
L’autoroute A35, un futur boulevard au cœur de Strasbourg ? Une trentaine d’urbanistes ont planché sur le sujet, avec des idées pour infuser le débat local. L’une des principales conclusion sur l’importance des ponts routiers va à l’encontre des premiers discours strasbourgeois.
« On ne va pas casser l’A35, on va jouer avec sa structure ». L’A35 qui coupe Strasbourg en deux sera-t-elle vraiment transformée et si oui, comment ? L’agence d’urbanisme de Strasbourg, l’Adeus, qui pilote les premières réflexions sur ce projet de long terme, a présenté vendredi quelques idées issues d’un séjour de travail.
Toujours 150 000 véhicules par jour…
Une trentaine d’urbanistes, la plupart n’habitant pas à Strasbourg, se sont regroupés les 20, 21 et 22 mars dans la capitale alsacienne. Attention, il ne s’agit pas de projets validés par la municipalité, mais plutôt de réflexion à reprendre, à adapter… ou pas. La restitution de ces travaux collectifs a été assurée par Yves Gendron, directeur général adjoint de l’Adeus et par Frédéric Roustan, urbaniste et chargé de mission culture urbaine à l’Agence d’urbanisme de l’agglomération de Marseille (Agam).
Rappelons qu’après la mise en service du Grand contournement ouest (GCO – voir nos articles) mi-2021, les prévisions de l’État tablent sur 150 000 véhicules par jour sur l’A35, contre 164 900 en 2016 sur la portion la plus utilisée, entre Cronenbourg et Schiltigheim.

Le trafic journalier moyen sur l’A35 en 2016. Entre parenthèse le nombre total de poids-lourds. (source Dir Est)
Ne pas casser les viaducs
Et la première idée qui détonne est de ne pas déconstruire les viaducs et les talus qui surélèvent l’autoroute. C’était pourtant l’un des thèmes dominants des premiers discours tenus par les élus locaux. Les urbanistes ont bien remarqué que l’autoroute était une fracture visuelle, géographique et sonore dans la ville « que l’on essaie de masquer », mais… la vie humaine, végétale, animale, jardinière sportive, cycliste, aquatique sous l’autoroute (voir par exemple cet article) a tout autant impressionné les spécialistes. Cet aspect revêt une différence notable avec les autres villes qui déconstruisent leurs autoroutes urbaines.
Or abaisser l’A35 reviendrait à écraser ces « sous-faces » et les remplacer par des voies de circulation en plein pied, à « vitrifier l’espace public » en somme. Seuls deux espaces (vers la place de Haguenau à l’entrée de Schiltigheim et à la porte de Schirmeck) sont bétonnés et sans vie particulière. Ces ponts feraient même partie de « l’identité » de la voie et de la ville.
Casser un viaduc, ce fût le choix de la majorité de droite en 2006, en explosant l’ancien pont Churchill surélevé, pour urbaniser ses abords (tours Black Swans, Elithis, Inet, quartier Danube, etc.).
Au contraire, les urbanistes imaginent que l’A351 (qui arrive par l’Ouest) remonte sur ses derniers mètres pour croiser l’A35 actuelle, à quelques mètres de hauteur du sol sur le talus actuel, et non plus diriger les véhicules vers les vastes bretelles. À cette hauteur, un peu plus à l’est, les urbanistes imaginent « une gare ouverte à 360 degrés », un vieux thème de la politique strasbourgeoise. Les décideurs actuels imaginent que la gare routière y soit relocalisée d’ici 5/10 ans, mais il y aura quelques élections d’ici là… Les urbanistes proposent d’abaisser la vitesse à 30 km/h sur cette portion.
