

La frontière entre l’Alsace et la Lorraine, marquée par une borne prussienne (Photo Thomas Bresson / FlickR / cc)
En passant par la Lorraine – 1. Alors que Lorrains et Alsaciens sont appelés à partager une future région commune, il est temps de poser les bonnes questions. D’où vient cette méfiance réciproque entre peuples d’outre-Vosges ? Tout ça, c’est à cause de Clovis. Au moins.
En tapant sur Google « les Alsaciens n’aiment pas », la première suggestion du moteur de recherche est « les Lorrains ». Et sur les réseaux sociaux, les commentaires vont bon train depuis qu’il est question de fusionner les deux régions, notamment sur la page d’un groupe Facebook opposé à la réforme territoriale :
Mais d’où viennent ces rancœurs et ces méfiances ? Pour Bernard Schwengler, professeur et politologue de l’Ovipal, les deux régions ne se connaissent pas assez :
« Que l’Alsace et la Lorraine émettent des réticences à s’abandonner l’une à l’autre, c’est normal, d’autant plus qu’on parle d’une fusion, et non pas d’une simple coopération. Surtout, l’Alsace et la Lorraine sont deux régions qui ne se connaissent pas, elles se sont développées dos à dos. Premier décalage : le duché de Lorraine entre en 1766 dans le royaume de France, soit près d’un siècle après l’Alsace qui, elle, est progressivement devenue française suite à la signature en 1648 du traité de Westphalie mettant un terme à la guerre de Trente Ans. Ensuite, elle se sont développées de manière distincte. Aujourd’hui encore, elles n’ont pas le même passé industriel. La Lorraine est marquée par la sidérurgie tandis que l’Alsace a s’est davantage tournée vers l’Allemagne pour ses relations économiques. Ces choix ont conduit les Lorrains à émigrer plus souvent vers l’Alsace pour trouver du travail que l’inverse. »
Au final, l’Alsace est perçue comme une région plus prospère que la Lorraine. En 2012, l’Insee classe l’Alsace 4e région française au classement du produit intérieur brut par habitant tandis que la Lorraine est 19e.
Divergences religieuses, révoltes et rivalités
L’antagonisme entre Lorrains et Alsaciens pourrait trouver ses origines au XVIe siècle, comme l’explique Jean-Noël Grandhomme, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Strasbourg :
« L’intervention militaire du duc de Lorraine durant la guerre des Rustauds en 1525 face aux paysans alsaciens révoltés a laissé des traces dans les mémoires. Les troupes ducales, composées de Lorrains, ont commis des massacres résultant en plusieurs milliers de morts côté alsacien. Après cet épisode, le Lorrain est perçu en Alsace comme celui à qui il ne faut pas faire confiance ».
Les Lorrains, perçus comme des traîtres au XVIe par les Alsaciens, en ont autant pour leurs voisins, des étrangers qui les gouvernent au XIXe siècle. Et Jean-Noël Grandhomme de détailler :
« Pour les Lorrains francophones, les Alsaciens ont longtemps été perçus comme des Allemands, ils ne se sentaient pas proches d’eux. Sous le Reichsland Elsaβ-Lothringen, né de l’annexion de l’Alsace-Moselle suite au traité de Francfort de 1871, Strasbourg est devenue la capitale de la nouvelle terre d’empire, les Lorrains ont eu du mal à accepter cette décision. »
Le Lorrain, bouc-émissaire préféré des Alsaciens
Aujourd’hui, l’humour a heureusement pris le pas sur les vieilles querelles. Mais les clichés survivent à travers des blagues bien connues, comme celle sur les oreilles pointues, conséquence d’un destin tout tracé pour les Lorrains. Pour Roger Siffer, directeur du restaurant-cabaret-salle de spectacle la Choucrouterie, le Lorrain reste le bouc-émissaire idéal :
« C’est une vieille tradition alsacienne que de se moquer de son voisin. Ça remonte aux révoltes paysannes, voire jusqu’à la bataille de Tolbiac en 496 entre les Francs et les Alamans. Le Lorrain est souvent présenté comme celui qui a des oreilles pointues, vit dans une région pauvre et vient dans une Alsace riche pour travailler. Jouer sur ces clichés fait toujours autant rire. Dans un sketch à venir, on prévoit de raconter l’épopée d’un couple d’Alsaciens qui tombent en panne en Lorraine… »
L’Alsacien, arrogant et victime d’un complexe de supériorité
L’écrivain Louis Engel a carrément consacré un ouvrage à ces préjugés, La fabuleuse invasion de l’Alsace par les Lorrains, paru en 2011. Les Alsaciens y sont perçus comme des êtres arrogants, se sentant supérieurs aux Lorrains. Inversement, les Lorrains font l’objet de moqueries sur leur pauvreté. L’ouvrage a été tiré à 1 500 exemplaires et 1 400 ont été écoulés en cinq mois… Selon l’auteur, né en Moselle d’un père lorrain et d’une mère alsacienne, les deux régions se rejoignent plus qu’elles ne s’opposent :
« Les gens, qu’ils soient Alsaciens ou Lorrains, ont globalement apprécié l’ouvrage. Certains Lorrains sont même venus racheter un exemplaire pour l’offrir à un membre de leur famille en Alsace afin qu’ils en rient tous ensemble ! »
Un second livre est en préparation, mais cette fois, ce sont les Alsaciens qui iront chez leurs voisins. Entre temps, peut-être que tout ce monde là habitera la même région.
