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Coronavirus : après un départ raté, les cliniques privées épaulent les hôpitaux publics

Face à l’épidémie de Covid-19 et la saturation des services des hôpitaux publics, les cliniques privées strasbourgeoises ont ouvert des unités de réanimation et accueilli leurs premiers patients. Mais comme dans le public, les structures privées sont inquiètes face aux quantités de matériel et par l’évolution de l’épidémie.

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Coronavirus : après un départ raté, les cliniques privées épaulent les hôpitaux publics

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les hôpitaux publics de Strasbourg, Colmar et Mulhouse se retrouvent submergés par l’afflux de patients en réanimation. Dans le Bas-Rhin, 81 personnes sont mortes du coronavirus à ce jour, 737 sont hospitalisées et 213 sont en réanimation, selon l’Agence régionale de santé (ARS).

En deuxième ligne, les cliniques privées de Strasbourg ont commencé à recevoir les premiers patients atteints du Covid-19 dans la semaine du 16 mars. Dès le début du mois de mars, elles ont indiqué à l’Agence régionale de santé (ARS) qu’elles se tenaient prêtes à soutenir les hôpitaux publics. Mais il a d’abord fallu attendre que l’ARS délivre une autorisation administrative de trois mois pour l’activité de soins en réanimation.

« On a bâti un dossier pour demander l’autorisation d’armer des lits en réanimation et nous avons obtenu l’autorisation en douze heures », explique Frédéric Leyret, directeur du Groupe Hospitalier Saint-Vincent (GHSV). Composé des cliniques Sainte-Anne et Sainte-Barbe à Strasbourg et La Toussaint et Saint-Luc à Schirmeck, l’établissement privé est le premier du Bas-Rhin, avec 420 lits.

18 lits de réanimation au Groupe Hospitalier Saint-Vincent

Vendredi 20 mars, la structure a accueilli six premiers patients en provenance d’hôpitaux de Strasbourg et de Colmar. Ils ont été répartis au sein de deux unités de réanimation, d’une capacité totale de 15 places (9 à la clinique Sainte-Anne, 6 à la clinique Sainte-Barbe). « Aujourd’hui, nous avons 93 patients Covid, dont 15 sont en réanimation », précise Frédéric Leyret. Il ajoute : « Nous ne sommes pas saturés, ni débordés ». 

Dès le 10 mars, douze médecins de ce groupe hospitalier à but non lucratif ont renforcé les équipes de régulation du SAMU de Strasbourg. « Le CHU nous a fait une demande d’assistance« , explique Frédéric Leyret. Le directeur évoque une période de flou entre la mise en place du dispositif d’aide aux hôpitaux publics et l’arrivée des premiers patients, dû au caractère exceptionnel de la crise. Des problèmes de régulations qui toutefois n’ont eu aucune conséquences graves :

« Dès le lundi 16 mars, on était équipés avec douze lits de réanimation et nous n’avons reçu aucun malade alors qu’on voyait les problèmes rencontrés par le CHU de Strasbourg et les scènes de médecine de guerre dans le Haut-Rhin. Finalement, les premiers patients Covid sont arrivés dans la soirée du mercredi 18 mars. »

Patrick Wisniewski, directeur de la clinique de l’Orangerie et président de la Fédération hospitalière privée du Grand Est suppose que ce temps de latence est dû à une saturation des transports des véhicules sanitaires :

« Un patient Covid intubé nécessite l’accompagnement d’un réanimateur qui le suit toute la journée. Du coup, les patients nous sont adressés qu’en fin de journée. »

La situation exceptionnelle nécessite une réorganisation interne des effectifs.
(Photo d’illustration / Francisco Àvia Hospital Clínic / Flickr)

Quatre boxes à la clinique de l’Orangerie

À la clinique de l’Orangerie, les premiers patients Covid sont arrivés de Colmar samedi 21 mars. C’est au quatrième étage de l’ancienne Unité de soins intensifs de cardiologie (Usic) que quatre boxes ont été armés avec des éléments d’assistance respiratoire. Patrick Wisniewski détaille : 

