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Journal de rase campagne (3) : Anticor, premier débat et candidat mystère

J-8 semaines avant le premier tour des élections municipales à Strasbourg. A moins de deux mois de l’échéance, la campagne, très classique, commence à s’intensifier, avec notamment une poussée d’Anticor sur le front de « l’éthique en politique », qui en agace certains. Les états-majors restent par ailleurs frileux sur le dévoilement des programmes. « Encore trop tôt », se justifient-ils.

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Journal de rase campagne (3) : Anticor, premier débat et candidat mystère

Alain Jund (EELV) a signé mardi la charte Anticor en présence de Chantal Augé (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Alain Jund (EELV) a signé mardi la charte Anticor en présence de Chantal Augé (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

1 – Charte Anticor, signature électoraliste ?

Après François Loos (UDI), Alain Jund (EELV) est le second candidat aux élections municipales à Strasbourg à avoir signé la charte Anticor, mardi 21 janvier, dans son local de campagne rue de La Division-Leclerc (photo ci-dessus). Présentée par la conseillère municipale Chantal Augé, tête de pont d’Anticor 67, cette charte engage le candidat élu maire à respecter 9 points : le non-cumul des mandats et des fonctions exécutives – un signataire ne pourrait pas par exemple cumuler des postes de sénateur, maire et vice-président de la communauté urbaine comme le fait actuellement Roland Ries -, la formation des élus au conseil municipal « notamment sur l’élaboration et sur le contrôle du budget, la passation des marchés publics et l’exécution des délégations de services publics », la déclaration des intérêts privés et associatifs des élus pour « plus de transparence », ou la mise en place d’une commission de contrôle financier avec participation des citoyens.

Objectif de cette signature pour Alain Jund, « donner un signal de probité dans un moment de crise entre le « pouvoir » et ceux qui élisent », suite aux affaires Cahuzac ou Dassault, et de ce fait « lutter contre le tous pourris, l’abstention et les extrêmes ». « Si nous sommes dans la majorité en mars, nous nous appliquerons ces engagements, notamment en ce qui concerne la formation des élus, a noté par ailleurs Eric Schultz, n°3 sur la liste EELV. D’autant que ces formations existent et ne sont pas suffisamment utilisées. » L’association Anticor assurera-t-elle un « service après vote » ? « Oui, mais la tenue des engagements sera vérifiée si le signataire est élu maire », concède Chantal Augé. Traduction : pour Alain Jund, cette signature n’engage guère.

Fabienne Keller (UMP) a signé la charte Anticor vendredi midi dans son local de campagne quai des Bateliers - Un panonceau a été imprimé tout spécialement (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Fabienne Keller (UMP) a signé la charte Anticor vendredi midi à L’Atelier, son local de campagne quai des Bateliers – Un panonceau a été imprimé tout spécialement (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

La donne change un peu avec le troisième signataire de la charte à Strasbourg. Car, surprise, vendredi midi, c’est Fabienne Keller (UMP) qui s’y est collée à son tour, au pied levé et avec force communication (photo ci-dessus). Une plus belle prise pour Chantal Augé, puisque contrairement à Alain Jund ou François Loos, crédités de 10 et 8% dans un sondage récent, Fabienne Keller pourrait quant à elle diriger à nouveau la 7ème ville de France.

Stratégie électoraliste pour la sénatrice du Bas-Rhin ? « Pas du tout, je crois en la transparence et pense que nous allons vers un système nordique. C’est normal que les élus n’aient pas autant de libertés que le citoyen moyen parce qu’ils gèrent son argent. » D’où la publication des patrimoines et de toutes les fonctions qui pourraient entraîner des conflits d’intérêts. Selon Fabienne Keller, le respect du « contrat » passé avec Anticor pourrait-il compliquer l’exercice du pouvoir ? « Cela génèrera des remous, de la jalousie ou des interrogations quand on publiera le montant des subventions aux associations, en tout cas la première fois. Mais tout ça va dans le bon sens. »

Au-delà des déclarations de probité, cette signature relève pourtant bien d’un calcul électoral. Si les candidats signent les uns après les autres cette charte portée par une conseillère municipale issue de la liste socialiste de 2008 et virée par Roland Ries il y a deux ans, c’est surtout parce que ce dernier ne la signera pas. Du coup, l’entourage du maire PS anticipe la critique en martelant que le sortant n’a « pas de leçon a recevoir » d’une association. D’autres encore n’hésitent pas à questionner la légitimité d’Anticor à s’ériger en contrôleur des élus, alors qu’en démocratie, ce rôle est normalement tenu par les électeurs (et la sanction du vote) et par la justice. Le débat reste ouvert.

