ai la maladie de lyme alors que c'est faux! En attendant, à l’hôpital de Strasbourg, ils ne trouvent pas ce que j'ai et me propose un suivi psy et un traitement pour déconnecter mon cerveau d'avec la douleur!!!
Il est grand temps que les grands spécialistes se remettent en question pour le bien des patients ainsi que la Sécurité Sociale! J'étais prise en charge en LM jusqu'à maintenant mais j'ai eu une visite cette semaine à la Sécu et "puisqu'on ne trouve pas ce que vous avez et que vous n'avez pas de traitement" vous devez reprendre le travail à mi-temps thérapeutique...
Nous sommes déjà trois dans la famille à avoir la maladie... de 82 ans à 18 ans... Quatre autres tests en attente!
Je pense qu'il ne faut pas voir la maladie de partout, mais la voire là où elle est, et la traiter.
Elle est victime de lobbys qui ne veulent pas que quelqu'un marche sur leurs plate-bandes (enfin, je veux dire leur FRIC). Ils ne seront jamais prêt à reconnaitre leurs tords.
Source : mon ancien médecin de famille
Je vous invite à lire le document déposé par SANTÉ CANADA le Bulletin des indésirables vol 22 no 4 oct 2012 ..dans ce bulletin SC fait mention que les tests ELISA et Western Blot ne sont aps fiables et seraient la cause de Faux négatifs et de Faux diagnostics ! Est-ce un aveu de Santé Canada que les médecins canadaiens et québécois ne connaitraient pas LYME et soigneraient lyme avec des médicaments inapropriés? De ce fait combien ont Lyme et donne du sang ou encore enfante alors que la Santé Publique du québec dit qu'une mère peut transmette Lyme à son foetus!!! Nous sommes en latence dMun scandale du sang contaminé!
Comme le dit Annie, nous sommes des centaines de malades à devoir beaucoup à Mme Schaller et a la remercier pour son courage face à l'obscurantisme des autorités médicales. C'est une honte de lui faire un procès alors que sa méthode devrait au contraire servir de REFERENCE, à faire appliquer par tous les laboratoires Français. En attendant l'avancée des recherches pour trouver peut-être des sérologies encore plus fiables.
Elle a entièrement raison Mme Schaller puisque les Etats Unis ont voté une loi obligeant les médecins à informer les patients de la NON FIABILITE des tests , et qu'un test négatif ne voulait pas dire qu'ils n'avaient pas été infectés ; où en sommes nous en France ?
Nous serons des centaines de malades aux côtés de Mme Schaller pour la soutenir .
négatif, les puissants ont toujours raison. J. ZYZECK
Bravo.
Procès, gros sous..on ne sait plus a qui et comment faire confiance, par contre, il y a urgence à :
Venir en aide aux enfants qui souffrent de Borréliose chronique, ces enfants souffrent en silence parce que la France ne veut pas reconnaître l'existence de cette maladie et c'est un scandale.
C'est un scandale de laisser des enfants souffrir, et de punir les médecins qui tentent de les soigner avec des prescription d'antibiotique sur plusieurs années.
Urgence à faire reconnaitre cette maladie auprès de la sécurité sociale, urgence à aider les parents pour qu'ils puissent mettre en place des protocole d'accueil dans les écoles (PAI), les enfants se battent avec leurs parents et la FRANCE les ignore, c'est grave ce qui se passe.