« Nous avons reçu l’instruction de la Direction générale de l’offre de soins de déprogrammer les activités médicales non urgentes, pour libérer des lits de surveillance continue et du personnel. Au total, ce sont entre 350 à 400 opérations qui ont été déprogrammées cette semaine et là nous déprogrammons les opérations de la semaine prochaine. »

L’établissement estime pouvoir monter jusqu’à huit lits de réanimation. « En une semaine, c’est une prouesse qu’on ait réussi à organiser tout cela », glisse le directeur.

En manque de masques, certaines structures ont fait des appels aux dons.
(Photo Giovanna Baldini / Flickr)

18 lits de réanimation à la clinique Rhéna

Au Port-du-Rhin, la clinique Rhéna s’est elle aussi préparée à la vague de patients. Au sein de l’établissement, 16 lits sont occupés dans une unité de réanimation qui compte 18 lits. Vingt-cinq patients Covid sont hospitalisés dans l’unité de médecine. Le service peut en accueillir jusqu’à 27.

Pour répondre au mieux aux besoins médicaux, l’établissement a déprogrammé au cours de cette semaine près de 1 000 interventions non-urgentes. Comme dans les autres structures, la situation exceptionnelle nécessite une réorganisation interne, explique Sylvain Derouet, directeur de la clinique : 

« On essaie de réaffecter nos équipes dans d’autres services, mais il faut les accompagner, les former. Des anésthésistes ont été mobilisés pour former du personnel et nous avons réinjecté tous nos effectifs soignants dans des unités de soin en continu car pendant ce temps, nous avons encore d’autres patients, ceux qui ne sont pas atteints du Covid19. »

800 à 1 000 masques consommés chaque jour

Au Groupe hospitalier Saint-Vincent, où la fermeture des blocs opératoires a permis de récupérer des infirmiers anésthésistes et des respirateurs, Frédéric Leyret pointe aussi des limites : 

« Nous disposons de peu de respirateurs. On sait intuber mais notre vocation est de transférer les patients au CHU au bout de 48 heures de réanimation. »

Le directeur de la structure évoque aussi le problème du stock de masques et de protection pour le personnel soignant, qui consomme 800 à 1 000 masques par jour : 

« Au bout d’une semaine, nos stocks on fondu. On a fait un appel aux dons et des particuliers, mais aussi aux professionnels du bâtiment, aux vétérinaires et aux dentistes. Des mairies nous ont même donné le stock de masques prévus pour le second tour des municipales. Au total, nous avons récupéré 10 000 masques. »

La clinique Rhéna a mis en place des circuits séparés à l’accueil des urgences.
(Photo Sigi Sunshine / Flick)

Le groupe hospitalier a mis en place dans l’ensemble de ses structures du Bas-Rhin des zones réservées à l’accueil de patients atteints du Covid-19. Le but : protéger les autres patients hospitalisés pour d’autres raisons, notamment les plus fragiles comme ceux qui suivent une chimiothérapie.

De son côté, la clinique Rhéna s’est aussi organisée pour mettre en place des circuits séparés à l’accueil des urgences, afin que les patients présentant des symptômes au Covid19 ne croisent pas des malades.

« Il y aura des leçons à tirer de cette période »

Au niveau national, la Fédération de l’hospitalisation privée déplore le fait que les structures de soins privés ne soient pas sollicitées et évoque des « établissements vides ». Son président, Lamine Gharbi a alerté mardi 24 mars sur une « communication » défaillante entre les structures publiques et privées dans la gestion des patients atteints du Covid-19.

« Il y aura des leçons à tirer de cette période, c’est sûr », estime Frédéric Leyret, du Groupe Hospitalier Saint-Vincent. Patrick Wisniewski insiste sur la solidarité entre les professionnels :

« Il n’y a pas de concurrence, on vient en soutien des hôpitaux publics. »


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