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Détournements à la Coop : Yves Zehr seul au monde

Yves Zehr n’est pas un homme abattu. Très combatif, l’ancien PDG de Coop Alsace a tenu tête au procureur et à la présidente du tribunal mardi lors de la première journée de son procès. Il n’a rien cédé, on ne sait rien de plus sur les destinataires des sommes détournées. Yves Zehr s’est même payé le luxe de jeter le trouble sur d’autres pratiques douteuses au sein de la Coop. Suivez le compte-rendu de la 2e journée en direct sur Rue89 Strasbourg.

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Yves Zehr et son épouse, entouré de leurs conseils, Me Bernard Alexandre et Me Arnaud Friederich (Photo PF / Rue89 Strasbourg / CC)

Yves Zehr et son épouse, entouré de leurs conseils, Me Bernard Alexandre et Me Arnaud Friederich (Photo PF / Rue89 Strasbourg / CC)
Yves Zehr et son épouse, entouré de leurs conseils, Me Bernard Alexandre et Me Arnaud Friederich (Photo PF / Rue89 Strasbourg / CC)

Dès l’énoncé des faits, le débat était posé. Pour Yves Zehr, ancien PDG de la Coop prévenu d’abus de bien social, de faux et usage de faux et de blanchiment, il n’y a pas eu de « détournements ». Sortir des sommes en liquide du coffre fort de l’hypermarché Coop de Geispolsheim, 1,357 million d’euros en cinq ans quand même, pour les remplacer par des bons d’achats qu’il se faisait lui-même éditer par sa secrétaire dévouée, ça n’a rien à voir avec des détournements, tout au plus des « maladresses répétitives [qu’il] n’a pas eu le courage de rectifier. »

Alors évidemment, cette posture a un brin énervé le procureur de la République, Brice Raymondeau-Castanet. Pour lui, Yves Zehr a bien profité de ce système qui lui permettait de se servir directement dans un coffre sans cesse garni, sans éveiller la moindre question et même sans trace comptable suspecte ! Sinon, comment expliquer les versements d’argent liquide constants sur son compte en banque (142 100€ en 2007, 132 700€ en 2008… plus de 600 000€ entre 2007 et 2012) ?

Pour Yves Zehr, cet argent venait de son activité de marchand d’art :

« Depuis l’âge de 18 ans, j’achète et je revends. J’ai plusieurs spécialités, par exemple beaucoup de statues en terre cuite sortent de Chine. La terre cuite, ça n’intéresse pas les Chinois. Alors je les achète à bon prix et je les revends avec un certain bénéfice. Je n’ai pas de facture ni de certificat d’authenticité, les acheteurs et les vendeurs me font confiance. Ainsi, j’ai acheté 10 000F un masque colima en or à la soeur d’une compagne d’un neveu… »

Yves Zehr a néanmoins produit quelques pièces, indiquant qu’il avait réalisé des ventes à Hong Kong en 2010, 2011… Des pièces qui surgissent bien tard dans ce dossier, étrangement inaccessibles aux enquêteurs pendant un an, ce qui a le don d’agacer le procureur de la République et la présidente du tribunal, Dominique Lehn :

« Ces ventes ont généré environ 80 000€, on est encore loin du compte pour expliquer 991 000€ de dépôts d’espèces entre 2002 et 2012 ! Et comment ces pièces ont-elles été exportées et importées ? Où sont les documents de douane ? Où sont les factures ? »

Yves Zehr est resté évasif, provoquant des sautes d’humeur chez le procureur, en indiquant tour à tour qu’il ne gardait pas les factures de plus d’un an ou que tous ses papiers étaient à Coop Alsace et qu’ils ont mystérieusement disparus.

Marie-Louis Zehr, une femme d’exception

En désespoir de cause, Brice Raymondeau-Castanet s’est raccroché à Marie-Louise Zehr, prévenue de recel de blanchiment à titre habituel, c’est à dire accusée d’avoir profité de l’argent détourné. Si Yves Zehr refuse de dire à qui il achète, à qui il vend et d’où vient cet argent, peut-être le savait-elle, vu qu’elle voyait sans cesse débarquer dans sa maison ses « figurines » comme elle les appelle. Chou blanc. Marie-Louise Zehr ne sait rien, ne voit rien, ne s’intéresse à rien et surtout ne demande rien. Même le tableau de Robert Combas, qui trône sur le lit d’enfant de leur fille, elle ne l’a pas choisi. Robert Combas ? Connais pas.

Devant cette femme qui semble étrangère à sa propre vie, le procureur a tout essayé pour tirer la moindre information de Marie-Louise Zehr, sans succès :

« Quand vous avez vu dans la presse que votre mari était suspecté de détournements pour 1,3 million d’euros, vous n’en avez pas discuté avec lui ?

– Non. Il m’a dit qu’il avait sa conscience pour lui et qu’il pouvait se regarder dans la glace. Ça m’a suffit.

– Et quand les policiers sont venus perquisitionner chez vous, ça n’a rien provoqué comme interrogation chez vous ?

– Non. J’ai une confiance totale en mon mari. La Coopé, l’art, tout ça, c’est son monde. Moi, je suis une femme simple, je m’occupe de la maison. »

« C’était le patron »

D’une manière générale, l’audition de Marie-Louise Zehr a été le point d’orgue d’une série d’auditions qui avaient toutes un point commun : Yves Zehr, PDG, président dans plusieurs associations, administrateur dans plusieurs conseils dont celui du club de basket SIG, faisait comme bon lui semblait. Sa femme ne savait rien, il achetait des oeuvres d’art et les revendait sans lui en parler. Sa secrétaire ne savait rien, elle éditait les bons d’achats au nombre indiqué par Yves Zehr et lui remettait. Son directeur d’hypermarché Jacques Fournier ne savait rien, quand Yves Zehr venait chez lui à Geispolsheim, M. Fournier ne posait pas de question.

Jacques Fournier n’a même rien dit lorsqu’Yves Zehr lui a indiqué qu’il devait accepter des palettes de bouteilles de whisky pour les mettre en rayon, sans les inventorier dans le stock de l’hypermarché. Il n’a rien dit car Yves Zehr, « c’était le patron » et qu’on ne questionne pas le patron. C’est pratique.

Même à la SIG, on ne questionnait pas Yves Zehr. Qu’importe si le contrat de partenariat, pour une somme de 180 000€, n’est pas signé alors que la saison a débuté. Qu’importe que la Coop affiche de sérieuses difficultés, incompatibles avec un tel engagement de sponsoring, et qu’importe même que la direction de Coop Alsace ait clairement indiqué refuser de se lier avec la SIG pour la saison 2011 / 2012 ! Car Yves Zehr a dit « je m’en occupe » et que pour Martial Bellon, président de la SIG, et Philippe Dulieu, responsable marketing, ça suffisait. Et ce n’est pas une lettre d’engagement donnée par Yves Zehr aux dirigeants de la SIG en juin 2012 mais datée du 18 février 2011 qui va les faire douter…