Plusieurs échangeurs et giratoires sont imaginés, même si les localisations seraient à affiner. Mais pourront-ils absorber tout le trafic, bien supérieur à celui d’un boulevard strasbourgeois actuel (environ 38 000 véhicules avenue du Rhin, 22 000 avenue des Vosges…) ? Pas sûr que le vieux projet de Voie de liaison ouest (VLIO), en passe d’être relancé, absorbe tout le trafic strasbourgeois, amené à s’en aller de l’A35.
Idée plus consensuelle et déjà entendue, ajouter des transports en commun tel un tramway. Mais tout en préservant des voies de circulation. « Il y aura toujours des voitures sur l’A35, sauf qu’elles accueilleront 4 personnes dedans et pas 1 seule », projette Yves Gendron. Tout un programme, « par étapes »…

L’A35 fait rêver par son potentiel d’espaces verts, mais où iraient les 150 000 véhicules ? (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Ces réticences que l’on entend déjà venir
L’Adeus n’avait « pas donné de consigne », dixit Frédéric Roustan. Quatre ambitions générales ont été formulées par les urbanistes pour l’A35 du futur : « Une vitrine de Strasbourg » ; « Un cœur de métropole » ; un parc ou « une urbanité généralisée ». Le tout en… « respectant la fonctionnalité actuelle de l’A35 » (à savoir une voie rapide sans croisement qui permet d’aller du nord au sud de l’agglomération en quelques minutes quand il n’y a pas d’embouteillage). Même à l’heure de « l’en même temps », il y a comme une contradiction entre ces deux demandes.
D’ailleurs, lors des questions-réponses, un représentant de la Chambre de commerce et d’industrie a soulevé « l’accessibilité au port, coupé en deux par les Deux-Rives », « le risque d’accidents » si l’on mélange vélos, voitures, transports en commun et autres trottinettes et le manque de réflexion générale sur « l’économie ». Ces transformations devraient toutes se heurter aux réticences des lobbys routiers, automobilistes et donc sûrement économiques…
Espace nourricier, zones commerciales
Tout au nord, transformer une partie des terres agricoles restantes en « espace nourricier » est aussi proposé. « Il y a 700 hectares de disponibles, c’est suffisant pour assurer la production en bio à tous les enfants des cantines (1 hectare = 650 personnes pour 150 jours) », indique Frédéric Roustan qui verrait dans ce projet une incarnation concrète au développement durable. Cette zone serait en grande partie située entre donc l’A35 d’un côté, et le GCO son trafic de camions qui transitent du nord au sud de l’Europe (24 000 véhicules dont 31% de poids lourds attendus sur cette portion).
Les urbanistes ont aussi été frappés par « la prévalence » des zones commerciales le long de l’autoroute. La Vigie (renommée « la vigie lente » pour signifier l’abaissement de la vitesse à partir de ce point) serait à « densifier » et à « paysager ». Une délibération au conseil de l’Eurométropole du 2 mai prévoit de revoir ces accès et « l’insertion paysagère ». Quant à la zone au nord à Vendenheim, les travaux pour l’agrandir sont entamés.
Bientôt un concert sur l’A35 ?
Après la Vigie, l’espace autour du Lac Achard à Ostwald et sa vue imprenable sur l’autoroute, pourrait être transformé en « parc de l’Ill », voire comme une sorte de parking relais via les voies d’eau. « Vous avez de l’eau, mais à part pour faire visiter Strasbourg aux touristes, vous ne vous en servez pas comme moyen de transport », remarque Frédéric Roustan.
Enfin, l’idée la plus foutraque revient à imaginer l’A35 comme… « une grande scène musicale ». Après la mise en service du GCO, une soirée avec « un concert de rock avec 1 000 guitares » est imaginé sur les bretelles d’autoroute, une référence au bruit que génère l’autoroute le reste du temps. L’idée est aussi de « faire envie d’A35 », avant de la transformer. « On a un peu déliré », concède Frédéric Roustan tout en rappelant que « on bloque bien l’autoroute quand Emmanuel Macron vient »… Cela avait en effet était le cas pour les obsèques d’Helmut Kohl en 2017.
