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À Sainte-Marie-aux-Mines, le festival engagé Eciton « reconnecte » les fêtards à la forêt

À Sainte-Marie-aux-Mines, le festival engagé Eciton « reconnecte » les fêtards à la forêt

Vosges alternatives, notre série d’été sur la vie militante en zone rurale (4/8). Le festival Eciton prépare sa deuxième édition dans la forêt jouxtant Sainte-Marie-aux-Mines ce vendredi 28 juillet. À rebours des grands rassemblements commerciaux, les organisateurs veulent « reconnecter » les fêtards avec la nature.

Et soudain, la pluie se tut. Petit à petit, les têtes sortent des tentes, des camions ou des vans. À pas comptés, on s’aventure sur le chantier, regard rageur tourné vers les cieux : plein soleil. Le ciel se fout de nous. Rapidement, le vrombissement des moteurs reprend et sonne la fin de la pause. Malgré les draches, la gadoue, le froid, l’équipe du festival Eciton reprend vaillamment l’installation de ses stands, sous les cimes de la forêt vosgienne. Il ne reste que trois jours pour tout finir.

Organisé durant le week-end du 28 juillet dans un lieu-dit tout proche de Sainte-Marie-aux-Mines, le festival des musiques techno et psytrance (pour trance psychédélique, ndlr) détonne – c’est un euphémisme – dans le paysage culturel du Val d’Argent. « Les villageois doivent un peu nous prendre pour des babos », résume en riant l’un des fondateurs du festival, Tom Gleyze, alors qu’il nous guide vers le QG de la troupe. En plein milieu de cette terre aride en concerts, dépourvu d’équipements culturels, Tom et la troupe d’Eciton veulent voir leur grande fête prendre racine dans les Vosges.

Le festival accueillera 700 festivaliers par soir, sur deux journées. Les places coûtent 45€ la journée, 75€ les deux jours. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc

Une vallée trop tranquille

Une dizaine d’années avant d’être fiché comme « babos », Tom habitait lui-même un village limitrophe – son père vivant au Bonhomme, un bourg tout proche. « Dans le coin, y a pas de boîte, faut descendre en ville du côté de Colmar. Et encore, c’est des boîtes de nuit commerciales et généralistes, ce n’est pas ce qui m’intéresse. » En l’absence d’établissement dédié, une bonne part des fêtards se résignent à tenir des soirées dans des apparts, en petit comité. 

D’autres adeptes de techno se tournent vers la nature pour des « teufs », des rassemblement sauvages plus libres. « Il n’y en a pas beaucoup de ces teufs-là, dans le coin », tempère tout de suite Léo, un bénévole vétéran des soirées. « Ici, c’est plutôt des petits événements privés, quelques personnes qui posent un mur de son et invitent leurs potes. Elles sont assez rares dans le coin, alors que c’est toutes les semaines dans certaines villes, comme Montpellier. » Une autre bénévole s’invite dans la discussion : « En comparaison, il y en a beaucoup plus de l’autre côté des Vosges, en Franche-Comté. »

Tom Gleyze, l’un des fondateurs de l’Eciton. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Même si certains de ses administrés se montrent hostiles à la venue du festival, la maire écologiste de Sainte-Marie-aux-Mines, Noëlle Hestin, reste très enthousiaste :

« Pour nous, c’est une façon de soutenir l’expression d’un courant culturel moins connu dans le Val d’Argent. C’est aussi une manière inattendue de rendre hommage au patrimoine forestier. Et puis, à titre personnel, j’ai été touchée par les retours de jeunes de Sainte-Marie, qui nous ont remercié d’avoir autorisé l’événement. »

« Tout commence avec mes amis d’enfance… »

Au milieu de ce désert culturel, Tom et ses amis organisent leurs premiers concerts, accumulent de l’expérience et prennent leurs repères. « Au départ, tout commence avec mes amis d’enfance, à Colmar, qui baignent tous dans la musique, notamment la psytrance. En 2019, on se décide à lancer l’Eciton et on essaye d’emblée de faire quelque chose de qualitatif, avec l’aide de pros pour l’installation. »

La première édition est un succès. L’équipe capitalise sur cette réussite pour se structurer davantage et grossir. La bande de potes des débuts fusionne avec un autre collectif local, plus tourné techno que psy. Aujourd’hui, l’association derrière l’Eciton compte 15 personnes, toutes bénévoles, avec une identité double – techno et psytrance – qui se retrouve dans les choix de programmation. 

Le rythme de la journée est dicté par celui des averses. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg / cc

Si la techno – au sens large – est facilement identifiable du grand public, la mise en avant de la « Forest », un sous-genre moins connu issu de la psytrance, est plus risqué. Tom Gleyze assume le risque, et se livre à un plaidoyer :

« C’est une musique très complexe. Ça se rapproche d’une symphonie, car c’est beaucoup plus orchestral que de la trance classique, on va chercher plus de détails dans les sonorités. C’est aussi plus sombre et plus rapide, mais ça reste toujours très festif. »

Sous les cimes, des scènes s’enracinent

Pendant que Tom se laisse distraire par des questions approximatives sur sa musique, les bénévoles s’affairent autour de lui. Depuis l’orée, on entend une variété de cris différents, des indications, des ordres, des éclats de rires aussi. Le site se répartit en plusieurs espaces, avec un petit marché d’artisans, deux scènes principales et une troisième plus petite. Rien n’est encore totalement monté, si ce n’est le grand bar au centre du lieu. L’essentiel est sauf. 

En s’arrêtant un instant, le contraste est saisissant entre le calme qu’inspire la forêt et le bouillonnement des bénévoles. Un grésillement coupe court à la contemplation : « Béré, béré, c’est Paprika ! Il y a un problème avec la scène techno. » Talkie-walkie au poing, Bérénice, file entre les arbres s’occuper des problèmes. 

Ses grandes lunettes, anguleuses et fumées, lui donnent un air d’autorité indéfinissable, entre le pilote de ligne et le caporal-chef. « C’est le rush en ce moment, à cause de la pluie on est forcément un peu ralenti. » Gestionnaire informatique dans le civil, elle s’est mue en « référente montage » le temps du festival. Même si le cadre forestier est idyllique, elle revient sur les contraintes du lieu :

« Ce n’est pas aussi simple qu’un champ plat. Ici, on ne sait pas à l’avance où placer les stands, ni même les voitures. Surtout, on ne sait jamais ce qu’il y aura à déblayer, les arbres qu’il faudra retirer parce qu’ils vont tomber. Et puis il peut y avoir des chutes de branches… Mais on voit tout ça en amont, avec des spécialistes. »

Bérénice fait partie des quinze membres de l’association l’Eciton. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg / cc

L’équipe de l’Eciton s’associe également à l’Office national des forêts pour toute question autour de la sécurité du site, mais aussi sa préservation après le démontage.

