
Souvent, je reçois des patients dont les symptômes ne sont pas clairs, diffus, erratiques. Et pour les soigner, je dois compter sur le lien précieux qu’un médecin généraliste peut nouer avec ses patients. Mais mon aide a des limites…
Juliette aime Sébastien qui est marié avec Marie. Juliette est ma patiente. Elle a eu un enfant avec Sébastien. Mais c’est un secret. L’enfant est encore jeune, Juliette vient me voir parce qu’il a des accès de violence à l’école et Juliette est triste .
Maladie d’amour
Geneviève est mariée depuis 15 ans, elle a une fille que je connais bien de 11 ans, Héloïse. Elle a le moral en dent de scie. Je la vois pour des troubles du sommeil. Après plusieurs années de consultations épisodiques, elle me dit qu’Heloïse est la fille d’un autre qu’elle aime depuis des années. C’est un secret pour Héloïse. Son mari sait : il est stérile. Il lui a fait jurer de ne jamais le dire à leur fille. Geneviève est restée avec son mari, n’a jamais rien dit.
Maladie d’amour
Clément se gratte au sang avec des accès incontrôlables et a des lésions de grattage terribles des jambes. Aucune circonstance particulière, pas d’allergie. Clément a 25 ans. Il a une petite amie depuis deux ans. Mais il en aime une autre. Il l’aime depuis toujours et cette fille va partir loin.
Maladie d’amour
Justin fait des poussées de psoriasis très visibles et invalidantes. Je le soigne depuis plusieurs mois, il va mieux. Depuis deux semaines, elles sont épouvantables : la fille dont il est fou amoureux lui a avoué en aimer un autre.
Maladie d’amour
Isabella est veuve depuis trois ans. Elle a 38 ans et un fils de huit ans. Elle ne sort pas de sa dépression, elle ne pèse plus que 36 kg. Elle me parle encore et toujours de son mari au présent. Je l’hospitalise.
La confiance que nous accordent nos patients, après plusieurs années souvent, et le secret médical sont les deux ingrédients qui nous permettent des diagnostics qui sont tout sauf scientifiques. Mais tout médecin qui écoute un peu ses patients sait.
Cette relation se tisse doucement comme une toile très fine et ce lien se renforce au fur et à mesure du temps qui passe. La toile peut toujours se déchirer. Elle est fragile. Elle demande du respect de part et d’autre. Et ce lien là est un bel aspect de mon métier. Il permet au médecin que je suis de comprendre ce qui est intangible, invisible, ce qui lie certains symptômes physiques à l’état psychique du malade.
Le médecin sait alors que la maladie peut être l’expression de peines de cœur. Et que ce n’est pas rare. Pouvoir dire pour ce malade-là est important. Important pour tenter de soulager. Cette maladie-là ne se soigne pas.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : le blog de Doc Arnica
Pour changer, je n'en profite pas pour faire de la publicité pour des produits naturopathes, pour mes psychothérapies ni même pour mon site internet.
C'est une autre maladie très actuelle dont il faudrait aussi parler : l'égopathie, ou comment essayer à tout prix de placer son site internet, des produits ou sa merveilleuse intelligence, en parasitant les bons articles de son autopromotion.
François
merci (aussi) pour la bande son !
Oui tu leur offres la parole dans la certitude qu ils ne seront pas raillés, jugés, disqualifiés. Leur douleur est qu ils ne peuvent pas se reconnaître parce que précisément ils ne sont pas reconnus. Ils se sentent écartelés, éventrés. C est à la démesure de leur faille initiale et ils s en mutilent même par le biais de la maladie.
Pour ta part tu les aides à retrouver un physique intègre .... Oui c est une part de ton travail qui est précieuse. Au moins ces souffrances là !
Et maintenant pour être sérieuse, je répète que je ne suis toujours pas sûre que mon généraliste me reconnaisse.
C EST BEAU LA PROVENCE !!!! DEMENAGE !!!!!!
Ensuite dans plusieurs cas que vous décrivez il y a une autre souffrance, des symptômes beaucoup plus importants, et ça cela se soigne. Par diverses formes de psychothérapies et aussi par l'hypnose que je pratique, une hypnose respectueuse de chaque personne dans son entier. Une autre remarque : dans certaines des souffrances dont vous parlez, il y a du secret. La personne est prise dans un double lien terrible, la parole qu'elle a donnée "l'oblige" au secret, à un secret destructeur pour elle et pour l'enfant...et aussi pour le mari stérile dans un cas précis. Il y a des approches très efficaces, en approche systémique et aussi la socio-généalogie d'Anne Ancelin-Schützenberger ...elle a écrit un livre magnifique qui s'appelle "Aïe mes aïeux !"