Les commentaires de Michaël Plançon, avocat du comité d’entreprise de la Coop

Les commentaires d’Arnaud Friederich, avocat de Marie-Louise Zehr

Le compte-rendu de l’audience en direct

En outre, le tribunal condamne le couple Zehr à dédommager la Coop à hauteur de 1,4 M€ pour son préjudice matériel, 45000€ pour son préjudice moral et à 15000€ pour les frais de justice.
En outre, le tribunal ordonne la saisie de la maison de Dinsheim sur Bruche, et la saisie des comptes bancaires.
Marie-Louise Zehr est condamnée à 18 mois de prison avec sursis.
Le tribunal condamne Yves Zehr à cinq années de prison, assorti d’un mandat de dépôt.
Le tribunal entre dans la salle.
Le tribunal se retire pour délibérer. La décision du tribunal sera connue ce soir.
Bernard Alexandre refuse les réquisitions du procureur : « M. Zehr a largement contribué à l’économie alsacienne, les demandes de M. le procureur sont invraissemblables. M. Zehr est prêt à recevoir sa peine et à réparer ce qui doit l’être mais il n’y a pas lieu de l’envoyer en prison. Le mandat de dépôt est de trop. M. Zehr a toujours répondu aux convocations, et il n’a jamais cherché à mettre à l’abri son patrimoine. Je m’en remets à votre sagesse madame la présidente. »
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Me Bernard Alexandre conteste ensuite les demandes des parties civiles, notamment les 90 000€ de sponsoring : « S’il y en a un qui a souffert de la couverture de la presse, c’est bien mon client. Je ne pense pas qu’on ait violé les principes coopératifs des Nations Unies, restons sérieux. »
BA : « Et la Coop Alsace est quand même mal fondée de se plaindre sur cette question… Durant toute la saison, la Coop voit son logo sur les maillots des joueurs de la SIG, tous les lundis dans les DNA. Et la COop continue de livrer des knacks avec la régularité du métronome. Coop a envoyé ses 18 cadres et 35 salariés garnir les gradins… Alors il aurait tout de même été étonnant qu’ils refusent ce partenariat ensuite. »
BA : « Lorsque M. Zehr date un document du 18 février 2011, c’est parce qu’il a pris cet engagement à cette date. Alors qu’il était encore président de la Coop, il a pris cet engagement devant Martial Bellon. Il l’a assuré du soutien de la Coop à cette date. Donc lorsqu’il rédige cette lettre, intellectuellement, ce n’est pas un faux. »
BA : « Alors est-ce qu’il s’est rendu coupable d’abus de bien social ? Non, car l’argent distribué a servi à la Coop Alsace, il a entretenu des réseaux en faveur de la Coop, même avec des méthodes illégales. Et dans ce cas, l’ABS n’est pas constitué. »
BA : « Et alors, on lui reproche de ne pas donner des noms, c’est son péché originel. Mais je connais M. Zehr depuis le début de cette procédure et voilà, ce n’est pas son genre. Il ne se sent pas aujourd’hui en mesure de lâcher comme ça en pâture des noms qu’il a côtoyé pendant ses années comme dirigeant. »
BA : « Et ces espèces étaient données en surplus des aides officielles, qui elles étaient nombreuses aussi et parfaitement confirmées. »
BA : « Alors comment ça se passe ces relais d’opinion ? M. le procureur dit ne pas comprendre à quoi ça sert de remettre des espèces… C’est quand même évident. ça sert à s’assurer que des personnes qui sont en capacité d’arranger certaines choses le fassent, voilà. Comme pour les joueurs amateurs de foot, tout le monde sait qu’ils reçoivent de l’argent en liquide. Alors on venait voir Yves Zehr, les maires des petits villages, pour solliciter mon client pour le club de foot. »
Bernard Alexandre : « Et nous avons démontré le système Christ, qui permettait de payer de l’alcool en argent liquide. Donc, certes, je n’ai pas réussi à mettre un reçu en face de chaque mouvement d’espèce. D’accord, mais nous avons démontré que ces systèmes existent. Je ne suis pas aussi insatisfait des auditions que M. le procureur pense que je devrais l’être. »
Bernard Alexandre : « Et à propos des reçus de 1000€ fournis par l’aviron-club d’Erstein, quelle est leur portée ? Ils prouvent que le système de sponsoring tel qu’il a été décrit par Yves Zehr, en argent liquide directement, existe. »
Bernard Alexandre : « Quant aux témoins, je sens peser des critiques sur notre défense parce que les témoins n’ont pas dédouanés M. Zehr. Mais mon client me demande de faire citer ces gens parce qu’il pense qu’ils vont dire au tribunal qu’ils connaissaient le système. Or ils le nient, qu’y puis-je ? Ils connaissaient ce système, ils refusent de le dire au tribunal soit, mais ils ont été les témoins de ce système ! »
Bernard Alexandre : « Alors certes, il ne faut pas le faire, ce n’est pas bien, c’est illégal mais ce n’est pas ça qui est jugé aujourd’hui. Le système existait et il a produit des recettes. Nous avons fourni, très tardivement c’est vrai et ça m’a énervé parce que je savais que ça vous énerverait madame la présidente, des pièces qui indiquent que le système existait ! Peut-on au moins lui accorder ce crédit ? »
Bernard Alexandre : « Et alors sur la vente et les achats d’oeuvres d’art… Alors, là, Yves Zehr a mauvaise presse. Acheter des statuettes à des Chinois de Paris en espèces, ça a un petit côté Tintin, c’est trop ésotérique. Mais Yves Zehr est comme ça, il est un vrai négociant en arts. »
BA : « Et si on l’accuse d’enrichissement, alors il faudrait qu’on le démontre. Sa maison par exemple, on parle d’un château, c’est un pavillon avec piscine à Dinsheim sur Bruche, ce qui est tout à fait normal pour le PDG de Coop Alsace. La maison a été évaluée à 400 000€ par l’expert commandé par l’instruction… pas plus d’un million d’euros ! »
BA : « M. Duvillet indique qu’il a changé d’avis sur l’enrichissement personnel. Mais pourquoi au départ il pensait qu’il n’y avait pas d’enrichissement personnel d’Yves Zehr ? Parce qu’il sait qu’à la Coop, il y a de l’argent qui circule. Il en a lui même été le témoin comme administrateur. »
BA : « Alors, est-ce qu’il y a un enrichissement personnel ? C’est légitime de le soupçonner, mais il n’y a rien dans le dossier qui le prouve ! Rien. Il n’y a pas de corrélation entre les échanges et les versements. Donc il ne faut pas supposer au moment de juger. »
Bernard Alexandre, conseil d’Yves Zehr : « Sur les échanges de bons d’achat. D’abord, il l’a dit et répété dès le début de la procédure, il a assumé ces échanges. On dit il ne reconnaît rien, c’est pas vrai. Il assume. Yves Zehr est un enfant de Coop Alsace, les espèces circulaient assez facilement dans cette maison, ok, il n’y a pas mis fin mais c’était la tradition. »
BA : « Christian Duvillet est allé au bout du raisonnement, mais celui qui l’a initié, c’est Yves Zehr. »
BA : « Le compte en Suisse, on est tous d’accord, il existait depuis la nuit des temps pour rémunérer les administrateurs. Est-ce qu’on peut rappeler qu’une seule personne a fermé ce compte et qu’il s’agit de mon client ? »
BA : « Quand aux propos du commissaire aux comptes, il ne dira évidemment pas qu’il n’a pas su déceler une malversation qui se faisait au grand jour et à la connaissance de tous. Donc oui, ces échanges d’argent étaient difficilement décelable mais ils n’étaient pas dissimulés. Or s’ils ne sont pas dissimulés, c’est la prescription normale qui s’applique. C’est à dire qu’on ne pourrait reprocher à M. Zehr que les bons d’achats échangés à partir de mi-2008. »
BA : « Et d’ailleurs, l’audit commandé par la Coop est missionné le 22 mai, il est remis le 12 juin alors que le cabinet vient de l’extérieur et ne connaissait rien à la Coop ».
BA : « Et d’ailleurs, Yves Zehr se rend pour échanger ces bons en pleine journée, au vu et au su de tous. Il n’attend pas la nuit lorsqu’il n’y a plus personne dans l’hypermarché. »
Me Bernard Alexandre : « Le premier jour lorsque les 800 bons apparaissent, le directeur administratif obtient le montant total des bons d’achat à l’euro près. S’il y avait une dissimulation, le DAF n’aurait pas été capable de fournir cette information aussi rapidement. »
