Le conseil municipal de Strasbourg du lundi 23 juin avait 77 points à l’ordre du jour, dont une partie avait été héritée de celui du 19 mai, raccourci en raison d’une manifestation de forains.
La première séquence, composée de huit points, en faisait partie, il s’agissait de débattre des rapports de la Chambre régionale des comptes (CRC) sur les finances de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg entre 2019 et 2024 et d’adopter le compte administratif 2024. Les conseillers ont donc une nouvelle fois débattu du recours à la dette, 377 millions d’euros en 2024 : un « bouclier social » selon les écologistes, une charge insupportable selon la droite et le centre. La CRC a alerté sur l’allongement de la durée de désendettement de la Ville mais l’agence Fitch a maintenu le 20 juin la note de la collectivité à AA-.
Strasbourg jumelée avec le camp d’Aïda en Palestine
Après un débat très houleux, le conseil municipal de Strasbourg a voté en faveur du jumelage avec le camp de réfugiés palestiniens d’Aïda, près de Bethléem avec 48 voix pour (écologistes et communistes), 10 contre (la droite et le centre) et 5 abstentions (socialistes). Une subvention à Gaza de 20 000€ et le renforcement de la coopération avec la ville de Bethléem ont été votés à l’unanimité.
Les élus de l’opposition de droite, mais aussi socialiste, ont de nouveau accusé la maire de Strasbourg d’avoir voulu nier le droit à l’existence de l’État d’Israël en ayant porté le keffieh et accepté une carte de la Palestine historique. Syamak Agha Babaei a répondu à ces élus que ces accusations ne visaient qu’à « invisibiliser un vêtement traditionnel et réécrire l’histoire de cette région ». Jeanne Barseghian a dû rappeler qu’elle était en faveur de la solution à deux États pour la paix au Proche Orient et en a profité pour préciser pourquoi Strasbourg a choisi un camp de réfugiés plutôt que Bethléem pour un jumelage en Palestine :
« Le ministère des Affaires étrangères recommande pour la Palestine de nouer des relations avec des camps de réfugiés. La ville de Bethléem dispose déjà de plus de 500 jumelages de par le monde. Par ailleurs, le jumelage avec Ramat Gan continue, il est gelé pour des raisons liées à l’état de guerre en Israël. »
Solidarité avec Ramat Gan
En fin de conseil, il a de nouveau été question de Ramat Gan avec le vote, sur le fil par 12 voix contre 11 et 4 abstentions, d’une résolution de soutien présentée par Jean-Philippe Vetter. Ce texte demande notamment que la Ville de Strasbourg « adresse à tous les habitants de Ramat Gan un message d’amitié et de solidarité face aux bombardements meurtriers subis » et « réaffirme sa volonté de rétablir un jumelage actif ». L’adoption a été rendue possible par l’abstention de la maire, Jeanne Barseghian, excédée après qu’elle ait constaté que ses opposants lui faisait porter la responsabilité du gel du jumelage.
Une information qui a même traversé l’Atlantique puisque la ville de Boston s’apprête à débattre le 25 juin d’une suspension de son jumelage avec Strasbourg, en rétorsion à ce qu’un conseiller appelle un « gel » du partenariat avec Ramat Gan.
Des prairies en ville
Le conseil municipal s’est ensuite penché sur les « prairies en ville », des zones d’herbe laissées hautes afin de favoriser la biodiversité, en servant de caches pour les insectes et les petits mammifères (voir notre article présentant cette délibération en détail). Le point a été adopté à une large majorité de 52 voix.
Un « permis de louer » au quartier Gare
Les conseillers ont adopté à une très large majorité (seuls Jean-Philippe Vetter et Gabrielle Rosner-Bloch, droite ont voté contre) l’instauration d’un « permis de louer » dans le quartier Gare de Strasbourg (voir notre article détaillé). La délibération précise que 1400 permis sont attendus et que trois agents seront embauchés pour étudier les demandes. Nicolas Matt (Ren), qui est aussi conseiller départemental, a rappelé qu’il aurait fallu inclure les logements des bailleurs sociaux Ophéa et Habitation moderne dans le périmètre. Mais il n’a pas mentionné les immeubles d’Alsace Habitat, bailleur social de la Collectivité d’Alsace… Céline Geissmann (soc) a de son côté déploré que Strasbourg soit la 631e commune à mettre en place ce dispositif, et encore sur un petit périmètre, un seul quartier et seulement pour les logements construits avant 2006. La municipalité a conclu en invitant propriétaires et locataires à se rendre sur le site, tout neuf, de la Maison de l’habitat.
