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Au tribunal administratif, la concession du GCO estimée valide malgré la contestation

Devant le tribunal administratif de Strasbourg mercredi, le rapporteur public a estimé qu’il n’y a pas lieu d’annuler le contrat de concession du Grand contournement ouest de Strasbourg (GCO). Mais il a confirmé l’intérêt à agir d’Alsace Nature, appuyée par la commune de Vendenheim, ce qui annonce d’autres combats juridiques. Les juges se prononceront à la fin du mois.

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Au tribunal administratif, la concession du GCO estimée valide malgré la contestation

Mercredi matin, lorsque le rapporteur public a entamé son exposé devant le tribunal administratif de Strasbourg, une dose d’espoir a d’abord traversé le public, composé d’un bataillon d’opposants au Grand contournement ouest (GCO). Avant de faire part de ses conclusions, Henri Simon s’est plongé dans l’historique du dossier « contesté et contestable », dont les prémices sont datés de 1973.

Il a même invoqué Nicolas Sarkozy, qui en 2007 expliquait que les infrastructures de transports ne pouvaient pas ignorer le défi climatique (« La priorité ne sera plus au rattrapage routier, mais au rattrapage des autres modes de transports », déclarait alors celui qui était le chef de l’Etat), le rapport Duron de 2013, où le GCO devient un projet « de seconde priorité » (2030-2050) ou encore « les doutes » exprimés dans la décision du Conseil d’État en 2010, qui avait validé la déclaration d’utilité publique de 2008, en dépit des conclusions défavorables du rapporteur public à l’époque.

Un moment très attendu

Mais un rapporteur public n’est pas là pour faire de la politique ou pour juger de l’efficacité d’un projet routier. En l’espèce, il doit déterminer si le contrat en lui-même (et non la manière dont il est exécuté) est conforme au droit ou non, comme l’estiment l’association écologiste Alsace Nature et la commune de Vendenheim.

Le rapporteur public est indépendant. Il est sensé éclairer la décision des juges, à l’aide d’arguments juridiques. Ses conclusions sont souvent suivies par le tribunal. Sa prise de parole était donc très attendue, puisqu’il s’agit de la première audience de la justice administrative concernant le GCO nouvelle mouture.

Tout le monde n’a pas trouvé de place assise au tribunal administratif de Strasbourg quand il a été question du GCO (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Alsace Nature peut continuer de déposer des recours

Sur la forme, il a conclu qu’Alsace Nature avait bien un « intérêt à agir », puisque ses statuts visent la protection de l’Environnement et que pour Henri Simon, il parait évident que le contrat du GCO va avoir un impact écologique. Comme exemples, il indique que le contrat demande à Vinci de verser 500 000 euros à la politique 1% paysage et développement (sauf que cette somme représente plutôt 0,1% du montant total du projet) ou demande au concessionnaire de réutiliser au moins 80% des matériaux naturels qu’il va remplacer par du bitume. Vinci conteste cependant cet « intérêt à agir » d’Alsace Nature.

Si cette conclusion est suivie par les juges, ce sera un premier motif de satisfaction pour Alsace Nature qui a prévu plusieurs recours dans les mois à venir, notamment sur les compensations pour la nature que Vinci doit fournir. Comme il s’agira de mesures concrètes et non plus d’un contrat, cet intérêt à agir devrait être plus facile à justifier…

Des arguments pas assez forts pour demander l’annulation

Sur le fond en revanche, les conclusions du rapporteur public ont moins plu aux opposants du GCO. Henri Simon a plusieurs fois déclaré qu’Alsace Nature « se trompe de guerre ».

Il a estimé que les changements entre le projet soumis à enquête publique et celui qui est décrit dans le contrat (emplacement de l’aire de service, élargissement possible à 2×3 voies par l’extérieur et non par l’intérieur, hauteur du viaduc à Vendenheim passée à 16 mètres, l’ajout d’un pôle multi-modal et d’une aire de stockage de poids-lourds), sont « non-substantiels » par rapport à l’ampleur du projet. Et donc que les mesures compensatoires prévues sont tout aussi valables.

Visualisation aérienne du viaduc de Vendenheim, au nord du tracé (Capture d’Ecran Alsace 20 / En route pour le COS)

Financement et péage en débat

Les parties prenantes ont aussi parlé d’argent. D’une part, Alsace Nature conteste la capacité de Vinci à financer le projet, puisque dans le plan de financement, le prêteur est Vinci Finance international et que d’après des articles de presse, il n’a été bouclé quelques semaines avant la signature du contrat, alors que les autres concurrents ont été écartés, « une irrégularité » selon l’association.

Mais pour le rapporteur public, au contraire, « aucun élément ne permet d’en douter [de la capacité de financement]. Si Vinci n’en a pas les capacités, qui d’autre ? » Du côté de Vinci, Me Fleur Jourdan, du cabinet Gide Loyrette Nouel, estime que ses opposants font « une confusion entre la capacité et le plan de financement. »

Sur le terrain, l’opposition est matérialisée par des cabanes sur le tracé. (photo JFG)

Sur les péages (environ 3,50€ par passage pour une voiture et jusqu’à 10 euros pour un poids-lourd), le rapporteur public estime qu’Alsace Nature n’a pas démontré assez clairement en quoi l’augmentation des prix aux heures de pointes aurait un impact sur l’environnement. Pour Me Marion Badoc, de l’étude de Me François Zind, l’avocat d’Alsace Nature, c’est un problème de point de vue :

« La modulation des prix prend seulement compte la situation des usagers (à savoir leur type de véhicule et les horaires), pas la résorption de trafic. »

Ce qui n’est pas l’avis de son adversaire du jour Me Fleur Jourdane :

« Sur la tarification, l’article 25.6.3 du contrat fixe la possibilité de la modifier selon la quantité de polluants émis. »

Décision le 29 mars

À la sortie de l’audience, Maurice Wintz, vice-président d’Alsace Nature, a estimé que les conclusions du rapporteur public peuvent être interprétées comme une sorte d’encouragement :

« Il estime que nos arguments ne sont pas assez détaillés, notamment car on n’a pas eu accès à toutes les informations (Alsace Nature avait reçu des annexes en partie noircies, ndlr). »

Le Ministère de l’Environnement n’a pas envoyé de représentant à l’audience. La décision du tribunal administratif est attendue pour le 29 mars.


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