2 – L’offre insolite de Bézu à Jund

Dominique Bézu signera peut-être aussi cette fameuse charte. Qui sait. Le candidat MoDem dissident a par ailleurs fait une « proposition d’action commune » à Alain Jund (EELV). Dans ce courrier non daté, il lui fait une offre des plus insolites :

« Cher Alain, je m’inspire de nos excellentes relations pendant la dernière campagne des élections cantonales à Neuhof pour solliciter ton aide. Tu le sais, la liste que je fédère a pour objectif et pour promesse de réduire notre pollution de 25% à l’horizon 2020 et de 50 % à l’horizon 2026. Avec ton aide nous pourrions tout de suite porter auprès des autres candidats 2 mesures concrètes : 1) que chaque liste établisse le bilan carbone de la campagne électorale, 2) que chaque liste renonce à l’affichage, hors panneaux électoraux. »

Sachant que Dominique Bézu n’a pas grand chose en poche pour mener sa campagne – dont le coût est estimé a minima à 100 000€ par liste, sa proposition n’engagerait… qu’Alain Jund et les autres, dont les caisses sont autrement plus remplies. Le candidat écologiste ne nous a d’ailleurs pas répondu sur la suite qu’il comptait donner à cette proposition.

3 – L’énergie, de préférence « positive », thématique n°1

Il y avait déjà « la ville à énergie positive » des écologistes début janvier, puis le slogan de campagne de Roland Ries « Strasbourg, énergies positives » (tout est dans le pluriel !), dévoilé la semaine dernière. Jeudi 23, c’était au tour d’Objectif Climat, association régionale qui œuvre contre la crise climatique, d’interroger les candidats sur la transition écologique dans la ville.

Alain Jund (EELV), Fabienne Keller (UMP), François Loos (UDI), Roland Ries (PS), Jean-Claude Val (FdG) et Dominique Bézu (dissident du MoDem) avaient une dizaine de minutes pour présenter leur vision d’un Strasbourg plus écolo et parcimonieux en énergie. Le candidat écologiste a eu son boulevard, tapant gentiment sur le rallye de France-Alsace et le GCO soutenus par Roland Ries. Ce dernier est remonté aux années 1990 et au lancement du tram pour valoriser sa politique de transports collectifs, s’emmêlant un peu les pinceaux sur les réalisations de la municipalité sortante (installation d’agriculteurs bio dans la CUS, tour à énergie positive…).

Jean-Claude Val, candidat du Front de gauche (en rouge), a été l'orateur le plus apprécié du débat sur la transition écologique, jeudi à la librairie Kléber (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Jean-Claude Val, candidat du Front de gauche (en rouge), a été l’orateur le plus apprécié du débat sur la transition écologique, jeudi à la librairie Kléber (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Dominique Bézu, candidat centriste, a été raillé par la salle à l'occasion du débat sur la transition écologique - jeudi 23 janvier (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Dominique Bézu, candidat centriste (au premier plan), a été raillé par la salle lors de son intervention pendant le débat sur la transition écologique – jeudi 23 janvier (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

François Loos, ancien président de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), a pourtant fait pâle figure, évoquant vaguement l’intégration des contraintes environnementales dans le processus de production des entreprises et martelant la nécessaire rénovation thermique des bâtiments publics et privés, une idée qui fait aujourd’hui consensus. Sa voisine Fabienne Keller n’a pas fait tellement mieux, égrainant des mesures déjà entreprises (auto-partage, vélo…) et justifiant la construction du GCO par la pollution de l’air à laquelle sont soumis les « pauvres habitants » de Strasbourg.

Alors que Dominique Bézu s’est perdu dans une présentation de sa démarche hors sujet, c’est Jean-Claude Val du Front de gauche qui a été le plus convaincant jeudi soir. « Excellent », ont jugé de très nombreux présents, pourtant majoritairement venus soutenir un autre candidat. Ses propos, comme les mesures avancées (gratuité des transports collectifs « faisable en un mandat », soutien aux agriculteurs pour conserver ou restaurer des filières courtes en empêchant la spéculation immobilière et la déprise agricole…) ont été les seules à faire rêver le public, malgré le scepticisme de beaucoup quant à leur faisabilité.

Le FN dénonce une « censure » d’Objectif Climat

A noter qu’Objectif Climat a choisi de ne pas convier à ce débat le candidat du Rassemblement Bleu Marine soutenu par le FN, Jean-Luc Schaffhauser. Une position que « regrette et ne comprend pas » son directeur de campagne Laurent Husser, qui reconnaît que son candidat ne porte pour le moment aucune proposition sur l’écologie. Dans un communiqué, il fait savoir :

« Ce débat n’était qu’un simulacre de débat démocratique. Le président de cette association [ndlr, Robert Betscha, militant PS et professeur d’histoire] qui, rappelons-le, touche 23 000€ de subventions publiques, pratique donc très exactement ce qu’il entend dénoncer : la censure, les pratiques anti-démocratique et le révisionnisme historique. Si les présidents d’associations, les organisateurs de rencontres et autres médias choisissent uniquement les candidats selon leur sensibilité politique propre, il deviendra difficile de débattre durant cette campagne et de faire entendre une voix dénonçant justement un système à bout de souffle. »

4 – Pour les programmes concrets, on repassera

Les programmes, ces listes de propositions sensées départager les candidats, ces boussoles pour les citoyens à qui incombe le choix de désigner bientôt leurs nouveaux représentants. De programmes, il en est encore fort peu question dans cette campagne, qui démarre lentement. Au Front de gauche et au Front national (le tract du Rassemblement Bleu Marine en PDF), le corpus idéologiquement est clair, les orientations nationales données. Mais les programmes locaux finalisés ne sortiront quant à eux que fin février.

