

Les enfants de Koenigshoffen verront-ils un tram autre que celui bricolé par des manifestants ? (Photo Christian Laemmel)
Ces projets en rade (2). Les prémices d’un tramway de l’ouest au nord de Strasbourg remontent à 2004. Mais depuis 2013, plus de nouvelle de ce projet. Les investissements repoussés suite aux difficultés budgétaires de l’Eurométropole ont achevé d’enterrer ce tracé pour longtemps. Au nord, les élus n’en veulent plus. À l’ouest, les habitants restent mobilisés.
“Le tram Vendenheim-Wolfisheim ? C’est un projet qui ne se fera pas avant quinze ans. La règle c’est que tout chantier qui n’est pas entamé ne se fera pas lors de ce mandat”.
Voilà comment le maire de Schiltigheim Jean-Marie Kutner (UDI), qui siège également à l’Eurométropole (ex-CUS), résume la situation. Du côté de Vendenheim, on explique que le projet « n’est plus d’actualité ». À l’ouest, c’est plus compliqué.
Le tramway vers l’ouest et le nord de Strasbourg est ce que l’on appelle « un gros dossier ». D’abord inclus dans le cadre d’un tram-train vers la Bruche et le Piémont des Vosges un temps annoncé pour… 2008, il est ensuite imaginé sur pneumatiques, moins cher que ceux sur rails de fer, comme ailleurs à Strasbourg.
Les habitants, échaudés par les soucis rencontrés à Caen et Nancy, l’ont vu comme un tram « au rabais », moins pratique, moins beau, et qui creuse les routes. Après une mobilisation, il est décidé en 2013 qu’il s’agira de deux lignes distinctes, toutes deux via le centre et sur fer. Mais depuis une délibération de juillet 2013 à la CUS, aucune avancée n’est à signaler.

Un toile d’araignée sur un panneau directionnel lors de la manifestation du 11 juillet (Photo Christian Laemmel)
L’extension vers Koenigshoffen pourtant une promesse des municipales
Candidat à sa réélection en 2014, le maire Roland Ries (PS) s’engageait dans son programme sur la première partie du tracé :
« Nous mènerons à terme les projets d’extension de tramway, d’ores et déjà à l’étude, pour une meilleure desserte de Koenigshoffen, Illkirch, Schiltigheim, la Robertsau et Kehl. »
Les rails vers la mairie d’Illkirch-Graffenstaden sont posés et les travaux vers Kehl avancent. Mais les autres extensions n’ont pas débuté. Jean-Pierre Hecker, membre du collectif pour un tram sur fer à l’ouest de Strasbourg, se rappelle que tous les candidats s’étaient dits favorables à ce projet. Dans le programme, pas d’indication sur les communes d’Eckbolsheim, Wolfisheim (à l’ouest) et Vendenheim (au nord) cependant.

A la CUS ou dans le quartier, les élus se sont succédés, mais le tramway n’avance pas. Les manifestants proposaient de faire tourner la roue de l’infortune. (Photo Christian Laemmel)
Lors de notre interview participative avec Roland Ries, un lecteur avait demandé si le projet verrait le jour avant la fin du mandat, en 2020. Le maire avait répondu que ce dossier fait partie « des arbitrages », car certains investissements doivent être repoussés en raison des difficultés budgétaires. Un signal plutôt négatif quand on sait que les élus aiment réaffirmer qu’un chantier est prioritaire, comme le tram vers Kehl en 2017, quand c’est le cas.
Mais deux ans après la délibération et plus d’un an après les élections municipales, les cartes ont été rebattues. Les nouveaux maires au nord (Schiltigheim et Vendenheim) ne sont pas favorables à cette ligne, tandis que la partie ouest (Koenigshoffen-Eckbolsheim-Wolfisheim) s’impatiente.
À l’ouest, on veut toujours du tram
Samedi 11 juillet se tenait une manifestation festive à Koenigshoffen pour rappeler leurs promesses aux élus. Une centaine de personnes y ont participé à un moment ou un autre, selon les organisateurs. Un résultat qu’ils jugent « satisfaisant » compte-tenu des vacances et du pont du 14 juillet, surtout qu’il s’agissait d’un dossier sans actualité.
L’opposition de droite s’est également rendue à l’événement, dans ce quartier plutôt à gauche, mais où l’écart se réduit. Fabienne Keller (Rép) et Jean-Emmanuel Robert (Rép) ont fait le déplacement. Les slogans étaient assez virulents : « Roue de l’infortune », « Arlésienne », « et nous ? », « pour l’écologie ! », « ça fait 15 ans qu’on attend », « pour les retraités ! ».
