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Au conseil municipal, ajustement de la démocratie locale et chantiers du centre-ville

Le conseil municipal du vendredi 24 juin présente un ordre du jour fourni où il sera notamment question de démocratie locale et de grands chantiers pour la ville. Le conseil est à suivre en vidéo dès 9h, mais, exceptionnellement, nous ne pourrons pas le commenter en direct.

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Le conseil municipal de mai était inhabituellement léger. On ne peut pas en dire autant pour celui du 24 juin. L’ordre du jour prévoit 75 délibérations, sur des dossiers importants. En raison de ce programme chargé, la séance débute dès 9 heures et devrait s’étendre jusque dans la soirée.

La séance débutera pour le compte administratif (points 1 à 9), c’est-à-dire l’argent réellement dépensé et encaissé en 2021. C’est un exercice plutôt convenu, où la majorité se satisfait de la gestion financière et où l’opposition s’alarme des hausses des taux d’impôt et de l’endettement. En 2021, la Ville a engrangé 410,4 millions d’euros de recettes (+5,5% en un an) et dépensé 372,7 millions d’euros (+7,3%) pour son fonctionnement ainsi que 91,9 millions d’euros en investissements, à peu près autant qu’en 2020. Le sujet pourrait dériver sur les perspectives budgétaires futures, avec la hausse des prix des matières premières et de l’énergie, notamment pour les chantiers.

Des chantiers à venir sur le centre-ville

En parlant de chantier, c’est justement le thème de plusieurs points suivants. La municipalité délibère notamment sur le déménagement de la gare routière des Halles vers l’arrière de la gare ferroviaire (point 11). Les autocars interurbains de la Région Grand Est continueraient de déposer des voyageurs aux Halles, mais n’y stationneraient plus avec le chauffage ou la climatisation allumés entre les départs et arrivées. Il est aussi, enfin, question de la prolongation de la ligne de Bus à haut niveau de service (BHNS) G, une extension dont les prémisses remontent à 2015 (point 12). Toujours à l’arrière gare (ou gare basse), une délibération acte le déménagement du Wagon Souk, un lieu culturel actuellement situé dans le parc Gruber à Koenigshoffen, vers la rue des Remparts (point 15 – voir notre article).

Pour la maire Jeanne Barseghian (EELV), s’ouvre une séquence de dialogues avec la population autour de ces transformations du centre-ville, que la municipalité a intitulé « La ville à vivre » (voir notre article). Ces travaux devraient pour la plupart se finir vers 2025 ou 2026. Ils incluent aussi l’évolution des règles de stationnement, et la diminution de places en voirie, ou le contournement cyclable du centre-ville. Jeanne Barseghian explique cette temporalité :

« Nous avons désormais un calendrier à présenter aux habitants. On ne veut pas arriver avec un plan de circulation défini, ce qu’on nous reproche parfois, car c’est la concertation qui le fixe. Nous avons décidé de regrouper les enjeux, car ils sont tous liés. On ne peut pas fixer les modalités d’une concertation si on ne prend pas en compte les différents enjeux. »

Dans l’opposition, Pierre Jakubowicz (Horizons) critique le timing et estime qu’il manquera des moyens :

« Il n’y a que 5 millions pour déménager la gare routière et créer un nouveau parc aux Halles, il en faudrait surement le triple. Surtout que la SNCF n’a pas prévu de partir et a réinvesti dans son technicentre dans la gare. Pour le Ring vélo, 7 millions d’euros sont prévus pour 3,9 kilomètres, alors que les quais des Bateliers, sur une distance bien plus courte, en ont coûté 6 !

La concertation va en fait servir à décider ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas. Je ne comprenais pas pourquoi ces calendriers étaient si tardifs, mais en fait c’est pour entretenir l’illusion que ces chantiers seront menés plus tard. L’honnêteté serait de dire qu’il faudra choisir, car il n’y a pas les moyens. On concerte la population, mais 90% des projets sont déjà votés ou vont l’être avec ce conseil. »

Réforme de la démocratie locale ou « showroom » ?

