C’est un échec pour Alsace Nature, la Collectivité européenne d’Alsace, les associations CLCV 68, Cité Langenzug et Alternatiba Soultz, et les communes de Wittenheim et d’Ungersheim. Dans une décision du mardi 17 juin, le tribunal administratif de Strasbourg rejette leur requête contre l’enfouissement définitif des produits toxiques de Stocamine.
Il autorise ainsi le confinement de 42 000 tonnes de déchets industriels ultimes à Wittelsheim, sous la nappe phréatique rhénane, réserve d’eau potable d’au moins 5,6 millions de personnes. Les juges admettent pourtant qu’un « risque de pollution des eaux est avéré : des incertitudes subsistent sur la nature des déchets et la remontée de la saumure polluée vers la nappe ».
Le fait accompli
Les magistrats reprennent toutefois les arguments de l’État, qui estime que le déstockage n’est « plus réalisable dans des conditions acceptables de sécurité pour le personnel » :
« Seul le confinement définitif, consistant notamment à construire des barrières en béton autour des blocs contenant les déchets et à remblayer les puits y donnant accès de manière à assurer une étanchéité, constitue en l’état des techniques disponibles, la mesure la plus susceptible de préserver l’environnement à court, moyen et long termes et, ainsi, le droit des générations futures. »
« Ils sont d’accord sur le fait qu’il y aurait plein de choses à creuser mais ils disent qu’on n’a plus le temps et qu’il faut enfouir les déchets », résume Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature. Lors de l’audience du 15 mai, l’avocat de l’association, Me François Zind, avait justement conspué cette logique du « fait accompli » : « Vous, magistrats, seriez donc obligés d’acter, encore une fois, la défaillance de notre système juridique, face à ce fiasco industriel, éthique et technique », soutenait-il. Des associations et collectivités locales demandent la sortie des déchets depuis 2002 et c’est ce délai de plus de 20 ans qui a permis à la mine de se détériorer avec les déchets à l’intérieur.

Bataille scientifique
Pour affirmer que le déstockage n’est plus possible, le tribunal se base sur une note du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) datée de février 2023 qui concluait que « le délai impliqué par le phénomène de convergence des galeries de la mine n’était plus compatible avec les scénarios de déstockage ». Une analyse fermement contestée par les requérants, avec à l’appui les arguments du géologue suisse Marcos Buser qui a déjà piloté une opération similaire de déstockage.
Les magistrats soulèvent en outre que des rapports techniques montrent que le confinement des déchets permettra de minimiser la pollution de l’eau. Toutes les études réalisées sur ce phénomène sont tirées d’une modélisation de l’Ineris produite en 2011, dont la fiabilité scientifique a été sérieusement remise en cause par la Collectivité d’Alsace.
En septembre 2023, « ce même tribunal administratif avait fait valoir le droit aux générations futures et le principe de précaution pour suspendre l’autorisation du confinement », rappelle Stéphane Giraud :
« Cette décision avait été cassée par le Conseil d’État. Et maintenant, ces arguments n’existent plus dans ce jugement. Il y a une forme de régression, pour revenir aux premiers arguments de l’État. C’est questionnant. »
D’autres étapes juridiques à venir
Ce jugement peut faire l’objet d’un appel dans un délai de deux mois. « C’est une possibilité. Nous allons prendre la décision en conseil d’administration », assure le directeur d’Alsace Nature. À noter que dans le cadre d’une autre procédure juridique contre le confinement des déchets de Stocamine, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a envoyé une série de questions au gouvernement français. « Seul 7% des requêtes devant la CEDH passent ce cap », pose Me François Zind. Le combat juridique contre l’enfouissement définitif des déchets de Stocamine n’est donc toujours pas terminé.



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