Malgré l’événement, le porte-parole du collectif, Pierre Ozenne, n’a pas eu de nouvelles de l’exécutif local :
« Les études de faisabilité sont terminées depuis des années. La première des revendications, c’est de démarrer l’enquête publique où plusieurs itinéraires seront présentés. Chacun pourra exprimer son opinion et l’enquêteur indépendant indiquera ensuite sa préférence, avant que le préfet ne déclare l’utilité publique de la ligne, valable 5 ans renouvelables une fois. Mais nous n’avons aucune information sur les avancées. »
S’il y a bien quelques commerçants qui se disent opposés au tramway, le collectif pour le tram réunit de nombreuses associations de ce quartier comportant 30 000 habitants.
Moins cher que le tram vers Kehl, arguments en pagaille
À Eckbolsheim, Guy Spehnner (sans étiquette), adjoint au maire en charge des grands projets urbains s’impatiente aussi, d’autant plus que la nouvelle zone d’aménagement concertée (ZAC) Jean Monnet va faire venir de nouveaux habitants. Il met en avant qu’il n’y a pas de gros travaux à réaliser sur le tracé. Pas de nouveau pont, pas de nouvelle route à construire.
En filigrane des protestations, le choix du tram vers Kehl et ses 120 millions d’euros pour deux kilomètres questionne. La municipalité a toujours justifié la ligne vers Kehl par le fait que le quartier du port du Rhin a été trop longtemps délaissé et isolé. Lors de notre enquête sur le quartier du Port du Rhin en septembre 2014, les premiers retards sur les chantiers étaient déjà perçus comme un nouvel abandon par des habitants. Mais lors de la campagne Roland Ries candidat s’était défendu dans Le Point en affirmant que les deux lignes seraient inaugurées en même temps.
À l’ouest, la dernière étude de faisabilité date de 2011. Obtenue difficilement, elle avance le montant de 87 millions d’euros pour 6 kilomètres, jusqu’au terminus de Wolfisheim. Mais en s’arrêtant d’abord à Koenigshoffen (parc des Poteries ou rue de Wasselonne), le tramway aurait déjà effectué les trois quarts du chemin. La ligne irait dans un premier temps jusqu’à Koenigshoffen, puis ensuite vers Wolfisheim. Une construction en deux temps correspond à une des annonces de 2013.
Un ancien document de la CUS qui évoque la réalisation des tracés en deux phases
De plus, en 2015, Roland Ries a déclaré dans un atelier du tramway, que la construction d’un tramway aujourd’hui pouvait coûter 40% moins cher qu’avant.
Autre crainte d’ordre financier, l’État français a promis une subvention de 8 millions d’euros si 25% des travaux sont réalisés avant le 31 décembre 2017. Un délai qui pousse les supporters du tram à presser les décideurs d’agir, même si cette dotation pourrait être renouvelée plus tard.

Les habitants de Koenigshoffen aimeraient aussi être usagers et pas seulement contribuables du tramway (Photo Christian Laemmel)
« Plus à l’ordre du jour » au nord, à Vendenheim et Schiltigheim
Au nord, une meilleure desserte de Strasbourg ne se fera pas grâce au tram, les nouveaux maires étant opposés au tracé proposé jadis. Mais on pense doucement à d’autres alternatives comme l’explique le maire de Schiltigheim Jean-Marie Kütner :
« Je suis contre ce tracé, contrairement à mon prédécesseur, car il bloquait la circulation et les commerces. J’ai d’ailleurs fait de bons scores dans les bureaux de vote des secteurs où le tram devait circuler… Je pense que ce serait plus intelligent de prolonger le bus à haut niveau de service de la gare à l’espace européen de l’entreprise (BHNS – ligne G) vers Vendenheim. En revanche, un prolongement des Halles à l’entrée de Schiltigheim vers l’usine Fischer qui sera reconvertie en logements pourrait être utile. »
Les collectifs de riverains sont aussi peu mobilisés sur ce sujet. Pierre Schwartz, conseiller eurométropolitain de Vendenheim (DVD), aimerait aussi que sa commune soit reliée autrement à Schilitgheim et Strasbourg :
« Un tram mettait 35 minutes pour rejoindre Strasbourg, son intérêt est limité. Ce qu’il nous faudrait c’est une liaison avec Schiltigheim. Si c’est un bus, c’est déjà bien, un bus à haut niveau de service (BHNS) c’est encore mieux et un “RER” strasbourgeois ce serait idéal. À force d’être répétée, cette demande a été entendue à l’Eurométropole, mais il n’y a pas de calendrier. »
Le Contrat Plan Etat Région 2015-2020 prévoit la mise en service d’une quatrième voie de train entre Vendenheim et Strasbourg (pages 37 et 39). Et avec les abonnements CTS qui permettraient de voyager dans l’ensemble des gares de l’Eurométropole en décembre, l’idée d’un train de banlieue au nord et à l’ouest de Strasbourg émerge timidement, couplé à d’autres offres de transports, plus rapides à mettre en œuvre. Mais il n’y a pas de gare à Koenigshoffen.
