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Stocamine : le parquet demande à la gendarmerie d’enquêter sur la nature des déchets

Rue89 Strasbourg révélait en avril 2021 de grosses failles dans le protocole d’acceptation des déchets ultimes à Stocamine. Dans la foulée, Alsace Nature, qui demande leur déstockage, portait plainte pour obtenir un inventaire. Mardi 8 mars, le parquet a saisi un service de police judiciaire. Mais le début des travaux de confinement voulus par l’État est imminent, et pourrait empêcher d’accéder aux preuves.

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Stocamine : le parquet demande à la gendarmerie d’enquêter sur la nature des déchets

Peut-être que nous saurons enfin ce qu’il y a précisément sous la nappe phréatique, à Stocamine. D’après les DNA, le pôle environnement du parquet de Strasbourg a annoncé mardi 8 mars avoir saisi l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) dans le cadre de l’enquête pénale en cours sur la nature des déchets enfouis. Il s’agit d’un service de police judiciaire de la gendarmerie nationale spécialisé dans les atteintes à l’environnement et à la santé publique.

En avril 2021, Rue89 Strasbourg publiait une enquête révélant la probable présence de déchets irréguliers parmi les 42 000 tonnes d’éléments contaminés à l’arsenic, à l’amiante ou encore au cyanure dans l’ancienne mine à Wittelsheim. Elle se basait notamment sur les témoignages d’anciens employés de Stocamine. Un incendie survenu en 2002, causé par des déchets irréguliers, avait mis un terme à cette activité de stockage.

Des militants de Destocamine avaient symboliquement bloqué l’entrée du site en septembre 2021. Photo : remise

L’Oclaesp, pour mener son enquête, pourrait chercher les preuves dans la mine

C’est en se basant sur cette enquête et un autre témoignage dans le journal allemand Badische Zeitung, qu’Alsace Nature a déposé une plainte pénale en juin 2021. Elle concerne « la fourniture d’informations inexactes sur l’origine, la nature, les caractéristiques de déchets stockés, et le fait de s’être mis volontairement dans l’impossibilité matérielle de fournir ces informations ». L’objectif de l’association est d’obtenir la réalisation d’un inventaire des déchets de Stocamine.

« Saisi par le parquet, l’Oclaesp doit mener une enquête sur la nature des déchets. Il est tout à fait possible que cela les mène à réaliser des tests sur les big-bags et les fûts dans la mine vu que ce sont des preuves. Nous saurons ça dans les prochains jours », explique l’avocat de l’association Alsace Nature. Pour Maître Zind, le temps est compté pour réaliser cet inventaire. En effet, des travaux de confinement doivent commencer dans la semaine du 7 mars, ce qui entraverait la possibilité d’accéder aux déchets, et donc aux preuves.

Sans déstockage, la nappe phréatique sera forcément polluée un jour

Pour rappel, le gouvernement a décidé le 18 janvier 2021, par la voix de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, que ces déchets allaient être confinés grâce à un sarcophage de béton. Pourtant, la quasi totalité des élus locaux, y compris les présidents de la Collectivité européenne d’Alsace et de la Région Grand-Est, ainsi que de nombreuses associations, plaident depuis deux décennies pour un déstockage le plus important possible des déchets, afin de protéger la nappe phréatique.

La structure pour couler le béton est en place depuis l’été 2021. Photo : remise

Le 15 octobre, la Cour administrative d’appel (CAA) de Nancy avait suspendu l’autorisation de confiner les déchets. La CAA arguait alors que la société MDPA, gestionnaire du site et détenue par l’État, ne présentait pas les garanties financières nécessaires aux travaux. Selon un arrêté publié dimanche 6 mars au journal officiel, le gouvernement a apporté une garantie financière pour l’entreprise de 160 millions d’euros jusqu’en 2030. Forte de cette enveloppe, l’entreprise MDPA s’apprête à débuter le chantier.

Dans le cas où les déchets seraient confinés, ils contamineraient forcément un jour la réserve d’eau potable, à cause des infiltrations d’eau. Difficile de dire en quelle proportion. L’État table sur une forte dilution des éléments polluants, et argue que l’opération de déstockage serait trop dangereuse pour les mineurs. Pour Alsace Nature, cette position n’est pas raisonnable, « vu qu’on ne sait même pas précisément ce qu’il y a dans la mine », dénonce Me Zind, avocat de l’association. De son côté, Jean Rottner, président de la Région Grand Est, a affirmé être en contact avec trois entreprises en capacité de déstocker des déchets. Parallèlement, de nombreux anciens mineurs de Stocamine, dont Jean-Pierre Hecht, de la CFDT, considèrent que le déstockage est tout à fait possible techniquement.

Un référé liberté pour permettre l’inventaire malgré les travaux

Alsace Nature va maintenant tenter de retarder les travaux, pour qu’un inventaire de l’Oclaesp soit possible. Me Zind détaille :

« Je m’apprête à déposer un référé liberté pour suspendre, en urgence, les travaux. J’argumenterai notamment sur le droit à un procès équitable, parce que le coulage du béton empêcherait forcément la manifestation de la vérité concernant notre plainte. J’insisterai aussi sur le droit à vivre dans un environnement sain et garantissant la santé publique. »

Contacté, l’Oclaesp n’a pas encore répondu à nos questions, notamment sur les actions prévues pour leur enquête. Pour Me François Zind, réaliser des tests sur les déchets dans la mine dans le but de mieux connaitre la nature des éléments stockés serait logique. Il rappelle que la mission d’information parlementaire de 2018 stipule que dans le bloc 15, qui a pris feu, des sels de la mine se sont mélangés aux déchets toxiques formant un agglomérat de 30 000 tonnes, « soit un ordre de grandeur proche du reste des déchets stockés dans les autres blocs », dont on ne connait pas la composition chimique exacte.

Enfin, dans le rapport de 2011 du comité de pilotage de Stocamine, les experts estimaient que l’incendie faisait peser « une suspicion générale sur la totalité du dispositif de réception des colis ». Les écologistes espèrent que ces incertitudes sur la nature des déchets, et donc sur leur impact sur la nappe phréatique, pousseront les autorités à les extraire de la mine.


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