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Maladie de Lyme : on a surtout besoin d’y voir clair

Y a-t-il vraiment une nouvelle épidémie de la maladie de Lyme ? En Alsace, on connaît bien cette maladie. Mais hélas, en l’absence de référentiels clairs, surtout pour le 3e stade de la maladie, les diagnostics et le suivi sont très délicats.

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Une tique de retour de promenade ? Il faut tester la présence des bactéries... (Photo Doc Arnica)

Lyme. Rien que le mot est devenu sulfureux. On nous en bat et rebat les oreilles sur tous les médias.

J’ai osé dire il y a quelques temps que traiter la maladie de Lyme par homéopathie et régime sans gluten n’était peut-être pas la meilleure manière de la soigner et je me suis retrouvée au milieu d’un remue-ménage hallucinant qui a complètement dérapé, sans aucune modération.

La maladie de Lyme est bien connue en Alsace (et dans l’Est de la France en général) parce que fréquente et tout médecin en voit en général plusieurs par an.

Pas de problème de diagnostic pour la maladie primaire

La maladie primaire, quand elle se déclare par un érythème migrant, ne pose pas de problème de diagnostic la plupart du temps, tant cet érythème est pathognomonique (typique ) de la maladie.

La tique (infestée dans 1/4 des cas environ en Alsace) pique, s’accroche, crache et injecte la bactérie responsable de la maladie (la Borelia) et dans les 3 à 30 jours la réaction cutanée arrive en belle cocarde rouge sans aucun autre symptôme. Antibiotiques pendant 2 semaines et la voilà guérie.

Une tique de retour de promenade ? Il faut tester la présence des bactéries... (Photo Doc Arnica)
Une tique de retour de promenade ? Il faut l’enlever aussitôt (Photo Doc Arnica)

Le problème des symptômes inexistants ou diffus

Problème : environ une fois sur deux, la maladie primaire ne donne aucun symptôme cutané : rien, nada. Donc quand vous vous promenez dans nos campagnes forêts ou montagnes (à  moins de 800 m, ça fait presque tout le massif vosgien), « épouillez » vous en rentrant pour traquer la bête. Enlevez là à sec sans produit avec une pince à épiler ou mieux un tire-tique.

La maladie évolue quelques fois, tranquille, à bas bruit et puis un jour va s’exprimer : soit bruyamment comme un de mes meilleurs amis qui a fait une méningite de Lyme après une balade dans les Vosges, soit sournoisement avec des douleurs articulaires diffuses qui durent pour lesquelles tout médecin en Alsace va chercher outre les maladies inflammatoires classiques des articulations (polyarthrite rhumatoïde ou lupus par ex), la maladie de Lyme avec une analyse biologique : test Elisa puis Western Blot, si Elisa positif.

Si le tableau clinique est net et les tests positifs, le patient va être traité énergiquement par des antibiotiques. Personnellement, je l’adresse au service de maladies infectieuses de mon CHU. Elisa est souvent positif en Alsace vu l’exposition des patients depuis leur enfance. Le test Western Blot permet dans une certaine mesure de faire le tri entre les maladies anciennes qui ont laissé une trace dans le sang (IgG) et les récentes avec IgM . Mais rien n’est simple avec ces deux tests . Leurs résultats reviennent souvent douteux.

En maladie chronique, un flou intégral

La maladie de Lyme, un peu comme la vieille syphilis, peut évoluer en une maladie chronique dite aussi tertiaire et là commence le flou intégral.

Pas de test positif la plupart du temps et des symptômes totalement bâtards, comme une fatigue intense, des douleurs diffuses dans tout le corps… Quand il s’agit d’un patient forestier, en général on ne doute pas vraiment du diagnostic. Mais les autres patients ont à faire face, d’une part à l’absence de critères précis pour faire le diagnostic et ensuite à l’incrédulité des soignants surtout lorsqu’ils se sont autodiagnostiqués « malades de Lyme ».

Le vieux consensus français  (2006) ne les prend pas vraiment en compte et s’en suit deux problèmes tout aussi importants :

1 – Un abandon de patient qui ont probablement une maladie de Lyme chronique pour laquelle on ne leur propose rien que des antalgiques quasi inefficaces. Ceux-là vont chercher tous les moyens pour se soigner et un jour vont trouver un médecin pour essayer (avec conviction) des traitements par association d’antibiotiques à souvent fortes doses et pendant des années. Je comprends ces patients et ces médecins, même si je ne le fais pas.

2 – L’arrivée de patients qui ont des problèmes psychologiques importants et qui, dans le déni de ces problèmes, vont s’autodiagnostiquer malades de Lyme sans aucun argument. Cela est d’autant plus facile que les critères diagnostiques sont complètement flous (voire nuls) et vont passer de médecins, en médecins à pratiques alternatives. Ils vont plonger dans toutes les thérapeutiques non évaluées, comme l’homéopathie ou les régimes « sans » (gluten, lactose, produits laitiers, voire sucre, etc.).

Apprentis sorciers

Ces médecins sont-ils convaincus du bienfait de leur traitement ? J’espère qu’ils savent ce qu’ils font avec des patients qui ont déjà bien galéré avant de partir pour de tels traitements. Pour moi ils jouent aux apprentis sorciers.

Rien n’est simple avec cette maladie qui finalement, bien qu’elle soit découverte depuis les années 70, n’est toujours pas bien connue, faute d’études suffisamment larges et faute de critères diagnostiques bien établis pour la maladie chronique et surtout faute de traitements réellement efficaces.

Alors j’aimerais vraiment que l’on se penche sur cette maladie et qu’il y ait de vraies recherches, déjà  pour établir des critères diagnostics précis de la maladie tertiaire pour  ne pas se retouver avec tout un tas de patients dans l’errance médicale. Les américains ont appelé la maladie tertiaire récemment : la maladie de Lyme post-traitement (Post-Treatment Lyme Disease) en évoquant l’hypothèse de désordres immunitaires persistant des mois après la fin du traitement antibiotique. Les études américaines ne montrent pas de bénéfice à des traitement antibiotiques prolongés pendant des mois par rapport à des traitements conventionnels de quelques semaines.

Il faut quand même noter que l’évolution naturelle de cette maladie se fait vers une amélioration progressive des symptômes dans la plupart des cas, au prix de mois de fatigue, de douleurs et souvent d’un prix social très élevé avec perte de son emploi et difficulté d’obtenir une invalidité.

En attendant si les tests restent négatifs et devant une association de symptômes peu spécifiques, je ne saurais poser un diagnostic de maladie de Lyme, ni tenter un traitement au hasard, quel qu’il soit.

Alors j’espère que le plan d’action promis par notre ministre de la Santé pour septembre sera un vrai programme de recherche et de prise en compte de cette maladie de Lyme et pas juste un plan-com’ destiné aux associations de patients.


#maladie de lyme

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