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Expulsion du camp de l’Étoile : « La préfète demande au tribunal de l’autoriser à faire ce qu’elle peut faire »

Audience inhabituelle au tribunal administratif mercredi, où la Ville de Strasbourg était enjointe par la préfecture du Bas-Rhin de saisir… la préfecture du Bas-Rhin, afin de procéder à l’évacuation du campement de l’Étoile. Un nouvel épisode de la guéguerre entre la Ville et la préfecture sur ce dossier.

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Expulsion du camp de l’Étoile : « La préfète demande au tribunal de l’autoriser à faire ce qu’elle peut faire »

« On ne comprend pas ce que la préfecture nous demande. » Ainsi s’exprime Michaël Gompel, directeur des services juridiques de la Ville de Strasbourg, avant une audience devant le tribunal administratif mercredi 30 novembre. En résumé, la préfecture demande au tribunal « d’ordonner l’évacuation du campement » de la place de l’Étoile, et de « requérir la préfète à cette fin ».

Autrement dit, la préfète Josiane Chevalier veut en finir avec les quelques 80 à 100 personnes sans-domicile qui s’abritent sous des tentes au milieu du parc de l’Étoile, mais elle veut aussi que ce soit demandé par la Ville de Strasbourg. Car, selon un argument soulevé par la préfecture du Bas-Rhin lors de l’audience, un article du droit local alsacien – mosellan du Code des collectivités locales restreint les pouvoirs de police administrative aux seules communes sur les terrains qui leur appartiennent. Selon le responsable du service juridique de la préfecture, « il y a un trouble à l’ordre public à partir de ce terrain et l’absence d’action de la Ville de Strasbourg constitue une carence de la collectivité ».

Me Olivier Maetz intervenait pour la Ville de Strasbourg Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Un argument largement contesté mardi par la Ville de Strasbourg. Conseil de la collectivité, maître Olivier Maetz n’a pas boudé son plaisir pour dénoncer des incohérences de la préfecture du Bas-Rhin qui rendent son déféré irrecevable selon lui :

« En septembre et en octobre 2021, la préfecture a évacué deux campements, à la Montagne Verte et devant l’église Saint-Maurice, de plus d’une centaine de tentes chacun, en utilisant des policiers, sans demander ni même prévenir la Ville de Strasbourg. Elle s’en est même vantée par des communiqués de presse et il s’agissait de terrains du domaine public communal. Donc on ne comprend pas pourquoi la préfète nous demande aujourd’hui de la saisir, elle n’en a pas besoin, elle demande au tribunal de l’autoriser à faire ce qu’elle peut faire. »

En outre, « ce n’est pas la Ville de Strasbourg qui occupe ce terrain », a rappelé Me Maetz, et ce n’est donc pas à elle que devrait s’adresser cette injonction mais aux occupants. « Et d’ailleurs, la Ville de Strasbourg a envoyé un référé mesures utiles aux occupants en juillet, » a-t-il précisé.

Attention médiatique et pirouettes légales

Me Maetz a rappelé « l’attention médiatique » dont bénéficie le camp de la place de l’Étoile et sa charge symbolique, étant directement sous les fenêtres du centre administratif. Des militants de l’association D’ailleurs nous sommes d’ici, qui interviennent régulièrement auprès des personnes du camp, étaient présents à l’audience. Il est clair que l’autorité qui ordonnera l’évacuation de ce camp devra en payer un coût politique, alors que ces personnes, demandeurs d’asile pour la plupart, cherchent d’abord une protection. Un coût politique que ni la maire de Strasbourg ni la préfète ne veulent payer.

Le camp de l’Étoile est occupé par près d’une centaine de personnes Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc

Les deux institutions publiques ne sont pas non plus d’accord sur les suites apportées aux occupants après une évacuation : la Ville de Strasbourg demande une mise à l’abri tandis que la préfecture propose un logement en attendant, pour ceux dont les titres de séjour sont échus, un retour vers leurs pays d’origine. Me Maetz a rappelé à l’audience que Josiane Chevalier avait déclaré sur BFM Alsace réserver l’hébergement d’urgence par l’État aux personnes en possession d’un titre de séjour. Une affirmation qui ne correspond pas à la loi, qui garantit l’hébergement d’urgence à toute personne présente sur le territoire français, comme Rue89 Strasbourg l’avait écrit alors.

Le retour de la solution grillage

En troisième point, la préfecture du Bas-Rhin demande au tribunal administratif d’ordonner à la Ville de Strasbourg de « prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’un campement se réinstalle sur le parc de l’Étoile, soit en clôturant le site, soit en y installant des dispositifs matériels utiles à éviter l’installation de tentes ».

Me Maetz a précisé devant le tribunal qu’aucun grillage n’empêcherait les personnes suffisamment désespérées pour s’installer sous des tentes de les planter dans ce parc, ou qu’elles iraient simplement s’installer quelques mètres plus loin, et on imagine mal la Ville de Strasbourg installer du mobilier anti-SDF. Rappelons qu’en 2017, des grillages ont cependant été installés par la Ville de Strasbourg rue du Rempart, afin d’éviter justement l’installation de tentes, privant du même coup tous les Strasbourgeois de l’accès à ces espaces verts.

Le président du tribunal, Stéphane Dhers, a promis une décision dans le courant de la semaine du 5 décembre.


#camp de l'Étoile

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