Me Bernard Alexandre, conseil d’Yves Zehr : « Sur l’abus de bien social, il faut mentionner la prescription. S’il n’y a pas de dissimulation, c’est la prescription classique qui s’applique. Il n’y a pas eu de dissimulation comptable dans notre affaire. »
Bernard Alexandre : « Il y a trois infractions : l’abus de bien social, le blanchiment et le faux en écriture. »
Bernard Alexandre : « Et on énerve aussi quand on appelle des témoins. Alors là, disons le franchement, nous avons été déçus, nous aussi, que les témoins n’aient pas confirmé les pratiques frauduleuses qui avaient cours au su de nombreuses personnes à la Coop Alsace. »
Bernard Alexandre : « On nous dit qu’il énerve parce qu’il se défend, par exemple les procédures d’appel. Devrait-on s’excuser que la cour d’appel ordonne la libération de M. Zehr ? La décision de la Cour d’appel s’impose à tous. »
Bernard Alexandre : « Yves Zehr a redressé la Coop, c’était un héros de l’économie alsacienne. Il a sauvé son entreprise, il l’a maintenu hors de l’eau en y consacrant sa vie. L’entreprise a évolué ensuite et a fait des pertes, mais il est nécessaire de le rappeler. »
Bernard Alexandre : « Depuis sa garde à vue, il a été constant. Et il énerve, je le sais bien, même moi il m’énerve parfois de ne pas se départir d’un système de défense qu’il tient depuis le début. Mais on entend parler de lâcheté et ça, c’est faux. On ne peut pas parler de lâcheté pour M. Zehr, il a admis dès le premier jour qu’il avait utilisé ce système. Il l’a fait lui-même, il assume. »
Bernard Alexandre : « Je vais jouer franc jeu, je vais être direct. Ma tâche n’est pas facile, mais je vais y mettre toute mon énergie parce que j’y crois. Yves Zehr mérite d’être défendu. »
Me Bernard Alexandre prend la parole pour la défense d’Yves Zehr.
AF : « Par conséquent, une seule conclusion s’impose et c’est la relaxe de Mme Zehr. »
AF : « Quant aux armoires alsaciennes… Il y a trois armoires, qui coûte entre 3 et 6 000€ chacune. En quoi est-ce que la présence de ces armoires est détonnante dans l’intérieur d’un couple dont le mari est PDG de la Coop ? »
AF : « ET c’est comme le club d’épargne… En quoi est-ce qu’en allant épargner dans ce club, elle aurait dû demander à son mari « est-ce que cet argent n’est pas d’origine délictueuse ? »
AF : « On sait qu’en octobre 2007, elle a été victime d’un accident de voiture. Elle ne pouvait se déplacer jusqu’en novembre 2008. Or les dépôts continuent pendant cette période, ce qui montre qu’il n’y a pas eu de participation significative de Mme Zehr dans les dépôts d’espèces. »
AF : « Mme Zehr nous dit qu’elle allait déposer des espèces de 1000€ 5 à 6 fois par an, ça ne peut pas être interprété comme une volonté de dissimulation. »
AF : « La connaissance des faits délictueux n’est à aucun moment démontré par le ministère public. Il ne suffit pas de déclarer un modèle théorique de la femme pour l’appliquer au couple Zehr et en déduire qu’elle était forcément au courant. »
AF : « En aucun cas, Yves Zehr a remis des bons d’achats à sa femme. En aucun cas il a indiqué à sa femme la provenance de cet argent. »
AF : « Le délit ne peut pas être réalisé par négligence ! »
AF : « Le ministère public considère qu’il n’y a qu’un prévenu dans cette audience. Eh bien être Madame Zehr n’est pas un délit. Pour le recel, ça suppose de remarquer une origine fraudule et d’en profiter avec cette connaissance acquise. »
AF : « Le plus incroyable, c’est qu’on reproche à Mme Zehr de ne pas pouvoir aller plus loin que les enquêteurs sur ses affaires ! Lorsqu’elle a été interrogée, elle a dit tout ce qu’elle savait de manière spontanée. »
AF : « En quoi Mme Zehr pourrait-elle avoir la connaissance des affaires de son mari, qui ne l’a jamais déçu depuis 40 ans ? Son mari est soucieux, la belle affaire ! Voilà un homme qui a consacré sa vie à la Coop et qui se retrouve à la retraite. Evidemment qu’il est soucieux. »
Des policiers sont présents aux sorties de la salle d’audience…
AF : « Pendant les réquisitions, il est démontré que Mme Zehr ne connait pas les codes d’accès des coffres. Elle n’en a ni l’usage, ni l’envie. »
Me Arnaud Friederich : « En quoi Mme Zehr aurait-elle dû s’interroger sur les revenus de son mari ? Son niveau de vie ne change pas et M. Zehr n’a jamais été inquiété dans aucune procédure en plus de 40 ans de procédures. »
AF : « On est dans le cadre d’un couple dans lequel monsieur est directeur, puis directeur général… Elle évalue les gains de son mari à 8000€ mensuels. Le niveau de vie du couple n’est pas en inadéquation avec la rémunération d’Yves Zehr. Leur niveau de vie n’a pas évolué sensiblement au cours du temps. »
AF : « Si le postulat d’un caractère frauduleux pourrait être constitué, en quoi et comment Mme Zehr en a eu conscience ? C’est ça la question que le tribunal doit se poser. »
Me Arnaud Friederich, avocat de Marie-Louise Zehr, entame sa plaidoirie : « On nous fait le procès d’un modèle de femme. Peut-on admettre que pour Mme Zehr, qui a perdu ses deux parents très jeunes, qu’Yves Zehr soit pour elle un chêne, son appui, son refuge ? »
L’audience reprend.
L’audience est suspendue et reprendra à 17h15, pour entendre les plaidoiries de la défense.
BRC : « Pour Mme Zehr, je réclame 18 mois d’emprisonnement avec un sursis simple. Et pour les deux, je demande que le tribunal confirme l’ordre de saisie du juge d’instruction, dont leur domicile, leur véhicule et leurs biens mobiliers. »
BRC : « En peine complémentaire, je demande l’interdiction de tout mandat public et de toute capacité de gestion d’organisation. »
BRC : « Si je demande un mandat de dépôt, c’est parce que je sais que toutes les voies de recours vont être utilisées pour éviter au prévenu d’effectuer la sentence. »
BRC : « L’âge des époux Zehr doit être rapportés à la gravité des faits. Je demande six ans d’emprisonnement, avec un mandat de dépôt pour qu’il soit immédiatement emmené en détention à l’issue de l’audience. » .
BRC : « Yves Zehr est coupable de détournements, l’argent de la Coop, il est chez lui en oeuvres d’art. Il mérite une répression tout à fait exemplaire. »
BRC : « Réellement, on peut se poser des questions. Parce qu’elle a des comptes en banque, en propre, et pas qu’un peu, une assurance vie… Et la voilà qui va déposer des sommes d’argent, sans même poser de question. C’est une défense organisée entre elle et son mari, elle est chargé de faire la bête. 42 ans de mariage, elle voit la maison se remplir de statuettes et elle n’en a rien à dire ? Son recel et son blanchiment sont évidents. »
BRC : « Sur Mme Zehr, on est dans la caricature absolue. 42 ans de mariage, je ne sais pas ce que fais mon mari, je ne sais pas combien il gagne, je suis complexée, c’est lui qui sait, qui est intelligent… L’art, elle n’a pas le goût des figurines, elle ne sait même pas si elle aime en fait… On vient nous expliquer ça. »
MRC : « Mais ce document, il n’est pas tamponné reçu à la SIG, normal vu qu’Yves Zehr l’a remis en mains propres à M. Dulieu. Il n’existe pas non plus dans les archives de la Coop. C’est un faux. »
BRC : « Quant à la SIG, c’est une pétaudière. Martial Bellon est passé à un cheveu de l’usage de faux, car il a utilisé un faux et il le savait bien. Tous les ans, il y avait un contrat entre la SIG et la Coop. Puis rien alors que Zehr est à la fois membre du directoire de la SIG et PDG de la Coop. Et le voilà qu’il fait le courrier daté du 18 février 2011 en septembre 2012. »
BRC : « C’est pareil pour le club d’épargne, de petites sommes mais régulières qui font au final des montants importants. C’est du blanchiment aussi. »
BRC : « Sur le blanchiment, M. Zehr ouvre de grand yeux quand on lui parle Tracfin… Il a utilisé l’argent pour lui. Peut-être une partie est allé à l’aviron club ou le club de foot, mais la majeure partie est allée dans ses oeuvres d’art. C’est du blanchiment, c’est pas autre chose. »