La démocratie locale, c’est justement l’autre grand thème de ce conseil municipal, avec quatre délibérations (points 30 à 33). Il s’agit de décider dans quelle mesure on partage (ou non) le pouvoir. Un sujet qui passionne les élus. En règle générale, ce type de vote génère une à deux heures de débats. Le sujet est délicat car les habitants les plus motivés, investis depuis des années, ne se retrouvent pas toujours dans l’évolution des formats de la démocratie participative dans lesquels ils s’étaient épanouis.

Pour rappel, les écologistes ont dissous les anciens conseils de quartier, qui se réunissaient tous les mois, pour mettre en place des ateliers thématiques pour que des volontaires montent des projets précis à proposer ensuite à la municipalité. Pour l’adjointe à la démocratie locale, Carole Ziélinski, les attentes ont évolué :

« On n’aura pas de résultats différents avec les mêmes méthodes. Les instances de démocratie locale ne sont pas des palliatifs à la démocratie représentative. Il faut ouvrir ces espaces et donner une nouvelle coloration au Pacte de la démocratie locale. Il faut traduire nos investissements, nos enjeux en termes de participation citoyenne. »

Parmi les multiples décisions figurent une refonte du conseil des résidents étrangers, fondé en 1992, qui deviendra un Conseil de vie interculturelle et citoyenne (CVIC), ouvert à « toute personne intéressée par ses activités » et qui aura désormais un « droit de saisine » de la maire.

Une autre modification concerne les « pétitions » officiellement reconnues par la Ville (sur son site participer.strasbourg.eu). La majorité abaisse le seuil pour que les porteurs rencontrent les élus et agents (50 signatures désormais), mais pas celui pour être auditionné au conseil municipal (2 800 soutiens), comme ce fut le cas pour la protection de la Ceinture verte et pour obtenir une Atsem par classe. Depuis le début du mandat, cet outil végète et aucune pétition n’a eu de succès en l’absence de campagne de signatures sur le terrain.

L’adjointe à la démocratie locale Carole Zielinski s’attend à être questionnée sur les évolutions de la démocratie locale strasbourgeoise. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Conseil de participation, ateliers de quartiers…

Plus important, le conseil de la participation citoyenne, sorte de grand-messe de la démocratie locale qui se réunissait une à deux fois par an va aussi évoluer. Il va devenir un « forum » dont la mission sera de « valoriser les initiatives et favoriser l’émergence de différentes méthodes » sur ce qui se fait en termes de démocratie locale.

Enfin, le plus important, les ateliers de quartiers, qui correspondent à la nouvelle formule des conseils de quartiers. La municipalité propose une première évolution de sa nouvelle formule en y raccrochant les « ateliers d’initiatives citoyennes », autre dispositif qui rempli la même fonction que les ateliers de quartier. Cette fusion est proposée essentiellement par souci de lisibilité. Un ajustement qui fait partie du « droit à l’erreur » qu’a souvent revendiqué la majorité écologiste. Pour faire simple, le dispositif est le suivant : les 20 quartiers auront une « Assemblée de quartier », dont le but sera de valider des « ateliers de quartiers » sur des sujets précis, dotés de 4 000 euros, pour s’assurer qu’ils répondent à l’intérêt général.

La nouvelle mouture de la démocratie locale dans les quartiers

Nouvelle organisation pour les ateliers de quartier, après une formule transitoire en 2021. Photo : Infographie JFG / Rue89 Strasbourg

Ces évolutions ne plaisent pas du tout à Pierre Jakubowicz qui a fait des bouleversements des instances de démocratie locale un angle fort de sa critique contre la majorité :