(Édité par Pierre France)
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : toute notre série d’articles « En passant par la Lorraine« , pour mieux connaître nos voisins
l'Alsace a toujours préférée travailler avec l'Allemagne, et la moselle a pris les armes contre le reste de la Lorraine pour rappel !!
Dans certains villages alsaciens (au nord) on ne parle même pas français, c'est une langue administrative au plus.
Je suis aussi du Sud de la France (dans le "nord", on ne parle pas non plus qu'en bien des gens du Sud !), et je connais la Lorraine et encore mieux l'Alsace, où j'ai vécu. Et quand à une "hostilité" dans l'une ou l'autre de ces régions, je n'ai qu'une chose à dire : quand vous êtes invité chez des Lorrains et des Alsaciens, il est rare que vous sortiez de table très "léger" !!
A partir de là, ce n'est pas vis à vis du passé qu'il faut chercher des explications (parce que pour le coup, l'Alsace dans sa globalité a connu les mêmes évènement) mais bien plus dans la conjoncture actuelle, poussant au repli sur soi, à l'éducation, aux médias etc...
Quoiqu'il en soit, il me tarde de voir le déchirement qui va se produire une fois la réforme adoptée et l'obligation de passer des villes au rang de "capitales administratives". Ca promet de relancer les animosités de plus belles!
Peut être aussi que l'image de la "pauvre" Lorraine (bien qu'elle produise encore plus de richesse que sa voisine, en terme de PIB...) est à l'origine de ce "complexe de supériorité" propre à certains alsaciens, et que pour cela nous lorrains sommes trop modestes lorsqu'il s'agit de vendre l'image de notre riche patrimoine (culturel, gastronomique, naturel...) à l'extérieur.
Mais j'imagine que si l'on s'ouvre sur les autres, on s'enrichira de nos différences sans perdre de nos spécificités. Si vous avez besoin qu'une carte vous dise que vous être en Alsace ou en Lorraine pour pouvoir manger votre quiche ou votre tarte flambée, boire votre Riesling ou votre mirabelle, alors vous êtes idiot-e.
Les frontières n'existent que dans nos têtes.
Ça vous va ? Comme ça on ne disputera plus entre cousins.
Hop là.
Raudi, la culture à Metz ... autrement
http://raudi.free.fr
Ceux qui en ont une ne l'ont pas perdue ( la langue et + bien sûr). ---Combien d'élus, non-ruraux, parlent encore alsacien alémanique ou francique ou encore " strasbourgeois? ---
Toujours Français ( c'est comme çà, on ne revient pas là- dessus), ils rêvent souvent d''Europe où l'on met tout en commun en " macro" mais où on reste fortement attaché à son "micro". Ce n'est pas incompatible . C'est très très souvent comme çà ailleurs, en Europe.
Des vannes sur les lorrains, oui, comme sur les suisses, les allemands, les bas-rhinois, les "autres", quoi.