BRC : « Et sur les derniers bons imprimés, il les a imprimés pour sa convenance personnelle. Parce qu’il y était habitué et que ce n’est pas facile de se passer de cette manne inépuisables. Et d’ailleurs, quand il a quitté son poste de PDG, les versements d’espèces ont cessé sur ses comptes. »
BRC : « Les sommes dont on parle, ça en fait des espèces, des liasses. C’est rare d’avoir une défense de prévenu aussi vide et aussi hypocrite. Le ménage chez lui, il l’a fait lui-même. On a rien retrouvé. Les oeuvres d’art, il y a trois coffres forts, y’avait rien dedans. Des montres de madame et de monsieur. »
BRC : « Et quand on va chez lui, on n’a rien ! Rien, pas une facture, pas un certificat d’authenticité ! Et il nous dit qu’il jette les factures d’oeuvres d’art comme si c’en était une pour l’entretien de la piscine. C’est faux. »
BRC : « Et alors quand on lui demande d’où viennent les exceptionnels dépôts d’argent, il nous répond que ça provient des ventes de ses oeuvres d’art. On nous sort trois papiers de Hong-Kong ne disent rien en plus ! Ils ne disent pas si les oeuvres ont été vendus, ni en quelle devise. Comment les oeuvres sont allés là bas ? Et comment est-il payé ? Il nous raconte aller à Paris, à Barbès dans la communauté chinoise et on lui remettrait 14000€ en espèces ? A qui veut-on faire croire ces fable ? »
BRC : « La corruption, ça existe c’est vrai et donc il faudrait croire M. Zehr sur ses trucs invérifiables qui n’engagent personne ? C’est une défense lamentable, c’est d’une lâcheté inouïe, le tribunal se fera sa propre opinion. Même son ami avec qui il est parti en vacances à Cuba ne savait de tout ça et n’a rien confirmé. »
BRC : « ET il vient nous dire aussi que cet argent est allé dans un vaste système de corruption pour éviter qu’une enseigne vienne s’installer dans une commune, ou dans une autre commune on donne des billets pour s’implanter. Et pas un nom évidemment ! »
BRC : « Et le pompon, c’est l’exceptionnel club de foot de Dinsheim sur Bruche ! Sa commune d’habitation. Et qui est le dirigeant de ce club ? M. Rebhun, mari de la fille de M. Zehr. Et aussi l’assureur du couple Zehr, chez qui sont assurés les meubles du ménage pour 500 000€. Alors rayonnement personnel sûrement. Intérêt de Coop Alsace ? Zéro. »
BRC : « Et pour le club de basket de Gries – Oberhofen, où est l’intérêt de la Coop Alsace alors qu’elle est déjà partenaire de la SIG ? Il n’y en a pas, cherchez pas, y’en a pas. »
BRC : « Distribuer de l’argent, des espèces, sans contrepartie, c’est pour son intérêt personnel et pas pour la Coop comme l’a dit M. Gengenvin. »
BRC : « Et comment il nous explique cette politique de sponsoring ? Qu’il donne à quelques associations, comme par exemple l’aviron-club d’Erstein, sans qu’il n’y ait une quelconque contre-partie pour la Coop ! »
BRC : « Pourquoi il refuse de s’exprimer, c’est pour pouvoir dire qu’il a vraiment bien servi Coop Alsace et qu’il n’y a pas d’enrichissement personnel… Et explique de la même manière les achats d’art, de façon complètement péremptoire. »
BRC : « M. Zehr disposait de sommes considérables à sa disposition, quand je parlais de déformation de poches c’est une image mais c’était quand même ça. Il utilisait ses fonds totalement discrétionnaires, sans jamais en référer à personne ni même au conseil d’administration. Et aujourd’hui encore, il ne veut pas en répondre à la justice. Depuis son incarcération, il se refuse à répondre. »
BRC : « Du même ordre, M. Zehr avait la responsabilité de mettre fin au compte suisse quand il est arrivé, il ne l’a pas fait. S’il l’a fermé, c’est parce qu’il n’était plus approvisionné. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Et quand il était sous les ordres de M. Zegel et M. Aeschelmann, c’est lui qui allait chercher les bons… Pas les PDG précédents. Il n’a pour sa part transmis cet héritage à aucun de ses successeurs, ni M. Fischer, ni M. Vincent-Genod, ni M. Duvillet. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Même M. Lorentz, l’ami, même Mme Heitz, secrétaire fidèle et dévouée… Même eux l’ignoraient. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Alors ce système de bons d’achats… Cette pratique des bons d’achats convertis est totalement méconnue à la Coop, pas une personne n’a confirmé que ces échanges existaient. Yves Zehr a par ailleurs admis qu’il était le seul à faire tirer ces bons, à aller les chercher et le seul à les dépenser sans en rendre compte à quiconque. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « S’agissant d’un compte, qui n’existait pas dans les comptes de la société, et dans lequel on prélève des sommes en liquide, pour financer des oeuvre s discrétionnaires, c’est de l’ABS. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Abondés par des ristournes, ou des pots de vins, depuis longtemps, il alimentait pour partie une sorte de caisse noire, qui se trouvait dans le coffre au Port-du-Rhin et servait à payer les indemnités des administrateurs de la société. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « En matière d’ABS (abus de bien social), il y a le compte en Suisse et les bons d’achat. Le compte en Suisse concerne une période de 1993 à 2003. Ce compte est extraordinaire. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Il y a deux prévenus dans cette affaire, mais on pourrait penser qu’il n’y en a qu’un tellement Mme Zehr semble spectatrice. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Ceux qui sont venus témoigner ici ont montré leur attachement viscéral à cette société. M. Zehr a fait toute sa carrière à la Coop, il a gravi tous les échelons jusqu’au plus haut. Et une fois au sommet, il a trahi cette société. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Il m’est insupportable d’entendre M. Zehr rapporter le montant des détournements qui lui sont reprochés au montant des frais de publicité de la Coop ! »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Au moment où l’affaire a éclaté, la Coop gérait six hypermarchés, cinq cafétaria, 22 supermarchés… et de très grandes difficultés. On peut donc comprendre l’émoi des salariés lorsqu’ils ont découvert l’ampleur des détournements. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Et comme tout le monde, je n’ai rien compris aux auditions de témoins… J’ai du participer à leur audition, je suis quand même un petit peu amer. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Avant d’aller plus loin, j’en ai un peu assez d’entendre parler d’un préjudice d’1,4M€. Les détournements ayant eu lieu depuis 1993, 1,4M€, c’est seulement ce qu’on a pu retrouver ! Donc 1,4M€ sur cinq ans, ça peut représenter près de 7M€ depuis 20 ans ! »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet prend la parole pour ses réquisitions.
Me Michaël Plançon : « Je suis constitué pour 301 parties civiles sociétaires, nous demandons pour chacune d’elle la réparation d’un préjudice au titre de la trahison des valeurs coopératives 1000€ pour chacune d’entre elles. »
Me Michaël Plançon : « ET pour Mme Zehr, c’est la même pièce de théâtre. Elle va quand même adhérer à un club d’épargne, remettre des centaines d’euros très régulièrement. Et elle ne se pose pas de questions, même quand les enquêteurs viennent perquisitionner dans sa maison. »
Me Michaël Plançon : « Et finalement, qu’Yves Zehr se soit enrichi ou non n’est pas important, car il y a eu appauvrissement de la Coop. L’élément matériel est caractérisé. Il s’agit bien d’un système Zehr et pas un système Coop. »
Me Michaël Plançon : « Au terme de ces deux jours, aucun nom n’a été donné. Je ne sais toujours pas ce qu’est un relais d’opinion. Yves Zehr a pris ces espèces et il les a mises sur son compte personnel. Ou, s’il refuse de donner des noms, c’est parce que ceux qui auraient accepté de témoigner nous diraient qu’ils ont peut-être reçu de l’argent, mais qu’ils ne savaient pas qu’ils venaient de la Coop. »