« Reconnecter » les participants à la nature

« Il y a un côté esthétique qu’on apprécie, c’est beau de faire la fête en forêt. » Alors qu’il avale un café dans son van, Tom revient sur le choix de l’emplacement. Pour lui, le lieu du festival est en lien avec le fond du discours porté par l’association :

« Quelqu’un m’avait demandé pourquoi on ne faisait pas ça en plaine, ou dans une zone industrielle. Personnellement, je ne me verrais pas du tout tenir un festival dans une zone industrielle. En s’installant ici, on sort du béton, ça permet aux participants de se reconnecter avec la vie en pleine nature, dont ils sont parfois éloignés… Alors oui, il y a des insectes, tu peux te faire piquer, c’est la vie. En ville, on s’est habitué à vivre dans un espace hyper sécurisé, mais il faut être capable d’en sortir et de se confronter à la nature. »

Après, sa tirade Tom reprend une gorgée de café, puis montre fièrement une vidéo de la précédente édition. Quelques minutes tard, l’averse s’arrête. Profitant de l’accalmie, les bénévoles se retrouvent pour manger un bout. Au moment du festival, plusieurs stands proposant de la restauration rapide – tartes flambées, frites, crêpes – seront mis en place. « Tout est acheté localement si possible, principalement au Val d’Argent », explique Dan, ancien chef de cuisine au Spuntino à Strasbourg et référent restaurant sur le site. « Ça correspond à notre éthique, et on essaye de politiser tous les aspects du festival, notamment la nourriture. »

« On constate qu’il y a eu une dépolitisation de la scène techno »

En dehors de la restauration et du discours porté sur la nature, l’équipe d’Eciton essaye aussi de se défaire de la logique marchande de certains festivals. « Il y a aura aussi des boutiques, mais on ne propose pas du merchandising sur notre événement, ce ne sera que des stands d’artisans, avec des pierres précieuses, du macramé ou de la sérigraphie par exemple », explique Solveig, la référente commerce. Elle justifie ce choix de maintenir des boutiques sur site :

« Un festival, c’est un lieu de vie. Et un lieu de vie, ça commence par un bistrot et une petite place de village, avec quelques boutiques. Alors on propose à des artisans faisant le tour des festivals alternatifs de passer, tout comme à des artisans de la région, qui doivent représenter la moitié des boutiques. »

En journée, une conférence et des expositions sont organisées autour d’une thématique choisie par l’équipe : l’enfermement. En amont, plusieurs membres d’Eciton ont ainsi tenu trois ateliers avec des détenus de la Maison centrale d’Ensisheim ; la production artistique de ces derniers sera exposée au festival. L’année dernière le thème portait sur le consentement.

« Entre nous, on estime qu’il y a eu une dépolitisation de la scène techno », commente Tom. « On a voulu réintroduire le dialogue dans le milieu festif, avec des moments d’échanges. Dans le clubbing, ça se limite en général à des discussions rapides dans un fumoir blindé. Nous, on souhaite que les échanges se fassent tout au long du week-end, le soir ou en journée. »

Deux campements seront proposés aux festivaliers. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc

Timidement, les rayons du soleil se faufilent entre les branches. On s’active à nouveau, pas exactement au pas de course, mais au moins avec le sourire. Aucun stress pour la vente des places : tous les tickets sont déjà écoulés depuis une semaine. Ne reste que trois jours de labeur, et la fête pourra commencer.

Trois suicides en six mois à l’Epsan : la visite du député Emmanuel Fernandes embarrasse la direction

Trois suicides en six mois à l’Epsan : la visite du député Emmanuel Fernandes embarrasse la direction

Le député LFI Emmanuel Fernandes a visité l’Établissement public de santé d’Alsace nord à Brumath, ce 27 juillet. Accompagné de journalistes, le parlementaire a pu constater sur place le manque cruel de lits d’hospitalisation, mais aussi la souffrance vécue par les agents de cet hôpital psychiatrique.

Les sourires sont un peu crispés, et la gêne palpable dans les premières minutes. Il est à peine 8h, ce jeudi 27 juillet lorsque la directrice de l’Epsan (Établissement public de santé d’Alsace nord), Yasmine Sammour, accueille le député de La France Insoumise Emmanuel Fernandes. Le député du Bas-Rhin a décidé d’exercer son droit parlementaire à visiter les lieux de privation de liberté (l’hôpital psychiatrique étant un lieu de semi-liberté) ainsi que son droit à visiter les établissements de santé.

L’équipe du député insoumis a pu inviter cinq médias pour l’accompagner tout au long de cette visite. Contrairement aux visites « surprises » classiques faites en prison, la direction a été prévenue 24h avant notre venue. « L’idée n’était pas de mettre trop la pression, inutilement, sur la direction », confie l’un des assistants d’Emmanuel Fernandes.

Yasmine Sammour est donc en réalité – un peu – préparée lorsqu’elle voit débarquer à la porte de son établissement, en cette fin du mois de juillet, 6 journalistes et photographe, un député et son assistant parlementaire.

« Votre venue m’inquiète un peu, nous avons déjà du mal à recruter ! »

La petite troupe prend la direction d’une grande salle de réunion pour commencer. « C’est un peu cérémonial », convient la jeune femme de 45 ans, « mais pour parler tranquillement ce sera mieux. » Tout autour d’une table longue d’une dizaine de mètres, l’équipe de direction, les journalistes, mais aussi des « représentants syndicaux » (CFDT et UNSA) et « quelques agents » s’installent.

Il se trouve qu’en réalité, sur les délégués syndicaux, quatre sont de la CFDT, une de l’UNSA. Une seule est encore actuellement soignante. Les délégués syndicaux de Force Ouvrière quant à eux n’ont pas été prévenus de la visite par la direction.

D’emblée, Yasmine Sammour (directrice de l’Epsan depuis octobre 2022), prend la parole pour rappeler les chiffres de son établissement :

« Au total, sur nos 34 sites qui sont répartis partout dans le département, nous comptons 1 600 agents hospitaliers. Mais nous avons – comme dans beaucoup d’hôpitaux – des difficultés liées à des postes vacants. Nous sommes actuellement en période de recrutement, et nous avons du mal à recruter. Je dois dire d’ailleurs que votre venue m’inquiétait un peu, car la médiatisation récente de notre établissement n’aide pas à faire venir des agents. Donc j’espère que vous allez plutôt nous aidez ! »

La directrice donne d’ailleurs très vite l’état des lieux des postes manquants : « Actuellement, il y a 75 postes vacants, c’est à dire 12% de nos effectifs de soignants. C’est énorme ». Mais la jeune femme veut rester optimiste. « Nous étions à 85 postes vacants, au début de l’été ». Elle espère donc que ça ira encore un peu mieux à la rentrée.

Une visite parlementaire dans un contexte de souffrance : trois suicides depuis janvier 2023

Même si l’équipe de la direction a pu se préparer un minimum à cette visite, le stress est bien là. Yasmine Sammour parle vite, très vite. Ses mains s’agitent, son regard cherche fréquemment le soutien de ses collaborateurs. Un plateau a été dressé derrière, avec du café et du thé pour les invités ; mais l’ambiance n’est pas à la convivialité.

Très vite, le député LFI Emmanuel Fernandes aborde le sujet auquel tout le monde pense depuis l’annonce de cette visite : la souffrance des agents, et notamment les trois suicides qui ont frappé l’établissement depuis janvier 2023 :

« Le contexte récent est particulier ici, en raison des suicides qui ont eu lieu. Les enquêtes sont en cours, mais j’ai pu échanger en amont avec certains agents, qui parlent de pratiques managériales, et d’une culture managériale qu’il faudrait revoir. Nous savons qu’il y a déjà eu des correctifs, mais où en êtes-vous ? »

Depuis janvier 2023, trois suicides ont marqué l’établissement. Un infirmier du travail s’est pendu dans son bureau à Brumath, une animatrice s’est suicidée à son domicile et un étudiant infirmier dans sa résidence, en face de l’hôpital. (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).

