

Le nouveau maillot du Racing Club de Strasbourg suscite des réactions diverses. (Photo Denis Beylet / Racingstub)
Au rayon des symboles qui font l’identité d’un club, le maillot est un des piliers. Après le blason et carrément le nom du club, la saison dernière, la tunique aura vu cette saison un traitement désinvolte de la part de la direction. Cette braderie des piliers de l’identité du Racing, club centenaire, est en décalage avec le discours officiel du club. Est-ce un sincère amateurisme ou un double langage calculé ?
Penser à Manchester United évoque forcément un maillot simplement rouge frappé du blason avec bateau et diable rouge. Si on préfère le Calcio, l’évocation de la Juventus de Turin fait immanquablement surgir un maillot rayé verticalement, noir et blanc, frappé de l’écusson lui aussi rayé orné d’une couronne et d’un taureau. Pour de nombreux supporters, les couleurs du Racing Club de Strasbourg sont le bleu et le blanc, comme en témoignent les chants (cf. la vidéo ci-dessous, à partir de 3’30 »).
Le dégradant dégradé
Cette année, le maillot domicile se départit totalement de la sobriété attendue en présentant un dégradé allant de bas en haut du bleu roy au bleu ciel en passant par un entre-deux indéfinissable. Le tout était initialement proposé avec un short bleu roy, dans un ton-sur-ton incertain susceptible de provoquer un décollement de rétine brutal.
Cela pourraît être une métaphore du statut du championnat National, anonyme no man’s land entre les mondes amateur et professionnel. Pourtant, il s’agit bien de la réalisation d’un concepteur probablement professionnel d’un équipementier qui ne l’est pas moins. C’est vrai qu’un dégradé de couleur c’est chouette, enfin ça l’était en 1993 quand ils ont été introduits dans la version 4.0 de Powerpoint. On peut supposer que le club n’a livré qu’un cahier des charges sommaire, et que les dessinateurs de Hummel ont conçu la chose en roue libre un vendredi avant de partir en week-end.
Ce serait cocasse s’il ne s’agissait probablement du résultat de la désinvolture de la part de la direction du club vis-à-vis d’un des piliers de la symbolique rattachée à tout club de football digne de ce nom. Un club avec une histoire, un socle de supporters solides et pérenne et toute une “légende” qui charrie bien plus qu’une litanie de résultats sportifs d’un intérêt relatif puisqu’ils sont par natures périmés chaque saison, chaque semaine.
Cette légèreté est en contradiction avec le discours maintes fois répété par la direction depuis la saison dernière. La ligne officielle clame que “Le racing est un club avec une grande histoire” , “Le racing est une institution en Alsace. (…) On ne peut pas construire l’avenir sans s’appuyer sur des valeurs importantes” ou que “Notre richesse c’est que le Racing draine tout le public alsacien, c’est une grande force, ça nous donne une grande résponsabilité.” par la voix de Marc Keller, président du club.
Au delà de l’aspect esthétique, forcément subjectif, il est indéniable que le maillot “Home” est un étendard à la conception sobre et stable dans les grands clubs européens dotés d’une riche histoire. Certes, le maillot du Racing a souvent changé. Même le bleu n’est pas constant. Mais ce n’est pas une fatalité. On peut attendre d’une direction qui prône la reconstruction la volonté d’améliorer ce qui est dans le champ de son contrôle : la mise en place d’une stabilité textile !
Avant le maillot, déjà le nom et le blason du club ont été massacrés
Le blason [1] et évidemment le nom du club sont des éléments tout aussi constitutifs de l’identité d’un club. Il est cruel pour la cohérence du discours de l’actuelle direction que la mascarade des maillots de la saison 2013/2014 fasse suite à la décision la saison dernière de changer l’écusson et la dénomination du club en y accolant un ‘A’ pour Alsace. Aux yeux de la majorité du public cela n’a probablement pas grande importance. Cela peut aider nos amis d’outre-Vosges à situer Strasbourg en Alsace et pas en Allemagne, louable souci pédagogique. Il est cependant indéniable qu’il s’agit d’une atteinte à l’identité du club : qu’y a t’il de plus identifiant qu’un nom ?
Passons rapidement sur la réalisation du blason, avec police Arial totalement incongrue dans le contexte. Les âmes bienveillantes pourront avancer qu’on a au moins échappé au Comic Sans MS de sinistre mémoire. A la limite, cette dernière aurait été en adéquation avec les tribulations tragi-comiques qui ont souvent émaillé l’histoire de notre Club.