Me Michaël Plançon : « Et il nous dit que c’était un système or on a bien vu que non, il était le seul à agir comme ça. Mme Starke, la secrétaire de M. Aeschelmann nous l’a dit : le PDG avant Yves Zehr n’éditait pas de bons. »
Me Michaël Plançon : « Yves Zehr a joué au beau parleur, mais il s’est heurté au mur de la liberté. Ainsi sur les 800 derniers bons, à quoi devaient ils servir ? Première version, M. Rebhun : à quoi sont destinés ses bons ? Il ne répond pas. 2e version à M. Bellon : à des associations alsaciennes. 3e version à M. Kuttler : à des associations sportives et… 4e version ici même, ils étaient destinés à M. Duvillet. »
Me Michaël Plançon : « Yves Zehr n’assume pas les détournements bien au contraire, il a pris le rôle de la victime. Il est « l’arbre qui cache la forêt » nous dit-il. Qui est la forêt ? Il ne répond pas. »
Me Michaël Plançon : « Ces deux jours d’audience ont été une perte de temps, une journée aurait largement suffit. »
Me Michaël Plançon : « Et aujourd’hui, je constate qu’avec l’audition de témoins supplémentaires, on a assisté à un véritable suicide judiciaire de la part du prévenu. On nous promettait des révélations, on n’a eu que des dénégations. »
Me Michaël Plançon : « Le 6 juin, j’étais en colère que l’audience soit reportée. De nombreux sociétaires avaient fait le déplacement, pour rien. »
Me Michaël Plançon intervient pour le comité central d’entreprise et des sociétaire de la Coop.
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et j’ai versé les articles de presse au dossier, la Coop a été salie, accusée de ne pas respecter ses engagements. Comme cette affaire a sensiblement dégradé l’environnement social au sein de la Coop. Nous demandons pour réparation du préjudice moral 200 000€ net nous demandons très fermement l’exécution provisoire. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Tout ça crée un préjudice pour la Coop, qui sort salie de cette affaire. D’abord, 1,357€ de préjudice financier direct, sorti de la trésorerie de la Coop par le système des bons d’achats. Sur la SIG, la production du faux document a conduit Coop à payer la moitié du partenariat, soit 90 000€. Et les audits, les experts, nécessaires pour faire la lumière sur cette affaire évalués à 50 000€. Soit en tout 1,497M€. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et qu’on revienne sur les explications du sponsoring, incompréhensibles. Yves Zehr nous dit que le sponsoring, il faut payer un peu certains clubs, sans que ça ne se voit parce que sinon les autres en veulent aussi… Mais à qui on veut faire croire ça, c’est faire injure au tribunal. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et pendant ce temps là, que faisait Yves Zehr ? Il s’occupait de ses statuettes et de ses petits bons d’achats ! »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Ce qui m’a profondément déçu, c’est l’enfermement complet d’Yves Zehr, ses dénégations successives. Il nie la réalité, notamment quand il clame que la Coop allait bien sous sa présidence. En 2008, c’est 4M€ de pertes, 2009, 18M€ pertes, 2010, 4M€, et 2011 : 56M€ de pertes ! »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et qu’on ne vienne pas dire qu’on n’a pas été notifié de la perte de la signature ! Un président d’honneur est un titre honorifique. Il n’y a plus non plus les attributs du président : pas de bureaux, pas de secrétaire, etc. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et après on nous dit qu’en tant que président d’honneur, on avait le pouvoir d’engager la Coop. Or, j’attends désespérément qu’on nous apporte un document. Or, il n’y a rien et c’est bien normal : dans aucune société il y a un président d’honneur qui viendrait marcher sur les plate-bandes du président de droit. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et on pratique le forcing, on menace d’aller en justice et on produit un faux document, qui trompera M. Duvillet. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Le système Zehr, c’est ça. On écarte tous les gêneurs, tous ceux qui l’ouvrent. Et tout tient avec ceux qui suivent, comme M. Dulieu à la SIG qui accepte de faire une modification d’un contrat de partenariat, où on change le payeur, et qui ferme les yeux sur une date falsifiée. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « La perquisition a quand même révélé qu’on avait affaire à un collectionneur compulsif : une véritable caverne d’Ali Baba avec un seul voleur à sa tête. Chinoiseries, armoires cossues, tapes à l’oeil… »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Tout son argumentaire consiste à nous dire que ces fonds ont servi l’enseigne, sa promotion. Or à ce jour, il n’a pas démontré en quoi que ce soit que ces fonds aient bénéficié d’une quelconque manière à la Coop. Donc il y a bien un abus de bien sociaux. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Pour M. Zehr, de toutes façons, c’est toujours la faute des autres. Le commissaire aux comptes qui n’aurait pas décelé la fraude. Je rappelle que cette fraude représente de 0,005 à 0,01% du chiffre d’affaire de la Coop… »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Il a fallu l’anecdote des 800 derniers bons pour qu’il soit découvert. Il continue de faire marcher la planche aux bons d’achats et c’est là qu’on découvre les bons, que Coop déclenche un audit, la base de l’instruction menée par le ministère public. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Alors revenons à des éléments objectifs. Il y a 1,4 millions d’euros de détournements et tous les témoins cités, tous, Yves Zehr doit se mordre les doigts de les avoir fait citer, tous les témoins nous ont dit que ce système de conversion en espèces n’existait pas à la Coop. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « Et on nous apporte la veille de l’audience une pile de documents douteux, dont trois lettres de Chinois à Hong Kong, pour justifier les dépôts d’argent. »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « M. Lorentz nous a rappelé qu’il ne pouvait nous dire ce qu’il ignorait. M. Gengenvin, la mémoire de la Coop, nous a dit qu’il était choqué d’apprendre cette histoire de bons d’achats… »
Me Philippe Bouchez El Ghozi : « On nous a dit le 6 juin qu’un renvoi était absolument nécessaire, pour auditionner de nombreux témoins. On nous avait dit « vous allez voir ce que vous allez voir », j’étais impatient. Et qu’est-ce qu’on a vu ? Joseph Fleck : un flop complet. Mme Starke ? Pareil, elle n’a jamais rien entendu. »
La parole est à Me Bouchez El Ghozi, conseil de la Coop, partie civile.
L’audience reprend.
L’audience s’apprête à reprendre…
La séance est levée, une heure de suspension, reprise vers 14h.
On appelle Mme Zehr pour qu’elle fasse une déclaration à l’issue des débats. Seul le procureur lui demande si elle a un commentaire. Evidemment, elle n’en a aucun.
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « A peine découvert, vous passez des coups de téléphone, et vous menacez de vous suicider, vous dites qu’on veut salir votre honneur, et vous faites modifier le projet de contrat de partenariat avec la SIG. » Yves Zehr : « Oui, c’est normal. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Les échanges de bons d’achats cessent en janvier 2012. Et les versements sur votre compte cessent aussi… Comment vous l’expliquez ? » Yves Zehr : « Une journaliste des DNA, Odile Weiss, m’appelle pour me parler des bons d’achats. Donc à partir de là, j’ai tout arrêté et j’ai cessé de vendre des oeuvres d’art. Je n’ai plus rien fait parce que je savais qu’on allait me le reprocher. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Et les 80 000€ du 19 mars 2012, qu’est-ce que vous vouliez en faire ? » Yves Zehr : « C’était très maladroit de ma part… Je voulais voir M. Duvillet avec, pour en faire des espèces. Je ne voulais pas qu’on trahisse ma parole, notamment vis à vis de la SIG. Je voulais lui donner une piste, à lui de décider. Mais M. Duvillet n’était pas accessible. »
