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Journal de rase campagne (1) : vœux abscons, faux soutiens et blé à moudre

J-10 semaines avant le 1er tour des élections municipales. Six listes au compteur, des candidats en sprint final quand d’autres n’ont pas encore sorti un tract, des ralliements timides et des cloche-pieds mesquins, des coups de pub manqués et des promesses un peu trop belles… Prévisibles et rasoirs, les municipales ? Certes, mais intelligentes et amusantes aussi. Tous les dimanches, on fait un tour en « rase campagne ».

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Journal de rase campagne (1) : vœux abscons, faux soutiens et blé à moudre

Semences de blés anciens offertes par la direction de campagne d'Alain Jund (EELV) (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Semences de blés anciens glissé par la direction de campagne d’Alain Jund (EELV) dans l’enveloppe des vœux 2014 (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

1 – Roland Ries : « Je ne peux rien vous dire, mais je vous le dis quand même… »

Tourner autour du pot, dire sans dire. Le maire de Strasbourg (PS) Roland Ries a entamé cette semaine sa série annuelle de cérémonies de vœux. Les représentants des médias ont eu la leur jeudi au Grenier d’abondance, place du Petit-Broglie. Alors que le candidat à sa propre succession ne peut utiliser les moyens de la collectivité pour faire sa pub de candidat, au risque de voir basculer les frais de réception dans ses comptes de campagne, le maire a utilisé une figure de style, la prétérition, pour se faire mousser quand même un peu, l’air de rien. Extraits :

« L’exercice est aujourd’hui un peu plus délicat encore que d’habitude… Si d’aventure, il me prenait l’envie de parler du bilan de la mandature qui s’achève, on pourrait me le reprocher. Je vais donc m’abstenir de dire tout le bien que je pense de la politique menée avec mon équipe. Je ne peux pas non plus parler de ce que nous allons faire. Il me reste donc la pluie et le beau temps… »

Outre un laïus sur « les difficultés » du métier de journaliste ici et de par le monde (couplet obligatoire sur les otages, les réseaux sociaux et le recoupement des sources…), Roland Ries a raclé les fonds de tiroirs des thématiques permises, attribuant à la polémique Dieudonné un long passage de son discours. Passant après lui au micro, le président de la CUS Jacques Bigot a souligné qu’il n’était pas soumis aux mêmes contraintes, se représentant en mars, mais à Illkirch-Graffenstaden. « Moi, je peux en parler… » Des projets strasbourgeois en cours, du PEX (Parc Expo) ou de l’extension du PMC. Liste non-exhaustive.

2 – Le « mélange des genres » de Jean-François Lanneluc

L’entrée en campagne de Roland Ries est prévue pour la seconde quinzaine de janvier, « après les cérémonies de vœux », note un élu proche de lui. Le coup d’envoi devrait être donné le 18, à l’occasion de l’inauguration du local de campagne rue Kageneck dans le quartier gare. Une « lettre » sera dans le même temps distribuée dans les boîtes des Strasbourgeois.

L’on apprend dans les DNA que ce document « ne sera pas trop solennel », de la bouche, non pas de l’un des co-directeurs de campagne de Roland Ries (Alain Fontanel et Mathieu Cahn), mais de celle de Jean-François Lanneluc, directeur de cabinet du maire et du président de la CUS. Un dysfonctionnement que n’a pas tardé à dénoncer Jean-Emmanuel Robert (UMP) hier samedi. Ce membre de l’équipe de Fabienne Keller écrit :

« Nous découvrons qu’outre la parole de Roland Ries, Jean-François Lanneluc contrôle aussi sa campagne et qu’il s’est notamment occupé de la réalisation de son premier document dont il assure à présent la promotion. (…) Jean-François Lanneluc avait déjà utilisé les moyens de la collectivité pour communiquer sur les résultats des primaires socialistes. Comme si cela était son rôle ou celui de la collectivité ! Ce mélange des genres est déplacé.

