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Le Nutri-Score n’aidera pas les Alsaciens à maigrir

L’association européenne de l’obésité (EASO) a alerté une nouvelle fois sur les problèmes de surpoids dans les pays européens. Pour contrer ce fléau, la campagne publicitaire du Nutri-Score est apparue sur les écrans de télévisions. Mais en Alsace, aucun industriel n’entend apposer ce logo sur les produits régionaux. Dans la région, la proportion de personnes obèses est passée de 9 à 18% en quinze ans.

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Test Nutri-Score sur six produits présents dans le supermarché Auchan aux Halles de Strasbourg. (Photo : C.A / Rue89 Strasbourg)

Un adulte sur six dans l’Union européenne est considérée comme obèse. En France, à la demande de la Direction générale de la santé, des chercheurs de l’Université Paris 13 et des experts de l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses) et du Haut Conseil de santé publique ont participé à la création du système d’étiquetage nutritionnel appelé « Nutri-Score ».

Logo Nutri-Score (Santé Publique.fr)

Dans le cadre du projet de loi agriculture et alimentation, certains députés ont défendu un amendement visant à rendre obligatoire l’étiquetage Nutri-Score sur tous les supports publicitaires des produits alimentaires. Mais le 27 mai 2018, l’Assemblée nationale a rejeté l’amendement (45 voix contre 18) et le logo restera donc apposé sur la base du volontariat.

Selon le site du programme national nutrition santé « Manger Bouger », seuls 33 industriels et distributeurs se sont engagés à apposer ce logo sur l’emballage de leurs produits. Parmi eux, on retrouve de grands distributeurs comme Leclerc, Auchan, Intermarché ou Casino, et de célèbres marques comme Danone, Bonduelle, Mc Cain ou encore Fleury Michon.

Comment fonctionne Nutri-Score ?

Pour attribuer une lettre et une couleur à un aliment, le Nutri-Score dépend d’un calcul précis, qui prend en compte la quantité de calories, et la proportion d’acides gras saturés, de sucres, de protéines, de fibres, de sel, de fruits, légumes et noix. En résumé, le Nutri-Score sera orangé ou rouge s’il contient beaucoup de sucres ou d’acides gras saturés, tandis qu’un pourcentage élevé en fruit et légumes classera le produit dans les échelons verts car il sera considéré comme plus sain. La méthode de calcul diffère selon que le produit est une boisson, un plat cuisiné ou un fromage, afin qu’ils n’affichent pas tous une mauvaise note en raison de leur proportion de matières grasses.

Le Nutri-Score peut être utilisé sur tous les produits transformés à l’exception des herbes aromatiques, des thés, des cafés et des boissons alcoolisées. L’objectif est d’encourager la consommation de certains produits plutôt que d’autres. Mais aussi de choisir entre les produits similaires de marques différentes.

Seulement 33 fabricants et distributeurs ont accepté d'apposer le Nutri-Socre (Photo Hellebardius / FlickR / cc)
Seulement 33 fabricants et distributeurs ont accepté d’apposer le Nutri-Socre (Photo Hellebardius / FlickR / cc)

Le Nutri-Score un calcul incomplet ?

Le logo de Nutri-Score, créé par l’agence nationale de santé publique, a été choisi pour sa lisibilité, une notion fondamentale pour Isabelle Jecker, diététicienne et nutritionniste à Strasbourg :

« J’ajouterais d’autres paramètres qu’il est difficile de rendre abordables à travers un système comme celui du Nutri-Score. Il faut, bien sûr, prendre en compte la présence d’additifs qui ont un impact sur la santé et l’obésité. Mais aussi les conditions d’élevage et de production. Un même aliment peut avoir des compositions nutritionnelles différentes selon son mode de production. J’intégrerais donc des paramètres concernant la viande ou le lait issus de l’élevage intensif car on n’obtient pas la même qualité à la fin. Ces aliments sont par exemple trop riches en Oméga 6. Il faut donc privilégier les viandes labellisées ou les produits Bio qui contiennent deux fois plus d’Oméga 3. Et de manière générale, plus c’est transformé, plus on en perd de qualité en route. »

Les industriels rétifs à classer leurs produits

Certains industriels ont refusé d’apposer le logo Nutri-Score, comme les marques Nestlé et Coca-Cola, mais pour Didier Cornu, président de l’association UFC Que choisir Bas-Rhin, c’est déjà une réussite d’en être arrivé là :

« On est assez déçus de l’attitude de certains industriels, l’opacité sur les qualités nutritionnelles des produits en magasin est encore trop forte pour les consommateurs. Le Nutri-Score nous convient dans le sens où il est simple à comprendre alors que d’autres dispositifs qui étaient proposés étaient plus complexes. Il valait mieux cela plutôt que rien du tout. Notre but désormais est de faire évoluer le Nutri-Score vers un système plus abouti, qui comprendrait le mode de production par exemple. Notre force c’est les consommateurs, si les comportements évoluent, cela pourrait faire changer les pratiques des distributeurs. On mesurera évidemment l’impact dans les prochains temps. »

Les produits alsaciens tous mauvais

Puisque l’affichage du logo Nutri-Score n’est pas obligatoire, nous avons réalisé une notation sur six produits appréciés des Alsaciens, grâce au calculateur mis à disposition par l’association UFC Que choisir.

Test Nutri-Score sur six produits présents dans le supermarché Auchan aux Halles de Strasbourg. (Photo : C.A / Rue89 Strasbourg)

Résultats : La choucroute au Riesling en conserve de la marque William Saurin obtient un C, tout comme la flammekueche surgelée « Gourmet d’Alsace ». Quant au munster « Le grand sapin », les knacks au porc de la marque Auchan et la crème fraîche « coopérative Alsace Lait », ils récoltent un D. Chez les sodas, l’Elsass Cola reçoit un B. La bière et le vin ne rentrent pas dans les catégories de produits du Nutri-Score.

L’Alsace toujours mal placée sur le palmarès de l’obésité

Le Nutri-Score parviendra-t-il à modifier le régime alimentaire des Alsaciens ? Rien n’est moins sûr puisque selon l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), aucun fabricant membre de l’association régionale (Aria Alsace) n’a fait part de sa volonté d’apposer le Nutri-Score sur ses gammes de produit.

Pourtant, selon l’enquête nationale ObÉpi Roche sur l’obésité et le surpoids, l’Alsace est en cinquième position quant à la proportion de personnes en surpoids. Elle a connu l’une des plus fortes augmentation en quinze ans, avec de 9,1% de personnes obèses en 1997 à 18,6% en 2012. La moyenne française se situe quant à elle à 15% ce qui équivaut à près de 7 millions de Français en situation d’obésité.

Des chiffres qui s’expliquent en partie par les traditions gastronomiques alsaciennes, des régimes souvent gras avec beaucoup de sel et trop riches, surtout pour les enfants. La prévalence du surpoids des enfants de 11 à 12 ans atteignait les 23% en 2016 (ORS Alsace).


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