« Rue89 Strasbourg a fait trop vite le lien entre ces suicides et le management »

La directrice se veut immédiatement apaisante. Elle reconnaît que ces décès, « sont d’abord des drames pour les équipes ». La jeune femme explique également que Sébastien S. était « isolé dans son service (il était infirmier du travail, ndlr), car il n’y avait pas de médecin du travail ». D’ailleurs l’expertise interne l’a mis en avant. La direction de l’hôpital a également reconnu qu’il s’agissait d’un accident du travail.

Puis Yasmine Sammour tient à mettre en cause notre rédaction :

« Un suicide est multicausal et le lien a été fait trop vite par Rue89 Strasbourg entre le management et les suicides. Ça, je ne peux pas l’accepter. »

Pourtant, dans nos précédentes enquêtes sur les suicides des agents de l’Epsan, différents documents et témoignages attestent bien de l’ampleur des problèmes de management (compte-rendus de CHSCT – comité d’hygiène et de sécurité au travail, lettres de Sébastien S. laissées après son suicide qui pointent sa hiérarchie, sondages internes…). L’inspection du travail elle-même, dans son rapport provisoire, a dénoncé le « harcèlement moral » dont souffrait Sébastien S. Mais la direction ne souhaite pas s’étendre sur le sujet. « L’enquête est encore en cours », tranche Yasmine Sammour.

Le député LFI Emmanuel Fernandes est venu visiter l’Epsan ce jeudi 27 juillet, dans le cadre de la loi qui l’autorise à visiter les lieux de privation de liberté. (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).

Pendant tout cet échange, le bras droit de Yasmine Sammour, Kathia Frech, coordinatrice générale des soins (arrivée en janvier 2023 dans l’établissement), hoche doucement la tête. Puis finit par dire :

« Sur cette question de pratique managériale et de souffrance au travail, attention aussi à l’impact de cette médiatisation sur le moral des agents ! Il y a des cadres qui partent à cause de ces articles ! »

Entre les lignes, on comprend l’intention de la nouvelle direction de faire front contre les accusations et de rattraper les décennies du précédent directeur Daniel Karol (mis en cause dans divers témoignages selon notre première enquête). Le psychiatre Claude Randrianarisoa vient lui apporter un peu de renfort, en défendant les mesures adoptées il y a quelques semaines :

« Nous avons mis en place une meilleure formation aux risques psycho-sociaux, nous avons compris que le service de santé au travail était important et nous faisons tout pour y mettre les moyens nécessaires. Il y a un travail en interne qui est fait sur les pratiques managériales au sein de la direction des soins, et enfin nous avons monté un groupe de travail avec des psychologues et la mise en place d’un numéro vert pour mieux accompagner les personnes en souffrance. »

Visite des pavillons : un personnel en sous-effectif

Après le temps de l’échange formel, vient celui de la visite des bâtiments de l’Epsan. La direction a choisi de présenter deux unités de psychiatrie adulte, une ancienne et une moderne. Dans l’unité Barbe (G01), l’irruption de ce groupe de visiteurs intrigue.

Ici, ils sont entre 23 et 25 patients âgés de 18 à 60 ans, à être soignés pour anxiété, dépression, et « différentes psychoses ». Dans la salle de vie, un baby-foot, quelques livres sur une étagère en bois, et deux femmes qui dessinent sur une table. Les têtes se retournent parfois pour jeter un regard circonspect sur notre étrange procession.

Caméra, micros, appareil photo. Le troupeau médiatique se déplace dans ce bâtiment qui semble dater des années 70. Carrelage blanc grisâtre au sol, fenêtres aux verres dépolis, néons jaune pâle et blanc. L’ambiance est plutôt sinistre, mais les patients (entraperçus) sont plutôt calmes. « Et bah, y a du monde ce matin ! », lance une femme en rentrant dans sa chambre. « Ici, vous êtes dans une unité ouverte-fermée, c’est-à-dire que les patients peuvent circuler librement dans le bâtiment », explique le psychiatre Claude Randrianarisoa.

Chaque jour, ils sont neuf soignants (cinq le matin et quatre l’après-midi) pour s’occuper de ces patients. L’effectif tombe à deux soignants la nuit. « Et c’est suffisant ? », demande un journaliste à la cadre du service. Sourire gêné, regard à sa hiérarchie. Réponse convenue. « Ce sont les quotas nationaux. » Yasmine Sammour s’empresse d’ajouter : « Mais ça, c’est quand tout le monde est là, et que tout va bien », glisse la directrice qui veut jouer le jeu de l’honnêteté.

Des patients de plus en plus nombreux : « On ne peut pas être à 103% au quotidien »

Le deuxième bâtiment paraît plus moderne. Ici, c’est une armada de cadres, d’infirmier, de médecin, et de directrice d’unité qui accueille les visiteurs. Nous sommes dans l’unité Augustin, ou G03. Mais très vite, les langues se délient.

Dans ce bâtiment, auparavant, 35 patients pouvaient être accueillis. Puis les lits ont diminué, progressivement, chaque année. Désormais, ils peuvent accueillir 26 à 28 patients, en installant des « lits de crise ». Emmanuel Fernandes rappelle que depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron ce sont 21 000 lits d’hôpitaux qui ont été fermés. Le psychiatre bulgare Kamen Hinkov, 37 ans, explique la situation concrète dans l’unité :

« C’est une unité qui tourne beaucoup. Donc nous avons très souvent des lits supplémentaires, voire des lits de crise. Avant, c’était exceptionnel qu’on ait ces lits supplémentaires. Maintenant, c’est exceptionnel quand on les enlève. Le système est construit pour une occupation à 100%, mais là, nous sommes à 103% de taux d’occupation. On ne peut pas continuer comme ça. »

Dans des chambres prévues pour une personne comme celle-ci, il n’est plus rare de mettre « des lits de crise », lorsque des patients ont besoin d’être hospitalisés. Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

Si depuis 2017, des lits d’hôpitaux ferment un peu partout en France, la demande de prise en charge elle, augmente. Dans l’unité « Augustin », la hausse des arrivées représente 25% de patients en plus depuis le Covid. Parallèlement, les soignants sont moins nombreux, avec notamment 150 000 infirmiers qui ont quitté l’hôpital public ces dernières années, selon le député LFI. Un paradoxe qui rend la vie des soignants impossible.

« Moi, je pars »

Interrogé quelques minutes plus tard, loin des regards de sa direction, le psychiatre Kamen Hinkov, le visage cerné et tendu, semble vouloir tout raconter devant les micros. « La situation est stressante. On est sous tension en permanence. On travaille autant qu’on peut, mais moi j’ai le sentiment de subir les évènements. On accumule du retard dans la gestion des dossiers, on allonge les délais pour les rendez-vous au maximum, pour les équipes c’est dur à vivre. » Puis il conclut dans un soupir : « Moi je pars. Je pars, pour toutes les raisons que je viens de vous donner. »

Dans l’unité Augustin, les soignants semblent à bout. Le psychiatre Kamen Hinkov explique que les « lits de crise » sont devenus une situation normale. (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).

