Dix heures lundi 19 mai. À l’heure où la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, s’installe et commence à faire l’appel des élus, l’hémicycle reste silencieux. Et vide, comme l’ensemble du centre administratif. En contraste, l’extérieur du bâtiment est baigné dans le vacarme : entre les pétards, le crissement des camions et les cris des forains déterminés, tout annonce que la journée sera chaotique.
Et elle le fut. Pour obtenir de la Ville un terrain et organiser une nouvelle édition de la foire Saint-Jean, les forains mobilisés ont tenu une journée historique de blocage du centre administratif dès 6h du matin. Sous la menace d’une intervention policière, des voies d’accès ont été ouvertes vers 15h et des élus sont rentrés au compte-goutte. Après deux reports à 14h et 17h, le conseil municipal se tiendra finalement à 18h. À l’arrivée, les élus auront à se prononcer sur un ordre du jour amaigri, dont une partie des points a été reportée à la prochaine séance, comme l’examen du rapport de la Chambre régionale des comptes ou la création de prairies urbaines. Au final, seuls neuf points, dont l’adoption ne pouvait être décalée, seront retenus et votés.
Point sur le conflit avec les forains
Le conseil s’ouvre par une communication de la maire sur la mobilisation des forains. D’emblée, Jeanne Barseghian (Les Écologistes) adopte un ton grave :
« Je considère que dans un État de droit, on peut avoir des désaccords, les poser dans un dialogue respectueux mais en aucun cas je ne peux accepter les méthodes employées. Ces méthodes ne sont pas acceptables. »
« Ce qu’on a vécu est un petit Capitole, un blocage d’une institution de la République par une foule corporatiste et égoïste », appuie son adjoint Marc Hoffsess, assis à sa gauche. « Visiblement, manifester pour la fin du massacre à Gaza serait plus dangereux que de bloquer une institution », relance l’élu en faisant référence au blocage de plusieurs lycées quelques jours plus tôt, lors duquel les forces des l’ordre sont intervenues beaucoup plus rapidement.
La remarque de l’adjoint en charge de la transformation écologique provoque l’ire de l’opposition, qui se range derrière la profession des forains. « Cette manifestation était annoncée, déclarée en préfecture ! », rétorque Anne-Pernelle Richardot (PS), relevant que des agents et agentes de l’Eurométropole avaient été prévenues en amont de l’éventualité d’un blocage.
S’ensuit un débat de plus d’une heure où l’opposition reproche pêle-mêle le manque de considération, d’écoute, de solutions offertes aux forains, insistant notamment sur l’absence des membres du groupe Strasbourg écologiste et citoyenne sur les barricades. En face, la maire et plusieurs de ses adjoints reprochent à l’opposition d’être trop complaisante avec les forains. « Il ne s’agissait pas d’une simple manifestation, mais du blocage du centre administratif d’une grande ville française (…) Vous êtes en train de cautionner des actions violentes. Quand on est un élu de la République, on respecte les lois de la République ! », martèle Jeanne Barseghian pour clore le débat.
Charte du parc naturel urbain
Après ce long débat, la première délibération sur la modification de la charte du parc naturel urbain (PNU) a été examinée un peu avant 20 heures. Inspiré par l’organisation de la fédération des parcs naturels régionaux, le parc naturel urbain regroupe deux espaces de nature en ville, autour de la rivière de la Bruche dans l’ouest de Strasbourg et de celle de l’Ill dans le nord de Strasbourg. Sept quartiers sont concernés : la Robertsau, le Wacken et le Conseil des XV (pour l’Ill) et la Montagne verte et l’Elsau (pour la Bruche).
Cette troisième version de la charte a plusieurs objectifs : « donner plus de poids » à la voix des habitants impliqués dans la mise en valeurs de ces zones, mieux mettre en valeur « le patrimoine naturel et bâti » du PNU, mieux le faire connaître et multiplier les actions dans les zones identifiées. « Cette délibération ouvre la possibilité d’étendre le PNU à une troisième zone autour du Rhin tortu (un cours d’eau traversant la Meinau et le Neuhof, NDLR) », explique Marc Hoffsess. « Ce sera aux associations de se mobiliser et de construire leurs projets autour de ce parc. »
Le point est adopté à l’unanimité avec 61 voix pour, au terme d’un débat très consensuel.
Relance du CSC de l’Elsau
Après l’ouverture d’une enquête de police pour conflit d’intérêts autour du centre socio-culturel (CSC) de l’Elsau, puis l’annonce de la liquidation judiciaire de son association, la municipalité présente une nouvelle délibération visant à relancer l’activité du CSC. Lors du précédent conseil municipal, le 17 mars, l’exécutif a créé déjà trois postes pour soutenir l’ossature de la nouvelle structure. La majorité écologiste propose désormais de financer deux projets : l’ouverture d’un accueil périscolaire et extrascolaire dès juillet, pris en charge par la Ligue de l’enseignement et la création d’un espace d’insertion professionnelle, orchestrée par l’association Dacip.

Bourses d’aides aux auteurs de livres
Un mois après la fin de l’évènement « Strasbourg capitale mondiale du Livre », la délibération attribuant à des auteurs et autrices de Strasbourg une bourse d’aide a été votée. En tout, une somme de 77 000€ était destinée à 16 projets, choisis par un jury de huit experts parmi 130 dossiers de candidatures.
Parmi les dossiers sélectionnés, on retrouve l’histoire familiale de Jeong-In Mun, une illustratrice et autrice de BD diplômée de la Haute école des arts du Rhin. Intitulée Long souffle, sa bande dessinée exposera l’histoire de sa grand-mère coréenne, travaillant comme « Haenyo », des femmes plongeuses en apnée de l’île de Jeju. On y retrouve également le fanzine intitulée FRED, construit comme un « cadavre exquis narratif », ou l’adaptation de la bande dessinée « L’île aux vélos », de l’autrice Ariane Pinel en « mini-spectacle », fonctionnant avec une « boîte à manivelle artisanale ». N’étant pas retenu par l’opposition à la lecture de l’ordre du jour, le point a été adopté sans vote.
Partenariat entre l’Eurocorps et la Ville de Strasbourg
Une autre délibération propose l’adoption d’un partenariat entre l’état-major du Corps européen et la Ville de Strasbourg. Il se donne pour but de « faciliter la coordination entre les services
compétents » des deux institutions et « ouvrira des possibilités de collaboration », sans être plus précis sur la nature de ces collaborations. Plus concrètement, des « réunions régulières » seront prévues entre les deux administrations, ainsi qu’une rencontre annuelle entre la maire de Strasbourg et le commandant de l’Eurocorps. Le point a été adopté d’emblée.
La prochaine séance, dont l’ordre du jour risque d’être particulièrement fourni, se déroulera le 23 juin.
Chargement des commentaires…