Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

L’abandon d’un cinéma aux Halles contesté par la direction du Vox

Fin janvier, l’Eurométropole a officialisé l’abandon du projet de transfert du cinéma indépendant le Vox à l’arrière des Halles. Eva Letzgus, à la tête du cinéma, ne s’avoue pas vaincue et engage un rapport de force pour la suite.

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Esquisse du projet des Halles, vue depuis le boulevard de Sébastopol (doc remis)

L’interpellation de Jean-Philippe Maurer, conseiller métropolitain LR, à la fin du conseil de l’Eurométropole du 29 janvier aura eu le mérite d’officialiser les choses : l’Eurométropole a bien abandonné le projet de transfert du cinéma Vox à l’arrière des Halles, en même temps que celui de réaménager les Halles et surtout de déménager la gare routière en trois autres lieux de Strasbourg.

Murielle Fabre, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de l’action culturelle et maire de Lampertheim, a ainsi lâché :

« Sur le projet des Halles, défini et proposé antérieurement, il n’est pas suffisant à ce niveau pour être poursuivi et cela marque effectivement l’abandon du projet de cinéma prévu. »

Mais l’élue se défend d’abandonner les dirigeants du Vox :

« Il n’est pas possible dans le contexte actuel de faire des propositions concrètes alors que les salles restent désespérément fermées et il n’y aura pas de vaines promesses. »

Un appel à projets sans suite

Mais de promesses et de propositions, les dirigeants du Vox n’en ont reçu aucune confirme Eva Letzgus, cogérante du cinéma Vox. En avril 2019, sous le mandat de Roland Ries, la Ville avait donné son feu vert pour « l’éclatement » de la gare routière des Halles vers trois autres lieux de Strasbourg, aux contours un peu flous. Cette décision déclenchait dans la foulée un appel d’offres pour un pôle urbain de loisirs à l’arrière des Halles, taillé sur mesure pour le projet du cinéma Vox, en réflexion depuis 2015. Cette même année, une étude indépendante avait confirmé que le projet concurrent d’un MK2 à Schiltigheim pouvait cohabiter avec le premier à condition que l’urbanisation à venir de l’agglomération fournissent un réservoir réaliste de 500 000 spectateurs supplémentaires d’ici 2024.

En début d’année 2020, le jury de l’appel à projets, piloté par l’Eurométropole, informait la famille Letzgus du succès de sa candidature. Mais dès ce résultat, les choses ont commencé à patiner. Quelques jours plus tard, le conseil eurométropolitain du 14 février a ajourné l’officialisation de la victoire du Vox. Sujet polémique dans le contexte de guerre des cinémas entre le Vox et le MK2, il attendrait l’issue des élections municipales. La demande venait de plusieurs groupes de maires de l’agglomération, des socialistes et écologistes. Problème : après l’arrivée de la nouvelle mandature, silence radio sur la question. Eva Letzgus se souvient :

« L’équipe du projet avait promis de revenir vers nous avec la nouvelle mandature. Mais on ne nous a jamais recontactés. Nous avons adressé trois courriers à la nouvelle équipe, dont un dès son élection. Finalement, nous n’avons été reçus que six mois après, le 18 janvier. Dans le cadre d’un appel d’offres, ce n’était même pas à nous de revenir vers eux. Ce n’était pas juste. »

« Favoritisme politique »

Le 18 janvier, la famille Letzgus défend auprès d’Anne Mistler, adjointe à la maire en charge des arts et de la culture, la nécessité du déménagement du cinéma Vox actuel, plus petit cinéma indépendant de Strasbourg, pour avoir plus d’écrans, des salles plus grandes, et une attractivité suffisante face au futur MK2. À la suite de cette rencontre, les Letzgus ont reçu un courrier leur signifiant l’abandon de leur projet, quelques jours avant le conseil de l’Eurométropole.

Alors que dans le même temps Danielle Dambach, maire de Schiltigheim et vice-présidente écologiste de l’Eurométropole, recevait publiquement les porteurs du projet de MK2 et s’enorgueillissait de sa construction d’ici 2022, le coup est dur pour la famille Letzgus qui dénonce « un favoritisme politique ». Eva Letzgus déplore :

« Nous actons la volonté de l’Eurométropole d’abandonner notre projet. Mais pourquoi ne pas l’avoir mis en attente ? Il ne nous a été fait aucune autre proposition alternative, ni de relocalisation. La Ville aurait pu essayer de trouver une solution pour le déménagement de cette gare routière qui n’est même pas aménagée convenablement pour ses usagers. »

Esquisse du projet des Halles, vue depuis le boulevard de Sébastopol (doc remis)
Esquisse du projet des Halles, vue depuis le boulevard de Sébastopol (doc remis)

Aucune alternative proposée

Pour l’heure, aucune piste n’a été évoquée si ce n’est la reconduction de la subvention de 65 000 euros versée au Vox pour 2020 au titre de la loi Sueur, tout comme aux cinémas Star. La famille Letzgus apprécie cette perspective d’être subventionnée mais ne la juge pas à la hauteur des enjeux :

« Bien sûr, cela nous aiderait de pérenniser ces subventions, décidés sous la précédente mandature. Nous ne percevons aucune autre subvention aujourd’hui alors que les cinéma Stars, qui captent l’ensemble des copies de films arts et essai dévolus à Strasbourg, touchent 250 000 euros à ce titre. Un soutien financier nous donnerait les moyens de communiquer sur notre programmation et nos animations culturelles. On peut trouver un terrain d’entente. Mais je ne vois pas comment ça peut suffire à endiguer les effets du MK2. »

Désormais, la famille entend maintenir le dialogue avec l’Eurométropole et être force de propositions. Après le tsunami de la crise sanitaire, elle demande un report des travaux du MK2 à 2025, le temps que les cinémas strasbourgeois retrouvent une santé financière. Elle souhaite aussi que le MK2 aménage moins de salles que prévu pour se réadapter à un réservoir de spectateurs supplémentaires qui sera moins important.

Suites juridiques à prévoir…

Le projet de transfert du Vox était en travail depuis 2015. Pour la famille Letzgus, il a exigé un lourd investissement :

« Nous avons travaillé main dans la main avec les services techniques de la Ville et de l’Eurométropole. Nous avons accepté de revoir sept fois notre projet, de changer d’architecte, de faire appel à un paysagiste de renommée internationale… On a pris et des risques et on s’est impliqués parce que nous y croyions. Nous avons aujourd’hui un sentiment d’injustice. Donc nous allons faire une estimation financière de notre investissement et vérifier si tout cela est normal juridiquement. »

En attendant, la direction du Vox se veut confiante pour la reprise de son activité, quand les cinémas pourront rouvrir :

« On ne va pas fermer boutique. Nous avons beaucoup de films dans les cartons. En septembre dernier, nous réatteignions notre niveau d’entrées de 2019. Il reste un élan de vie. Le cinéma restera un lieu de partage et de convivialité. »


#Cinéma Vox

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