Le jeune « praticien contractuel » comme il se présente, travaille à l’Epsan depuis 6 ans. Mais ces dernières années ont été trop dures, les conditions trop difficiles, les moyens, trop rares. Interrogé au sujet des suicides des agents, entre deux portes et quatre couloirs, alors que la directrice est à deux mètres, le médecin glisse discrètement : « Tout ce qu’on s’est dit à l’instant, c’est ce qui explique les suicides ».

Plus loin dans le couloir, le député LFI Emmanuel Fernandes écoute et discute avec d’autres soignants et d’autres agents, clairement à bout. « Il faut que vous disiez à Paris qu’on a besoin d’aide ! » glisse la chef de pôle et médecin, Codruta Ionescu. « Nous voulons honorer notre devoir de service public, mais aujourd’hui, ce n’est plus possible. Nous avons des arrêts de travail, des agents épuisés. »

Dans cette unité, il y a quelques années, il y avait 35 lits pour accueillir les patients. Désormais, il y en a 23 ou 25, alors que la demande a augmenté de 25%. (Photo Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg).

« Si je devais revenir en arrière, je pense que je ne referais pas ce travail. »

Au fur et à mesure de la visite, le discours officiel de la direction se fissure sur « les pratiques managériales ». Les agents interrogés se lâchent. Il y a d’abord Florence, gestionnaire de stock. La quinquagénaire travaille à l’Epsan depuis 20 ans. Elle glisse doucement au député Emmanuel Fernandes qu’elle a eu des soucis avec sa hiérarchie et que ça s’est dégradé avec le temps. « Ils ne m’entendaient pas, ils ne m’écoutaient pas. » Puis elle ajoute brusquement : « Moi je suis sous cachet. Le suicide de Sébastien S. ça a été un coup, mais on peut tous arriver à un stade où… C’est à nous de nous remotiver en fait. »

Un peu plus loin, alors que le petit groupe de visiteur déambule dans l’enceinte de l’établissement, Marie-Agathe se met elle aussi à parler aux journalistes. L’aide-soignante de formation (dont le diplôme obtenu en 2014 n’a toujours pas été reconnu par l’Epsan au niveau du salaire) est d’ailleurs en procédure contre la direction. « Je pense que maintenant je serai identifiée de toute façon », sourit la jeune femme de 34 ans qui semble prête à tout.

Marie-Agathe a décidé de se battre pour enfin, obtenir la reconnaissance de son accident du travail par la direction de l’Epsan. Elle dénonce les conditions de travail des agents, « face à leur supérieurs ». Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

Depuis un accident du travail survenu en 2017, Marie-Agathe doit porter une orthèse d’épaule (dispositif médical qui enveloppe l’articulation, ndlr). Elle travaille à l’époque à l’USLD (Ephad de l’Epsan), et elle est frappée par un patient hors de contrôle. « Le médecin refusait de lui administrer un calmant. Il était menaçant, j’ai voulu protéger ma collègue et c’est mon épaule qui a tout pris. » Malgré sa tentative pour faire reconnaître son affection longue durée en 2019, la direction de l’Epsan botte en touche. Cela fait cinq ans que Marie-Agathe paie elle-même ses soins. Elle a dû revenir vivre chez ses parents, faute de revenus suffisants pour tout assumer. « Si je devais revenir en arrière, je pense que je ne referais pas ce travail. Aujourd’hui je suis déçue, et très en colère. »

Et quand on l’interroge sur le discours de Yasmine Sammour en début de visite, qui tenait à ne pas faire de lien entre le management de l’établissement et le suicide de Sébastien S., la jeune femme glisse : « Moi, quand je parle aux agents aujourd’hui, ils vont mal. Et ils ont des problèmes avec leur hiérarchie. »

Emmanuel Fernandes : « Les effectifs sont sous tension constante »

Après plus de deux heures sur place, la visite prend fin. Emmanuel Fernandes tire le bilan de ses échanges. Le député LFI retient notamment le manque cruel de moyens. Il parle également « du contexte particulier de l’Epsan, avec les suicides et les difficultés que certains services lui ont remonté au sujet de pratiques de management très difficiles ».

Mais Emmanuel Fernandes veut rester optimiste, et souligne l’accueil qui lui a été fait par la nouvelle direction. « Il y a une volonté de changement et une prise de conscience. » Le député fait également le lien entre les deux : « Ce sont les difficultés de moyens qui créent de la pression partout, y compris sur les équipes de cadres. »

« Dites à Paris qu’on a besoin d’aide ici, la psychiatrie a besoin de renforts et de moyens », lance la chef de pôle de l’unité Augustin au député Emmanuel Fernandes. Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

L’élu glisse enfin qu’il participera au projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin justement de donner plus de moyens à l’hôpital. « Il faut absolument sortir de cette logique du domaine marchand. »

L’État enclenche le confinement définitif de Stocamine

L’État enclenche le confinement définitif de Stocamine

Après avoir reçu des élus alsaciens mercredi, l’État a débuté la procédure permettant le confinement définitif des déchets sous la nappe phréatique à Stocamine. Une étape obtenue après avoir fait miroiter aux associations environnementalistes une nouvelle mission d’étude.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, comme ses prédécesseurs ne peut pas faire grand chose pour la transition écologique de la France. Mais il peut servir à enterrer des dossiers dont plus aucun ministre ne veut entendre parler. Et c’est exactement ce qu’il va faire avec Stocamine, cette gigantesque poubelle souterraine près de Mulhouse (lire tous nos articles) où 42 000 tonnes de déchets ultimes menacent de polluer la plus grande nappe phréatique d’Europe.

Christophe Béchu a cherché à convaincre mercredi 26 juillet des élus alsaciens qu’il n’y avait plus aucun espoir de remonter ces déchets, même une partie, en raison de l’effondrement des galeries. Ces élus sont sortis de cette entrevue « en colère » mais « résignés » selon un compte-rendu dans les Dernières nouvelles d’Alsace. Les parlementaires de la majorité, Bruno Fuchs, député (Modem) du Haut-Rhin et Patricia Schillinger, sénatrice (Renaissance) du Haut-Rhin, assurant même le service après-vente en évoquant sans rire « un déstockage dans 30 ou 50 ans, quand les techniques le permettront. »

Alsace Nature vote contre

En attendant que des robots plus intelligents que nous ne s’attaquent à ce problème, Alsace Nature a voté contre un projet d’arrêté autorisant le confinement définitif jeudi 27 juillet, lors d’une réunion du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) du Haut-Rhin. Cet arrêté, permettant de débuter les travaux à Wittelsheim, est attendu à l’automne.

Président d’Alsace Nature Haut-Rhin, Dominique Klein a rappelé au préfet du Haut-Rhin les efforts de l’État pour obtenir un confinement définitif, malgré l’opposition des élus alsaciens et d’une large part de la population :

« Dans ce dossier l’Etat aura fait passer un amendement dans la loi de finances qui a fini censuré par le Conseil constitutionnel, pris un décret modifiant le Code de l’environnement pour supprimer l’obligation de recourir à une tierce expertise, qui est toujours contesté par nos soins devant le Conseil d’État et au travers de ce projet d’arrêté, nous pouvons tous voir que l’acharnement à fuir vos responsabilités est toujours d’actualité. »

Le puits Joseph de Stocamine en 2019 Photo : Claude Ruisselet / FlickR / cc

Alsace Nature a rappelé que l’état actuel des mines est largement à imputer à l’État, actionnaire unique de la Société des mines de potasses d’Alsace qui a laissé l’état des galeries se dégrader depuis 2017 et qu’en Allemagne, le déstockage de déchets radioactifs d’une ancienne mine de sel a été décidé malgré des conditions difficiles.