Des élus de tous bords (Robert Herrmann PS ; Christel Kohler LREM et Jean-Philippe Vetter LR) ont déjà exprimé leur envie de profiter de la requalification pour ajouter des espaces verts à Strasbourg. Mais entre les déclarations de principes, les demandes de citoyens et gdes roupes d’intérêts, puis les décisions concrètes, les grands dessins évoluent souvent vers une forme de dénominateur commun…
Notre quartier profite actuellement du concert de bruit des véhicules de l'autoroute , ce serait tellement mieux un vrai concert musical ! en tout cas une atténuation du bruit par écran végétal !
D’abord, l’ADEUS a mené un exercice sans implication des collectivités et de leurs élus, comme un exercice de recherche-action qui facilite l’ouverture d’esprit, au-delà des idées déjà toutes faites de solution ou de rejet par les uns ou par les autres. En aucun cas, les collectivités ou les élus n’ont pris position sur le réaménagement des abords de l’A35 au travers de cet exercice. Au contraire, le travail effectué de façon libre permet de pointer différentes facettes d’une question extraordinairement complexe et multiforme, comme un premier regard externe et comme catalyseur d’une réflexion qui devra impliquer, dans les semaines et les mois à venir, les collectivités et l’Etat, cette fois en grandeur réelle.
Ainsi, le professionnalisme d’urbanistes extérieurs au territoire leur permet de poser en trois jours des questions parfois différentes de celles portées par le regard local. Il ressort alors matière à réflexion et partage concret de ce travail. Notamment :
Au vu des 26 km concernés par le réaménagement des abords de l’A 35, nous ne sommes pas du tout dans le cas de la transformation du pont Churchill, ni même de la transformation d’une autoroute à l’entrée de Montréal. Que signifie dans notre cas retrouver de l’urbanité ?
Quatre lieux seulement semblent opportuns pour l’organisation de traversées de l’A 35. En en tenant compte, le réaménagement pourrait réorganiser le maillage et le plan de circulation à la fois aux échelles des quartiers, de l’Eurométropole et de l’espace extra-métropolitain. L’A35 changerait d’usage, asseyant une orientation résolument en faveur de la transition écologique et des nouvelles mobilités.
Préserver les viaducs et talus plutôt que de les détruire, pourrait faciliter la protection de la richesse environnementale des dessous de l’infrastructure et participer à déployer sur une partie importante des abords, une vocation de poumon vert en pleine ville et de terre nourricière de proximité.
La gestion des vitesses –la fluidité et sécurité des délais de parcours privilégiées devant leur vitesse- pourrait être un outil déterminant en termes d’attractivité économique et d’aménagement de zones à enjeu. Elle pourrait faire partie du bouquet de projets –services, règlementation, infrastructures de différents modes dont le COS, outils, changement de braquet sur la desserte de zones moins denses et sur les modes actifs, réaménagement de différents espaces…- qui ensemble permettent la réorganisation des modes de vie, trafics, mobilités du quotidien et grande accessibilité.
Au vu du temps de réaménagement prévisible, l’organisation du phasage, de l’occupation temporaire et de l’appropriation des transformations méritent une grande anticipation. Et pourquoi pas festive, ou poétique ?
Sans rentrer à nouveau dans la présentation des travaux, il nous semble important de comprendre l’exercice tel qu’il est : nullement des propositions que les élus devraient choisir ou auraient choisies, mais un exercice préalable qui facilite le fait de dépasser nos préjugés et de se poser ensemble de bonnes questions. Soulever des enjeux de la vie des entreprises et des riverains de l’A35, des strasbourgeois et des habitants de l’eurométropole, des alsaciens et habitants du Rhin Supérieur, valent certainement trois jours de mobilisation nationale de professionnels.
Car l'A351 passe de 20000 a 80000 vehic./j entre wolfi et Strasbourg, c'est pas un hasard.
