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Sarah, mère célibataire au RSA : « 15 heures de bénévolat, c’est impossible »

Sarah, mère célibataire au RSA : « 15 heures de bénévolat, c’est impossible »

L’Assemblée nationale a créé jeudi 28 septembre un « contrat d’engagement » pour contraindre les bénéficiaires du RSA à 15 heures de bénévolat par semaine. En Alsace, un dispositif similaire existe depuis 2016 mais il est peu appliqué parce que les conditions de vie des allocataires ne le permettent souvent pas.

À l’Assemblée nationale jeudi 28 septembre, les députés ont voté l’article 2 du projet de loi « plein-emploi ». Il vise à imposer 15 heures de bénévolat par semaine aux allocataires du RSA. « Les politiques devraient tester notre vie, je les mets au défi. Ça se voit qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’il se passe, nous on se bat pour survivre », lance Sarah. Cette « maman célibataire » de 25 ans est bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA). Elle est excédée par la volonté d’ajouter des contraintes aux personnes qui touchent les minima sociaux.

Ce souhait d’assortir le RSA à des obligations est depuis quelques années une obsession du parti Les Républicains (LR). Nicolas Sarkozy défendait le principe dès 2015, au nom d’une prétendue lutte contre « l’assistanat ». Et la droite alsacienne s’est particulièrement illustrée en la matière. En 2016, Éric Straumann (LR), alors président du département du Haut-Rhin, a tenté d’imposer sept heures de bénévolat hebdomadaires aux allocataires haut-rhinois du RSA.

Éric Straumann souhaitait imposer le bénévolat aux bénéficiaires du RSA dés 2016. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Entre 400 et 500 bénévoles sur 40 000 bénéficiaires du RSA en Alsace

Saisi par la préfecture dans la foulée, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le Département ne pouvait pas imposer une activité non rétribuée en échange d’une allocation. Le dispositif d’Éric Straumann existe toujours en 2023 mais n’est pas obligatoire. Il a été étendu à toute l’Alsace lors de la fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin au sein de la Collectivité d’Alsace (CeA) en janvier 2021.

Contactée par Rue89 Strasbourg, la CeA indique que sur les 39 700 bénéficiaires du RSA en Alsace, chaque année, « entre 400 et 500 personnes sont en situation effective de bénévolat » :

« Le bénévolat repose sur le volontariat des bénéficiaires. Il s’agit d’une solution d’activité parmi d’autres, comme des formations et des emplois de transition avec des structures d’insertion. »

Interrogé par France Bleu Alsace, Éric Straumann, désormais maire de Colmar, juge le système « relativement inefficace », sept ans après sa création. S’il attribue ce faible taux de participation à l’absence d’obligation, il concède qu’il ne faut pas dépasser sept heures de bénévolat dans un dispositif obligatoire : il est difficile par exemple pour les mères célibataires de faire plus.

« Je n’ai pas les moyens de payer la garde d’Ezra »

Selon un rapport de la Cour des comptes de novembre 2021, en Alsace, 54% des bénéficiaires du RSA sont des femmes. 25% des allocataires sont célibataires avec des enfants, et 25% sont en couple avec des enfants. 17% ont plus de 50 ans.

Pour Sarah, les bénéficiaires du RSA ne sont pas des personnes « fainéantes » qui doivent simplement être secouées pour s’insérer professionnellement. Après un CAP vente en alternance, commencé dès ses 14 ans, la jeune maman a perdu son emploi pendant la pandémie de Covid. Suite à une rupture, elle s’est retrouvée à élever seule son fils Ezra, qui a ajourd’hui trois ans et demi :

« Je n’ai pas les moyens de payer la garde d’Ezra, donc je m’en occupe depuis sa naissance. Pour sa première année à l’école en 2022-2023, il n’avait classe que l’après-midi, de 13h30 à 16h. Faire 15 heures de bénévolat par semaine, pour moi, c’est impossible, sinon je travaillerais, je prendrais un mi-temps. C’est d’ailleurs pour la même raison que je n’ai pas de boulot.

Quel employeur peut accepter ces contraintes horaires ? Maintenant il a classe de 8h30 à 16h. Je n’ai pas écrit que j’ai un enfant sur mon CV. Mais quand j’en parle aux patrons, ils me refusent. En décembre 2022, j’ai réussi à avoir des entretiens d’embauche dans une boulangerie et une boutique de vêtements. Ils étaient d’accord jusqu’à ce que je parle de mon fils. S’il y avait un système pour financer la garde d’enfants, il y aurait moins de personnes au RSA. »

Sarah est fatiguée d’entendre des propos stigmatisants sur les bénéficiaires du RSA. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Des conditions de vie dont « personne ne peut se satisfaire »

Même la CeA reconnaît que les freins à la participation au bénévolat « sont les mêmes que ceux de l’accès à l’emploi ». Ces freins que connaissent donc, justement, les bénéficiaires du RSA : « Les problématiques de santé, de mobilité, de logement, de pratique de la langue… »

L’article de loi sur le RSA voté par les députés jeudi 28 septembre prévoit la possibilité de ne pas réaliser ces heures de bénévolat pour les personnes qui « ont des problèmes de santé, ou un handicap » ainsi que « les parents isolés sans solution de garde d’enfants ».

Sarah vit avec 870 euros de RSA et d’Allocation logement. Elle a résilié ses abonnements internet, Netflix, Deezer et elle ne va plus à la salle de sport. La jeune femme a été obligée de se rendre aux Restos du cœur plusieurs fois et d’utiliser des chèques services pour faire ses courses. « Ils croient que ça me plaît ? », interroge-t-elle, à l’adresse de « ceux qui critiquent » les bénéficiaires du RSA : « Personne ne peut se satisfaire d’une telle situation. »

Au micro de France 3 Aquitaine, Xavier Fortinon, président socialiste du conseil départemental des Landes, a estimé que cette obligation de bénévolat ne fait que « stigmatiser un peu plus » des personnes précaires :

« Les députés de la majorité et les LR (Les Républicains, NDLR) sont persuadés que les bénéficiaires du RSA essaient de profiter du système. Je pense qu’ils ne savent pas ce que cela fait de vivre avec 500 euros par mois. »

« Nous nous battons contre ce chantage »

Marc Desplats, président de l’association de défense des droits des chômeurs ABCDE, considère que le RSA est un droit, qui ne permet même plus d’avoir l’essentiel, se loger et se nourrir. En revanche, il ne doit « être assorti d’aucune obligation » :

« Nous ne sommes pas contre le bénévolat. Beaucoup de personnes en font d’elles-mêmes, aux Restos du cœur ou au Secours populaire par exemple. Mais nous nous battons contre ce chantage qui est une réelle discrimination des chômeurs. Il y a déjà de plus en plus de contrôles qui sont effectués et mettent une forte pression sur ces personnes précaires, qui sont régulièrement menacées de suspension du RSA. »

Sarah redoute que l’obligation de faire du bénévolat crée une contrainte administrative supplémentaire :

« Je sais comment ça fonctionne. Pour les personnes qui auront des dérogations, il risque d’il y avoir des gels de RSA, même provisoires, le temps de justifier la situation. C’est une angoisse de plus. »

Marc Desplats dénonce « toutes ces pressions exercées sur des personnes, qui ont souvent un parcours de vie difficile, et qui peuvent êtres découragées ».

Un revenu universel ?

Pour Jean-Luc Gleyze, président socialiste du conseil départemental de la Gironde, « considérer le RSA et l’insertion uniquement sous l’angle de la sanction, c’est méconnaître la réalité et la complexité des parcours de vie ». Au contraire, il rappelle que des présidents de départements de gauche proposent depuis 2018 de mettre en place un revenu universel, afin de « prendre en compte la spécificité de chacun et de l’amener à une insertion sociale et professionnelle émancipatrice et épanouissante ».

« Comme n’importe qui, les bénéficiaires du RSA ont souvent des activités et des projets », abonde Marc Desplats.

Auparavant assistant de vie scolaire dans une école (AVS), Jean-Christophe, 54 ans, est au RSA depuis 2008. Il craint que le dispositif de bénévolat l’entrave dans ses activités. Le quinquagénaire décrit ses journées bien occupées :

« Je suis en deuxième année d’une licence Administration économique et sociale. Ça me permet de faire pas mal de choses. Je vais souvent à la Bibliothèque nationale universitaire, je peux y passer des heures. Et je vais au sport, à la salle de musculation où je fais du basket. À la fin de la journée, j’ai l’impression de m’être dépensé, je rentre et je pense à mon avenir. »

« Il y a la volonté de contrôler davantage les chômeurs »

Georges, 34 ans, est au RSA depuis deux ans :

« Certaines personnes peuvent le vivre comme une honte. Moi pas du tout. Je considère que je ne suis pas obligé d’avoir un emploi pour justifier mon existence. J’ai déjà eu des contrats salariés qui ne servaient à rien ou qui étaient même nocifs d’ailleurs. »

Informaticien de formation, il a choisi de démissionner et de ne pas chercher d’activité salariée pour un temps. Il revendique le droit de ne pas avoir d’emploi au moins à certaines périodes de sa vie :

« Je veux décider seul et sans contrainte de ma manière d’employer ma force de travail. Derrière cette mesure de bénévolat, il y a la volonté de contrôler encore davantage les chômeurs. »

Georges se consacre quotidiennement à ses engagements : un collectif d’entraide rattaché au syndicat de la CNT pour aider des personnes en difficulté à garder ou trouver un logement, et le bénévolat pour Les Petites roues, une association de solidarité : « Je serais attristé de devoir consacrer 15 heures par semaine à une occupation que je n’ai pas choisie, c’est du temps que je ne pourrais pas attribuer à mes activités actuelles, qui font sens pour moi. »

Anatomie du RSA : Alain, 61 ans, un cancer, un diabète et 715 euros pour vivre

Anatomie du RSA : Alain, 61 ans, un cancer, un diabète et 715 euros pour vivre

Bénéficiaires du RSA, Alain, père de famille atteint d’un cancer, Sarah, mère célibataire, et Georges, trentenaire militant, décrivent leur quotidien. Une réalité sociale brutale où le budget ne permet que de survivre.