En ce qui concerne les candidats sortants (PS et EELV) et challengers de droite (UMP et UDI), on connait (à peu près) la vision, le mode d’arbitrage et le type de gouvernance, mais on attend également toujours ces fameux programmes. Le premier document de campagne de Roland Ries donne 4 grandes orientations, mais point de détails. Codirecteur de campagne, Mathieu Cahn s’explique sur la stratégie de la liste PS :

« On assiste à une campagne à fronts renversés. Normalement, c’est le candidat de l’alternance [Fabienne Keller ou François Loos] qui tire en premier et le sortant qui répond. Alors que Fabienne Keller est encore en train de « concerter », on cramerait (sic) notre temps de parole médiatique en annonçant notre programme maintenant. Nous ne tomberons pas dans ce piège, d’autant que la population ne se préoccupe pas encore du scrutin. Mais notre programme est prêt, même si nous n’avons pas encore choisi parmi la douzaine de propositions phares, les 4 que nous pousserons. »

Au menu théoriquement, la poursuite de la politique logements, avec cette fois des objectifs non-chiffrés, « l’ouverture de Strasbourg à 360° » ou la construction d’équipements publics de proximité dans les quartiers. Par ailleurs, les militants PS présents sur le terrain « ont déjà des éléments de programme ». Chanceux, ils sont.

Un mois pour comparer, c’est court

Alors qu’Alain Jund (EELV) aligne lui des « priorités« , mais toujours pas de propositions concrètes, Fabienne Keller annonce que les réunions de Strasbourgeois à l’Atelier « se termineront en temps voulu, quelque part en février ». D’ici là, pas de programme formel et encore moins d’annonces « clinquantes ». La candidate UMP assure que la synthèse sur chaque thématique « se fera dans les ateliers ». Il ne restera ensuite qu’à compiler et imprimer. Agacé, Mathieu Cahn (PS) note à ce propos :

« Notre vision, les Strasbourgeois la connaissent ! La sienne, non. Elle a critiqué la « bétonisation » pendant 5 ans, va-t-elle arrêté de faire des logements ou laisser la ville s’étaler ? Va-t-elle construire de nouveaux parkings en silos au centre-ville ? Soit elle a déjà son programme et dans ce cas, elle se fiche du monde, soit elle ne sait pas où elle va, et s’est particulièrement flippant ! »

A noter que ce tempo de campagne, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de « course de lenteur », n’est pas pour faciliter l’appropriation par les citoyens intéressés (et les observateurs que nous sommes) des idées nouvelles des uns et des autres. A la sortie de la flopée de documents mi- voire fin février, il ne restera que 3 à 4 semaines pour comparer, apprécier et faire son choix entre les diverses propositions. Fait exprès ?

Sur ce thème, revoir l’émission La Voix des Médias (25 janvier 2014)

5 – Le candidat mystère sorti de l’ombre…

Capture de la home de site de campagne du Mouvement citoyen de Strasbourg - saglamer.eu (MM)
Capture de la home du site de campagne du Mouvement citoyen de Strasbourg – saglamer.eu (MM)

Des tracts mystérieux avaient été découverts ces derniers jours dans des boîtes aux lettres de Strasbourgeois. On y voyait une ombre masculine et y lisait un message laconique, « prêts à participer à un projet citoyen ? A bientôt pour en savoir plus… » Et puis le candidat du « Mouvement citoyen de Strasbourg », le quadragénaire d’origine turque Tuncer Saglamer, est sorti de l’ombre. Son site internet lancé vendredi 24 janvier retrace le parcours de cet agent immobilier habitant le quartier de la Montagne Verte, qui souhaite mener une liste « de la diversité ». Passé par le PS et l’UMP (il était 40ème sur la liste de Fabienne Keller en 2008), mais surtout soutenu par la Cojep, Tuncer Saglamer axera son futur programme sur l’accès au logement ainsi que sur une cinquantaine d’autres points. Présentation :

« Parmi [les 50 actions], notons la priorité à l’emploi, aux questions économiques et sociales, des actions d’encouragement de l’entrepreneuriat, création d’entreprises et de l’emploi, des actions de soutien au tissu associatif indispensable pour renouer le lien social, des actions de politique urbaine et de l’habitat pour réduire la ghettoïsation de nos quartiers et offrir des logements à ceux qui n’en finissent pas d’attendre. Notons également la préparation d’actions d’encouragement et de promotion de l’innovation ainsi que des actions de démocratie participative. »

Programme précis et liste complète présentés mi-février. Comme les autres, donc.


#élections municipales 2014

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