Il pose la question du statut de Jean-François Lanneluc qui est salarié de la ville mais aussi de l’utilisation des moyens de la collectivité. Soit il est directeur de cabinet et dans ce cas, il doit se consacrer à ses fonctions à temps plein dans le respect des règles fixées par le code électoral notamment en matière de financement de campagne. Soit il s’occupe de la campagne de Roland Ries et dans ce cas, il doit se mettre en disponibilité et cesser d’utiliser les moyens de la Ville. »

3 – Les graines inutiles d’Alain Jund…

Merci la campagne d’Alain Jund ! Nous avons reçu au bureau de Rue89 Strasbourg les bons vœux – en version papier – de quatre des colistiers EELV, ainsi qu’un sachet chacun (deux pour deux journalistes) de grains de « blés anciens » achetés sur un site local, Kerna ùn Sohma (graines et semences en Haut-rhinois). Sur le sachet, l’on peut lire « pour bouquet sec ».

Donc 1) il apparaît compliqué de planter du blé sur son balcon en ville et 2) ça ne se mange pas, c’est pour faire de la décoration. Point marqué pour le candidat écolo, qui tente un clin d’œil chouette. A moitié manqué néanmoins, car le choix d’une semence nourricière (tomates, laitues, aromatiques…) aurait pu illustrer la dimension alimentaire de la nature en ville… Dommage !

4 – … Et sa charrue avant les bœufs sur la culture

Alain Jund, toujours lui, fait campagne activement – notamment jeudi sur le thème de la ville a énergie positive. Mais parfois, les observateurs détectent un étrange manque de cohérence. C’est le cas sur la culture. Six semaines après avoir annoncé ses propositions pour la culture à Strasbourg devant la presse (le 28 novembre 2013), le candidat change de tactique, sans doute rappelé à l’ordre par certains membres de son équipe.

Du coup, entouré de quelques colistiers, il a animé hier samedi 11 janvier un atelier d’échanges sur « Quelle politique culturelle pour Strasbourg ? » avec des acteurs du secteur. De là à penser que ses propositions vont évoluer, on ne sait. En novembre, les médias avaient reçu à l’issue de la conférence un communiqué intitulé « culture 2014 – final »… A découvrir ci-dessous (et à comparer avec la mouture post-atelier…) :

5 – Les jeunes MoDem se détournent de leur « allié naturel », mais…

Non, non, non, les centristes ne sont pas de droite. Mais quand même. Premier épisode du psychodrame au MoDem, le 4 janvier, avec l’envoi d’un communiqué des Jeunes Démocrates d’Alsace (l’équivalent du MJS ou des JUMP, mais pour le MoDem), dans lequel on apprend qu’ils apportent leur soutien à Fabienne Keller, candidate UMP à Strasbourg « dans une dynamique de rassemblement citoyen ». Et de taper sur son challenger à droite pour justifier leur choix :

« Nous nous reconnaissons dans la démarche d’ouverture et de dialogue de la candidate que nous n’avons pas retrouvée chez François Loos, notre partenaire « naturel » de l’UDI avec qui le MoDem avait pourtant pris le temps de discuter au préalable. Le MoDem défendra les propositions de programme élaborées sur différents thèmes avec les adhérents du territoire de « Strasbourg, CUS et environs ». En tant que Jeunes Démocrates, nous comptons nous investir pleinement dans la rédaction d’un programme commun et notamment peser sur les questions européennes et environnementales. Cependant, nous entendons continuer un travail de concert avec l’UDI pour les prochaines échéances, notamment les élections européennes du mois de mai 2014. »

De l’art de ménager la chèvre et le chou.

6 – MoDem encore. Les anti-Keller refusent le « coup de force »

Episode 2, dans un communiqué envoyé lundi 6 janvier, Pierre Schweitzer, conseiller national du Mouvement démocrate de François Bayrou, tape fort sur Thomas Rémond, président du MoDem Alsace, qui « confirme honteusement ses propos [tenus dans les DNA] selon lesquels le MoDem Alsace aurait choisi « à une très large majorité du bureau » de s’engager aux côtés de Fabienne Keller au 1er tour des élections municipales à Strasbourg ». L’ancien colistier de Chantal Cutajar en 2008, qui avait proposé au bureau du MoDem en novembre un soutien à Roland Ries, continue :