489 euros de revenu de solidarité active (RSA) et 226 euros d’aide au logement (APL). Alain connait ces chiffres par cœur. Il compte tout. « J’ai 61 ans, ça fait 11 ans que je suis au RSA. Au début ça allait encore, mais avec l’inflation, c’est devenu impossible », constate-t-il. Dans son appartement, au troisième étage d’un petit immeuble de Cronenbourg, des posters d’Elvis Presley et Johnny Hallyday sont accrochés au mur. Alain est allé plusieurs fois à des concerts du second. Mais les temps ont changé : « Maintenant je ne fais plus rien. Je dois décliner tout ce qu’on me propose. Ah si ! Parfois ma fille ainée me paye le McDo. »

« Je creuse des dettes en permanence »

Les 715 euros d’allocations qu’il reçoit tous les mois ne comblent pas les frais d’Alain : 580 euros de loyer pour son deux-pièces du parc privé, 80 euros de gaz et d’électricité « en moyenne », 60 euros pour la box internet, l’abonnement téléphonique et la télévision, ainsi que 100 euros de courses en Allemagne. Et toutes les semaines, en donnant 2,50 euros, il peut remplir un panier équivalent à 25 euros de courses à La Caravelle, l’épicerie solidaire de Caritas. Cela fait 830 euros à dépenser pour vivre :

« Le plus important pour moi, c’est le loyer. Je le règle parce que je veux garder un toit sur la tête. Je suis condamné à jongler en ne payant pas les autres factures, le gaz, l’électricité ou internet selon les mois. Je dépense le strict minimum, mais comme je dois dépenser plus que ce que je gagne, forcément je creuse des dettes en permanence. L’année dernière, pour les rembourser, j’ai utilisé le chèque énergie et mes enfants se sont cotisés pour payer le reste. Sinon, les années précédentes, j’ai souvent demandé une aide du fonds de solidarité logement (FSL) avec une assistante sociale. »

Alain se fait à manger avec les produits qu’il achète en Allemagne et à l’épicerie solidaire La Caravelle : « Heureusement que je sais cuisiner, ça coûte moins cher. » Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un problème de santé et tout bascule

Alain a « commencé à travailler à l’âge de 13 ans » comme forain, avant de faire de la menuiserie. Puis, la majeure partie de sa vie, il a été cariste en intérim. « J’étais comme tout le monde, je n’aurais jamais imaginé me retrouver dans une telle situation. » À 50 ans, subitement, il enchaine les coliques néphrétiques, avec des calculs dans les reins qui causent une douleur intense dans le dos et le ventre. Les médecins lui annoncent qu’il ne doit plus porter de charges de plus de 10 kilogrammes. « Plus aucun employeur ne voulait de moi. À partir de là, c’était la descente aux enfers », se souvient-il, en remuant sur sa chaise.

Alain est au RSA depuis 2012. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Dans les années qui suivent, son état de santé se dégrade. En mai 2022, il fait une biopsie et une prise de sang. On lui diagnostique un diabète de type 2 et un cancer : « pancréas et intestin grêle », liste-t-il, lapidaire : « J’ai du mal à me déplacer maintenant, je suis très faible. Quand je monte les escaliers de mon immeuble, je fais deux pauses. Le chirurgien m’a dit qu’il n’y aura pas d’amélioration. »

Alain désigne des boites de médicaments posées sur un meuble, « des antidépresseurs, des myorelaxants, des antidouleurs ». « Ça m’attaque le moral et m’emmène tout doucement vers la déprime », résume t-il, avec pudeur, avant de prendre une bouffée de cigarette. « C’est mon seul vice, j’ai commencé à 13 ans », glisse l’habitant de Cronenbourg, un sourire en coin.

« Le RSA ne me permet pas de vivre »

Pour respirer, le sexagénaire a demandé l’allocation adulte handicapé de 971 euros après une opération de son système digestif en juin 2022. Mais cette dernière lui a été refusée quelques mois plus tard : « Ils ont considéré que je n’étais handicapé qu’à 35%, ce qui ne suffit pas. Il faut atteindre 80% de handicap pour y prétendre », explique Alain. Il est dans l’attente du résultat d’une nouvelle demande. En attendant, il se démène pour survivre entre maladies sévères et soucis financiers.

Dans le cadre du projet de loi « plein emploi », l’Assemblée nationale a voté jeudi 28 septembre une mesure qui conditionne l’obtention du RSA à une quinzaine d’heures de bénévolat. Le gouvernement s’est allié aux députés du parti Les Républicains pour faire passer cette vieille obsession de droite portée par Nicolas Sarkozy depuis 2015 : assortir le RSA d’obligations au nom de la lutte contre « l’assistanat ». Le vote final de la loi « plein-emploi » est prévu le 10 octobre.

Alain ne se sent pas concerné : « Comment voulez-vous que je fasse du bénévolat ? Ils ne se rendent pas compte de comment on vit. » Le père de famille ne regarde plus la télévision. Il exprime sa colère contre les politiques qui montrent du doigt les bénéficiaires du RSA :

« Quand je vois ce qu’ils peuvent dire aux informations, ça me hérisse le poil. Je n’ai pas choisi d’être malade et cela peut arriver à n’importe qui. Je n’ai jamais rechigné à la tâche, j’ai travaillé pendant 37 ans. Le RSA est une aberration, c’est ma seule solution mais il ne me permet pas de vivre. J’échangerai ma place avec celle d’une personne en bonne santé qui travaille sans aucune hésitation. »

Alain a commencé à travailler « à l’âge de 13 ans ». Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Sarah, mère célibataire au RSA

Pour Sarah, mère célibataire de 25 ans (lire son témoignage), ces discours stigmatisants ne passent plus :

« On nous prend pour des fainéants qui sont contents d’avoir 500 euros par mois. Je paye le loyer et ensuite, avec ce qu’il me reste, je peux juste mourir chez moi. J’ai résilié mes abonnements Netflix, Deezer et internet. Et en plus de ça, je dois subir les remarques des gens qui jugent les personnes au RSA alors que je me démène comme je peux. »

Avec Ezra, son fils de trois ans et demi, Sarah habite dans un petit appartement du quartier Laiterie. À 14 ans elle a commencé son CAP vente et a travaillé jusqu’à ses 21 ans pour Promod, en intérim avec l’agence Manpower et à la boulangerie Woerlé. En 2020, l’année du confinement contre le Covid, elle a perdu son emploi et rompu avec son copain. Sarah s’est retrouvée seule avec Ezra.

« Aucun employeur ne veut de moi, j’ai trop de contraintes horaires avec mon enfant. Quand le RSA, les APL et la pension alimentaire ne suffisent pas, je fais des ménages au noir pour payer les courses et les charges », souffle-t-elle, en donnant un morceau de chocolat à son fils pour le goûter : « Je veux qu’il ne manque de rien. »

Les Restos du cœur et les chèques services

Sarah dénonce les variations du montant de son RSA, qui change sans qu’elle n’ait d’explications :

« Au début il était à presque 500 euros, mais depuis cet été il est passé à 372 euros. Quand on demande à la CAF pourquoi, ils ne répondent pas. C’est hyper violent parce que le budget est déjà très serré. Je suis obligée d’aller aux Restos du cœur et j’ai eu 200 euros de chèques services pour faire les courses après une demande chez une assistante sociale. Je n’ai pas le choix. »

Dernière solution trouvée en septembre : un CAP pâtisserie avec une alternance à l’hypermarché Auchan de Hautepierre, qui devrait enfin lui permettre de toucher un salaire début octobre. Mais si Sarah peut se permettre cette formation, c’est parce que son oncle s’occupe de son fils pendant son absence.

Sarah est mère célibataire depuis trois ans. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« Pour Noël et mon anniversaire, je demande des paniers de légumes »

Georges, 34 ans, touche les minima sociaux depuis 2021. Avec 750 euros de RSA et d’APL pour 400 euros de loyer charges comprises, il lui reste 350 euros pour vivre. À Noël et son anniversaire, il demande à sa famille de lui offrir un abonnement annuel pour un panier de légumes hebdomadaire. Tout en balayant le sol de sa cuisine, il constate qu’il parvient à trouver des solutions grâce à son ancrage dans des réseaux militants :

« Je me déplace à vélo et je ne paye quasiment rien pour le réparer parce que je suis inscrit au Stick (un atelier d’autoréparation, NDLR). Je suis bénévole aux Petites roues (association de distribution alimentaire, NDLR) donc de temps en temps je mange un repas. J’ai des espaces de socialisation qui ne passent pas par la consommation, avec des groupes militants, et je vais souvent à des soirées au Molodoï quand l’entrée est à prix libre. »

Sa propriétaire ne sait pas qu’il est bénéficiaire du RSA. Georges était encore en CDI quand il a emménagé. Même s’il vit plutôt bien, il compte retrouver du travail pour aider sa petite sœur étudiante qui n’a plus de revenu. En attendant, il se consacre à ses engagements, notamment un groupe d’entraide du syndicat de la CNT destiné aux personnes en difficulté pour trouver ou conserver un appartement. George prend une gorgée de café et parcourt du regard un tract de son organisation intitulé « Galère de logement ? ».

L’Eurométropole rend gratuits les bus et les trams samedi 7 octobre

L’Eurométropole rend gratuits les bus et les trams samedi 7 octobre

Promise après les émeutes et les dégradations commises dans des commerces du centre-ville, la gratuité des transports sera appliquée pour la journée du samedi 7 octobre.

La présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, a annoncé dans un communiqué la gratuité des transports en commun pour la journée du samedi 7 octobre. Cette mesure avait été promise suite aux émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, tué par un policier. À Strasbourg, plusieurs commerces du centre-ville avaient subi des vols et des dégradations le 30 juin.

Pour tenter d’apaiser les commerçants de la Grande Île, déjà remontés contre la hausse des tarifs du stationnement, Pia Imbs vient donc d’annoncer que les trams et les bus seront libres d’accès pendant toute la journée du samedi 7 octobre.

« Cette opération vise également à promouvoir auprès des habitantes et des habitants des 33 communes de l’Eurométropole de Strasbourg l’usage des transports en commun dans lesquels la collectivité investit une enveloppe inédite de 500 millions d’euros », indique l’Eurométropole de Strasbourg dans ce communiqué.

Un militant d’Extinction Rebellion passe 24 heures en garde à vue après avoir dénoncé deux projets de Total

Un militant d’Extinction Rebellion passe 24 heures en garde à vue après avoir dénoncé deux projets de Total

Une dizaine de militants d’Extinction Rebellion a réalisé une performance devant le tribunal judiciaire de Strasbourg mardi 3 octobre pour dénoncer des projets du groupe pétrolier Total. Un militant a été interpellé et placé en garde à vue.

Des militants d’Extinction Rebellion ont réalisé une mise en scène à Strasbourg mardi 3 octobre peu après 18h. Ils dénonçaient deux projets de l’entreprise Total, un pipeline en Ouganda et le forage de 400 puits de pétrole en Tanzanie. Dans un communiqué envoyé dans la foulée, ils décrivaient leur performance :

« Nous avons mis en scène les violations des droits humains par la multinationale, ses agissements écocidaires et sa collusion avec le gouvernement français. En outre, trois activistes portant des pancartes ”Biodiversité”, “Droits humains” et “Conditions de vie sur Terre” ont été enchaînés et aspergés de faux pétrole par un autre membre du mouvement, représentant l’État français, grimé en marionnette de Total Énergies. »

Les membres d’Extinction Rebellion ont utilisé du tapioca, du charbon végétal et de l’eau pour faire du faux pétrole. Au vu de la répression appliquée aux militants suite à cette action publique, leurs visages ont été floutés Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Selon les DNA, à l’issue de cette action qui aura duré une dizaine de minutes, deux personnes ont été interpellées. Un militant âgé de 43 ans a été placé en garde à vue. À midi mercredi 4 octobre, une dizaine de militants était devant le commissariat pour réclamer sa libération.

« Port illégal de décoration »

Interrogée sur le motif de ces interpellations et de la garde à vue, la police nationale a renvoyé vers le parquet de Strasbourg, qui n’a pas fait suite à notre demande au moment de publier cet article. D’après Extinction Rebellion, le militant est sorti du commissariat vers 18h30 mercredi 4 octobre, après avoir passé 24 heures en garde à vue.

Son avocate, Me Florence Dole, indique que les agents de la police nationale lui ont notifié les infractions de « dégradation de bien public » et de « port illégal de décoration », à cause du port d’une écharpe tricolore : « Aucun bien public n’a été touché et il n’y a pas eu de dégradation, même légère. La fameuse décoration était un grotesque déguisement, il n’y avait aucune confusion possible avec un élu. »

Pendant sa garde à vue, on lui a ajouté les infractions « organisation de manifestation non déclarée » et « refus de prise d’empreintes génétiques ». Selon Me Dole, le militant a finalement accepté la prise d’empreinte.

« Aux temps du Sida » au musée d’art moderne, résistance et pulsion de vie provoquent une explosion des sens

« Aux temps du Sida » au musée d’art moderne, résistance et pulsion de vie provoquent une explosion des sens

Une nouvelle exposition incontournable commence vendredi 6 octobre au musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. « Aux temps du sida » est un événement hors-norme, une traversée de quatre décennies de création dans une scénographie brillante, qui plonge le public dans une pulsion de vie et une colère résistante.

Le directeur des musées de Strasbourg peine à contenir son émotion. Ravi, Paul Lang décrit cette exposition « hors-norme » intitulée « Aux temps du Sida – Œuvres, récits et entrelacs ». Bientôt remplacé par Émilie Girard, le grand homme en costume tire sa révérence avec une exposition marquante pour l’histoire du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (Mamcs). Il s’agit de « faire entrer l’établissement dans le XXIe siècle et d’amplifier son statut de marqueur dans la société ».

« Une expo qui scintille et qui pulse »

Une mission réussie avec brio par l’équipe de la commissaire générale Estelle Pietrzyk. La responsable du Mamcs ouvre ainsi un nouveau chapitre dans l’histoire de son établissement, après trois ans d’écriture, de recherche des œuvres et de montage. Elle prévient d’emblée, accompagnée par la voix de Prince : « C’est une exposition qui va vous solliciter, entre empathie et pulsion de vie. C’est une expo qui scintille et qui pulse. »

La promesse est tenue. À peine l’entrée de l’exposition franchie, une scénographie exceptionnelle se déploie, rappelant l’événement du Mamcs dédié à Alice au pays des merveilles et au surréalisme. Passé l’antichambre et le portrait juvénile de John Hamming intitulé « I survived Aids » (j’ai survécu au Sida en anglais), le public s’approche d’une pièce aménagée en discothèque. Sur les murs autour, des slogans en lettres capitales sur fond fluo installent une ambiance où la fête est existentielle : « Je danse donc je suis. » Une fois passée la porte surmontée d’un « Je sors ce soir », du nom d’un ouvrage de l’écrivain gay Guillaume Dustan, le public est immergé dans une pénombre bleutée et stroboscopique. Sur les murs, des vinyles rappellent les hits des années 80 et 90.

Une moquette rouge sang, une petite salle de cinéma

Par un agencement presque labyrinthique, l’exposition maintient le public en alerte. Ici, pas de promenade au milieu d’œuvres soigneusement accrochées dans des couloirs rectilignes et froids. Au Mamcs dès le 6 octobre, la moquette se teinte de rouge lorsque les tableaux et autres installations abordent le thème du Sida par le prisme du sang. Plus loin, une petite salle de cinéma projette des extraits du palpitant « 120 battements par minute » de Robin Campillo ou de « Mauvais sang » de Léos Carax. Juste à côté, le sol reprend une couleur de gris béton. Dans cette pièce sont exposés les témoignages sur le rapport au temps décrit par des personnes atteintes du VIH, accompagné d’une bande-son où David Bowie chante « Modern love ».

Bien plus qu’une exposition artistique, c’est la mise en scène d’une époque, aussi à travers la connaissance scientifique et la culture populaire. En témoigne une petite pièce aménagée comme un salon au milieu du parcours. On peut s’y installer devant la télé, pour voir l’association de lutte contre le Sida Act Up envahir la cathédrale de Strasbourg ou la journaliste Christine Ockrent se demander au journal télévisé si le VIH n’est pas un « cancer gay » transmis par la consommation de poppers. Pour la partie la plus sombre de l’exposition, pleine de photographies de Robbert Mapplethorpe, il vous suffira d’ouvrir la porte de l’armoire.

Donner au chaos du sens et de la joie

Le parcours proposé par le MAMCS donne de la force. Comme le résume Anna Millers, membre de l’équipe de recherche de l’exposition, « il y a eu un fort engagement de l’équipe de travail, en associant notamment le secteur associatif et médical, mais aussi en échangeant beaucoup avec celles et ceux qui ont vécu le SIDA, pour trouver les mots justes ». On sort de cet événement avec l’envie de résister, encouragé par l’un des derniers panneaux de l’exposition, aux couleurs de l’association Act Up, avec ce message clair : « Silence = mort ». Une fin de parcours qui rappelle l’entrée de l’exposition, et le subtil équilibre maintenu tout au long des œuvres exposées, entre vie et mort, entre colère et résistance, et cette citation de David Wojnarowicz, militant homosexuel et auteur du livre « Au bord du gouffre », qui s’adresse à « tous les gars et les filles passées et à venir qui donnent au chaos du sens et de la joie ».

Le tribunal de commerce acte la fin de Clestra metal

Le tribunal de commerce acte la fin de Clestra metal

Le tribunal de commerce de Paris a décidé la liquidation de Clestra metal, renommée Unterland metal. En conflit avec le groupe Jestia, repreneur de l’entreprise, 125 salariés étaient en grève depuis le 3 juillet 2023. Ils seront tous licenciés.

C’est l’épilogue dramatique d’une lutte historique. Après plus de trois mois de grève et de salaires sacrifiés, les travailleurs mobilisés de Clestra ont appris ce mardi 3 octobre la liquidation de leur branche, renommée Unterland Metal au courant de l’été 2023. Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société à compter du 1er octobre 2023, rapporte la section CGT de l’entreprise. Un liquidateur sera chargé de négocier un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE, un programme de licenciements) sous 21 jours. Les 125 salariés d’Unterland Metal seront concernés par des licenciements économiques.

La fin d’une lutte historique pour les salariés de Clestra. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« C’est une catastrophe pour les salariés mais ce n’est pas une surprise », commente le délégué syndical CGT Amar Laadra. « La direction d’Unterland nous avait annoncé qu’elle avait une trésorerie de 36 000 euros, avec un passif de 500 000 euros pour les loyers non payés et 300 000 euros pour le paiement des salaires. » Malgré tout, le syndicaliste espérait que le tribunal de commerce de Paris laisse aux salariés le temps de chercher un autre repreneur.

