
Alsace Nature dénonce le défrichage par les agriculteurs, en 20 ans, de 4 kilomètres de haies autour d’Altorf et Dachstein. Elles constituent le seul habitat restant aux oiseaux et aux insectes dans les zones de culture. Et pourtant, rien n’oblige les paysans à les conserver. Reportage.
« Voilà la toute dernière haie champêtre entre Altorf, Dachstein et Duppigheim », constate Christophe Klein, du groupe local Bruche-Aval d’Alsace Nature. En cet après midi ensoleillé de janvier, il pointe du doigt une bande d’arbustes, des pruneliers, des églantiers ou des aubépines, qui s’étend sur environ 200 mètres de long. « C’est là que niche le dernier couple de traquet pâtre des environs. La pie grièche écorcheur trouve aussi refuge ici », assure-t-il.
Christophe Klein, natif d’Altorf, réalise des films naturalistes en plus de son engagement dans une association écologiste. « Cet environnement, je le connais par cœur », confie-t-il. En 20 ans, il estime que « 4 kilomètres de haies sur les bancs d’Altorf et Dachstein ont été rasés par des agriculteurs ». Jacques Detemple, directeur de l’association Haies Vives d’Alsace, explique en quoi c’est problématique :
« Les haies sont des écosystèmes artificiels. C’est ce qui délimite les champs. Si elles sont si importantes, c’est parce que les zones agricoles représentent une très grande partie de ce territoire, où elles forment le dernier réservoir de biodiversité. De nombreuses espèces d’oiseaux et d’insectes en ont besoin pour s’y installer et s’y reproduire. Les chevreuils et les sangliers peuvent s’y cacher. Avec la destruction des haies, les animaux disparaissent. Sans elles, la plaine d’Alsace devient un désert. »
Les haies, conservées ou rasées au bon vouloir des agriculteurs
Ces lignes d’arbustes se trouvent, la plupart du temps, dans l’emprise de propriétés agricoles, quand les exploitants les laissent se développer. Ils ont le droit de les couper, sauf entre le 15 mars et le 31 juillet. « Notre but est d’inciter le monde de l’agriculture à conserver et à planter des haies. C’est incontournable pour enrayer le déclin de la biodiversité dans les campagnes », précise Jacques Detemple. Plus généralement, depuis 1950, 70% des haies ont disparu en France.
La grande haie de Dachstein se trouve en bordure d’une prairie, protégée dans le cadre d’une mesure compensatoire du GCO. À part elle, quelques ensembles de petits arbustes se dressent de manière éparse dans les alentours. « Petit à petit ils sont grignotés », remarque Christophe Klein. Il se souvient que « dans les années 70, il y avait 30 couples de courlis cendré » dans le secteur. Aujourd’hui, cette espèce a complètement déserté l’endroit. Idem pour le vanneau huppé. » D’après lui, le traquet pâtre, la pie grièche écorcheur, le bruant jaune et l’alouette des champs disparaitront aussi, si les haies continuent à être détruites.

En plus de la disparition des haies, des écosystèmes « pris en étau »
Depuis des chemins agricoles à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg, il observe les champs qui s’étendent jusqu’à la zone industrielle de Duppigheim. « Plus généralement, l’artificialisation gagne du terrain d’année en année », abonde Anne Vonesch, responsable des questions liées à l’agriculture pour Alsace Nature :
« Avec l’agrandissement des villages, des zones industrielles et des surfaces de culture, les écosystèmes sont pris en étau. Heureusement, il y a une petite forêt qui persiste dans la zone. »
À quelques mètres, l’entreprise Graf, qui fabrique des citernes, entrepose sa marchandise sur un terrain qui accueillait encore une prairie en mars 2020, d’après les images satellites de Google Earth.

