
Points de suture, nez déplacé, mâchoire cassée, hématomes… Rue89 Strasbourg a recueilli les témoignages de six personnes blessées au cours de la manifestation du samedi 12 janvier à Strasbourg. Au sein des Gilets jaunes, ces blessures fragilisent le pacifisme initial.
« Je ne sais pas ce que c’est, cette haine que je ressens. » Quand Marlène Lutz raconte l’origine de ses 11 points de suture au crâne, la femme de 62 ans a les larmes aux yeux. Samedi 12 janvier à Strasbourg, aux alentours de 16h, la manifestante prend deux coups de matraque. Plusieurs vidéos tournées dans la rue du 22-Novembre la montrent au sol, saignant abondement à côté de ses béquilles. Nous avons recueilli son témoignage et celui de cinq autres personnes blessées pendant l’acte IX des Gilets jaunes à Strasbourg.
La veuve fume clope sur clope dans le « spot de Brumath », une grande baraque de bois sur le terrain d’un agriculteur entre Mommenheim et Schwindratzheim. Les Gilets jaunes du coin s’y retrouvent depuis que les ronds-points ont été évacués le 18 décembre. Il y a une grande table, des canapés, de quoi se chauffer et cuisiner. Certains y ont même fêté la nouvelle année. Lundi soir, 19h, ils sont une dizaine à écouter « Mamou » : « On pensait qu’on pouvait manifester, parler, dire ce qui va pas. Mais la violence est légitime seulement du côté des policiers. C’est hallucinant. » Elle a porté plainte le 17 janvier pour « violences volontaires en réunion par des personnes dépositaires de l’autorité publique. »
« Moi qui suis pacifique, j’ai changé »
En face de l’aide-soignante retraitée (ex-gouvernante puis cariste, précise-t-elle), un autre Gilet jaune, Pascal, réagit, allongé :
« Faut pas s’étonner qu’on leur balance ce qu’on trouve dans la rue. Moi qui suis pacifique et calme, j’ai complètement changé. »
Venu à Paris le 5 janvier pour manifester, le menuisier a fini la journée aux urgences de l’hôpital Saint-Joseph. Le compte-rendu mentionne un « traumatisme direct de la cheville gauche ce jour avec un flash-ball. » Le péroné fracturé, l’habitant de Froeschwiller a reçu une interruption temporaire de travail (ITT) de 45 jours. Il a déposé une plainte à la gendarmerie de Woerth. Le samedi suivant, Pascal manifestait à Strasbourg assis dans un caddie poussé par ses potes à rollers.
Un couple, deux coups
Dans le cortège strasbourgeois, il y avait aussi un couple de 22 ans. Alexandra et Dylan ont chacun eu droit à un coup. Elle de matraque, derrière la tête. Lui de flashball, au niveau de la cheville. D’abord le paysagiste au chômage a été touché sur le pont du Maire-Kuss, vers 15h30 : « Il y avait des policiers et des mecs de la Bac (Brigade anti-criminalité). Certains (des manifestants) lançaient des bouteilles. J’en ai lancé une aussi. » La sanction ne se fait pas attendre. La douleur a empêché le Mulhousien d’aller travailler en intérim lundi.
Un peu plus tard, Alexandra court dans la rue du 22-Novembre. « Deux voitures sont arrivées à toute blinde, se souvient-elle, les policiers sont sortis à notre niveau et j’ai pris un coup. Heureusement, j’avais les cheveux attachés. Ça a amorti le coup. » Mardi 15 janvier, après deux jours d’ITT, l’opératrice pharmaceutique redoute le retour au travail à la chaîne de suppositoires :
« J’ai déjà eu une commotion cérébrale. C’était il y a trois ans et au même endroit où j’ai été frappé. Du coup, ça me redonne les mêmes migraines. Le bruit va être insupportable. »
Le couple est unanime : ce sont les grenades dispersantes et le gaz lacrymogène qui « enragent les gens » : « À Colmar, il n’y avait pas de CRS et il n’y a eu aucun débordement. C’était même bon enfant », analyse-t-elle. Dylan résume : « On reste pacifiste jusqu’au moment où on se fait cogner. » Samedi 19 janvier, ils participeront à « l’acte X » avec des protections de snowboard.