La présidente rappelle que M. Duvillet n’a « visiblement pas les mêmes pratiques que vous ». Yves Zehr : « C’est sûr, il a vendu la moitié de l’entreprise et licencier 700 personnes, ce n’est pas ma pratique. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Et ce système que vous dites avoir hérité, vous ne l’avez jamais transmis à votre départ de la société, cette manière bien à vous de défendre la Coop. » Yves Zehr : « Si j’en ai parlé à M. Kuttler. » Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Ah bon, encore un scoop ! Et M. Duvillet, vous indiquez avoir voulu lui expliquer et qu’il ne vous a pas reçu. » Yves Zehr : « Je n’ai pas expliqué la quintessence de l’entreprise à M. Vincent-Genod car il avait des méthodes qui ne me convenaient pas. Quant à M. Duvillet, il était très peu accessible, il avait toujours un train à prendre. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Personne n’est au courant de ces échanges, même pas votre secrétaire Mme Heitz. Vous étiez tout seul, c’est toujours vous qui êtes allés chercher ces fonds !’ Yves Zehr : « Non, une fois j’ai envoyé le responsable de la sécurité une fois. » Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Ah ben ça c’est nouveau ! Vous n’espérez quand même pas qu’on aille le chercher ? » Yves Zehr : « Je suis désolé, je me rappelle des choses au fur et à mesure. Je suis un commerçant, je ne suis pas habitué des tribunaux. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Vous qui ne salissez personne, qui ne voulez même pas donner le nom d’un acheteur d’une oeuvre d’art, qui ne voulez même pas donner le nom d’un maire qui vous a corrompu pour ne pas s’offrir à un concurrent… vous voulez me faire croire que vous allez laisser tous ses gens dire aujourd’hui qu’ils n’en savaient rien ? »
Yves Zehr : « Je suis désolé si les gens ne confirment pas… Il n’y a plus personne autour de moi. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Personne n’est au courant de ces échanges, tous répondent que le sponsoring, ce n’est pas ce que vous décrivez, ça c’est de la magouille. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Sur les bons d’achats, vous nous dites avoir hérité cette pratique de vos prédécesseurs… Personne à la barre n’est venu le confirmer, même M. Lorentz, même Mme Heitz qui vous est dévouée jusqu’au tombeau et qui ne veut même pas y croire ! »
Sur les questions de Me Bouchez El Ghozi, Yves Zehr : « Quand on s’implante quelque part, par exemple, il y a des tickets d’entrée. » Me Bouchez El Ghozi : « Pouvez-nous nous dire lesquels ? » Yves Zehr : « Non ».
Yves Zehr : « C’est vrai, il faut avoir des partenariats de sponsoring qui se voient au grand jour. Mais pour avoir des parts de marché ou les conserver, pour développer l’entreprise, il faut avoir recours à des moyens pas très orthodoxes. Je ne suis pas le premier patron a avoir des ennuis judiciaires. »
Yves Zehr est à nouveau interrogé par la présidente.
Interrogé par Me Alexandre, Léon Gengenvin confirme que les paiements en espèces étaient une pratique pour payer les administrateurs depuis 1974.
La présidente interroge le témoin : « Est-ce qu’il vous paraît plausible que des actions de sponsoring aient pu avoir lieu en espèces ? » Léon Gengenvin : « Non, je ne crois pas. Quand un dirigeant d’entreprise sponsorise une association ou un club, il cherche à le faire savoir. S’il verse de l’argent sans contrepartie, il cherche juste à se valoriser lui-même. »
La présidente interroge le témoin : « Est-ce qu’il vous paraît plausible que des actions de sponsoring aient pu avoir lieu en espèces ? » Léon Gengenvin : « Non, je ne crois pas. Quand un dirigeant d’entreprise sponsorise une association ou un club, il cherche à le faire savoir. S’il verse de l’argent sans contrepartie, il cherche juste à se valoriser lui-même. »
Léon Gengenvin : « Je savais qu’il existait un compte en Suisse (mais pas trois). Il a été créé il y a 50 ans, pour recevoir les ristournes sur un fromage vendu pas la Coopé. Ces comptes ont été soldés au mois d’août 2003, pour environ 46000€. »
Léon Gengenvin : « J’ignorais tout du système d’échanges d’espèces par des bons d’achat. Je l’ai appris à partir du 19 mars 2012 et j’ai écrit au président Duvillet, lui demandant de diligenter une expertise extérieure. Ce qu’il a fait. »
Léon Gengenvin est appelé à la barre, ancien administrateur de la Coop, actuellement retraité.
Me Alexandre : « Est-ce qu’entre le moment où M. Aeschelmann était président et le moment où il était président d’honneur, est-ce qu’il avait le pouvoir d’engager la société ? » Robert Dirr : « Il était très respectueux, il ne l’a pas fait. Mais il avait sauvé la Coop Alsace en 1988, il était très respecté. Ses avis avaient beaucoup de poids y compris vers la fin. Mais je ne sais pas à partir de quelle période il n’avait plus la signature. »
Me Alexandre : « comment on fait les comptables de Coop Alsace pour inventorier tous les détails des échanges, si ces échanges sont indétectables ? » Robert Dirr : « Alors là, je suis à sec, je ne sais pas. »
Robert Dirr : « On ne reçoit à la comptabilité que des masses… Ce genre d’informations relève plutôt de l’inventaire des coffres. Bien évidemment, si on avait mis les relevés en face des chiffres, on aurait peut-être pu le détecter mais c’est très difficile car les bons d’achat sont des valeurs. Il est normal que des bons d’achat soient présents dans le coffre. »
Me Bernard Alexandre, avocat d’Yves Zehr, prend la parole : « Certes, l’échange d’argent du coffre de Geispolsheim par des bons d’achats est une opération blanche d’un point de vue comptable. Mais il y a quand même des variations. Est-ce que les commissaires aux comptes pouvaient se rendre compte de ces mouvements ? »  
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Est-ce que vous êtes au courant d’une quelconque anomalie de fonctionnement dans la société ? Est-ce que vous avez connaissance de paiement de fournisseurs en bons d’achats, en produits ? Est-ce que vous avez connaissance d’une caisse noire ? » Robert Dirr : « Non, je n’ai pas connaissance de ça. »
Robert Dirr : « Dans les années 70, il y avait des rumeurs d’un compte suisse. Mais je n’ai jamais été saisi de la gestion d’un tel compte. J’ai subi trois contrôles, si de l’argent partait en Suisse les contrôleurs l’auraient vu… »
La présidente demande si M. Dirr savait comment se déroulait la rémunération des administrateurs. Robert Dirr : « La comptabilité ne consigne que des retraits d’argent de la caisse centrale… Nous n’avions pas connaissance de la destination de cet argent. »
Robert Dirr : « Les montants variaient régulièrement, mais c’était normal car le service marketing ne réalisait pas les mêmes opérations, mois après mois. Quant aux bons d’achats retirés, ils compensaient effectivement les retraits d’espèces d’un point de vue comptable. »
Robert Dirr : « J’ignorais tout des échanges de bons d’achats. Je n’ai pas vu ces échanges de bons contre de l’argent car la comptabilité n’est pas un instrument de gestion. Je précise. Nous avions une ligne comptable pour la publicité des tous les hypermarchés du groupe, les éléments étaient ensuite éclatés entre les différentes entités. »
Robert Dirr, né en 47, est entré à la Coop Alsace à l’âge de 14 ans. « Nous n’avions pas d’expert comptable, avec mon équipe nous arrêtions les comptes annuels et nous présentions des comptes de résultats à la société. »
On appelle à la barre Robert Dirr, un ancien chef comptable de la Coop.
Me Alexandre : « Est-ce que ces détournements de bons d’achat ont participé aux difficultés de Coop Alsace ? » Serge Lorentz: « Non, c’était une goutte d’eau dans l’océan. Nos difficultés étaient bien plus importante. »
Serge Lorentz : « Le total de la publicité, c’est 8 à 9M€. Le total des bons d’achats dans ce budget, c’est entre 2 et 4% de ce montant. »