« Non seulement aucun vote, d’aucune manière, n’a eu lieu pour décider de notre choix d’alliance à Strasbourg mais de surcroit, à aucun moment, l’hypothèse d’une alliance avec Fabienne Keller n’a été défendue devant le Conseil du MoDem Alsace, ni même présentée aux adhérents lors de notre Convention régionale le 16 novembre à Rhinau. Et comme selon nos statuts, le Conseil national décide des investitures « sur proposition » du Mouvement régional, cette déclaration d’alliance de 1er tour avec Fabienne Keller relève bien du choix strictement personnel de Frédéric Le Jehan et de Thomas Rémond. Face à la gravité de ce mensonge public réitéré, refusant le dévoiement de notre démocratie interne, je demande aux instances nationales de placer le MoDem Alsace sous tutelle afin de poursuivre la procédure des investitures alsaciennes dans le respect des valeurs et des textes du Mouvement démocrate. »

Episode 3, alors que Thomas Rémond réaffirme l’alliance du MoDem Strasbourg avec l’UMP, c’est au tour d’un autre membre du bureau alsacien de s’énerver. Dominique Bézu, pour une liste « socio-professionnelle » indépendante menée par le MoDem, écrivait vendredi :

« A Strasbourg le MoDem « soutient » l’UMP Fabienne Keller. Les membres du Conseil du MoDem, instance souveraine, l’ont appris par la presse. Cette « décision » est illégitime au plan statutaire. C’est au Conseil de débattre et de transmettre des avis motivés à Paris. Réunis [jeudi] soir à Colmar les conseillers ont largement contesté la méthode utilisée. Cette « décision » est incompréhensible au plan politique.

Le président régional Thomas Rémond, le vice-président Frédéric Le Jehan, le délégué régional Jean-Marcel Brûlé, avaient pour mission de défendre la lettre et l’esprit de notre mouvement. Il ne l’ont pas fait, ont outrepassé nos règles, ont outrepassé leurs pouvoirs, et tout cela pour quoi ? Un plat de lentilles froid. Ni accord sur un programme précis, ni accord sur les places, ni accord sur les responsabilités ! Un quarteron d’ambitieux que nous mettrons en retraite. »

Ambiance. Total, Dominique Bézu tenterait de monter une liste malgré tout, Pierre Schweitzer pourrait être débauché par Roland Ries au titre de l’ouverture au centre, tandis que Thomas Rémond et Frédéric Le Jehan participeront aux ateliers sur le programme UMP autour de Bernard Stalter et le second devrait figurer sur sa liste. Le MoDem sera donc représenté partout. C’est à dire nulle part.

7 – Le candidat UDI, vexé, ne veut voir qu’une seule tête

Pas de MoDem derrière François Loos, candidat UDI, même si le candidat indique dans un communiqué publié lundi 6 « avoir su rassembler autour de lui l’ensemble (sic) des sensibilités centristes : Radicaux, Force démocrate, Alliance centriste, Nouveau Centre et Gauche moderne ». Il continue, tranchant :

« Ce rassemblement implique le respect des valeurs d’éthique et de loyauté. Certains ont cru pouvoir s’en passer. Cette attitude est inacceptable et rend incompatible leur appartenance à l’UDI. Dès ce jour, Pierre Marmillod, délégué départemental de l’UDI, a pris à l’encontre de Bornia Tarall, Catherine Zuber, Marc Merger et Jean-Charles Quintiliani [ndlr, tous élus du groupe d’opposition de Fabienne Keller et soutiens dans sa campagne] les mesures de suspension qui s’imposent. Par ailleurs, le comportement irresponsable de quelques membres du MoDem va à l’encontre des décisions nationales de rapprochement entre l’UDI et [le parti de François Bayrou]. Aujourd’hui, leur attitude remet en cause dans notre département une démarche constructive de rassemblement dans le cadre de l’Alternative [ndlr, la majuscule n’est pas de nous]. »

Exit les mauvais coucheurs qui, par calcul ou loyauté, n’ont pas rejoint LE candidat centriste. Que Fabienne Keller (ex-UDF), Jean-Luc Schaffhauser (ex-UDS, proche du centriste Marcel Rudloff), Roland Ries (social-démocrate, réformiste et modéré) et Alain Jund (EELV tendance centre-gauche) se le tiennent pour dit.

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