« Nous sommes toujours combatifs »

La grève avait été initiée le 3 juillet 2023, suite au licenciement d’un collègue. Au-delà de ce cas individuel, les grévistes soupçonnaient la nouvelle direction, le groupe Jestia, de préparer le licenciement d’une large partie des salariés. Depuis la reprise de l’entreprise Clestra par la holding familiale Jestia, le dialogue était coupé entre les employés et les actionnaires, Romain et Alexandre Jacot.

Malgré cette décision, Amar Laadra assure que les salariés n’en resteront pas là :

« Nous sommes toujours combatifs. On a 21 jours pour négocier le PSE, on mettra le paquet là-dessus. Et pour la suite, on verra entre nous comment poursuivre. On créera peut-être une association, pour se porter partie civile contre Jestia. En l’espace de quelques mois, ils déménagent les locaux, changent le nom historique de Clestra et ont vidé l’entreprise de son contenu et de ses actifs. Ce qu’ils ont fait n’est pas acceptable. »

Contacté, le directeur d’Unterland Metal, Rémi Taïeb, n’a pas souhaité répondre à Rue89 Strasbourg.

Manifestation des AESH : une cinquantaine de personnes mobilisées pour une reconnaissance du métier

Manifestation des AESH : une cinquantaine de personnes mobilisées pour une reconnaissance du métier

Une manifestation était organisée ce mardi 3 octobre pour alerter sur l’absence de moyens et d’effectifs au sein des accompagnants d’élèves en situation de handicap. Plus largement, l’intersyndicale dénonce le manque de reconnaissance de la profession.

Ce mardi matin, Koenigshoffen se réveille par un concert de sonnettes et de sifflets. Traversant le quartier, un cortège réunissant pêle-mêle des AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), des enseignants et des parents d’élèves, tente de faire le plus de bruit possible pour se faire entendre. Marchant de l’école Camille Clauss jusqu’au rectorat de l’Académie de Strasbourg, la manifestation alerte sur la faiblesse du salaire, les problèmes récurrents d’effectifs et l’absence d’un vrai statut pour les AESH.

La mobilisation répond à l’appel national lancé par plusieurs syndicats de l’éducation, comme la FSU, la CGT Éduc’action, ou la FCPE. À Strasbourg, une cinquantaine de personnes se sont mobilisées pour tenter de faire entendre leurs revendications. Les écoles élémentaires Camille Clauss à Koenigshoffen et Marcelle Cahn à Poteries étaient fermées ce matin.

Depuis l’école Camille Clauss, les manifestants se rendent à pied vers le rectorat. Photo : RG / Rue89Strasbourg / cc

Peu d’attractivité, peu d’effectif

Malgré la taille réduite du cortège, les AESH paraissent satisfaites. « L’année dernière, pour une manif similaire, on était qu’une quinzaine », glisse Kankou, AESH à l’école du Hohberg. Même satisfaction pour Dalenda, qui travaille dans l’école primaire Camille Clauss. « J’avais l’impression d’être incomprise. Mais le fait de voir tous les enseignants nous suivre, ça nous réconforte, on avait besoin de ça. »

Dalenda (à droite) marche avec deux de ses collègues AESH de l’école Camille Clauss. Photo : RG/ Rue89Strasbourg / cc

Au sein de son établissement, enseignants et AESH profitent de la journée pour alerter le rectorat sur une absence d’effectifs qu’ils jugent intenable : pour dix élèves notifiés en situation de handicap, ils ne disposent que de trois accompagnants et demi. En plus des enfants et des parents d’élèves, la situation affecte le reste du personnel, comme Justine qui enseigne à Camille Clauss :

« Nous, on se sent démunis, on n’est pas formés pour gérer ça. Alors, quand quelque chose arrive et qu’il n’y a pas d’AESH, on doit bricoler. Parfois, ça peut être des enfants qui se mettent en danger, ou mettent en danger les autres enfants. Ça représente du stress supplémentaire à gérer. »

Parmi les raisons qui expliquent cette pénurie de personnel, la faible rémunération revient fréquemment dans les discussions et sur les pancartes. « Le mois dernier, j’ai gagné 982 euros et 55 centimes, pour 24h de présence. J’ai onze ans d’ancienneté. » Fiche de paye à la main, Delphine montre du doigt les faibles sommes qu’elle touche tous les mois, pour nourrir ses trois enfants. Malgré cela, la quadragénaire affirme tenir à son métier :

« Jamais je ne regretterai ce choix. J’ai fait ce métier parce que je le voulais, parce qu’il y a beaucoup d’humanité dedans. On aide des enfants en souffrance, et on reste dans le métier pour eux. »

Delphine est AESH depuis 11 ans à Strasbourg. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Absence de statut

Alors que la mobilisation arrive au rectorat, aucun interlocuteur ne se présente pour échanger avec les manifestants. Des prises de paroles s’improvisent, on raconte ses expériences, ses galères. Le manque de formation des AESH face à la pluralité des handicaps revient très fréquemment dans la bouche des travailleurs concernés.

Les manifestants collent leurs doléances devant le rectorat. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg / cc

Florence Fogelgesang, la co-secrétaire départementale de la FSU, espère comme beaucoup l’obtention d’un vrai statut pour les concernés :

« Pour le moment, ils sont dans un no man’s land. Il n’y a pas de feuille de mission, on leur demande tout et n’importe quoi. Cette journée de grève, c’est aussi pour ça : que les AESH deviennent un vrai métier, avec un statut défini, comme fonctionnaire de catégorie B. (…) Les travailleurs dont on parle, ce sont essentiellement des femmes avec des enfants, dans des situations précaires qui vivent avec la peur de se faire virer. Sécuriser les emplois, ça aiderait déjà à réduire le turn-over. »

Progressivement, d’autres petits cortèges se rejoignent à la rue de la Toussaint, devant le rectorat. Finalement, une délégation sera reçue vers 11h. Elle en sort avec peu de gains, relate Florence Fogelgesang : « On n’a pas obtenu grand chose, à part la promesse de formations plus concrètes, mais sans plus de détails. La secrétaire générale de l’Académie de Strasbourg s’est également engagée à vivre une journée dans la peau d’une AESH, à l’école Saint-Jean. Mais là encore, on ne sait pas quand. » Le collectif reste mobilisé en attendant des mesures plus concrètes, assure la syndicaliste.

Dettes et déficit au Cira : l’avenir du centre de danse suscite des inquiétudes

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Stocamine : la préfecture publie l’arrêté qui autorise les travaux de confinement des déchets

Stocamine : la préfecture publie l’arrêté qui autorise les travaux de confinement des déchets

Par un arrêté publié le 28 septembre, la préfecture du Haut-Rhin autorise le début des travaux du confinement des 42 000 tonnes de déchets toxiques de Stocamine.

L’autorisation de confiner les déchets dangereux de Stocamine a été publiée ce jeudi 28 septembre. Dans un arrêté volumineux, la préfecture du Haut-Rhin acte le « stockage confiné, pour une durée illimitée, en couches géologiques profondes » des déchets dangereux à Wittelsheim. La société des Mines de Potasse d’Alsace (MDPA) devra procéder aux travaux de confinement et à la « surveillance » des effets du stockage, notamment sur la nappe phréatique.

Le site de Stocamine se trouve sous la commune de Wittelsheim. (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg)Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

L’arrêté était attendu depuis plusieurs semaines par les élus alsaciens, les industriels des MDPA et les opposants au confinement définitif. L’association Alsace Nature, qui demande l’extraction des 42 000 tonnes de déchets ultimes déposera « dans les jours qui viennent » un recours devant le tribunal administratif, pour tenter de bloquer ces travaux censés durer 42 mois.

Le 26 juillet, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu avait confirmé aux élus locaux que l’État était favorable à l’enfouissement définitif.

L’État veut réduire le nombre de patients géorgiens à l’hôpital

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Juka, 25 ans : « En Géorgie, je n’aurais pas pu être soigné »

Juka, 25 ans : « En Géorgie, je n’aurais pas pu être soigné »

Patients géorgiens : aux frontières de la santé (1/3). Malade depuis l’enfance, Juka, 25 ans, est venu en France avec sa famille en 2017. Pour survivre et parce que les soins dans son pays de naissance n’étaient pas accessibles, le jeune homme fait partie des dizaines de Géorgiens soignés par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

À la table d’un café du quartier gare, à Strasbourg, Juka peine encore à commander sa boisson en Français. « Je veux prendre des cours. Mais avec la dialyse trois fois par semaine, c’est compliqué », concède-t-il. Arrivé en France fin 2017 avec sa mère et sa sœur, le jeune homme originaire de Géorgie souffre depuis tout petit d’urétérohydronéphrose chronique. Une maladie qui affecte la vessie et les reins, parfois de façon irréversible et qui provoque des douleurs lombaires. « J’ai été diagnostiqué dès mes 10 mois », précise-t-il. Dans son pays d’origine, selon lui, impossible d’être soigné correctement.

Malade malgré deux opérations

« J’ai été opéré deux fois en Géorgie quand j’avais trois puis cinq ans, de la vessie et des reins, mais je suis toujours malade », explique-t-il. Depuis le 30 novembre 2022, Juka doit se rendre au centre de dialyse trois fois par semaine, car son état de santé s’aggrave. « Mes reins ne filtrent plus suffisamment si on ne les aide pas », explique-t-il avant de détailler ses analyses médicales.

Il est inscrit sur la liste des personnes en attente d’une greffe de rein. « S’ils en ont un, ils m’appellent et je me fais opérer », résume le jeune homme. Une perspective qui semble le soulager et pour laquelle il a obtenu un titre de séjour « vie privée et familiale » pour raison de santé en 2019. Visa qu’il renouvelle tous les ans auprès de la préfecture.