Y aller pour protéger sa mère
Mathieu ne sera pas là. L’envie ne manque pas : « J’aurais aimé y aller pour ma mère, pour la protéger. Elle est Gilet jaune et manifeste chaque samedi. » L’opérateur-exploitant au port aux pétroles manifestait pour la première fois de sa vie samedi 12 janvier. Arrivé vers 15h, le Strasbourgeois prend un coup violent au niveau des côtes. Il cherche d’où ça vient et voit les policiers, munis de leur lanceur de balle de défense (LBD), en face sur le pont du Maire-Kuss. « J’étais sur ce pont et tout ce que j’ai fait, c’est aider quelqu’un à terre, qui vomissait presque à cause de la lacrymo. »
Le soir-même, ce natif de La Broque est parti travailler. Pas le choix quand il faut se serrer la ceinture pour aider sa grand-mère. « Elle gagne 800 euros par mois », souffle-t-il. Le trajet en voiture dure d’habitude 15 minutes pour rejoindre le port aux pétroles. Cette fois, Mathieu en met trente :
« Rien que les secousses de la voiture sur les chemins accidentés me faisaient tellement mal que je suis resté en deuxième. Ça me rappelle un hématome au rein que j’ai eu après un coup de genou au foot. »
Tout en buvant un cappuccino, Mathieu n’hésite pas à qualifier la France de « dictature ». Il a vu un homme se faire arrêter « simplement parce qu’il tenait un gilet jaune à la main (une source syndicale policière évoque un outrage à agent, n’ayant finalement pas été retenu contre lui) » À côté, une secrétaire à la retraite mange avec son fils. Ils ne peuvent s’empêcher d’interrompre la conversation pour approuver les propos du jeune homme.
« La tête, c’est passible de pénal »
Malgré les 8 points de suture et le nez probablement cassé, Baptiste vient de terminer le boulot. Mardi à 17h, il attend dans une vieille BMW noir en fumant des cigarettes tubées. Le médecin lui a proposé une semaine d’ITT. Le chauffeur routier a refusé. Le nez toujours enflé, Baptiste se rappelle parfaitement ce qui s’est passé le 12 janvier.
Vers 13h, Baptiste et quelques amis ont réussi à pénétrer dans le centre-ville. Ils ont contourné les policiers en longeant le centre-commercial des Halles, sous l’auvent. Poursuivis, ces Gilets jaunes ont couru en direction de la rue du 22-Novembre quand des forces de l’ordre les surprennent de face. « Le mec m’a poutré la gueule en plein élan, raconte-il, je suis ancien militaire. Moi on m’a toujours dit que la tête et le dos, c’est passible de pénal. »
« Je n’ai rien balancé »
Baptiste n’a pas placé mis en garde à vue :
« De toute la manifestation, je n’ai rien balancé. J’ai juste été une fois au corps-à-corps pour essayer de passer le barrage policier. Mais sinon j’essaye de ne pas m’abaisser à leur niveau de violence. »
Comme tous les Gilets jaunes interrogés, cet habitant de Klingenthal chérit cette « fraternité des gens » au sein du mouvement. À Dorlisheim, le QG a vite été doté d’un poêle à bois, d’un frigo, d’un four et d’une cafetière. Cette solidarité donne à Baptiste l’énergie pour « aller jusqu’au bout. » Il ne reviendra pas samedi prochain : « Le gaz lacrymo, c’est pas bon pour la cicatrice. »
Mais Baptiste sera de retour pour l’acte XI et toujours sans envie d’en découdre avec les forces de l’ordre. Ce Gilet jaune de la première heure a connu les manifestants de la ZAD de Kolbsheim et partage leur attachement au pacifisme :
« Le jour même, j’avais quand même envie d’exploser la tête du flic. Mais je reste dans une optique pacifiste, sauf en cas extrême, où les policiers se mettent à plusieurs sur quelqu’un. »
Lilian, 15 ans : la bavure policière
Bien loin de la fièvre jaune, un blessé restera à l’hôpital de Hautepierre plus d’une semaine. Lilian a 15 ans. Le 12 janvier, il ne manifestait pas. Vers 16h20, il rentre du centre commercial des Halles avec une nouvelle veste sur le dos. La situation est tendue à proximité du pont du Maire-Kuss. De source policière syndicale, le lycéen a probablement été victime d’un tir de LBD : « Les conclusions de l’enquête s’orientent vers une présence fortuite. C’est regrettable mais quasi-impossible à éviter à 100% quand on a des scènes de guérilla urbaine en centre-ville. »
Dans sa chambre, dans le service chirurgie-pédiatrique, Lilian reste muet. La structure de fer qui maintient sa mâchoire l’empêche de parler. Il ne pourra pas non plus manger des aliments solides, pendant six semaines au moins. Sa mère est en colère. Flaure D. ne supporte pas la réaction des forces de l’ordre au lendemain de la manifestation. Dans plusieurs journaux, elle a pu lire que son fils était soupçonné de faire partie des casseurs. Depuis, un nouveau combat a commencé pour elle :