Stationnement payant en régie
Streeteo à Strasbourg, c’est (bientôt) fini! Le conseil municipal a adopté à l’unanimité le transfert du contrat de concession de la redevance du stationnement en voirie en novembre à une société publique locale dédiée. Tous les conseillers espèrent une réduction du contentieux et plus de souplesse, même s’ils ne partagent pas tous et toutes les choix politiques et tarifaires de la municipalité. Douze millions d’euros sont attendus, à partir de 20000 places publiques.
Une feuille de route pour la gare à 360 degrés
Cette délibération acte les transferts de propriété progressifs entre la SNCF, la Région et la Ville de Strasbourg jusqu’aux années 2050. Elle précise l’aménagement concerté de toute la zone autour de la gare, et notamment la zone au nord qui doit être progressivement réaménagée pour permettre d’ouvrir la gare vers un nouveau quartier, dédié aux activités culturelles, notamment nocturnes, et à l’économie solidaire. La délibération a été adoptée avec 44 voix pour, 9 élus de droite, du centre et socialistes ont voté contre.
Point final pour la rue Mélanie?
Les conseillers municipaux ont évoqué la rallonge de 150000 euros nécessaires pour terminer le réaménagement de la fin de la rue Mélanie, cette voie de la Robertsau qui mène au château de Pourtalès. Les élus de droite, du centre et socialistes, ont une nouvelle fois brocardé la municipalité pour avoir dépensé « un million d’euros pour 300 mètres », faire la guerre aux voitures et le tout, sans avoir emporté l’adhésion des riverains. Ces derniers sont particulièrement remontés après qu’un premier aménagement, avec des écluses, provoquait des bouchons aux moments de forte affluence. La municipalité a supprimé les écluses et les arbres pour repasser à deux voies, supprimant au passage les quelques places de stationnement. Nouvelle bronca des riverains mais la municipalité a fait valoir que la continuité cyclable devait permettre d’aller jusqu’au château et que les croisements au carrefour giratoire étaient très dangereux.
130 millions pour un bel opéra en 2033
Les conseillers municipaux ont adopté les choix de la municipalité pour l’opéra du Rhin (voir notre article dédié). Jeanne Barseghian a tranché pour rénover le bâtiment historique de fond en combles et déménager les spectacles au Palais des fêtes le temps des travaux. La facture devrait s’élever à plus de 130 millions d’euros. Jean-Philippe Vetter (Les Rép) a regretté la destruction de la salle à l’italienne, « cette salle magnifique dans laquelle je me rendais pour 5,5€ en étant étudiant. J’y vivais un moment extraordinaire même si je ne voyais rien, » a-t-il dit en sollicitant ses souvenirs. Anne Mistler, adjointe à la maire en charge de la culture, lui a répondu que d’autres étudiants avaient probablement été traumatisés par la même expérience. Pierre Jakubowicz (Horizon) s’est presque désolé d’avoir épousé les choix opérés par la municipalité tout au long des séances de travail. Une augmentation du prix des places est à craindre à la réouverture mais, assure Jeanne Barseghian, « il restera des places à des tarifs accessibles ».
Parmi les textes additionnels, une motion de soutien à Urgence Palestine et la Jeune Garde antifasciste, mouvements dissous par le ministre de l’Intérieur, présentée par la conseillère indépendante Soraya Ouldji, a été adoptée. Le texte soutenant la mobilisation citoyenne en Europe visant à interdire les thérapies de conversion, présenté par Pierre Jakubowicz et Rebecca Breitman, a également été adopté, ainsi que le soutien à la panthéonisation d’Adélaïde Hautval, médecin et résistante alsacienne. Le groupe des élus écologistes a présenté un texte pour réaffirmer l’engagement de Strasbourg « contre l’islamophobie, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie », qui a également été adopté.
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