
Une compagnie de théâtre strasbourgeoise réussit à faire exfiltrer une poétesse afghane et sa famille
En mai 2019, la compagnie La Soupe, de Strasbourg, avait produit « Je Hurle », un spectacle sur la parole des femmes afghanes à partir des poèmes de Kamila G. Directement menacée de mort par les talibans, le couple de comédiens a tout mis en oeuvre pour exfiltrer la poétesse et sa famille proche. Avec succès.
Depuis plusieurs semaines, les deux membres de la compagnie strasbourgeoise La Soupe vivent au rythme des avancées des talibans en Afghanistan. En 2019, Yseult Welschinger et Éric Domenicone avaient produit « Je Hurle », un spectacle intime (voir la chronique de Rue89 Strasbourg), mettant en scène les poèmes de deux afghanes écrasées par le poids d’une société traditionnaliste, religieuse et patriarcale. Kamila G. et une autre poétesse avaient fait le déplacement jusqu’à Strasbourg pour les représentations du spectacle au Taps, un voyage qui, elles le savaient, les condamnaient à mort aux yeux des talibans.
Le 6 mai, dans une région déjà contrôlée par les talibans, une connaissance de Kamila G. est sommée par les djihadistes de communiquer son adresse à Kaboul. Devant son refus, cette personne est abattue. Kamila G. cherche alors à fuir l’Afghanistan et se rapproche de l’ambassade française. Mais les procédures traînent tandis que la progression des talibans est fulgurante.
Une quinzaine d’Afghans à faire sortir d’urgence
Yseult Welschinger et Éric Domenicone sollicitent alors l’ensemble de leur réseau pour venir en aide à la poétesse et à sa famille. C’est le début d’une course contre la montre entre les services de l’ambassade de France à Kaboul, les élus locaux dont Jean Rottner, président de la Région Grand Est et Syamak Agha-Babaei, premier adjoint à la maire de Strasbourg, et les service de l’État en France. Car il faut sauver Kamila G. mais aussi son mari et leurs cinq enfants, dont deux sont mariés et ont eux-mêmes des enfants, soit en tout quinze personnes, 9 adultes et 6 enfants dont un bébé.
Dimanche 15 août, les talibans sont aux portes de Kaboul et le gouvernement local s’effondre. La famille vient d’obtenir des visas mais n’a aucun moyen de sortir du pays. Yseult Welschinger et Éric Domenicone achètent alors « à prix d’or » des billets d’avion pour rejoindre Paris, via la Turquie. Las, ces avions ne décolleront jamais, en raison du chaos qui envahit l’aéroport Hamid Karzaï à ce moment là. La famille quitte son domicile et se réfugie à l’ambassade, en espérant que la France pourra les exfiltrer par ses propres moyens.
Ce qui est le cas, les quinze membres de la famille ont été convoyés de Kaboul à Abu Dhabi en avion militaire, puis des Émirats arabes unis vers la France en avion de ligne affrété par le ministère des Affaires étrangères.

L’État se mobilise pour accueillir les réfugiés afghans
« On a suivi tout ça minute par minute depuis dimanche via les messageries Signal et WhatsApp », indique jeudi matin Yseult Welschinger, alors qu’elle est sur la route vers l’aéroport de Roissy pour accueillir une partie de la famille afghane. Elle et son compagnon ont mis en œuvre une chaîne de solidarité ultra-locale depuis Kolbsheim, où ils habitent, pour accueillir, ramener et héberger ces quinze personnes. Un effort finalement inutile puisqu’ils ont appris jeudi soir que tous les réfugiés de Kaboul étaient pris en charge directement par l’association France Terre d’Asile, missionnée par le ministère des Affaires étrangères pour accueillir ces réfugiés.
Les quinze membres de la famille afghane ont finalement pu arriver à Paris dans la soirée et la nuit de jeudi. Placés en quarantaine pendant une dizaine de jours dans un hôtel au nord de Paris, ils devraient se voir attribuer une place d’hébergement au sein du dispositif de l’État. Bien que la ville de Strasbourg soit volontaire pour accueillir une partie des réfugiés afghans, la répartition dans les centres d’hébergement de France est menée par l’État en fonction des capacités d’accueil.
"Je Hurle:
Mon corps m’appartient, d’autres le maîtrisent.
« J’ouvre les yeux
Et je rêve.
Plus de pleurs, plus de peurs
Je te le dis !
Plus de pleurs, plus de peurs
Pour que tu ne puisses plus seulement dire de moi :
Tu n’es rien qu’une femme !
Regarde toi,
Toi qui me tiens en laisse.
Tu as des yeux. Moi aussi.
Tu as une voix. Mais moi aussi.
Tu peux hurler et moi aussi. »
« La poésie Pashto que nous avons découverte, n’est pas une poésie qui se veut langoureuse,
mélancolique, romantique. C’est une poésie de l’urgence une poésie de l’instant. Ce sont les cris de
femmes qui tentent de se mettre debout. » Magali Mougel"
D'autres résistantes afghanes nous alertent comme Sonita.
https://www.francetvinfo.fr/monde/afghanistan/sonita-jeune-rappeuse-afghane-le-rap-etait-un-moyen-pour-raconter-ma-vie-raconter-la-violence-des-traditions-et-de-la-guerre_1867997.html
Mais où peuvent se réfugier les femmes qui sont menacées , dans le quotidien, chez " nous", chez "elles"?