« Je veux savoir qui a tiré sur mon fils. Je vais voir avec mon avocat pour avoir accès aux vidéos des caméras de vidéosurveillance alentours (une plainte a été déposée, ndlr). Et je veux que la police s’excuse dans les médias d’avoir accusé mon fils d’être un casseur. Les forces de l’ordre ne veulent pas qu’on les catalogue comme violents ? Alors ne cataloguez pas mon fils comme violent avant d’avoir enquêté. Ils ont vu un noir, ils se sont dit que c’était un casseur. Mais je vais me battre jusqu’au bout pour leur prouver le contraire. »
« Il ne se plaint jamais »
Vers midi, une infirmière arrive pour apporter le repas de Lilian. Elle s’excuse : « C’est un peu la même chose tous les jours. » Trois barquettes en plastique, chacune remplie d’un liquide de couleur différente. L’adolescent mange vite, à l’aide d’une paille. Les yeux dans le vide, son visage est immobile. A-t-il dit à sa mère ce qu’il ressent ? « C’est un enfant qui ne se plaint jamais », répond Flaure. Elle nous montre les messages de son fils, angoissé par les conséquences de cette bavure policière : « Maman, j’ai perdu ma lèvre et mon menton. J’ai perdu le sourire. »
Sur cet antisémitisme, il ne nous semble pas fondé pour accuser les Gilets jaunes. Les faits évoqués n'engagent pas les Gilets jaunes qui s'en sont d'ailleurs désolidarisés par communiqué. En outre, nous n'étions pas présents et nos tentatives pour objectiver ces faits ont échoué. De notre point de vue, les autorités ont tiré un peu vite sur ces faits, bien commodes pour discréditer les Gilets jaunes. Comme par exemple les tags "juden raus" sur Bagelstein à Paris ont été attribués par des élus En Marche aux Gilets jaunes alors qu'ils avaient été commis dans la nuit précédent leur manifestation.
Que l'extrême-droite tente d'infiltrer les GJ est une réalité, qu'il y ait des éléments antisémites parmi les GJ c'est probable mais en l'état, ce mouvement dans sa globalité n'est pas raciste ni antisémite selon nos observations.
Macron démission n'est pas un programme, à fortiori dans un pays de droit.
Si chacun est libre d'accorder sa sympathie et ses opinions en faveur des gilets jaunes (encore que les dissensions internes sont fortes), vous devriez quand même tenir compte davantage de tous ceux qui subissent de samedi en samedi leurs exactions et qui ne sont pas tous des gros capitalistes à cigares et Mercedes, mais aussi de simples riverains, commerçants, touristes et autres...
J'en ai marre des policiers (CRS) qui n'agissent pas ou très mal, j'en ai marre des casseurs, j'en ai masse des gilets jaunes qui ne font pas la police parmi eux pour éviter que leur mouvement se décrédibilise ainsi a cause d'un petit nombre.
On est en 2019, plus dans les années 50.
Strasbourg promenade également tranquille dans la ville. C'est la police qui charge et gaze les manifestants. Sans compter les flash Ball. Et c'est ça qui donne la rage aux GJ pacifiques. Comprenez bien ça.
Quand je vois ça je suis écœurée on a même plus le droit de manifester, on est en démocratie ou en dictature ????
Ce n’est pas Thierry, c’est Pierre, et j’ai répondu à Rackel, alors que je voulais répondre œil pour œil, dent pour dent , à Talion..
Compliqué. Aujourd’hui...
Moi je vois systématiquement de la provoc de la part des manifestants envers la police. Il ne faut pas s'étonner des conséquences.
Chacun est responsable de ses actes, et une grosse partie des manifestants ne sont pas des angelots.
Samedi, j'étais dans le cortège, juste derrière les gendarmes et les seuls projectiles qui ont été lancés ont été des bouteilles de bière. C'était très sporadique et surtout, ça n'est arrivé qu'après les premiers heurts entre GJ et gendarmes.
Ceci étant, la justice ou l'équité fiscale ne voudrait-elle pas que pas seulement 42% de français paient l'impôt sur le revenu (situation actuelle) mais 100%, en rapport bien sûr avec leurs capacités contributives ?
C'est ce que prévoient les articles 6 et 9 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, date de la révolution française !
Je connais beaucoup de gens qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, font un grand voyage tous les ans, et qui possèdent 2 voitures et 2 voire 3 télés à écran plat chez eux.
Et que dire de certains témoignages de GJ à la retraite (lus dans la presse écrite) qui manifestent parce qu'à deux, leur pension totale n'est que de .... 3000 € ! (Ce qui est précisément le cas de mon couple). Bien sûr ils ne disent mot de l'état de leur patrimoine ni autres reversement éventuels de l'Etat pour décrire leur véritable situation financière.
Que ces mêmes GJ regardent un peu, par-delà la France profonde, le niveau de vie des habitants des autres pays européens, voire plus loin que le bout de leur lorgnette.