Serge Lorentz, interrogé par Me Alexandre : « Je ne peux pas vous dire ce que vous aimeriez entendre. Je n’ai pas de dossier à vous fournir. »
Serge Lorentz : « Je ne sais pas, j’ai demandé une fois ce que la SIG faisait de tout ces bons d’achats mais je n’ai pas eu de réponse. »
Me Bernard Alexandre : « Est-ce que vous pensez imaginable que M. Christ ait pu être payé en bons d’achats à échanger contre du beurre ou des haricots contre ses livraisons d’alcool ? Est-ce que vous pensez qu’à la SIG, on avait l’usage d’autant de bons d’achats ? »
Me Bernard Alexandre : « M. Lorentz, votre déposition est importante car M. Zehr a dit qu’il n’y avait qu’une seule personne vivante qui pouvait témoigner qu’il n’y a pas d’enrichissement personnel issu des bons d’achats, et c’est vous. Vous n’êtes pas mis en cause, mais Yves Zehr encourt des peines très importantes. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Avez-vous connaissance de remises d’argent à une association, un homme politique… ? » Serge Lorentz : « Jamais. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Comment ça se fait que vous n’avez pas mentionné à la PJ cette histoire de Jérôme Christ. Vous n’avez pas mentionné non plus le refus de M. Vincent-Genod. »
Serge Lorentz : « Sur l’affaire Christ, j’ai appris qu’on l’avait payé en bons d’achats mais je ne savais pas qu’ils étaient échangés en liquide. C’était un système qui existait sous M. Aeschelmann. »
Yves Zehr : « C’est vrai que c’est moi qui donnait et qui décidait en dernier recours. Mais nous échangions souvent. » La présidente : « La question est différente : il dit qu’il ne connaissait pas l’échange des bons d’achats en argent. » Yves Zehr, pressé fermement par le procureur : « Mais si il le savait. Et le meilleur exemple, c’est le paiement des prestations de Jérôme Christ. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet : « Vous avez déclaré être tombées des nues lorsque vous avez appris l’échange des bons d’achats… Le problème, c’est que M. Yves Zehr dit le contraire. Il dit que vous étiez au courant de tout. Alors qu’en est-il ? »
Serge Lorentz : « Je lui ai écrit, il m’a répondu dans des termes qui m’ont surpris. Je lui ai proposé d’aller en discuter autour d’une bière, mais il n’a pas répondu. »
Le procureur Brice Raymondeau-Castanet prend la parole : « Vous avez tenté de reprendre contact avec Yves Zehr depuis cette affaire ? »
Me Plançon demande de préciser le mécanisme de sponsoring, Serge Lorentz : « Soit l’association nous envoyait une facture, soit nous avions un contrat de partenariat, soit nous utilisions des bons d’achats. » Me Plançon : « Donc on ne peut pas parler de bons d’achats échangés en liquide pour du sponsoring ? » Serge Lorentz : « En tout cas, moi, je n’en avais pas connaissance. »
Me Michaël Plançon demande des noms à Serge Lorentz, d’autant qu’il a déclaré qu’il était une cible, l’arbre qui cache la forêt. Mais Serge Lorentz indique ne pas connaître de noms à donner.
Me Michaël Plançon : « A quoi consistait vos fonctions de secrétaire général ? » Serge Lorentz : « J’avais une grande polyvalence. J’avais une fonction fourre-tout, ça m’allait bien. » Me Michaël Plançon : « Vous touchiez à tout et vous n’étiez pas au courant de ces échanges de bons d’achats ? Vous aviez des relations amicales et familiales avec M. Zehr. » Serge Lorentz : « Non, je n’en savais rien. »
Serge Lorentz : « Pour en avoir parlé avec M. Duvillet, il m’a indiqué que c’était un dossier chaud d’Yves Zehr et qu’il ne s’en mêlait pas. Il a dû s’en mêler quand l’absence du partenariat a été révélée dans les DNA. »
La présidente interroge Serge Lorentz sur le dernier partenariat litigieux avec la SIG pour 2011 / 2012. Serge Lorentz confirme : « Bruno Vincent-Genod m’indique qu’il met fin au partenariat avec la SIG. Mais je reçois une demande d’avis sur les maillots de la SIG, à ma grande surprise. J’ai fait suivre à M. Vincent-Genod. En été, il m’a dit qu’un accord était en cours avec Casino. Je sais que des billets pour la SIG continuaient à être distribués par la secrétaire d’Yves Zehr, Mme Heitz. »
Un témoin cité par la défense, Roland Eisenmann, ne se présentera pas à l’audience faisant valoir des raisons médicales.
Interrogé sur le partenariat avec la SIG, Serge Lorentz : « On a mis en place des contrats avec Philippe Dulieu. Avant, c’était des contrats oraux… On discutait en fonction des résultats de l’équipe en fin de saison. »
Serge Lorentz : « Ce n’est pas possible de détecter les échanges, car les bons avaient une valeur, c’est comme un chèque. »
Serge Lorentz : « J’ai moi-même signé des bons d’achats, c’était une pratique courante. J’ai instauré cette pratique, pour que les associations se fournissent dans nos magasins plutôt qu’ailleurs. Je n’ai jamais vu que ces bons puissent être échangés en liquide. Je n’ai jamais vu ces bons utilisés pour financer la SIG. »
Serge Lorentz ne s’aventure pas dans une déposition… Il répond aux premières questions de la présidente sur les bons d’achats.
Serge Lorentz est aujourd’hui directeur commercial à Coop Alsace.
L’audience reprend, la présidente appelle Serge Lorentz à la barre, ancien secrétaire général notamment en charge des partenariats.
L’audience est toujours suspendue.
La présidente suspend l’audience 15 minutes.
Me Bernard Alexandre : « Est-ce que les sollicitations en provenance du monde associatif, culturel, etc. comment ça se passait ? » Denis Fischer : « Je transmettais au service sponsoring, à Serge Lorentz. »
Me Bernard Alexandre : « Dans votre déposition sur le compte en Suisse, c’est Bernadette Soubirou dans la grotte de Lourdes : c’est une « apparition », vous découvrez l’existence de ce compte… » Denis Fischer : « Quand j’ai été entendu, j’avais fait un travail d’oubli sur ce qui s’est passé à la Coop, ce qui me permettait de dormir. Aujourd’hui, j’ai réfléchi et les souvenirs reviennent, mais je ne me souviens pas d’être allé cherche de l’argent en Suisse. »
Me Alexandre questionne M. Fischer : « Quand vous avez vu dans la presse les détournements, qu’est-ce que ça vous a évoqué ? » Denis Fischer : « En 35 ans dans l’entreprise, je n’ai jamais entendu qu’on échangeait les bons d’achat contre des espèces. Je n’avais pas l’idée de l’existence d’un tel système. »
Denis Fischer : « En 2009, la situation de l’entreprise n’allait pas bien. Je voulais réduire les frais, réduire le sponsoring entre autres, c’était pas le poste le plus importants. Et là nos relations avec YZ se sont dégradées. On m’a reproché mon manque d’esprit commercial, la baisse du chiffre, etc. »
Questionné par la présidente, Denis Fischer : « Je ne connaissais pas de système d’échange d’argent contre des bons d’achat, ça va à l’encontre de leur but d’ailleurs qui est de faire sortir des marchandises. »
La présidente invite Denis Fischer à commenter un document dans lequel il donne pouvoir à Yves Zehr de clore les comptes suisses. Denis Fischer ne conteste pas cette signature, mais déclare ne pas s’en souvenir.
La présidente interroge Denis Fischer sur les enveloppes remises lors des conseils d’administration. Ces enveloppes étaient remises par le président du CA selon lui, selon un protocole défini par M. Aeschelmann.
Denis Fischer : « Je suis tombé des nues lorsque j’ai appris les détournements des bons d’achats… Je n’en savais rien. Je connaissais l’existence du compte suisse et je pense que M. Zehr n’a pas bénéficié lui-même de cet argent, les sommes étaient suivies par M. Aeschelmann, pratiquement jusqu’à la fin de sa vie. »
Denis Fischer se remémore difficilement les derniers moments à la Coop : « Le conseil d’administration a validé le départ d’Yves Zehr à sa grande surprise. Il a demandé un mois pour mettre en ordre ses affaires, mois qu’il a en fait utilisé pour fomenter un putsch contre moi. Au conseil suivant, les membres ont voté une motion de défiance contre moi et j’ai été écarté. J’ai été très marqué par la violence et la fourberie de la manoeuvre. »