À son arrivée en France, Juka et sa famille ont d’abord demandé l’asile politique, sans préciser que son état de santé nécessitait une prise en charge spécifique. « C’est ma mère qui s’en est chargée, j’étais très jeune à l’époque et elle n’avait pas trop compris comment ça fonctionnait », explique le jeune homme.

Des interprètes géorgiens à l’hôpital

Juka n’a pas attendu d’avoir des papiers pour prendre rendez-vous à l’hôpital. Muni de son dossier médical en géorgien, il téléphone au Nouvel hôpital civil dès 2018 et obtient son premier rendez-vous le 15 mai, sans intermédiaire et en trouvant seul le contact du service compétent pour le prendre en charge :

« Le jour de mon rendez-vous, il y avait un interprète avec moi donc c’était très facile de se comprendre. Le médecin du service de néphrologie a dit que m’opérer serait facile, qu’il faudrait qu’on me greffe un rein, mais il ne savait pas quand ça serait possible. »

Pour les patients qui ne parlent pas français, l’hôpital fait régulièrement appel à des interprètes. En 2022, l’association Migration Santé Alsace a dispensé 5 040 heures d’interprétariat en Alsace en langue géorgienne, dans des établissements hospitaliers et médicaux-sociaux. « C’est la langue où la demande était la plus forte en 2022, et cette demande augmente encore », précise Marie Priqueler, directrice de l’association. Entre sept et huit personnes assurent cet interprétariat au sein de la structure.

Juka Géorgien
Juka, 25 ans, est arrivé en France depuis la Géorgie fin 2017 et bénéficie désormais d’un titre de séjour lui permettant de se faire soigner. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Autour de lui, beaucoup de Géorgiens malades

En attendant cette greffe, Juka doit subir des examens médicaux – scanner, IRM, prises de sang – une fois par mois en moyenne. Il va au centre de dialyse où il passe trois heures dans une salle entouré de trois autres malades, les lundis, mercredis et jeudis… « Il y a beaucoup de personnes d’autres nationalités, je pense que j’ai rencontré une soixantaine de Géorgiens là-bas, au centre de dialyse », assure-t-il.

Une affluence qui ne le surprend pas :

« En Géorgie, les médecins ce n’est pas comme en France. J’habitais à Chaschuri, et je devais toujours me rendre à la capitale pour voir mon médecin. C’est à une heure de route en voiture. Car dans ma ville, il n’y avait qu’un seul chirurgien et la rumeur courrait qu’il opérait après avoir bu de l’alcool. Et même à Tbilissi (la capitale de la Géorgie, NDLR), le médecin m’a dit que je ne pourrai jamais être greffé d’un rein alors que c’est la seule solution pour que je guérisse. »

Une impossibilité surtout financière selon Juka. « Nous n’avions pas d’assurance là-bas », poursuit-il. « Même avoir accès à la dialyse, ça coûte entre 800 et 900 lari (environ 300 euros, ndlr) par séance, c’est beaucoup trop cher et ce n’est pas remboursé », appuie-t-il.

Pas de confiance dans les médecins de son pays

Dans un rapport de la clinique de droit de Sciences Po sorti en 2022, Léa Meltz et Isabella Barjon font état des difficultés pour avoir accès à des soins médicaux en Géorgie, tels que la greffe ou le changement de sexe. Le rapport fait état d’un entretien avec une oncologue à Kutaisi en février 2022, qui explique que « la greffe de reins n’existe pas en Géorgie, même si l’on parvient à trouver son propre donneur ».

Les étudiantes précisent que les modalités de remboursement pour certains soins sont peu élevées et ajoutent que les Géorgiens semblent avoir du mal à faire confiance à leur système de soin. Au-delà des problèmes financiers d’accès au soin, Juka avoue effectivement ne pas avoir confiance en les médecins de son pays :

« Avant ma naissance, mes parents ont eu un autre enfant qui est mort très jeune après avoir été opéré dans l’hôpital de notre ville. Il y a des vidéos de chaînes télévisées qui font état de situations où les docteurs ont maltraité des patients. »

« Ici, je n’ai pas peur de mourir »

En France, Juka a accès à des soins médicaux gratuitement. « Ici je n’ai pas peur de mourir, car je sais que les médecins sont compétents et que l’on peut me soigner », explique-t-il. En triturant ses lunettes de soleil, le jeune homme répète sa reconnaissance et dit être venu en France « pour survivre ».

À la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) du nouvel hôpital civil, l’équipe menée par Sophie Darius accueille et oriente les patients quelle que soit leur pays d’origine et leur situation administrative. Parmi les Géorgiens qu’ils reçoivent, la soignante observe des pathologies plus diverses que celle liées à des insuffisances rénales.

Sophie Darius Jérôme Penot HUS PASS
Sophie Darius, cheffe de service de la PASS et Jérôme Penot, responsable du service social des HUS. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Mais les observations de Sophie Darius s’arrêtent là concernant les patients originaires de Géorgie. « On ne demande pas de carte avant de soigner les gens. Il ne nous appartient pas de déterminer si la personne a accès aux soins dans son pays d’origine », tranche Jérôme Penot, responsable du service social des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) et référent social de la PASS :

« Penser au patient uniquement selon sa nationalité va à l’encontre de notre mission. Nous sommes un service public dont l’essence est l’égalité et le soin pour tous. On observe qu’il y a beaucoup de patients, qu’ils arrivent avec des parcours de vie parfois chaotiques et qu’il faut les accompagner et les soigner le mieux possible. Nous n’avons le temps pour rien d’autre. »

Un accompagnement médical et social

Parfois, l’équipe de la PASS est amenée à remplir des formulaires que les patients joignent à leurs demandes de titre de séjour, ou de régularisation. Ces formulaires peuvent être des « informations médicales qui viennent éclairer l’administration pour l’étude de la demande d’asile », précise Jérôme Penot.

Les deux assistants du service social et les deux secrétaires médico-sociales collaborent également avec le SIAO67, en charge de l’hébergement d’urgence, pour établir les critères de vulnérabilité des patients qui les consultent – ce qui influence leur priorité dans l’attribution d’un hébergement.

Depuis qu’il est en France, Juka a toujours pu être hébergé par les dispositifs prévus par l’État et il a désormais un titre de séjour en règle. Selon la loi, la France a déterminé que son « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité » et qu’il « ne pourrait pas bénéficier effectivement [dans son pays d’origine] d’un traitement approprié. »

« On ne quitte pas son pays par plaisir »

En septembre 2023, Juka a du mal à se projeter en France. Mais il sait qu’il ne pourra peut-être jamais retourner dans le pays de sa langue maternelle. « Même après la greffe, il y a des soins lourds et je sais que je ne pourrai pas y avoir accès, même à Tbilissi », soupire-t-il.

Avant de venir à Strasbourg, Juka n’avait jamais été en France et ses amis habitent encore en Géorgie. Ils restent en contact par les réseaux sociaux. Une distance qui rend le jeune homme triste et parfois isolé :

« Bien sûr que je serais resté en Géorgie s’il y avait eu les médecins pour me soigner. On ne demande pas l’asile par plaisir, on ne quitte pas son pays par plaisir. »

Avec sa dialyse trois fois par semaine, Juka ne peut pas suivre de formation pour exercer un métier. Pourtant, il sait déjà qu’il aimerait être chauffeur de tram s’il devait rester à Strasbourg. « Ici j’ai ma sœur avec moi et ma mère, c’est déjà ça », relativise-t-il.

« La plupart des gens ne savent pas à qui s’adresser »

L’organisation Médecins du monde (MDM) va à la rencontre de personnes en situation de grande précarité, pour certaines vivant en squat, originaires de Géorgie et malades. Irakli, travailleur social, remarque que beaucoup d’entre eux ne sont pas dans la demande de soin :

« Quelle que soit leur pathologie, la plupart des gens ne savent pas à qui s’adresser lorsqu’ils arrivent en France. Ces personnes sont souvent isolées et c’est lorsque nous les rencontrons que nous les orientons. Elles souffrent souvent de maladies du foie, de handicaps ou de problèmes oncologiques. Toutes nous expliquent les difficultés d’accès au traitement en Géorgie, alors que c’est une question de vie ou de mort. »

Au fil de leurs maraudes dans les différents squats de Strasbourg, MDM constate que des patients pourtant pris en charge par l’hôpital finissent par retourner vivre à la rue et ont des difficultés administratives pour obtenir leurs papiers. « Il y a de moins en moins de visas délivrés pour les étrangers malades », explique Irakli, « et parfois deux personnes dans des situations similaires vont avoir des réponses différentes ».

Greffe, papiers, précarité… Face aux patients géorgiens, les dilemmes éthiques des médecins

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Pendant sept jours, des queers et des lesbiennes sur grand écran au FémiGouin’Fest

Pendant sept jours, des queers et des lesbiennes sur grand écran au FémiGouin’Fest

Du 4 au 10 octobre, le festival de film FémiGouin’Fest vient mettre à l’honneur les femmes, les queers et les lesbiennes aux cinémas Star et au Cosmos. Une sixième édition plus ambitieuse avec des invitées de marque, des animations exclusives et des films pour tous.

Sept jours, treize films, six rencontres et des soirées à thèmes. Voilà pour la version augmentée de la sixième édition du FémiGouin’Fest, le festival de films lesbiens, queers et féministes. « On a eu tellement de succès en 2022 qu’on a été beaucoup plus ambitieuses cette année », s’enthousiasme Alice Renault, co-fondatrice du festival.

« On a de plus en plus de jeunes et de queers et en même temps, notre public devient de plus en plus éclectique. Ça montre la demande pour ce genre d’évènements et ça nous donne de la force pour en faire plus, » explique Julie Picard, responsable des publics des cinémas Star, qui co-organise l’évènement.

