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Face aux absences de professeurs, des parents d’élèves s’organisent à Stutzheim-Offenheim

Depuis septembre 2023, certains enfants du groupe scolaire du Petit-Pont à Stutzheim-Offenheim, ont vu leurs maîtresses absentes sur de longues périodes. Las de cette situation, les représentants des parents d’élèves organisent des tours de garde.

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Face aux absences de professeurs, des parents d’élèves s’organisent à Stutzheim-Offenheim
L’école du Petit-Pont à Stutzheim-Offenheim

« Un enfant qui vous dit qu’il a envie d’apprendre, mais que sa maîtresse n’est toujours pas là, ça brise le cœur », soupire un parent d’élèves en regardant l’école du Petit-Pont, dans la commune de Stutzheim-Offenheim située dans le Kochersberg. Avec neuf autres représentants de parents d’élèves, il souhaite organiser une journée d’action contre l’absence de remplacements, qu’ils estiment chroniques depuis la rentrée.

Le groupe scolaire du Petit-Pont accueille 164 élèves répartis en sept classes, la plupart en double, voire triple niveau, de la petite section de maternelle jusqu’au CM2. Selon Jean-Sébastien Vidal, un autre des représentants de parents d’élèves, les classes les plus concernées par les absences sont celles CP, CE1 et CE2 :

« Nous avons compté les jours d’absence d’enseignants depuis septembre. Pour une classe, il y en a eu 18 jours et demi non-remplacés, et treize remplacés. Sur l’autre, il y a eu onze jours sans école, et une journée avec un remplacement. En tout, ça représente 43,5 jours d’absence, dont 29,5 sans remplacement. »

Adaptation permanente

Ces chiffres, Jean-Sébastien et les autres représentants de parents d’élèves les ont patiemment assemblés pour appuyer leurs demandes sur des éléments objectifs. « Il faut imaginer qu’une absence non-remplacée, ça veut dire arriver aux portes de l’école à 8 heures et se retrouver face à un dilemme : mon enfant va-t-il encore se retrouver dans une classe qui n’est pas la sienne ce matin ? Est-ce bien la peine qu’il passe sa journée à colorier à l’école ? », fulmine une mère dont deux enfants sont scolarisés au Petit-Pont.

« Lorsqu’il y a un remplaçant, l’organisation change, donc les enfants doivent constamment s’adapter », poursuit une autre qui juge que la continuité pédagogique en pâtit forcément. Selon les calculs de Jean-Sébastien, cinq personnes différentes ont assuré les remplacements entre septembre et février :

« Ça déstructure les enfants. Le nom de leurs maîtresses change tout le temps, ils ne comprennent pas ce qu’on leur demande. Et quand il n’y a pas de remplaçant, nos enfants sont ballottés d’une classe à l’autre. Certains sont placés dans des cours qui ne sont pas de leur niveau, ce qui crée aussi des problèmes dans les autres classes. »

« D’autant plus que les remplacements ont parfois lieu par demi-journée », déplore cette mère de famille qui s’arrange pour que les enfants puissent être gardés à la maison les jours où il n’y a pas école, faute de maîtresse. « Mais nous n’avons pas les outils pédagogiques pour leur enseigner ce qu’ils manquent en classe », se désole-t-elle.

Une différence qui se fait sentir

Selon les parents interrogés, une différence de niveau commence à se faire sentir entre les élèves qui ont cours tous les jours et ceux dont les maîtresses ne sont pas remplacées. « Un élève de CP qui retourne en maternelle pour une journée, ce n’est pas idéal, il a l’impression de régresser », plaide une mère de famille.

La situation est telle qu’au début de l’année scolaire, les parents ont organisé un système de garde à la maison.

Les parents précisent que jamais l’école ne les a forcés à garder leurs enfants lorsque les maîtresses n’étaient pas remplacées, mais tous sentent une pression de la part de l’établissement à « prendre leurs dispositions », c’est à dire garder leurs enfants chez eux. « C’est comme si c’était la faute de nos enfants si les autres classes sont surchargées », déplore Jean-Sébastien.

Pour présenter le problème en conseil de classe et faire pression afin d’obtenir des remplacements pérennes, les parents ont fait circuler un questionnaire au sein des familles. Sur 64 répondants, 28,1% estiment ressentir un mal-être chez leurs enfants du fait des absences. Et 90,6% sont préoccupés par les absences des enseignants. 21,9% envisagent de changer leurs enfants d’établissement pour la rentrée 2024, dont deux tiers à la faveur d’une école privée.

Des questions sur la suite

« On nous assure qu’une personne doit assurer l’enseignement d’une des maîtresses en congé maternité jusqu’à la fin de l’année », explique Jean-Sébastien :

« Avant les vacances, dans le carnet de liaison, on nous a informé qu’un autre maître serait absent, pour cause de formation. On le sait donc depuis deux semaines, mais on sait aussi qu’il ne sera pas remplacé. Ça me pose des questions : toutes les absences dont on parle sont prévisibles. Pourquoi le rectorat ne prévoit-il pas de les remplacer ? »

Les parents savent que la pression est grande sur les maîtres et maîtresses qui restent. « Ils tirent la langue, on leur fait sentir qu’ils doivent assurer », explique Jean-Sébastien. Une mère de famille sent que la colère des parents se répercute sur eux :

« Forcément, ils sont là le matin à la grille de l’école et c’est à eux que nous disons que nous sommes en colère. On essaye d’être modérés mais parfois, quand ça fait plusieurs jours que nous devons reprendre nos enfants, ça fait beaucoup. J’espère juste que ces absences non-remplacées ne vont pas user celles et ceux qui restent. »

Mieux lotis que les autres ?

Jean-Sébastien le concède, le groupe scolaire du Petit-Pont est relativement bien loti, malgré les non-remplacements. « Il y a rarement plus d’une vingtaine d’élèves par classe en temps normal, l’accueil périscolaire est juste à côté et il y a une cantine, mais ce n’est pas une raison de ne pas montrer lorsque nous sommes mécontents », estime-t-il.

Les représentants des parents d’élèves veulent organiser une journée « coup de poing », vendredi 15 mars 2024, pour protester contre ces manques de remplacements. « Au début, tous les parents nous soutenaient », commence une mère de famille :

« Mais depuis que nous avons proposé une action concrète, c’est comme s’ils avaient pris peur. Comme s’ils pensaient qu’on allait bloquer l’école ! Le maire nous a aussi dit qu’il n’était pas non plus favorable à une manifestation. »

Jean-Charles Lambert, maire de Stutzheim-Offenheim, n’a pas pu être joint avant la parution de cet article. Contacté, le rectorat de l’académie de Strasbourg a indiqué avoir reçu la demande d’informations de Rue89 Strasbourg, mais n’être pas en mesure de répondre avant la publication de cet article.


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