Les changements de la saison dernière, bien plus sévères qu’une conception de maillot réalisée à la truelle et au gravier de 12, ont été justifiés par l’apport de la Région d’une subvention de 600 000 € annuels pendant 3 saisons. Les exemples de quelques clubs ont été donnés pour compléter la démonstration (Nantes, Montpellier, Toulon, etc.). Cependant, les contre-exemples sont eux aussi nombreux : moults clubs ont aussi reçu des subventions de collectivité territoriales sans changer de nom, en particulier pendant l’ère pré “Loi Pasqua” [2] (PSG, OM et tant d’autres… dont le RCS). Il aurait été aisé d’argumenter qu’une subvention régionale n’implique en aucun cas l’exigence d’un changement de nom. D’ailleurs, le Conseil Général met aussi de l’argent au pot, et personne n’a songé à proposer une dénomination ubuesque “RCSBRA”.
Le club a besoin de cet apport important et décisif pour rester à flot, c’est un fait. Mais la direction aurait pu opposer des arguments historiques et identitaires à ce qui s’apparente à une oukaze du Conseil Régional en 2012, alors que le référendum sur le CTA approchait, coïncidence étonnante. Cela n’a pas été le cas, il y avait urgence.
Brouillage dans la ligne officielle ?
Cette accumulation de concessions est en contradiction avec la communication polie et policée de la direction. Cette dernière puise largement dans le champ de l’histoire, des symboles et fait souvent appel au soutien des supporters, y compris en reprenant un slogan inventé par les UB90 dans la communication institutionnelle du club [3]. Il est pour le moins déplaisant de voir se dessiner un double langage bien éloigné de l’élan vers le futur solidement propulsé par un socle respecté. C’est embarassant.
Il est bon de consulter la charte de la Fédération des Supporters du Racing Club de Strasbourg qui a pour but de rassembler le plus grand nombre de supporters du club en favorisant un dialogue serein entre les associations. En deux saisons, les trois principaux symboles qui fondent l’identité du club ont été bousculés, voire défigurés.
Extrait de la Charte de la Fédération des Supporters du Racing Club de Strasbourg
Le club a un nom “Racing Club de Strasbourg”, ses couleurs sont le bleu et le blanc, il est attaché au blason et aux symboles qu’il représente.
L’exaltant projet de reconstruction qui a suivi la descente aux enfers et la liquidation du club est un long travail minutieux et lent qui, afin d’être pérenne, doit passer par ce qui fait la force du Racing : le fameux socle évoqué par Marc Keller. Ce socle, c’est une histoire, des symboles et un soutien populaire [4] assez rare en France où la culture foot est peu ancrée. Ces éléments ne sont pas sujets aux aléas sportifs ou économiques et ne dépendent que de la volonté du Club. La dissonance entre l’ambition affichée de construire brique par brique un club cohérent à tous les niveaux et les actes de la direction est troublante.
Prendre en compte et tirer parti de la charge symbolique de ces piliers ne demande pas un effort surhumain [5] et, bien qu’en apparence accessoire, serait un atout supplémentaire dans l’optique de voir le Racing reprendre une place solide dans la hiérarchie du football français. Chiche ?
[1] à titre d’exemple pour illustrer l’attachement au blason des supporters de football, le VFB Stuttgart est revenu à son ancien blason cette saison sous la pression des supporters.
[2] loi du 8 Août 1994 qui prévoyait une limitation des subventions publiques progressives pour les clubs professionnels à l’horizon 1999.
[3] le slogan “Nous ne sommes pas 11… mais des milliers”, omniprésent sur le site officiel du club, et jusqu’au courrier reçu en août par les anciens abonnés pour la campagne de réabonnement, est une adaptation d’une banderole déployée à la fin de la saison de CFA 2012/2013. Le club a informé les UB90 de cette utilisation.
[4] les affluences massives pour les divisions inférieures dans lequel le club évolue depuis 2 saisons en sont la preuve. En CFA 2 le club détient les 14 meilleures affluences de l’histoire de ce championnat (source Wikipedia). L’affluence cumulée du club en CFA la saison dernière le place à la 25ème de France, tout championnat confondu (source site officiel du club). Cette saison, après la 5ème journée de championnat de National, le Racing est très loin devant les autres clubs (source FFF)
[5] l’effort nécessaire pour recruter des joueurs de qualité chaque saison, conserver les meilleurs et mettre en place un jeu cohérent semble bien plus conséquent.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Montée en National, le Racing doit remplir les caisses
En fait, je n'ai rencontré que des Ubs qui étaient contre ! Pour les autres, soit il est très sympa, soit il laisse indifférent ...
Peut être que le stagiaire Hummel a fait aussi un stage chez Nike pour le maillot de Nancy. A moins que ce soit une solidarité Club de l'Est kon la loose...?