Du 4 au 10 octobre, les cinémas Star et le Cosmos se transformeront en un espace dédié au matrimoine. « C’est un acte militant et politique qui vise à faire émerger les films que nous avons sélectionné », poursuit Alice. « C’est du militantisme d’agir dans le milieu culturel. Il s’agit de prendre cette place, de l’occuper et de sentir la puissance collective pendant ces sept jours », conclut Julie.

Des films pour les initiées…

Pour les habitué·es du festival, Alice recommande la séance spéciale dédicacée aux pionnières du cinéma lesbien avec le documentaire Dykes, camera, action, samedi 7 octobre, à 19h15 au Star :

« Un bel hommage aux éditions précédentes du festival, car il est fait mention de films que nous avons déjà projetés. Un documentaire qui retrace les parcours et les obstacles rencontrés par des réalisatrices lesbiennes et queers, depuis les années 1970 et surtout aux États-Unis. Et où on comprend que leur invisibilisation en France est flagrante. »

Autre recommandation de Julie pour les habitué·es, Orlando, ma biographie politique. Réalisé par Paul B. Preciado, c’est un film « pointu, à la frontière du documentaire et du théâtre, de l’expérimental et de la littérature ». Avec des extraits de textes de Virginia Wolf, du réalisateur et des personnages eux-mêmes, le film vient mêler les perceptions et les narratifs.

La séance est prévue en avant-première, mercredi 4 octobre à 19h30 au Star, et sera suivie d’une rencontre avec l’actrice Naelle Dariya.

Visuel du film Orlando, ma biographie politique. Photo : document remis

Des projections pour rencontrer le cinéma queer et lesbien

Pour les spectateurs et spectatrices qui découvriront le festival, Julie, des cinémas Star, recommande d’aller voir les trois premiers épisodes de la série Split (qui sortira prochainement sur France TV Slash), lundi 9 octobre à 19h45 au Cosmos :

« Elle est produite par Iris Brey et met en scène une histoire d’amour lesbienne accessible au grand public, c’est une vraie romance, pas un drame ni un documentaire. »

De son côté, Alice, co-fondatrice du festival, conseille Les sentiers de l’oubli, projeté jeudi 5 octobre à 19h45, au Star :

« Le film aborde un sujet peu présent au cinéma : celui du désir d’une femme qui, après la mort de son mari, part habiter en ville. Elle y rencontre une voisine et commence le désir et ces questionnements. En plus les images sont magnifiques. »

Visuel du film Les sentiers de l’oubli. Photo : document remis

Alice et Julie conseillent toutes deux le film Lesbiennes, quelle histoire ?, didactique selon elles. « C’est certainement le plus accessible de tous nos films », estime Alice. Il sera projeté au Cosmos mardi 10 octobre à 20h30, et suivi d’une rencontre avec la réalisatrice Marie Labory.

Alice Coffin, astro bingo et goûter cosmique

La tête d’affiche la plus connue du festival est incontestablement Alice Coffin, journaliste, militante féministe et lesbienne, autrice du livre « Le Génie Lesbien » et élue écologiste à la mairie de Paris depuis 2020. « C’est vraiment en tant que militante qu’elle viendra parler samedi 7 octobre », précise Julie.

La journaliste donnera une conférence intitulée « Histoire, perspectives et enjeux de la visibilité lesbienne au cinéma » afin de rencontrer les intéressés dès 17h30 au cinéma Star Saint-Exupéry, rue du 22 novembre et dédicacer son ouvrage à l’issue de la rencontre.

Dans le cadre du festival, le Cosmos accueille aussi deux évènements axés sur l’astrologie dimanche 8 octobre. En premier lieu, l’astro-bingo du Cosmos, organisé par Julie, à 15 heures : « Il y aura des cartes qui font référence aux signes astrologiques, avec leurs caractéristiques, et des références à ces signes dans un film projeté », explique-t-elle. Avec, à la clé, des cadeaux.

Le même jour à 16h45 l’astrologue Astroterre « présentera son approche féministe de l’astrologie », à prix libre, sur la mezzanine du Cosmos.

Festival Strasbourg-Méditerranée, chœur de femmes ukrainiennes… Six recommandations culturelles pour octobre

Festival Strasbourg-Méditerranée, chœur de femmes ukrainiennes… Six recommandations culturelles pour octobre

Pour ce mois d’octobre, la sélection culture fait voyager. De la littérature italienne ou algérienne aux chants ukrainiens en passant par du cinéma espagnol et un festival de photographie à Mulhouse.

Festival européen du film fantastique, Musica, Bibliothèques idéales… Les grands rendez-vous culturels de la rentrée sont passés. Mais le mois d’octobre est aussi marqué par son lot de festivals et autres spectacles prometteurs. Le festival de cultures urbaines Opération Quartiers Populaires (OQP) a déjà commencé au Point d’Eau à Ostwald. S’ensuivent les journées de l’architecture les 13, 14 et 15 octobre, puis par la 32e édition nationale de la Fête de la science du 6 au 16 octobre. Ci-dessous, notre sélection culturelle du mois, qui prend des airs de voyage, de la littérature italienne ou algérienne aux chants ukrainiens en passant par le dixième anniversaire de la biennale de photographie de Mulhouse.

FemiGouin’Fest met à l’honneur le cinéma queer et feministe

Le festival du film lesbien et féministe strasbourgeois est programmé du 4 au 10 octobre aux Cinémas Star et au Cosmos. L’occasion de se refaire quelques classiques, mais aussi de découvrir des pépites. À commencer par le film d’ouverture, Orlando, ma biographie politique, réalisé par Paul B. Preceiado. Ce documentaire expérimental, réalisé par un incontournable artiste et penseur queer, s’inspire du roman de Virginia Woolf, Orlando. Dans cet ouvrage, le personnage principal change de genre. Le documentaire de Paul B. Preceiado poursuit cette histoire hors de la fiction. Vingt-six personnes trans et non-binaires, âgées de 8 à 70 ans, y incarnent le personnage d’Orlando au cours du récit. Une des actrices, Naelle Dariya, sera présente pour l’occasion !

Le FemiGouin’ Fest se tient cette année 4 au 10 octobre aux Cinémas Star et au Cosmos Photo : ACC / Rue89 Strasbourg

En plus des films, le festival se diversifie cette année en proposant des rencontres, notamment avec Alice Coffin samedi 7 octobre à 17h30 pour une conférence intitulée Histoire, perspectives et enjeux de la visibilité lesbienne au cinéma

La journée du dimanche se déroulera sous le signe de l’astrologie au Cosmos. Avec un astro bingo animé par Madame de Kurbis, drag monster et Mizkeen, drag-queer, à réaliser en regardant le film Girlfriends and girlfriends de la réalisatrice espagnole Zaida Carmona. 

Le Maillon donne la parole aux femmes victimes de guerre dans Mothers

Pour inaugurer sa saison, le Maillon propose une œuvre particulièrement ancrée dans l’actualité. Mothers. A song for wartime de Marta Górnicka, jouée dans la grande salle du théâtre les 4, 5 et 6 octobre, donne la parole aux victimes de la guerre en Ukraine. Prenant la forme d’un chœur chantant, 25 mères ukrainiennes, biélorusses et polonaises racontent dans leur langue (le spectacle sera surtitré en français) leur vécu, mais aussi leur lutte contre la destruction. Le chœur prend une dimension politique tout en rappelant les chansons populaires ukrainiennes comme le chtchedryck.

Mothers. A song for wartime de Marta Górnicka sera jouée dans la grande salle du théâtre les 4, 5 et 6 octobre, Photo : Michał Rumas

Ce n’est pas la première fois que Marta Górnicka, chanteuse et metteuse en scène, est programmée au Maillon. Elle y a déjà présenté Magnificat en 2012, Requiemmachine en 2014 et Hymn to love en 2018. Pour ce spectacle, elle s’est nourrie d’une expérience personnelle récente. Pendant plusieurs mois, l’artiste a organisé des ateliers à Varsovie avec des Ukrainiennes exilées, victimes de la guerre et des Biélorusses et des Polonaises qui les accueillent dans leur pays. En a émergé l’importance de la voix, de la culture et des chants ukrainiens, notamment comme moyen d’expression. 

« Elles sont réfugiées, témoins de la violence et des bombardements. Celles qui ont fui avec leurs enfants en Pologne, à Varsovie ou dans d’autres villes d’Europe et d’ailleurs, veulent parler aujourd’hui, utiliser le pouvoir de leur voix pour nommer ce qui ne peut l’être », explique-t-elle dans une interview réalisée dans le cadre du festival d’Avignon. Mothers. A song for wartime, a été réalisé en coproduction avec le Maillon, qui accueille en octobre sa première française.

Au TNS, La Tendresse questionne la masculinité

« Qu’ont hérité les jeunes hommes des modes de pensée et d’éducation de leurs pères ? Quels rapports ont-ils avec les femmes, notamment après le mouvement #MeToo ? Quelles injonctions contradictoires pèsent sur eux ? » Voici une partie des questions qu’aborde La Tendresse, le premier spectacle de la saison 2023 proposé par le TNS, du 4 au 14 octobre. Dans cette pièce mise en scène par Julie Berès, huit acteurs et danseurs tentent de découvrir ensemble, avec leurs mots et leurs corps, ce que signifie appartenir au « groupe des hommes » aujourd’hui.

La Tendresse se joue au TNS du 4 au 14 octobre Photo : Axelle De Russé

Pratiquante de l’écriture de plateau et de la collaboration avec des dramaturges, des écrivains et des chorégraphes, Julie Berès a fait appel aux dramaturges Kevin Keiss et Lisa Guez ainsi qu’à l’autrice Alice Zeniter. Ensemble, ils se sont d’abord nourris d’essais sociologiques, philosophiques, de documentaires interrogeant les différentes masculinités. Ils ont ensuite rencontré une quarantaine de jeunes hommes issus de différents milieux. Il a été question de désir, de sexualité, d’héritage, d’argent, de sentiments, de tendresse… Puis l’écriture s’est finie sur le plateau, après avoir choisi huit interprètes. 