Dominique Klein a appelé à voter contre le projet d’arrêté préfectoral et a demandé que les 26 membres du Coderst votent à bulletins secrets. Le Coderst est composé de quatre collèges (représentants des services de l’Etat, représentants associatifs, représentants des collectivités territoriales et personnalités qualifiées). Le vote à bulletins secrets a été refusé par Alain Charrier, sous-préfet de l’arrondissement de Mulhouse et président de la séance. 17 membres ont voté en faveur du projet d’arrêté, 6 contre dont le représentant de la Collectivité d’Alsace.

À la Meinau, la désertion des commerces de proximité

À la Meinau, la désertion des commerces de proximité

Sur la place de l’Île-de-France et dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, les habitants observent un déclin de l’offre commerciale. La rénovation du quartier se fait attendre, alors que de nombreux baux commerciaux ont été annulés.

En juillet, place de l’Île-de-France et alentours, une dizaine de commerces de proximité proposent leurs services aux habitants de la Meinau. Parmi eux : deux pharmacies, deux boulangeries, un bureau de tabac, un café, un opticien, un garage automobile, un restaurant et un coiffeur.

D’après une habitante octogénaire, installée dans le quartier depuis son enfance, la place de l’Île-de-France comptait toutes sortes de commerces autrefois : coiffeurs, boulangeries, boucheries, épiceries, magasin de chaussures, de vêtements, etc. « C’était un quartier bien garni, avec beaucoup de commerces, qui ont fermé les uns après les autres. Maintenant, on s’ennuie. À part le parc, on ne sait pas où aller. »

D’après elle, « les habitants de la Meinau n’ont pas les moyens d’acheter dans ces boutiques. La boucherie, par exemple, c’était trop cher. Alors, on va à Auchan. C’est de moins bonne qualité, ça se conserve moins, mais c’est moins cher », explique-t-elle.

La boucherie Frick-Lutz, 3 place de l’Île de France, fermée depuis 2020 Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Sept rideaux fermés

La boucherie « Frick Lutz », qui se situait au 3 place de l’Île-de-France, a fermé ses portes définitivement en 2020. Une auto-école était également présente au numéro 5 de la place, sa fermeture a permis à la boulangerie Banette située juste à côté de s’agrandir, selon la patronne, Diana Leblond.

La boulangerie Banette, située au 5 place de l’Île de France Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Le salon de thé « La Canastel », installé autrefois au 31 avenue de Normandie, a lui aussi fermé définitivement ses portes entre 2018 et 2020, sans trouver de repreneur.

La Canastel, ancien salon de thé située au 31 avenue de Picardie Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Ces fermetures s’ajoutent à celles du bloc de la rue de Champagne, qui doit être entièrement reconstruit dans le cadre du Nouveau plan de renouvellement urbain (NPRU), une vaste opération de rénovation prévue dans le quartier depuis 2015… Mais en attendant, ces rideaux fermés s’ajoutent aux précédents, ajoutant au sentiment de désertion des commerçants.

Ainsi, Christiane, une quinquagénaire habitante du quartier « depuis toujours » se souvient que lorsqu’elle était petite, elle allait faire réparer son vélo dans un magasin de la rue. « La Cantine », un restaurant qui avait ouvert en octobre 2009 a cessé son activité le 16 mai 2023.

Ancien magasin de vélo situé dans la Rue de Champagne Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Le salon de coiffure SO’Hair, situé au 4 Rue de Champagne, fermé depuis 2017 (Photo Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc)

La Cantine, restaurant « rapide » situé rue de Champagne, fermé depuis mai 2023. Photo : Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc
L’épicerie et boucherie Aslan Market, aujourd’hui située au 3 rue de Picardie Photo : Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc

L’épicerie et boucherie « Aslan Market », qui existait dans ce bloc depuis 2012, a déménagé pour aller s’installer 600 mètres plus loin, rue de Picardie près du parc Schulmeister. M. Aslan, le propriétaire des lieux, a abandonné ce local pour quelque chose de « plus moderne et de plus spacieux » dit-il. Un salon de coiffure, « SO’Hair » qui existait à quelques pas a fermé en 2017.

Le dernier salon de coiffure « Studio M’Tiffs », rue de la Canardière depuis plus de vingt ans, pourrait fermer ses portes « d’ici deux ans maximum » selon la propriétaire des lieux, Martine Fleurival qui évoque une forme de lassitude professionnelle.

Une rénovation urbaine qui se fait attendre

Selon Mathieu Cahn, ancien adjoint au maire (PS) du quartier de la Meinau, la question du commerce à la Meinau a toujours été « un enjeu identifié, avec ses difficultés ». Le principal problème, d’après lui, c’est que la zone de chalandise n’est pas assez développée pour que les commerces puissent subsister.

Selon l’ancien élu, le Nouveau plan de rénovation urbaine (NPRU) a pâti de la crise sanitaire et du changement de municipalité en 2020. Un retard dans les livraisons de nouveaux logements qui aurait « amené beaucoup de gens qui avaient acheté et investi dans le quartier à revendre à qui ils peuvent » :

« Il y a trois raisons à la baisse d’attractivité du quartier. La clientèle alentour reste précaire, les loyers des locaux commerciaux sont trop élevés, et les politiques publiques tardent à répondre. À ça viennent s’ajouter les conjonctures, l’inflation et la perte de pouvoir d’achat. Vous mettez tout ça dans un shaker et dans un quartier comme la Meinau, le commerce est très difficile. »

Les atermoiements d’Alsace Habitat

Abdelkarim Ramdane, référent du quartier de la Meinau depuis 2020, répond que la rénovation « n’a jamais été à l’arrêt malgré le changement de majorité municipale ». Le problème, selon lui, viendrait surtout des négociations avec Alsace Habitat, le bailleur social de la Collectivité d’Alsace, qui détient la plupart des locaux commerciaux du quartier :

« Sur la place de l’Île-de-France, on a beaucoup de locaux commerciaux inutilisés depuis des années. Avec les équipes de la direction du territoire, on avait trouvé des psychologues pour s’installer dans l’un d’eux. Tout était ok mais au dernier moment, un jour avant la visite, Alsace Habitat a tout annulé car ils avaient finalement d’autres projets ».

Abdelkarim Ramdane, qui tente de faire le lien entre des repreneurs et Alsace Habitat, avoue que les relations avec le bailleur social du Département rendent son travail « compliqué » :

« La question de la collaboration avec ce bailleur est primordiale. On attend une nouvelle direction et une stabilité pour continuer le travail avec eux. »

Des travaux de mises aux normes, notamment pour l’accès des personnes à mobilité réduite, ont tardé à être réalisés par le bailleur social. Contactée, la direction d’Alsace Habitat était injoignable.