Une bataille sur le tracé vers l’ouest ? Cliquez sur les lignes pour plus d’informations.
L’hypothèse de travail actuelle est un « débranchement » de la ligne F ou B à hauteur du Faubourg national. Problème, le tracé traverserait l’espace où se tient le marché et d’autres manifestations (comme des vide-greniers). L’association des habitants du quartier gare (AHQG), qui a fait connaître sa surprise par communiqué. Mais chaque extension du tram a valu son lot de réaménagements. Plusieurs lieux de substitution ont été évoqués aux DNA (musée d’art moderne, école sainte Aurélie voire Laiterie).
Le collectif de Koenigshoffen préférerait un prolongement de la ligne C actuelle pour pouvoir aller à la gare comme au centre et sans modifier l’espace dévolu au marché. Selon des techniciens, il n’est pas possible de traverser la place de la gare, car avec les galeries souterraines, elle ne supporte pas le poids de plusieurs tramways. Un argument que réfute Pierre Ozenne :
« Places de l’Homme de Fer et Kléber, il y a un parking souterrain, alors que ces places sont bien plus anciennes que celle de la gare réaménagée en 2007 pour l’arrivée du TGV. Une route doit pouvoir supporter un camion de 44 tonnes, où le poids par roues est de 4,4 tonnes, contre 3,75 tonnes (76 tonnes sur 20 roues). »
Le porte-parole soutient les réaménagements proposés par Écocité, une association citoyenne de débat et de propositions d’idées d’aménagement, dont il est également membre.
Au sein de Koenigshoffen même, ce sont deux options que devra trancher l’enquête publique : un tracé qui dessert le maximum d’habitants (par l’allée des Comtes et la rue Virgile au nord) ou les commerçants (route des romains au sud).
La proposition d’Ecocité
Ce plan propose que plusieurs lignes se séparent en deux à la fin, afin de mieux couvrir le territoire strasbourgeois :
- La ligne D est supprimée entre Poteries et Homme-de-Fer, car déplacée vers Schiltigheim. Ainsi, elle ferait Schiltigheim <=> Kehl, via Homme-de-Fer et Neudorf, avec une branche vers le Neuhof « allée Reuss » également (sorte de « Y » à l’Est).
- La ligne C est prolongée depuis la gare, jusqu’au Poteries: De là, un tram C sur 2 irait à « Parc des Sports » et un tram C sur 2 effectue son terminus provisoire aux Poteries, dans l’attente d’une extension vers Wolfisheim.
- La ligne A est maintenue mais modifiée à partir de « Dante » à Hautepierre: De là, un tram A sur 2 irait à « Parc des Sports » et un tram A sur 2 effectue son terminus provisoire aux Poteries, dans l’attente d’une extension vers Wolfisheim.
- La ligne G (BHNS) est prolongée jusqu’à la place de l’Étoile avec un couloir de bus.
Pour l’Eurométropole, il est en tout cas « prématuré » de parler de ce projet à ce jour.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur l’ancien tram sur pneus
Sur Rue89 Strasbourg : notre série d’été « ces projets en rade »
Personne n'a le droit d'imposer un diktat comme le fait si bien les verts pas si verts que cela..
Bref le silence des élus strasbourgeois ressemble a si méprendre a un mépris envers les habitants de l'ouest de Strasbourg, Un silence embarrassant et injustifié ..
Quant aux querelles politiques, elles n'existent pas. Rappelez-vous: la quasi totalité des responsables de nos partis politiques sont d'accord pour ce tram, de surcroît "sur fer". La décision a été voté à l'unanimité au Conseil Municipal de Strasbourg le 07-07-2013 puis en Conseil de CUS le 12-07-2013. En comparaison, cela n'a pas été du tout le cas pour le tram de Kehl.
Ensuite, et je suis d'accord avec vous, si mépris, silence embarrassant ou injustifié il y a, voyons du côté de ceux qui martèlent sans relâche que rien n'est décidé, que le financement reste à boucler, que les études sont en cours, que le tracé n'est pas défini, etc... 2 ans que ça dure !