« La Tendresse est un spectacle politique mais pas militant. Il parle d’une volonté de cette génération d’avoir le droit d’accéder à sa tendresse, sa faiblesse, l’aveu de ses échecs, sa fragilité, son émotion – le droit de pouvoir avouer ce qui la fait souffrir. » 

Julie Berès, dans un entretien de Fanny Mentré

Deuxième édition du festival de lutte contre le harcèlement de rue

Discussions, ateliers, moments festifs… Pour la deuxième année, la militante féministe Emanouela Todorova propose cinq jours de festival contre le harcèlement dans l’espace public, du 9 au 13 octobre. Celle qui tient le compte DisBonjourSalePute sur Instagram, devenu une association de lutte contre le sexisme, propose une deuxième édition de son festival après le succès de la première dédiée au consentement. Un stand mobile évoluera au fil des jours du quartier de Krutenau à la gare en passant par Cronenbourg, l’orangerie et le campus d’Illkirch-Graffenstaden.

L’autrice et incluenceuse Camille Aumont Carnel sera présente le 12 octobre. L’année dernière, elle avait fait salle comble avec une rencontre riche en discussion avec le public. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg

Parmi les rendez-vous à ne pas manquer, le drag show de la House of Marley qui aura lieu lors de la cérémonie d’ouverture à 20h au Milano Torino Mito, la table ronde Quelles sont les mesures appliquées en Europe le jeudi 12 octobre à 18 h et la lecture / rencontre avec Emanouela Todorova autour de son livre Dis Bonjour Sale Pute. Si la plupart des événements sont gratuits ou à prix libre, il est vivement conseillé de réserver chaque événement sur helloasso. La plupart des rendez-vous de l’année précédente étaient complets ! 

Le Festival Strasbourg – Méditerrannée évoque la littérature de l’exil

L’association Stras-Méd propose jusqu’en décembre une vingtaine d’événements pour mettre en lumière la culture méditerranéenne et les traditions orales ainsi que la littérature de l’exil dans une série de rencontres, promenades et spectacles.

Cette année, Sedef Ecer, Assia Djebar, Hala Mohammad et Frantz Fanon seront mis à l’honneur. Photo : DR Stras-Med

À ne pas manquer, le spectacle autour du livre Trésor national, de la romancière franco-turque Sedef Ecer. Il aura lieu le 5 octobre à 20h30 au Cheval Blanc à Schiltigheim et proposera une plongée dans l’âge d’or du cinéma d’Istanbul, sur les traces d’une actrice et d’un pays marqué, entre 1960 et 2016, par quatre coups d’État. 

Puis, direction l’Italie le 20 octobre, avec la rencontre proposée à l’Institut culturel italien et la poétesse, enseignante et traductrice Rossana Jemma. Dans son recueil La strada verso il canto, elle évoque le déracinement, le risque de perdre son identité, mais aussi le pouvoir cathartique de la poésie. 

Enfin, à réaliser en autonomie, le parcours dans Strasbourg proposé pour rendre hommage à l’Algérienne Assia Djebar, académicienne et femme de lettres ayant été en résidence à Strasbourg. Tombée amoureuse de la ville, elle en a fait l’objet d’un roman, Les nuits de Strasbourg, paru chez Actes Sud. Le festival propose de revenir sur les pas de son héroïne avec un circuit, de l’ancienne prison de la rue du Fil à la flèche de la Cathédrale.

Exposition sur le rapport entre la photo et le monde contemporain à Mulhouse

Pour les dix ans de la Biennale de la photographie de Mulhouse (BPM), l’exposition « 10 ans / 10 photographes » débutera le samedi 7 octobre à la Maison des Bergers, le long du quai des Cigognes à Mulhouse. Jusqu’au 13 novembre, elle réunira dix photographes ayant participé aux cinq éditions précédentes du festival. Pour le vernissage samedi à 14h, une visite permettra de rencontrer les photographes Pascal Amoyel, Christophe Bourguedieu, Nathalie Wolff et Matthias Bumiller. L’organisation d’une table-ronde à 16h à la bibliothèque Grand’Rue questionnera ensuite les enjeux et perspectives des festivals photographiques.

Les visiteurs pourront notamment observer l’exposition de Céline Clanet, Les Îlots farouches à la Maison des Bergers à Mulhouse. Photo : Céline Clanet

La ligne directrice de l’évènement : la possibilité ou l’impossibilité d’habiter le monde transformé par l’activité humaine. Selon Anne Immelé, directrice artistique de la BPM, la programmation soulignera « le rapport de la production photographique à sa contemporanéité ». Les photographies exposées proposeront « des approches sensibles et politiques du monde contemporain », elles interrogeront « la tension entre la nature et l’humain, les frontières et contradictions de la société post-capitaliste ou encore la relation des individus à leur territoire de vie ».

Manifestation pour la liberté de la presse et le respect du secret des sources mardi

Manifestation pour la liberté de la presse et le respect du secret des sources mardi

Les collectifs Presse-Papiers et Prenons la Une appellent à un rassemblement partout en France mardi 3 octobre à 18h30 pour protester contre l’exploitation du travail de la journaliste Ariane Lavrilleux dans une enquête judiciaire. À Strasbourg, le rassemblement est prévu devant le tribunal.

Le 19 septembre, la journaliste indépendante Ariane Lavrilleux a été perquisitionnée à son domicile à Marseille par neuf agents de la Direction du renseignement intérieur (DGSI). Ils cherchaient des éléments pour trouver qui, au sein de leurs services, a informé la journaliste spécialisée sur les sujets de défense au Moyen-Orient. Dans une enquête publiée sur Disclose en novembre 2021, Ariane Lavrilleux a démontré que des moyens de surveillance antiterroristes fournis par la France à l’Égypte ont été détournés pour servir dans des opérations militaires égyptiennes contre des contrebandiers présumés.

« Selon les documents ”confidentiel-défense” obtenus par Disclose, les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018. Les frappes détruisant souvent plusieurs véhicules, le nombre de victimes pourrait se chiffrer à plusieurs centaines. »

Extrait de l’enquête d’Ariane Lavrilleux pour Disclose, sur l’opération « Sirli ».

Une violation du secret des sources

Après une garde à vue de 39 heures, la journaliste n’a pas été mise en examen dans le cadre de cette enquête de la DGSI mais sept des dix scellés obtenus lors de la perquisition (des notes, des clés usb, des données informatiques) ont été versés à la procédure. Cette saisie constitue une violation du secret des sources, un principe garanti par la loi sur la liberté de la presse de 1881 et par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cette atteinte a été autorisée par la justice au nom d’un « impératif prépondérant d’intérêt public », une disposition particulièrement floue, prévue par la loi Dati de 2010.

Pour protester contre cette menace contre la liberté de la presse, une liberté dont jouissent tous les Français, le collectif Prenons la Une et le collectif Presse-Papiers, dont fait partie Ariane Lavrilleux, appellent à un rassemblement devant les tribunaux de France mardi 3 octobre à 18h30. Le rassemblement strasbourgeois, à l’initiative de Rue89 Strasbourg, est prévu sur le parvis du tribunal judiciaire, quai Finkmatt.

Manifestation à Marseille le 19 septembre pendant la garde à vue d’Ariane Lavrilleux Photo : remise

Le gouvernement contre la presse

Le gouvernement ne semble pas prendre la mesure du problème. Depuis qu’a éclaté cette affaire, tous les ministres ont soigneusement évité de répondre aux questions des journalistes. Interrogé par un député à l’Assemblée nationale mardi 26 septembre, le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti a répondu laconiquement : « La justice de notre pays est totalement indépendante » sans répondre sur l’atteinte au secret des sources des journalistes.

Cette affaire illustre l’incapacité des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron à préserver la liberté de la presse, après plusieurs lois restrictives, et alors que la France manœuvre auprès de la Commission européenne pour autoriser l’usage de logiciels espions contre les journalistes dans le Media Freedom Act, un règlement européen qui doit préserver le pluralisme et l’indépendance des médias. Ce texte est étudié au Parlement européen à partir de lundi 2 octobre. Ces affaires extrêmement graves surviennent alors que doivent débuter mardi 3 octobre des États généraux de l’information, voulus par l’Élysée.

La mère d’un enfant handicapé témoigne : « Je vis cette absence d’accompagnant comme une maltraitance »

La mère d’un enfant handicapé témoigne : « Je vis cette absence d’accompagnant comme une maltraitance »

Les conditions de travail et la faible rémunération des AESH fait de l’école inclusive une promesse vaine. Témoignages d’accompagnantes livrées à eux-mêmes et de mères démunies et parfois, à bout de force.

« Depuis que mon enfant va à l’école, j’ai dû arrêter de travailler ». Alors que son fils, atteint de troubles autistiques, est en classe de CE1, Clarisse doit parfois venir le chercher lorsqu’il fait des crises. « Sa scolarisation a toujours été compliquée, mais on a commencé à voir la lumière au bout du tunnel quand une AESH formée lui a été attribuée », poursuit-elle.

En 2005, la loi pour l’égalité des chances des personnes handicapées instaure le droit « pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté ». 13 ans plus tard, Clarisse tient à ce que cette promesse soit respectée pour son enfant. « Je veux qu’il aille en classe avec les autres enfants. Laisser les élèves handicapés entre eux, ce n’est pas ça l’inclusion. Il faut que mon fils soit accepté tel qu’il est », insiste-t-elle.