Mais on a préféré amener le tramway chez son copain d'Illkirch où "c'était tout droit et sans pont" selon le mot de J.Bigot.
Comme si c'était pas le cas ailleurs aussi...
Comment imaginer qu'un boulevard urbain arrive à absorber un flux de 150 000 véhicules/jour? Les bouchons aux heures de pointe seront tels que plus personne ne voudra plus venir à Strasbourg. Et il est inconcevable aussi que des moyens de transports en commun pourront d'un coup ingurgiter cette masse de personnes.
On est en plein délire là...
Qu'on améliore la desserte ferroviaire, oui bien évidemment mais qu'on ne détruise pas une A35 qui a encore largement son rôle à jouer pour la desserte de la ville et les échanges entre communes de l'Eurométropole.
sonores: y a t il amélioration quand on aménage en boulevard? Etc etc
A t on interroge un jour les riverains de l A35 sur ces options?
Ne pourrait on pas ENFIN proposer aux usagers urbains des moyens de s exprimer et construire des scénarii et des réponses? Ceux qui résident dans les parages, y travaillent, ceux qui transitent...qui subissent les conséquences de ces aménagements routiers faits au détriment des alternatives que devraient être une vraie offre de transports en commun, fiable, rapide et capable d absorber réellement bonne parltie des migrations pendulaire.
La ville appartient aux alsaciens, pas à une poignée d'habitants de la Krutenau et du Neudorf ! C'est bien si vous pouvez vous rendre du Neudorf à la Krutenau en vélo, mais ça c'est juste votre petit monde clos déconnecté ...
De plus ils ne proposent aucune alternative ! Va t-on construire un RER sous Strasbourg ? Un métro ? Mailler le réseau de tramway ? Augmenter le trafic TER ? Désaturer l'homme de fer ? Construire des logements abordables au centre-ville ? Mais bon à 7000€ le m² les logements Bouygues à l'hôtel des postes, on ose s'étonner que les gens vont vivre en campagne ? Bref faut savoir !
Et voilà enfin qu'ils se disent que ça serait une mauvaise idée de déconstruire les ponts, ah bah forcément ... aujourd'hui je peux rejoindre en vélo d'une traite Strasbourg notamment en passant sous le pont autoroutier, demain faudrait attendre au feu rouge sur l'autoroute à même le sol ? ah oui c'est stupide ...
Quant au coût de ce projet (avec ou sans déconstruction des viaducs et talus)....mystère !. En octobre 2017, M Hermann indiquait que 20M d'euros étaient prévus pour le boulevard, dans le contrat de plan, quand certains experts estimaient le coût du KM entre 30 et 70M d'euros.
A titre d'exemple, le boulevard urbain de Montréal, qui s'étale sur seulement 1 KM a coûté 142M de CAD (soit environ 95M d'euros), et il semblerait que les résultats ne soient pas des plus concluants https://www.journaldemontreal.com/2019/01/21/bonaventure-une-entree-ratee.
Plutôt que de tirer des plans sur la comète et de tabler sur un hypothétique co-voiturage, nos décideurs devraient peut-être commencer par mettre en place des transports en commun efficaces et adaptés (nous avons déjà perdu assez de temps comme ça). Il suffit de mettre le nez dans les fiches horaires CTBR, TER et CTS de certaines lignes pour comprendre pourquoi tant de personnes prennent leur voiture pour se rendre dans l’Eurométrople.
L'A35 va garder ses 150 000 véhicules par jour, sa pollution, ses bouchons. Bienvenue dans la réalité.
Robert Hermann, Vinci, la CCI, le préfet,... nous auraient menti pour faire passer la pilule du GCO?
non pas possible !!!
blague à part, une question demeure : comment va-t-on faire pour aller bosser ?
parce que le GCO ne servira à rien en effet, et les trains sont déjà saturés de monde, avec des horaires absolument pas adaptés.
Que de temps perdu ....