Il me semble que c'était tout le but de ce rassemblement : rappeler aux responsables politiques leur promesse électorale, leur engagement pris et l'application de leur décision votée.
2- la collectivité (le peuple) a officiellement validé le tracé, le budget et le calendrier en 2013. Les premiers rails devaient être posés en octobre 2014.
3- les études pour arriver à ce résultat honorable ont au moins couté 500.000,00 euros tous frais confondus.
4- les élus (et non pas le peuple!) n’exécutent pas la délibération votée par le peuple. Devons-nous reprendre la Bastille?
Simplement pour rappel, les habitants de Koenigshoffen ont amplement transmis leurs objections argumentées lors des concertations publiques, au point que les élus ne pouvaient tout simplement plus camper sur leurs positions avec des pseudo-arguments bidons.
1) Le tram sur pneus représentait une telle calamité pour Caen et Nancy, que même son concepteur Bombardier a jeté l'éponge. Il n'était pas question de se retrouver dans la même situation à Strasbourg avec le Translohr, et son constructeur unique à Duppigheim. Un risque technologique autant qu'économique irresponsables.
2) Malgré une conception quelque peu différente, "qui n'a rien à voir" disait-on, le Translohr a vu sa réputation ternie en alimentant régulièrement les faits divers à Clermont-Ferrand: depuis le célèbre incident lors de son inauguration, où sa mise en service a été reportée, puis de déraillements en incendie, jusqu'à la réfection complète et renforcement de la piste qui a perturbé les circulations de cet engin pendant 6 mois dont un arrêt total de son service durant 6 semaines. Tout cela après seulement 7 ans d'exploitation.
3) La RATP a demandé -et obtenu- de Lohr que ce matériel soit au même niveau que ses autres trams sur fer, ce qui a entraîné un surcoût sans commune mesure avec les valeurs jusque-là affichées. Aurions-nous eu ce poids? Cette volonté?
En résumé, si extrémistes y avaient, ce n'était certainement pas du côté des tenants du tram sur fer.
ps : c'est le sujet
"La ligne C est prolongée depuis la gare, jusqu’au Poteries: De là, un tram C sur 2 irait à « Parc des Sports » et un tram C sur 2 effectue sont terminus provisoires aux Poteries, dans l’attente d’une extension vers Wolfisheim.
La ligne A est maintenue mais modifiée à partir de « Dante » à Hautepierre: De là, un tram A sur 2 irait à « Parc des Sports » et un tram A sur 2 effectue sont terminus provisoires aux Poteries, dans l’attente d’une extension vers Wolfisheim."
Et merci pour l'article :)
Actuellement le réseau ressemble plus à une étoile que à un maillage.
Je trouve le projet d'écocité logique mais peut-être que la municipalité ne veut pas l'étudier car ne venant pas de chez eux.
On s'endort, La Tribune du 18 juin dernier dit de Strasbourg 9ème ville de France pour son attractivité (elle recule) qu'elle est "trop institutionnelle" !
Et pourtant les budgets d'investissements sont tenus ? Mais que fait-on avec cet argent ? Des routes, des rues, des places et des immeubles, plein d'immeubles partout ou c'est possible.
Nous avons oublié que la ligne A du Tram a été réalisée pour lutter contre la pollution de l'air et les premiers pics d'ozone mesurés alors.
Nos "vieux" élus ont "liquidé" leurs ambitions et gèrent leurs rentes électorales de manière fort triste. Les pics de pollutions ont la vie belle si on prend note des propos de M. le Maire de Schiltigheim.
Souvenez-vous de l'affiche de M. Ries durant sa campagne, celle qui reprenait sa photo des années 70 et son engagement au Parti Socialiste Unifié... triste promotion, seulement marketing, sans fond.
Avec ses camarades de gauche et les copains de droite, ils mènent notre ville déjà "trop institutionnelle" aux abimes de l'absence de vision politique.
En 2020 nous devions pouvoir élire directement nos élus communautaires. Ce n'est plus le cas depuis les dernières discussions de la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) adoptée sur la base d'un accord liant le Sénat (majorité à droite) et l'Assemblée Nationale (majorité à gauche).
Je n'ai jamais été adepte de la 6ème République surtout vu ceux qui soutiennent ce projet, mais aujourd'hui, il semble tellement nécessaire de donner un coup de pied au fesse des partis...
Depuis qu'il a reçu son "fromage", une vice-présidence à l'Eurométropole (certes les cimetières, promotion symbolique...), il semble être rentré dans le rang de la "grande coalition" qui gère l'agglomération strasbourgeoise.