« Personne n’assume couper les haies »
Selon Frédéric Wilt, agriculteur à Altorf, il n’y a jamais eu de haies dans la zone. Les dernières auraient disparues lors d’un réaménagement agricole en 1984, visant à augmenter la taille des parcelles. Cyriac Eyder, également exploitant dans le village, balaye : « On ne défriche rien à Altorf. » En contradiction totale donc avec le discours du groupe local d’Alsace Nature.
Bruno Eyder, le maire d’Altorf et frère de Cyriac, n’a pas connaissance de défrichage de haies, mais il reconnait que »si les agriculteurs le font, ils ne le lui disent pas et n’ont aucune raison de le faire ». Il est aussi président de l’association foncière et annonce que les exploitants ont accepté, lors d’une réunion le 27 janvier, de dédier des espaces aux plantations de haies. « Il reste à trouver les parcelles », dit-il.
Un autre paysan de la commune, qui souhaite rester anonyme, témoigne voir régulièrement les agriculteurs de la commune défricher les extrémités de leurs terrains, afin qu’aucune haie ne pousse. Il commente :
« C’est facile de dire qu’ils ne défrichent pas directement les haies, ils ne laissent rien pousser et grapillent chaque mètre qu’ils peuvent pour leurs cultures. »
Des défrichages indéniables
Déjà en avril 2000, un article des DNA intitulé « Adieu, jolies haies… » relatait leur destruction massive dans ce secteur, aussi liée à l’aménagement d’une piste cyclable. Christophe Klein montre trois lignes d’arbustes récemment rasées ou amoindries entre Altorf et Dachstein :
« Quand on connait le terrain, ces pratiques de défrichage systématique sont indéniables. Même si c’est tout à fait légal, c’est quand même un tabou, personne n’assume faire ça. »
Au passage, il désigne « la mauvaise gestion de mesures compensatoires du GCO », où des plantes ont aussi été fauchées.



Le baron Robert de Turckheim, grand propriétaire dans le secteur, loue ses terrains à Frédéric Wilt et à Sébastien Eyder justement. Il considère que « la mode des haies émane des bobos citadins et ne tient pas compte des difficultés des paysans ». D’après lui, les haies qui empiètent sur les terres cultivées empêchent le passage des tracteurs et représentent une charge de travail en plus.

« C’est culturel, pour les agriculteurs, les haies dérangent, ce sont des obstacles et elles empiètent »
Laurent Vetter, également agriculteur à Altorf, a planté ou laissé se développer environ 1 000 mètres de haies. Selon lui, cela ne provoque pas de manque à gagner :
« Il faut juste prendre le temps d’entretenir un peu, mais franchement, il ne faut pas considérer cela comme une immense charge de travail. Malheureusement, quasiment tous les agriculteurs autour de moi défrichent massivement. C’est aussi du travail au final. Mais c’est culturel pour les agriculteurs : les haies dérangent. Il faut avoir de grandes parcelles, des chemins au milieu et surtout pas d’obstacles. »
Un ligne à haute tension transperce le paysage. Sous les pylônes électriques, posés au milieu des champs, des ronces s’épanouissent. « C’est ironique, mais au moins, grâce à ça, quelques insectes peuvent s’installer », observe Christophe Klein.

« Nos plantations, c’est une goutte d’eau »
Dans le cadre du plan de relance, l’État investi 5,5 millions d’euros pour créer 7 000 km de haies en 2021 et 2022. La chambre d’agriculture et Haies Vives d’Alsace utilisent ces fonds pour porter des projets de plantation sur des terrains communaux ou agricoles.
Mathilde Aresi coordonne des actions de protection de la biodiversité à la chambre d’agriculture d’Alsace. Elle indique qu’une équipe de 5 conseillers en agroforesterie organise régulièrement des réunions avec les paysans pour les inciter à planter ou à conserver des haies, en insistant notamment sur les aspects positifs économiquement : le bois obtenu suite aux élagages peut ensuite servir à faire de la litière d’élevage. Cette dernière distingue trois groupes d’agriculteurs :
« Certains sont réticents d’office car ils considèrent les haies comme une perte de temps. D’autres ne ferment pas tout de suite la porte mais s’interrogent sur le temps et l’argent que l’entretien peut leur coûter. Et enfin, il y a ceux qui sont déjà convaincus et très volontaires. En 2021, nous avons réussi à porter 4 projets de plantation de haies, soit 11 kilomètres. En 2022, nous comptons accompagner 60 projets. »