Pour Dileck Yildiz, gérante du PMU de la Canardière, installée depuis 2015, les incivilités et l’insécurité du quartier font partie du problème :

« D’abord les habitants partent et, comme il y a moins de clients, les commerces suivent. Il n’y a pas assez d’entretien des espaces verts non plus, donc, de ce côté là aussi il faut se battre. C’est un quartier sensible, avec beaucoup de dégradations. Même moi j’irais m’installer ailleurs si je le pouvais. »

L’ancien ministre de l’Éducation Pap Ndiaye nommé ambassadeur à Strasbourg

L’ancien ministre de l’Éducation Pap Ndiaye nommé ambassadeur à Strasbourg

La présidence de la République a nommé Pap Ndiaye, éphémère ministre de l’Éducation du gouvernement Borne, représentant de la France auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg.

Nommé ministre de l’Éducation nationale en mai 2022, débarqué du gouvernement le 20 juillet, Pap NDiaye, est le nouveau représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Ce lot de consolation pour cet universitaire de 57 ans, spécialiste des minorités et de l’histoire coloniale, ancien directeur du palais de la Porte Dorée, a été officialisé en conseil des ministres du mercredi 26 juillet à l’Élysée. Le compte-rendu précise en outre qu’il viendra à Strasbourg dès le 1er août avec la qualité d’ambassadeur.

Pap Ndiaye au palais de la Porte Dorée Photo : Anne Volery

Pap Ndiaye succède ainsi à Marie Fontanel, ancienne conseillère santé d’Emmanuel Macron jusqu’en décembre 2019, nommée ambassadrice de France aux Philippines. Il devrait s’installer dans la villa construite par Julius Oppenheimer en 1917 et occupée par la France depuis 1966, au 40 rue de Verdun près de l’Orangerie.

La villa Oppenheimer Photo : Wilfred Helmlinger / ArchiWiki / cc

Barbecue solidaire des salariés de Clestra en grève jeudi

Barbecue solidaire des salariés de Clestra en grève jeudi

Alors qu’entre 100 et 130 salariés de Clestra sont en grève depuis le 3 juillet pour protester contre leur nouvelle direction, ils tiennent un barbecue solidaire ce jeudi 27 juillet devant leur usine, afin de récolter des fonds pour une caisse de grève.

La lutte des salariés de Clestra contre une direction mutique leur coûte beaucoup d’argent. Un mois de salaire déjà, pour les ouvriers en grève depuis début juillet. Afin de récolter des fonds pour leur caisse de grève, les salariés mobilisés de Clestra organisent un barbecue solidaire, jeudi 25 juillet à partir de 11h, devant leur usine à Illkirch-Graffenstaden.

L’usine Clestra à Illkirch-Graffenstaden en juin 2011 Photo : Google Maps

À l’appel du syndicat CGT, les salariés de l’usine de production de cloisons s’étaient mis en grève lundi 3 juillet pour dénoncer un nouveau licenciement, qu’ils estiment abusif et surtout qui s’ajoute aux dizaines d’autres qui ont amené les effectifs de l’entreprise de 300 à quelque 150 salariés depuis la reprise par le groupe Jestia en octobre 2022.

Les salariés multiplient les actions publiques (manifestations, rassemblements) et les médiations à la Direction régionale de l’économie (Dreets) afin d’obtenir des réponses de leur direction quant à ses plans pour l’avenir de Clestra. Le groupe Jestia, spécialisé dans la gestion d’établissements de santé et le mobilier de collectivités, prévoit de relocaliser l’usine de Clestra au port du Rhin à Strasbourg, dans des locaux cinq fois plus petits. Cette restructuration inquiète les salariés, qui craignent qu’une partie de la production ne soit affectée à d’autres entreprises du groupe Jestia.

Mais la direction de Jestia n’offre aucune garantie aux salariés. Contactée à de multiples reprises par Rue89 Strasbourg, elle n’a pas répondu à nos sollicitations.

À Schirmeck, les pompiers volontaires en première ligne face à la forêt desséchée

À Schirmeck, les pompiers volontaires en première ligne face à la forêt desséchée

Le Bas-Rhin n’a pas été épargné par les feux de forêts qui ont dévasté en 2022 des dizaines de milliers d’hectares en France. Sur le front délicat de la sécheresse, comme à Schirmeck, ce sont majoritairement des pompiers volontaires qui s’engagent et se dédient à protéger la forêt vosgienne.

Au cœur de la Vallée de la Bruche, la brigade de Schirmeck n’est composée que de pompiers volontaires. Soixante-dix sapeurs-pompiers qui, au quotidien, « prennent sur leur vie personnelle ou leurs congés », pointe avec une once de fierté le lieutenant-colonel Tom-Olivier Martin, attaché au Service d’incendie et de secours du Bas-Rhin et dépêché à Schirmeck à l’occasion de notre visite.

Une forêt vosgienne « disposée à s’embraser »

Jusqu’alors épargné par les feux de forêt, le département a dû faire face en 2022 à des incendies d’une ampleur inédite. En cause : le réchauffement climatique et une période de forte sécheresse, de rigueur également en 2023. Dans le massif des Vosges, près de 150 hectares ont été ravagés par les flammes en 2022. « Le vent, la chaleur ou la faible humidité n’ont jamais mis le feu », constate le capitaine Alain Charlier – le chef de la caserne de Schirmeck – en affichant une mine préoccupée. Il poursuit, les lèvres pincées :

« Il y a vingt ans, un mégot n’allumait pas de feu de forêt. Aujourd’hui, tout s’enflamme plus vite, comme si la végétation était disposée à s’embraser. »

Depuis le début de l’année, dans le département du Bas-Rhin, le Lt-Col Tom-Olivier Martin comptabilise 171 feux de broussaille. « Soit quatre fois plus que l’an passé sur la même période, qui était déjà très sensible », déplore-t-il. Rien qu’en juin, il dénombre 43 départs de feu, six fois plus qu’au même moment l’année dernière. Face à ces chiffres inquiétants, le colonel précise avoir reçu à chaque fois « une alerte précoce » et « avoir pu engager des moyens rapidement ». « Pour l’instant », insiste-t-il, avant de lâcher d’un ton grave :

« Nous ne fanfaronnons jamais. Ça, nous pourrons le faire une fois la saison terminée. »

Dans la caserne de Schirmeck, vingt-huit pompiers volontaires sont formés aux feux de forêt, soit deux pompiers sur cinq. Alain Charlier met en avant l’intérêt que son équipe porte à la formation :

« Beaucoup de nos pompiers se sentent concernés. Sans doute parce qu’à Schirmeck, nous sommes entourés de forêts. Et puis, il y a une volonté du personnel. Mais les places sont chères, c’est presque une lutte pour dénicher des stages dans ce domaine. »

Patrick Kauffer, sapeur sur le point de partir en mission et Alain Charlier, chef de la caserne de Schirmeck Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Dans le département, la situation n’est guère différente. Sur les 800 sapeurs pompiers qui ont la formation feux de forêt, 93% sont des volontaires (576 pompiers volontaires et 168 ont le double statut).