Ceci étant, je reconnais et c'est malheureux qu'il y ait autant de français en situation précaire qui n'arrivent pas à boucler les fins de mois. Parmi eux des gilets jaunes qui manifestent, mais n'oublions pas tous les autres français qui ne manifestent pas, soit parce qu'ils n'osent pas, soit parce qu'ils sont en situation de handicap ou de très grande précarité.
Quant à la violence dans les manifs, il faut se remémorer les actes inqualifiables des Black blocks au sommet de l'OTAN à Strasbourg. Ne nous voilons pas la face, ces extrémistes parviennent à s'infiltrer dans chaque manif des GJ.
Voir les DNA d'aujourd'hui.
les cognes ont ordre de tirer afin de faire le plus de mal possible, eux avec leurs carapaces sont bien protégés.
c est ca la mentalité et la moralité des gilets jaunes
si c est pas les gilets jaunes qui jetent des pavés sur les CRS ,mais c est qui alors ????
Entre des forces de l'ordre (les mêmes qui ont poursuivi le terroriste à Strasbourg) et une bande d'excités -sol jonché de bouteilles d'alcool- il n'y a pas de comparaison possible. Pourquoi vous ne mettez pas en equivalence les blessés dans les rangs de la police ?
Mes enfants n'ont pas été blessés : ils se sont tout simplement abstenus de participer à ce qui s'apparente de plus en plus à des émeutes urbaines.
Chaque fois que vous mettrez en avant des casseurs et mettrez en doute ce qui nous protège, vous ne ferez qu'accroître leur sentiment d'impunité. Et le cercle vicieux des violences ne fera que se poursuivre...
Nostalgique de Che Guevara, qu'est-ce que ce sera le jour où tu feras joujou avec de vrais armes contre de vrais soldats ?
Les vieux disaient, en parlant des jeunes sauvageons : "il leur faudrait une bonne guerre". C'est très triste mais c'est vraiment le sentiment que donnent les gilets jaunes, enfin ceux qui s'abritent derrière les originaux qui avaient quelques velléités de revendication, pour tout casser.
En fait, les gens normaux, ceux qui bossent au quotidien, se demandent après quoi courent les guerriers du dimanche, si ce n'est chercher la castagne. Si quelqu'un ose se mettre en travers de leur chemin destructeur, qu'ils n'arrivent pas à faire céder, ils portent plainte ! et mettre à sac l'Arc de Triomphe, c'est à l'honneur de qui, et de quoi ?
Pauvre France.
Cordialement,
Piet.
De plus,excusez le « Ps : vous parlée d’une réaction de plus ?! Lamentable ! » il fallait lire « vous parlez » et c’est de la réaction ( Tricot’d’corps ) de Talion dont je parlais, Talion qui, avec un pseudo aussi bête que le sien est forcément du côté des lois, de ses lois, celles où l’on coupe les mains.
Bref, Talion, la rengaine habituelle qui dégaine son LDB aussi vite que sa haine, et qui fait un peu tache ici même !
Sait-il que Rue89 est censé être de gauche, et que son commentaire n’est même pas digne de la provocation tant l’imbécilité et la ringardise de ses mots ( en rester à Che Guevara ?! Franchement ! ) , sonne le glas à tout post lui emboîtant le pas.
Aussi je n’ai rien à dire en fait, si ce n’est que d’après ce que j’ai vu dans les vidéos, les plus virulents ( à l’insulte, la gifle faciles, et au tutoiement oblige, forcément) du côté des forces de la Répression/Récession sont bien évidemment ces Cow-boys de la BAC, beaufs violents toujours prêts à en découdre, et dont les votes extrême-droite ne font aucun doute ! La BAC, lol, les Achille Talion en bandes organisées...
Alors je réexplique : nous avons fait ce travail de journalisme sur les blessures des GJ de samedi parce que 1. de nombreuses informations complètement fausses circulent partout sur les réseaux et qu'il nous semblait important de les lister au même endroit, de contacter chaque victime, de démêler le réseau de fait qui ont engendré les blessures et d'en faire un état, pour avoir une vision d'ensemble. Et 2. la question de la dose de force employée par les forces de l'ordre pour gérer une foule pacifique (j'y étais) se pose aujourd'hui, il faut donc aussi éclairer le débat.
En outre, nous avons demandé la même chose à la police mais comme il est indiqué, la police a refusé de nous répondre (ce qu'elle fait à chaque fois qu'on lui pose une question).
Faut voir les « on » ...
Quand on lit des commentaires plus que réac comme celui de Talion ( sic ) , on se dit que soit ces lecteurs sont du côté de la droite extrême, soit de la police, ou alors des abonnés aux DNA ! Franchement je croirai lire, ici, le courrier des lecteurs des DNA !
Courage !
Ps : vous parlée d’une réaction de plus ?! Lamentable !
Si vous ne comprenez pas rue89, je vous suggère valeurs actuelles ou minute, vous y trouverez plein de camarades partageant vos idées.