« Il faudrait des incitations financières pour valoriser l’entretien des haies »
Même Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, le syndicat majoritaire des agriculteurs, a « lancé le défi » aux céréaliers de planter des haies, lors du congrès des producteurs de blé, le 1er juin 2021. « On ne perdra pas en production, c’est en bord de champs. Nous gagnerons en popularité dans les communes », disait-elle. « Il y a une impulsion qui va dans le bon sens », reconnait Jacques Detemple, de Haies Vives d’Alsace. Mais il relativise :
« Avec notre association, on plante 15 à 20 km de haies par an dans toute l’Alsace. C’est une goutte d’eau. Parallèlement, il nous est impossible de déterminer combien de haies sont détruites. C’est absurde que de l’argent public serve à planter des haies à un endroit, si à côté, d’autres haies sont toujours détruites plus rapidement. Globalement, la biodiversité continue à décliner en Alsace. »
Christophe Klein participe parfois, en tant que bénévole, aux plantations de haies : « On n’est pas certain que les haies poussent bien là où on sème, d’où l’importance de conserver celles qui existent déjà. » Selon Mathile Aresi, vu les retours que perçoit la chambre d’agriculture, des incitations financières pour valoriser l’entretien des haies « permettrait certainement de les protéger davantage ».
Les terres cultivables c'est l'équivalent de l'entreprise pour les agriculteurs, avoir des haies, c'est avoir une baisse de revenu et beaucoup de contraintes pour une profession où les revenus sont déjà très bas. Haies font bien sûr bénéfique à la bio diversité. Ils sont nécessaire pour le bénéfice de tout le monde. Mais pourquoi on faire supporter la charge aux agriculteurs seulement seulement !!! Quand il y a une haie, il y a une perte d'exploitation les agriculteurs devrait être indemnisé la biodiversité profite à tout le monde alors c'est tout le monde qui devrait la payer. L'intensification de l'agriculture en France nous a déjà permis d'augmenter les surfaces forestière. Nous sommes capable aujourd'hui de produire heureusement beaucoup plus que dans le passé, il y a un siècle les terres cultivables était pratiquement le double en surface par rapport a maintenant, et il était incapable de produire suffisamment pour nourrir une population qui comptait seulement 40 million d'habitants la France est totalement dépendant des importations de céréales, les fruits et les légumes il y a un siècle en on en parle même pas les Français en manger pratiquement pas par rapport à maintenant.
Les agriculteurs ne peuvent pas tout supporter ils doivent travailler toujours plus de surface pour pouvoir vivre de leur métier. Leur mettre trop de contraintes c'est les voir disparaître, et surtout c'est importer de la nourriture de pays qui sont très loin d'avoir nos contraintes environnementales et sanitaire
Avenir de nos enfants en péril.
" Nature et avenir, je te "hais", pourraient affirmer les
thuriféraires du profit à court terme, sacrifiant les haies
sur l'autel de la monoculture intensive.
L'anthropocène a de bien mauvais jours devant elle.
De plus, les haies, les arbres, en plus de favoriser une biodiversité positive pour tous (nature, plantations, hommes...), participe aussi à la fixation des sols et à leur moindre érosion (vents, pluies...), ce qui est là aussi favorable à tout le monde...
Sous la révolution française en ouvrier devait travailler 4h pour pouvoir se payer l'équivalent d'un kilo de blé (en gros ça faisait 1 kg de pain) au début du siècle dernier l'ouvrier devait travailler 2h pour se payer ce même kilo de blé, aujourd'hui en ouvrier au SMIC dois travailler une minute vingt, pour se payer ce même kilo de blé. Vous en connaissez beaucoup des gens qui travaillent pour presque rien. Et après vous allez encore leur dire que vous allez prendre 5 % de leur surface pour planter des arbres !!! Non seulement c'est des contraintes, parce que ça rend le travail beaucoup plus difficile, alors même qu'il est obligé d'avoir des surfaces toujours plus grande pour pouvoir vivre de sont métier, les arbres et les demande de l'entretien encore du travail en plus où il ne sera pas rémunéré. Demander voir à un ouvrier de travailler 10h par mois gratuitement !!!;
Vous voulez des haies, alors c'est simple il faut payer les pertes d'exploitation et le travail d'entretien, ce n'est pas normal que ça soit la charge des agriculteurs ça doit être à la communauté française tout entière puisqu'il profite à tout le monde.
Un smicard doit travailler selon vous 1 min 20 pour se payer un kilo de pain
Ça fait donc un smic horaire à 180€ ….. net
Si tout le reste de vos informations et analyses sont aussi pertinentes ….