Bah, un titre trollesque pour faire du clic, banal (et efficace apparemment ^^)
Maintenant, je ne vois pas en quoi réunir les deux régions permettrait des économies. On sait très bien que la proximité des décisions améliorent la pertinence, l'efficacité et les coûts. Les économies sont peut-être plutôt à faire au sein de chaque région actuelle...
Dans le Haut-Rhin, on a plus tendance à taquiner les Bas-Rhinois :) Je ne pense pas que c'est une réelle animosité. Plutôt une sorte de "sport régional" de blaguer sur les voisins. Je pense qu'on retrouve la même règle dans d'autres régions/départements de France. Ça marche aussi entre villages, entre la ville et la compagne, entre des équipes de sport, entre services dans les entreprises...
L'opposition à la fusion des régions et à mon avis ancrée ailleurs. C'est plus un attachement à nos origines. Les gens sont souvent fiers d'être bretons, alsaciens, corses, limousins... Ca représente d'où l'on vient. Avec la fusion, on peut craindre de perdre cette attache.
Je ne pense pas que cet article soit réellement pertinent et représente la réalité.
blague des Bas-Rhinois sur les Haut-Rhinois, des uns et des autres sur ceux du Sundgau, des Alsaciens sur la "Krummelsoss" (Bitche), des Français sur les Belges, des Anglais sur les Irlandais... Tout est dit et vous avez l'avez bien dit !
Pas de quoi faire un article et erroné en plus. Il y a peut être ça et là quelqu'un qui n'aime pas les Lorrains, mais je n'en connais pas. Sûrement pas « Les Alsaciens » .
Sinon, que retenir de cet article ? Que les alsaciens se moquent des lorrains parce qu'ils sont "pauvres". Waouh, on avance... Avec un raisonnement comme celui-ci, je n'ose même pas savoir ce qu'il se dit dans la plaine sur les Roms ou les populations défavorisées des zones d'habitat sensibles.
Bien le bonjour d'en haut.
Bonjour d'en-bas !
- Strasbourg capitale du Reichsland ? Mais seule la Moselle est concernée...
- Alsaciens = allemands ? Alors les Mosellans aussi, par rapport aux autres Lorrains, non ?
«Premier décalage : le duché de Lorraine entre en 1766 dans le royaume de France, soit près d’un siècle après l’Alsace»
Vue l'influence de la France en Lorraine (c'est elle qui a placé le polonais à Nancy), aussi bien culturelle que politique... ce décalage, c'est uniquement sur le papier. Quand bien même les deux régions aurait été annexée par la France en même temps, ça n'aurait rien changé.
La différence de prospérité et le massacre sont les deux raisons historiques qui expliquent cette animosité. Ensuite il y a une différence culturelle claire. Différence culturelle qui explique aussi la place des Mosellans en Lorraine.
Enfin... sujet intéressant. N'oublions pas qu'il a lieu dans un cadre précis : la réforme territoriale. Et celle-ci est d'une stupidité incroyable. Qui est assez naïf pour croire que cela va générer des économies ? Ce n'est pas une carte redessinée qui va avoir un quelconque effet... Il suffit de regarder à l'étranger, la Suisse, par exemple, pour voir que des petites régions peuvent être très bien gérées et peu gourmandes.
Cela n'est pas le cas de la France, un redécoupage des régions est tout à fait le bienvenue pour les raisons qui ont maintes fois été annoncées. Le problème de "compatibilité" culturelle est par contre totalement hors de propos. Fusionner deux régions ne va jamais mettre à sac leurs identités respectives. Je suis Lorrain, je viens de Meurthe-et-Moselle (54) et habite en Moselle (57) depuis 3 ans. Il existe déjà une grande différence culturelle entre ces deux départements, une grande rivalité aussi... Pourtant que constate-t-on ? ... Ben rien justement...
Quel problème y a t-il à réunir l'Alsace et la Lorraine sous une même bannière ? Un drapeau reste un simple drapeau, par contre, la simplification administrative, elle, ne peut être négligée.
Cordialement.
Dans ce cas, allons plus loin fusionnons la France et l'Allemagne ! Et puis la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, l'Espagne avec le Portugal ! Avec toutes ces fusions, l'Europe devrait sortir de la crise...
Ce qu'on constate, c'est que ses deux départements sont fréquemment en opposition sur les sujets d'importance majeure et que la région n'avance pas.
Qui voudrait importer ça en Alsace ?