« On ne sait jamais ce qui nous attend »

Après cet état des lieux, le chef de caserne revient sur un incendie, mardi 13 juin dans la forêt de Bois-de-Champ, qui a détruit trente hectares de la forêt vosgienne :

« Nous nous sommes retrouvés avec des projections qui s’étalaient sur cinquante mètres au-dessus de nos têtes. On a comptabilisé trois sautes de feu (de nouveaux foyers, NDLR). C’est gérable mais dans une situation comme celle-ci, on comprend que nous pourrions vite être débordés. Ça nous sert d’avertissement. »

Lors de cette intervention, les pompiers sont restés mobilisés pendant deux jours. Rien n’indique combien de temps durera une mission, atteste Alain Charlier qui se remémore l’opération où il avait été envoyé en renfort pour des feux particulièrement dévastateurs à Nice. Finalement, il était resté là-bas une semaine.

Les pompiers volontaires en retour de mission. Derrière eux, la vierge de la vallée de la Bruche : « Comme à Marseille, Schirmeck est protégée par ses pompiers volontaires et notre bonne mère » plaisante le colonel Martin Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Dans ce type de mission, pour Alain Charlier, une seule chose fait tenir les soldats du feu :

« Les missions sont toujours très longues. En moyenne, c’est quinze heures de boulot par jour avant la relève et on arrive sans savoir combien de temps on va rester… Mais avec l’entraide et la solidarité que l’on retrouve en permanence sur le terrain, tout est plus facile. »

Dans la caserne de Schirmeck, le travail en équipe est gravé dans toutes les consciences. Le chef développe un peu plus tard :

« On est bien autre chose qu’un club de foot. On entretient la cohésion en se retrouvant en dehors de nos services. On aide celui qui doit faire des travaux chez lui. On se remplace mutuellement. Chacun se rend service. Comme on ne sait jamais ce qui nous attend sur le terrain, il y a cet esprit de corps qui nous lie tous. »

Engagés sur tous les fronts

Alain Charlier rentre dans le rang des sapeurs-pompiers à seize ans, dès l’âge légal. D’abord volontaire pendant 21 ans, à Paris en tant que sous-officier puis en tant que responsable technique à Schirmeck jusqu’à devenir capitaine. La formation aux feux de forêt allait de soi pour cet homme de quarante et un ans. Comme s’il en était du ressort de l’évidence, Il indique en haussant les épaules :

« Quand on s’engage en tant que pompier volontaire, ce n’est pas à moitié. C’est sur tous les terrains que j’ai voulu me rendre utile. »

Sandra Dos Santos Lucas fait partie des pompiers de la caserne formés aux feux de forêt. Comme son chef, Sandra est devenue sapeur pompier volontaire dès l’âge de 16 ans. « Depuis que je suis toute petite, j’ai la passion des camions rouges et du secours à la personne », confie-t-elle, sous l’œil bienveillant de la responsable de communication du SDIS. Cette sergente de 25 ans explique avoir été particulièrement affectée par un épisode de sa jeunesse, lorsqu’elle était au Portugal :

« J’ai été témoin d’un feu de forêt qui sévissait et qui a été suffisamment conséquent pour qu’on doive vider le lac qui se trouvait à côté. Ça m’a rendu très triste, il était magnifique cet endroit. Je me suis dit ensuite que je ne voulais pas que ça arrive à la nature alsacienne, dans laquelle je me promène et que j’aime. »

Lorsque Sandra Dos Santos Lucas est appelée pour intervenir sur un feu de forêt, elle le prend comme une occasion de se montrer utile :

« Aller éteindre un feu, c’est une belle expérience malgré les dégâts. En fait, je suis heureuse de pouvoir protéger, que ce soit les personnes ou nos forêts. »

« Je suis heureuse de pouvoir protéger. Que ce soit les personnes ou la forêt », Sandra Dos Santos Lucas Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Une formation exigente

Sandra Dos Santos Lucas a passé sa formation feux de forêt (FDF) il y a sept ans, deux ans après être entrée à la caserne de Schirmeck. Cette formation comporte cinq niveaux d’aptitudes. Après une semaine de stage, Sandra a validé le premier palier – aussi appelé « équipier » – et est chargée lors des missions, comme le résumait le lieutenant Martin, de « tirer les tuyaux dans la pampa ». Pour cela, elle raconte avoir « dû opérer un travail personnel » :

« Les tuyaux que l’on porte sur le dos, ce qu’on appelle les clés de portage, pèsent 30 kilos. Comme on n’a pas forcément tous les mêmes conditions physiques, je me suis beaucoup entraînée. Deux à trois fois par semaine, je faisais un petit tour dans Schirmeck avec cette charge, et je finissais par une pente. »

Après six ans d’expérience au sein des pompiers, le FDF1 peut valider le deuxième niveau et devenir chef agréé d’un engin feu de forêt. Le FDF3 commande les quatre camions déployés. Une seule école en France fait passer ce stage et dans des « conditions très difficiles », pointe le Lt-Col Tom-Olivier Martin :

« Ils s’appuient sur un scénario qui a déjà eu lieu dans le Sud de la France, tout en le pimentant un peu. La pression là-bas est dingue et elle est nettement voulue. »

Le lieutenant-colonel Martin rappelle que la solidarité nationale de ces dernières décennies leur donne « une expérience pour les feux à venir » Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Le niveau quatre fait passer le pompier en chef de colonne et le FDF5 « organise le bazar », explique le colonel : « celui qui commande aujourd’hui a tiré les tuyaux il y a vingt ans ». Concernant la caserne de Schirmeck, Alain Charlier a validé le troisième niveau, onze pompiers sont chefs agréés et les seize autres équipiers.

Aux volontaires d’allier leur emploi du temps

Employé comme assistante de régulation médicale au Samu du Bas-Rhin douze heures par semaine, Sandra Dos Santos Lucas prend dans la caserne de Schirmeck trois gardes de six heures chaque semaine. À cela s’ajoute, chaque mois, sa semaine d’astreinte où elle se rend disponible dès que « le bipeur sonne ». Inscrite en renfort extra-départemental en cas de feux de forêt, elle devra poser au Samu des jours de congés pour défendre la nature de l’hexagone. « C’est à moi d’allier mon emploi du temps avec eux », souligne la sergente. « Tous les employeurs ne libèrent pas leurs sapeurs-pompiers comme ça », soupire le colonel Martin.

Au-delà de cette armée de volontaires, le chef de la caserne de Schirmeck s’appuie sur l’Office national des forêts (ONF) : « Ils connaissent la forêt comme leur poche. Il y a une dizaine de maisons et de gardes forestières autour de nous et l’on se voit tout au long de l’année ». Avec le retour d’expérience de 2022, la préfecture a mis en place un réseau de sentinelles volontaires, chargées de surveiller la forêt, repérer les départs de feux et sensibiliser aux bons comportements. Une question de bonne volonté, diront-ils.

L’Eurométropole de Strasbourg sonde les problèmes de logement des Strasbourgeois

L’Eurométropole de Strasbourg sonde les problèmes de logement des Strasbourgeois

L’Eurométropole de Strasbourg a mis en ligne un questionnaire, afin d’affiner un guide à venir pour mieux répondre aux questions que se posent les Strasbourgeois sur leur logement, actuel ou futur.

La Ville et l’Eurométropole de Strasbourg s’intéressent enfin au problème numéro 1 d’une large partie des Strasbourgeois : le logement. Avec des prix à l’achat (+16,2% en deux ans) et à la location (+10% en quatre ans) qui ont très fortement augmenté, l’accès à un logement décent est devenu un sérieux problème pour toute la classe moyenne strasbourgeoise, tandis que la crise du mal-logement demeure pour les catégories les plus démunies.