À l’école maternelle Reuss du Neuhof Photo : Aline Fontaine / Rue89 Strasbourg / cc

Un accompagnement réduit

Les AESH, personnels de l’Éducation nationale, sont recrutés pour « favoriser l’autonomie des élèves en situation de handicap », précise la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) du Bas-Rhin. Mais le nombre d’AESH ne suffit pas à couvrir les besoins d’accompagnement dans le département. Selon une enquête ouverte par le syndicat FSU67-SNUipp début septembre, au moins 60 élèves qui ont droit à un suivi par une AESH sont sans accompagnement.

Depuis plus de 15 ans, Isabelle accompagne les élèves en situation de handicap. « J’ai été AED, puis AVS, puis ASH et enfin, AESH », raille-t-elle au téléphone, citant les nombreux changements d’acronymes qui désignent tous sa profession :

« Quand j’ai commencé, j’accompagnais un élève, 100% du temps. Cette année, j’en accompagne trois. On a tendance à penser que c’est déjà bien que les élèves soient accompagnés, mais il faut voir la qualité de cet accompagnement… »

Léa (le prénom a été modifié), également AESH dans le Bas-Rhin, précise :

« On travaille avec des enfants présentant tous types de handicap, de l’autisme au handicap moteur, les maladies génétiques, les enfants haut potentiel intellectuel, avec des troubles de l’attention et de l’hyperactivité, des dyslexiques, dyscalculiques. On peut avoir des enfants dans plusieurs niveaux, de la maternelle au lycée, parfois dans la même journée. Ca nous oblige à faire beaucoup de gymnastique en peu de temps. »

« On doit prioriser l’accompagnement des plus handicapés »

Léa ressent une pression de plus en plus forte lié au manque de personnel qualifié face à l’augmentation du nombre de demandes d’accompagnement :

« Il m’est arrivé de suivre un enfant, de voir sa progression, de le voir avancer et de ne plus pouvoir le suivre l’année d’après. Alors que c’est justement quand il y a du progrès qu’il ne faut pas le lâcher. J’ai l’impression qu’on doit prioriser l’accompagnement des plus handicapés. Les autres n’ont qu’à se débrouiller tous seuls. Alors que ce n’est pas du tout ça, l’essence de mon métier. »

Partant du même constat de l’augmentation de sa charge de travail, Juliette (le prénom a été modifié), AESH depuis plus de 10 ans, est plus virulente. « On est de véritables vaches à lait », assène-t-elle :

« Les écoles font leur cuisine interne pour que tout se passe bien avec les moyens qu’on leur donne. On nous demande de tout faire, de courir d’une classe à l’autre, de s’adapter aux élèves en peu de temps. Changer d’élève accompagné, ce n’est pas comme changer de bureau… Les enfants ressentent qu’on est surmenées. »

Une formation de 60 heures

Pour devenir AESH, une formation initiale de 60 heures est nécessaire avant la prise de poste. « Avec des modules spécifiques pour certains handicaps tels que l’autisme, et une formation continue basée sur le volontariat », précise Véronique Weibel, inspectrice de l’Éducation nationale chargée de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés.

« Entre ce qu’on vous vend sur le flyer et la réalité du terrain, il y a un monde », assène l’AESH Isabelle :

« On imagine que notre métier consiste à faire de l’accompagnement aux devoirs avec des enfants en difficulté scolaire. Mais ce n’est pas du tout ça, il s’agit d’enfants en situation de handicap. »

La conséquence de cette brève formation, selon les AESH interrogées, se résume en un mot : démissions. « Dès la rentrée, on m’a dit que l’AESH assignée à mon fils avait démissionné », témoigne Carole (le prénom a été modifié), maman d’un jeune garçon autiste, scolarisé dans une école maternelle de l’Eurométropole.

D’après le syndicat des professeurs des écoles FSU67-SNUipp, 70 AESH ont démissionné pendant l’été 2023 et un cinquième des AESH quitte l’Éducation nationale chaque année. « Les personnes trouvent un emploi mieux rémunéré ou avec de meilleures conditions de travail », appuie Agathe Konieczka, co-secrétaire départementale du syndicat. Un chiffre que Jean-Pierre Geneviève, directeur académique du Bas-Rhin, trouve élevé… sans être en capacité de fournir des statistiques sur la longévité des carrières d’AESH au sein de son académie.

800 euros par mois et un travail dans un supermarché

Juliette comprend tout à fait les raisons de ces démissions. Après plus de dix ans à son poste, elle gagne un peu plus qu’un SMIC pour des semaines de 39 heures. « Heureusement qu’il y a les vacances pour se reposer, souffle-t-elle, il faut vraiment aimer ce métier pour y rester ».

Pour son emploi d’AESH, en travaillant quatre jours par semaine, Léa touche 800 euros par mois, soit entre 29 et 35 euros par jour. « En plus, je travaille dans un supermarché trois fois par semaine et l’intégralité des vacances scolaires pour pouvoir boucler mes fins de mois », poursuit-elle.

« Si on fait ce métier, ce n’est ni pour l’argent ni pour la reconnaissance. C’est pour les enfants et pour leur être utile. Nos conditions de travail se dégradent, celles des enseignants aussi. Et ce sont les enfants et les parents qui pâtissent de tout ça. »

« Je vis cette absence comme une maltraitance »

Côté parents en effet, l’accompagnement de leurs enfants par une AESH qualifiée et disponible permet de retrouver confiance en l’école. « Mon fils a droit à une AESH pendant 12 heures par semaine, mais il a clairement besoin de quelqu’un à temps plein », soupire Carole (le prénom a été modifié).

« Mon fils est autiste et il appréhende le changement, donc je casse ma tirelire pour qu’il soit dans un établissement privé où il y a plus de moyens. Dès la rentrée, il n’y avait pas d’AESH. On n’arrête pas de me dire que quelqu’un va venir, mais je ne sais jamais quand. Je vis cette absence d’accompagnant comme une maltraitance. »

Carole se bat encore pour qu’une personne accompagne son fils à l’école. « C’est pour ça que je ne veux pas qu’on puisse m’identifier », précise-t-elle. Toutes les personnes anonymisées dans cet article ont peur que leur témoignage les pénalise. « Dans mon contrat, il est marqué que je ne dois pas critiquer l’institution (l’Éducation nationale, NDLR), » appuie l’AESH Léa.

Bagarre juridique et investissement financier

Le fils de Sabrina vient d’entrer au lycée. Selon la MDPH, il a droit à un accompagnement individualisé par une AESH. Mais c’est simplement après avoir menacé le rectorat de Strasbourg de les attaquer en justice et passé des dizaines d’appels au ministère de l’Éducation nationale qu’elle a obtenu un accompagnement effectif. « C’est fatiguant de se bagarrer pour faire respecter ses droits. Tous les parents n’ont pas cette énergie. Il n’y a pas d’égalité », regrette-t-elle.

Alors que le fils de Clarisse va bénéficier d’un accompagnement plus limité que l’année dernière en 2022/2023, la mère apporte toujours à l’école, en début d’année, du matériel adapté à son fils : déroulés visuels, contrats motivationnels, boîte sensorielle, casque anti-bruit, élastique de chaise, coussin de chaise, élastique de chaise… Le but : que l’enfant continue d’apprendre même quand aucun AESH n’est présente.

« Je me suis formée pour être capable de lui apprendre à lire et à écrire. On a équipé notre maison avec une pièce dédiée à son apprentissage pour les moments où c’était trop difficile d’aller à l’école », raconte-t-elle. En tout, elle et son conjoint ont dépensé plus de 14 000 euros entre l’aménagement d’une pièce Snoezelen (colonnes à bulles, fibre optique, musique douce…), le recours à des personnels de santé libéraux (éducatrice spécialisée, psychologue, psycho-motricienne, orthophoniste…) et le matériel prêté à l’école pour être en mesure de donner à leur enfant un cadre d’apprentissage adapté à ses besoins.

D’autre parents au bout du rouleau

Naïma a aussi arrêté de travailler lorsque son fils a été diagnostiqué autiste. « S’il n’est pas accompagné, mon fils ne peut pas aller à l’école, ça ne se passe pas bien », poursuit-elle. « Il fait des crises et a l’autonomie d’un enfant de quatre ans », poursuit-elle.

L’enfant est supposé aller neuf heures par semaine en classe, mais Naïma doit souvent venir le chercher. Parfois, elle renonce même à l’amener à l’école. « L’équipe enseignante fait tout ce qu’elle peut. Mais c’est moi qui dit à l’AESH comment se comporter avec mon fils. Elle ne sais pas comment le gérer. Il peut être très virulent dans ses crises et elle est toute petite. Il faut de la force », soupire-t-elle.

Souffrant d’un accompagnant défaillant, la mère de famille préfère que son fils soit pris en charge à l’hôpital plutôt qu’à l’école. « À l’hôpital de jour, ils sont formés et je sais que je n’ai pas à leur expliquer comment faire », poursuit-elle. Désormais, Naïma espère que son fils obtiendra une place dans un institut médico-éducatif plutôt qu’à l’école pour obtenir enfin un temps de répit et consacrer quelques heures par semaines à sa fille aînée, dont elle n’a pas le temps de s’occuper depuis la naissance de son petit frère.

Une mobilisation prévue le 3 octobre

Mardi 3 octobre, plusieurs syndicats appellent à manifester pour l’amélioration des conditions de travail des AESH dans le Bas-Rhin. « Pour que les choses changent, il faudrait qu’on arrête toutes ensemble de travailler », conclut Juliette : « Il faut que l’État n’ait pas le choix de regarder la réalité en face et qu’enfin on nous entende ». Pourtant, certaines AESH savent d’ores et déjà que manifester leur coûterait trop. « On est déjà si peu payés que faire grève n’est pas possible pour moi », déplore Léa.