Denis Fischer, ancien DG de Coop Alsace, est appelé à la barre. « Je suis entré à la Coop en 1977, au comité de direction en 1989, puis je suis devenu DG en 2009. En fin de carrière, M. Zehr m’a reçu pour me dire qu’il n’était plus d’accord avec ma politique, mais qu’il voulait prendre sa retraite et qu’il ne me mettrait pas de bâtons dans les roues. »
Questionnée par Me Alexandre sur les sponsorings, Paulette Starcke : « Je sais que M. Aeschelmann donnait à la SIG, le reste, je ne sais pas. »
Me Michaël Plançon, conseil du CCE : « M. Zehr nous a expliqué qu’il perdurait un système qui existait déjà avant. » Paulette Starcke : « Oui, ça existait même déjà avant, du temps de M. Zegel (ancien PDG, avant M. Aeschelmann. » Me Plançon : « Et pour les bons d’achats ? » Paulette Starcke : « Ah, ça je ne sais pas… Les bons d’achats existent depuis longtemps, mais ils servaient à indemniser des clients mécontents. Je n’ai pas vu d’autre utilisation. »
Paulette Starcke : « La partie la plus importante de cet argent provenait de la caisse centrale. J’allais voir l’employée chargée de cette caisse et je lui demandais de l’argent… puis je remettais l’argent à M. Aeschelmann. »
Paulette Starcke : « Quand je suis parti, j’ai remis l’enveloppe et la liste avec les indemnités à payer à Mme Wregé. »
Questionnée par la président, Paulette Starcke : « Quand je n’avais plus d’argent dans l’enveloppe, je le signalais à M. Zehr. Les sommes ramenées n’étaient pas très importantes, je ne m’en souviens plus. »
Paulette Starcke : « J’étais employée à la Coop de 1947 à 1995. Quand on avait besoin d’argent, M. Zehr nous en ramenait de Suisse quand il allait faire une tournée dans les magasins du Haut-Rhin. Il remettait ensuite l’argent à M. Aeschelmann. »
Paulette Starcke, ancienne secrétaire de direction, à l’époque de M. Aeschelmann, est appelée à la barre. C’est elle qui a remis l’enveloppe à Mme Wregé pour payer les indemnités des administrateurs.
Invité à s’exprimer sur l’enrichissement personnel d’Yves Zehr, Christian Duvillet précise : « AU début de la procédure, j’ai dit que je ne pensais pas que M. Zehr avait profité personnellement de ces systèmes. Quand j’ai découvert l’ampleur des détournements, j’ai révisé ma position. »
La présidente : « Les dépenses de sponsoring, 3 à 400000€ par an, ça vous parait possible ? » CD : « Oui, les dépenses de publicité étaient de 8 à 9M€, les dépenses de sponsoring devaient atteindre ce montant, dont une partie était destiné à la SIG. »
Me Alexandre : « Est-ce que ces pratiques vous ont fait pensé qu’il y avait une pratique de caisse noire au sein de Coop Alsace ? » Christian Duvillet : « Je suis rentré à Coop Alsace notamment pour rassurer les banquiers, qui ne croyaient plus les chiffres que sortait Coop Alsace. Il a fallu refaire certifier les comptes par un audit indépendant et c’est là où on s’est aperçus qu’il y avait des pratiques qui n’étaient pas comptablement correctes. »
Me Alexandre : « Il y a eu deux distributions, pendant la période où vous étiez administrateur et non président. Est-ce que vous pensez raisonnable qu’on croie que vous n’avez ouvert cette enveloppe que dans le train ? » Christian Duvillet : « Vous croyez ce que vous voulez. J’ai peut-être reçu deux enveloppes, j’ai un doute. Cependant, je pensais que les montants n’étaient pas à la hauteur des responsabilités que prenaient les administrateurs. »
La présidente : « Qui vous a remis cette enveloppe ? » Christian Duvillet : « M. Zehr n’était plus président, alors ça devait être M. Lorentz, le sec général. »
Christian Duvillet : « On nous distribuait des enveloppes par trimestre, j’en ai reçu une. Je n’ai découvert qu’il y avait de l’argent dedans alors que j’étais dans le train du retour. J’ai immédiatement dit aux directeurs d’alors que ce n’était pas convenable. Quand je suis arrivé, j’ai mis fin à ces pratiques et j’ai rappelé qu’il fallait déclarer ces revenus. J’ai modifié les procédures mais ça a pris un petit peu de temps. »
M. Duvillet est appelé à la barre.
Me Alexandre : Lorsque M. Duvillet était administrateur (printemps 2011) avant d’être président, comment était rémunéré le CA ? » Mme Wregé : « Par le système d’enveloppes, il n’y a mis fin qu’en temps que président. »
Me Bernard Alexandre s’agace un peu de constater que le témoignage de Mme Wregé ne dédouane en rien son client… Il pose une question sur la participation des administrateurs au congrès international coopératif et sur une enveloppe pour leurs frais lors de ce déplacement. Mme Wregé répond qu’elle n’en sait rien.
Fabienne Wregé : « Je remettais ces enveloppes à M. Fischer, qui devait les remettre à M. Zehr qui lui même devait les remettre aux administrateurs. »
La présidente : « Qui remettait les enveloppes aux administrateurs ? » Mme Wregé : « M. Zehr » Me Alexandre : « Je vous rappelle que vous êtes sous serment. Ce n’était pas M. Fischer qui remettait ces enveloppes ? » Mme Wregé : « Non, c’était M. Zehr. M. Fischer ne s’en est jamais occupé. »
Me Alexandre, avocat d’Yves Zehr : « Vous ne citez jamais un nom… De qui étiez vous la secrétaire ? » Mme Wregé : « J’étais la secrétaire de M. Fischer (ancien DG) puis de M. Kuttler (actuel DAF) »
Le tribunal cherche à savoir depuis quand ce système était en place. Mme Wregé a géré cette enveloppe à partir de 2009. Mais le procureur précise que le dernier retrait du compte en Suisse date de 2003.
Mme Wregé : « ça faisait de 600 à 1200€ par trimestre. Une partie venait de la caisse centrale. L’employée de la caisse centrale allait chercher l’argent en partie au coffre à Geispolsheim. Et ça faisait plus à Noël, avec la prime des administrateur qui était de 600€. »
La présidente : « Annuellement, l’ensemble de ces rémunération, ça faisait combien ? »
Mme Wregé : « On indemnisait 70 puis 100€ chaque administrateur pour leur présence au conseil d’administration, une fois par mois, plus le remboursement des frais. Sans justificatif, on savait le nombre de kilomètres qu’ils avaient à faire. »
La présidente du tribunal : « Comment vous saviez que cet argent venait d’un compte en Suisse ? » Mme Wregé : « C’était des rumeurs, c’est ce qui se disait. »
Fabienne Wregé : « On m’a remis une enveloppe avec de l’argent, qui venait d’un compte en Suisse et on m’a expliqué que je devais en tirer les indemnités pour les administrateurs. Quand j’ai reçu cet enveloppe, il devait y avoir 34 ou 35 000€. Aujourd’hui, il doit rester 5 ou 7000€. »
Mme Wregé, ancienne secrétaire de direction, est le premier témoin appelé par le tribunal. Sept témoins doivent être entendus. Quand à Jérôme Christ, il a fait valoir un certificat médical l’empêchant de répondre à la convocation du tribunal.
Yves Zehr et ses conseils, peu avant l'audience de mercredi (Photo PF / Rue89 Strasbourg / CC)
Yves Zehr et ses conseils, peu avant l’audience de mercredi (Photo PF / Rue89 Strasbourg / CC)
La présidente du tribunal Dominique Lehn : « Pourquoi ces informations n’apparaissent que maintenant ? » Yves Zehr : « J’avais perdu tous mes moyens, la procédure a été traumatisante pour moi, puis la prison… » Dominique Lehn : « Vous aviez tout le loisir d’en faire état lors de vos différentes auditions. »
La présidente remarque que la signature de Jérôme Christ est différente sur les documents remis par M. Zehr de celle qui figure sur d’autres documents qu’elle a en sa possession.
Yves Zehr : « Sovedi (la société de Jérôme Christ, le vendeur d’alcool) surfacturait des prestations publicitaires. Des annulés de caisse permettaient de générer des espèces, pour payer M. Christ. »
Yves Zehr est appelé à la barre pour qu’il vienne commenter de nouvelles pièces versées au dossier, concernant les ventes d’alcool dans l’hypermarché de Geispolsheim.
L’audience du procès d’Yves Zehr reprend.
L’audience doit débuter vers 8h30.

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