Les maillots moches qui "trahissent" les couleurs traditionnelles du club ou le plus élementaire bon gout, il y en a pleitore depuis quelques années. On signalera comme ça, sans trop réfléchir, le maillot "uruguayen" de l'équipe de France, voire la marinière, les maillots récents du Barça, le maillot de Naples, le maillot DDE de l'OM...
Bref, les gouts et les couleurs... c'est le marketing coco
Pis le RCS(A) aura peut etre le droit à un titre cette année... à la cacamiseta2014???
Merci de votre commentaire.
Oui, la conception de maillots de football et probablement d'autres sport est rentré depuis de longues années dans le champ de la mercatique.
Oui, les goûts et les couleurs, toutes ces choses, ne se discutent guère, et d'ailleurs j'évoque à peine la faute de goût de base de faire un dégradé du sombre au clair de bas en haut sur un short sombre. Cependant, ce n'est pas la question de l'esthétique dont je voulais parler dans ce maillot, mais bien celle du maillot considéré comme un élément constitutif de la "personnalité symbolique" d'un club.
Oui, il arrive que les choix des concepteurs trahïssent les couleurs traditionnelles de tel ou tel club. Les exemples sont légions, effectivement.
Cependant, deux choses, dont une qui est une redite du fil rouge du papier :
1- Le fait qu'il y ait pire ailleurs ne justifie en aucun cas telle ou telle situation, selon moi.
2- Le redémarrage du club en CFA2 aurait pu marquer le début d'une reconstruction patiente, raisonnée et avec une vision à long terme du Racing Club de Strasbourg étant donné les atouts dont dispose le club.
Parmi ces atouts, le principal est l'ancrage profond, de longue date et étendu géographiquement du "mythe" Racing Club de Strasbourg dans le paysage alsacien. Je pense que peu de club en France dispose d'un tel soubassement, d'un tel socle.
Cependant, je considère que ce socle a été mis à contribution pour des aspects court-terrmistes (nettoyage du stade, utilisation de l'inventivité des UB90, appel au soutien populaire pour les derbys, etc.) mais jamais pris en compte dans sa dimension quasi tellurique afin de le mettre à profit et le nourrir d'actes marquant une volonté de bâtir "plus qu'un club" (si je peux me permettre ce parallèle totalement outrancier et grotesque, j'en conviens), revitaliser et développer une institution.
Il semble pourtant que la Direction actuelle et peut-être la précédente a conscience de de toute la mythologie, le "théâtre", le décorum et la tradition véhiculés, même de manière ténue parfois, comme un filigrane, par le "personnage" Racing. Pour preuve, les nombreuses déclarations de Marc Keller et d'autres dont des exemples sont donnés dans le papier.
Mais les actes accomplis dans le réel sont parfois en contradiction avec le discours mis en avant de manière opportune à divers moments clés, comme le début de saison, la période de réabonnement, les jours précédant un match décisif ou un derby.
Cela donne presque le sentiment d'une vision utilitariste de ces éléments clés, qui, le reste du temps, pendant le temps des affaires courantes, sont presque encombrants parceque définitivement pas du tout dans le style "football moderne". On est loin de la construction patiente et durable, brique après brique, d'un édifice solide, mais bien plus de la mise en place rapide d'un énième produit foot dont j'ai peur qu'il soit jetable et d'une vacuité insondable tant sa substance en est vidée consciensieusement.
Pour le cas particulier du maillot, du blason et du nom, c'est désolant car ce sont des éléments totalement sous le contrôle du club, il n'y a pas d'aléas sportif, de risque à prendre sur un joueur ou l'enrôlement d'un sponsor, ce sont des leviers totalement sous le contrôle de la Direction, qui a choisi dans ces trois cas l'option de ne pas prendre en compte l'histoire du club, voire même de le rebaptiser ! Il est même désolant de constater que ces trois éléments sont les trois éléments principaux mis en avant comme constitutifs de la "personnalité du club".
Blourg
JPDarky
Je sais que tu n'aimes pas le ballon ovale. Mais n'oublie pas que vous avez échappé au ridicule du "CA Brive-Corrèze-Limousin", qui le dispute à l' "ASM Clermont-Auvergne" (pour ceusses qui ne comprennent pas que Montferrand est un quartier de Cler mont-Ferrand, en Auvergne) ou au "Stade Aurillacois Cantal Auvergne" (ça c'est pour les rétifs aux bulletins météo et aux pébroques qui ne connaissent ni Neyrat ni les chiffres en bleu les matins d'hiver). J'en passe, y en a d'autres.
Tiens bon, camarade ! Le vieux monde est devant toi !