« Il y a eu des ateliers de travail en groupe sur la démocratie locale, mais pas de restitution aux participants sur ce qui a mené à ces délibérations. La municipalité revient donc de manière unilatérale sur le Pacte de démocratie locale, dont le comité de suivi n’a jamais été réuni. On transforme toute l’architecture des instances de travail, qui avaient un fonctionnement autonome et pérenne, en lieux d’événementiel et de spectacle. Avant, les avis des conseils de quartiers n’étaient pas forcément suivis, mais au moins on les entendait, ils pouvaient se positionner sur les sujets qui les concernent. On se retrouve désormais avec des showroom de la démocratie locale et pas des lieux de dialogue avec la population. »

Début 2021, le conseiller municipal avait fait voter la création d’une « commission indépendante du débat public », qui n’a toujours pas vue le jour. Et ne s’appliquerait donc pas aux discussions autour des chantiers du centre-ville. Suite à un avis du déontologue, le sujet devrait être relancé à l’été.

Parmi les autres points qui seront abordés :

  • Une subvention pour l’installation d’une boulangerie, d’une supérette et d’une maison de Santé à l’entrée de l’Elsau rue Martin Schongauer, près de 10 ans après la fermeture du supermarché (point 25 – lire notre article)
  • Une nouvelle baisse de la subvention annuelle des Amis du Zoo, l’association gestionnaire du zoo du parc de l’Orangerie. Après 250 300 euros en 2021, le montant passe à 174 717€ pour 2022, suite au départ progressif d’animaux programmé pour septembre. Le sujet a nécessité une médiation judiciaire par un magistrat nommé par le Tribunal administratif. (point 29)
  • L’installation d’une « plaine festive multi-usage » à l’entrée de la plaine des Bouchers à la Meinau. C’est à cet endroit que doit être resituée la foire Saint-Jean. Le montant est estimé à 6 millions d’euros. (point 46)
  • Le vote sur les orientations de la politique jeunesse, qui vise à mettre en cohérence les différents dispositifs existants et les intensifier. (point 70)

Cantines pour enfants à la rue et skate au tribunal en fin de séance

En fin de séance ce sera le tour des résolutions et interpellations. Pour le groupe socialiste, Céline Geissmann soumet au vote un texte pour permettre de manière « inconditionnelle » des repas gratuits pour les enfants scolarisés et dormant à la rue « avec ou sans papier », comme cela a été voté à Schiltigheim récemment. Aujourd’hui, le tarif le plus bas est de 1,50€ et 1,15€ pour les repas végétariens lorsque qu’une famille dispose du quotient familial le plus faible, ce qui est le cas à Strasbourg des familles sans abri. « À l’heure actuelle certains enfants ne paient pas, mais seulement avec solutions au cas par cas car des associations paient à leur place ou de manière discrétionnaire lorsqu’un élu informe alerte l’école. Ce sont des enfants identifiés, peut-être une centaine, puisque scolarisés et le coût est supportable pour la collectivité », défend la jeune élue. Elle espère que son texte sera voté sans être réécrit en séance comme lors d’une précédente résolution sur les sans-abris.

Pierre Jakubowicz interpelle une nouvelle fois sur les incivilités sur la place Braun au quartier gare. L’opposant estime que là aussi, le sujet est caractéristique des impasses de la démocratie locale : « On a dit aux habitants de créer un atelier de quartier sur la reconquête de l’espace public. » Son autre interpellation concerne la présence de skateur sur le parvis du tribunal et sa place refaite il y a quelques années. Dans un long texte, il se dit faire le relais des habitants, pour la plupart « anti-skate » (80%) et certains « pro skate ». Il voit là une « stratégie du pourrissement » de la situation. Dans l’attente d’un « juste équilibre », certains proposent de les faire partir place de Haguenau. En attendant, certains amateurs de glisse ont trouvé un nouvel endroit agréable, l’aménagement éphémère place du Temple neuf en plein centre-ville.

Les conseils municipaux commentés en direct reprendront le lundi 26 septembre. Ils seront déménagés pour quelques mois au Palais des Fêtes en raison de travaux au centre-administratif.


#Conseil municipal

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