Le centre-ville est devenu particulièrement inaccessible, avec des prix à l’achat qui atteignent 5 à 6 000€ du mètre carré, sans que les vastes programmes d’aménagement comme l’axe Deux-Rives ne parviennent à enrayer la hausse des prix. Les petits logements sont devenus bien trop rares à la location en raison de la pression des quelques 60 000 étudiants, des meublés touristiques et des institutions européennes dans certains quartiers.

Se loger devient chaque année plus compliqué à Strasbourg Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg / cc

Politiques publiques inexistantes

Cette situation perçue comme endémique par les élus depuis plusieurs mandats n’a guère provoqué de politiques publiques fortes, sauf quelques mesurettes contre les meublés touristiques très largement contournées. Pourtant, assure Lucie Rodes, cheffe du service Habitat, l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) propose des dispositifs en mesure d’aider les Strasbourgeois dans leur quête de logement ou d’amélioration de leur cadre de vie :

« On remarque que l’information sur l’habitat et le logement est difficile à trouver, et que plusieurs sites proposent des services payants, pas toujours adaptés voire parfois malveillants. Cette situation empêche les Strasbourgeois d’accéder à nos services d’aides, de subventions ou à nos programmes. Il en va de la qualité du service public et c’est pourquoi nous réfléchissons à proposer un outil d’informations fiables et efficace sur les questions de logement et d’habitat. »

Avant de proposer cet outil, sur lequel Lucie Rodes reste volontairement évasive, le service Habitat de l’EMS cherche à dresser une cartographie des besoins en informations des Strasbourgeois. Le service a mis en ligne un questionnaire à cette fin, de quelques minutes, sur le site strasbourg.eu. Disponible jusqu’au 15 septembre, le questionnaire fait le tour de la situation personnelle des participants puis demande comment ils ont trouvé des informations sur leurs projets passés, en cours ou à venir. Le formulaire s’adapte à la situation des participants (propriétaire, locataire…) mais évite soigneusement les questions financières… comme si elles n’avaient aucun rôle dans les difficultés des Strasbourgeois pour se loger, ou leurs capacités à se projeter.

Les résultats de cette consultation seront partagés en décembre, assure un communiqué de l’Eurométropole. Étant donné la difficulté d’obtenir des informations sur l’immobilier, et alors que ni l’observatoire des loyers de l’Adeus, ni la Chambre des notaires du Bas-Rhin ne publient leurs chiffres, il est à espérer que ces résultats là au moins seront véritablement partagés.

Le cinéma Star Saint-Exupéry va fermer une année en 2025

Le cinéma Star Saint-Exupéry va fermer une année en 2025

D’importants travaux de rénovation doivent être entrepris dans le bâtiment qui abrite le cinéma Star Saint-Exupéry. Ils sont prévus à partir de 2025 et nécessiteront la fermeture du cinéma et du bar attenant pendant au moins un an.

En mars 2023, la Ville de Strasbourg a voté l’inscription à son budget d’investissement la somme de 7,5 millions d’euros pour rénover son bâtiment sis au 18 rue du 22-Novembre au centre-ville. Ce bâtiment contient le cinéma Star Saint-Exupéry, le Café du 7e art, des bureaux et quelques logements. Tout doit être revu : les éléments patrimoniaux, les éléments techniques et les réseaux. Ils doivent en outre permettre au bâtiment de respecter les dernières normes de sécurité, et l’accès à toutes les salles des personnes à mobilité réduite.

Les études de programmation ont déjà débuté, le maître d’œuvre doit être désigné au cours de l’été. Les études devraient prendre une année, entre le 3e trimestre 2023 et le 3e trimestre 2024, puis les travaux devraient débuter en janvier 2025. Ils doivent durer un an et nécessiteront l’arrêt complet des activités dans le bâtiment, c’est à dire pour le public : la fermeture du cinéma et du bar.

La façade du Star Saint-Ex ne devrait guère évoluer visuellement Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
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Un mois de grève à Clestra, les salariés appellent l’État à l’aide

Un mois de grève à Clestra, les salariés appellent l’État à l’aide

Les 120 salariés de Clestra en grève manifesteront mardi devant le tribunal et la préfecture, afin d’interpeller l’État sur une situation bloquée depuis le 3 juillet.

En grève depuis lundi 3 juillet, des salariés de Clestra appellent à une manifestation de soutien mardi 25 juillet et à une médiation de l’État. L’usine de cloisons intérieures basée à Illkirch-Graffenstaden est à l’arrêt depuis près d’un mois. Selon la CGT, seuls deux salariés sur les 120 que compte la ligne de production ont repris le travail.

Le conflit a débuté après un licenciement jugé abusif par le syndicat CGT de l’entreprise, qui accuse la nouvelle direction de Clestra de mener un plan social sans l’avouer. En difficulté, Clestra avait été repris par le groupe Jestia en octobre 2022, spécialisé dans le mobilier de collectivités, avec la promesse de maintenir 283 emplois sur les 369 que l’entreprise comptait alors. À ce jour, Clestra n’emploie plus que 150 personnes à Illkirch-Graffenstaden.

Les salariés de Clestra ont déjà organisé deux manifestations publiques devant la Direction de l’économie à Strasbourg Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Les représentants du syndicat CGT, François Hennrich et Amar Ladraa, demandent à Jestia de fournir des éléments objectifs sur leur plan de continuité pour leur site de production strasbourgeois. Jestia ayant des filiales dont les activités sont proches de celles de Clestra, les salariés craignent des regroupements, d’autant qu’un déménagement est prévu sur un nouveau site au port du Rhin à Strasbourg, cinq fois plus petit.

Malheureusement, la direction de Jestia ne semble fournir aucune réponse aux salariés et aux syndicats. Deux médiations devant la Direction régionale de l’économie se sont soldées par des échecs. Contactée par Rue89 Strasbourg, la direction n’a pas non plus répondu à nos questions.

Dans ces conditions, les salariés mobilisés s’apprêtent à boucler un mois de juillet sans salaire. Ils appellent à une nouvelle mobilisation mardi 25 juillet à 9h, devant le tribunal puis l’hôtel de la préfecture cette fois, et à soutenir leurs efforts via une caisse de grève, en ligne et par envois postaux (voir ci-dessous).

Violences sexistes et sexuelles à la Croix-Rouge du Bas-Rhin : victimes ignorées et lanceurs d’alerte suspendus

Violences sexistes et sexuelles à la Croix-Rouge du Bas-Rhin : victimes ignorées et lanceurs d’alerte suspendus

La direction territoriale de la Croix-Rouge du Bas-Rhin est alertée depuis au moins 2021 de cas de violences sexistes et sexuelles commis en interne. La direction nationale a diligenté une enquête. Mais à l’issue, victimes et bénévoles se sentent ignorés, voire accusés d’avoir parlé.

La Croix-Rouge du Bas-Rhin, une association composée de 600 bénévoles, est confrontée à une sérieuse crise interne. Au moins trois hommes, dont deux ayant des fonctions d’encadrement ou d’accueil, sont accusés de viols, violences sexistes et de propos misogynes.

Rue89 Strasbourg a enquêté, consulté une série de documents (mails, rapports de mission interne, sondages, attestations de témoin, vidéo…) et interrogé plusieurs témoins de ces faits, ceux qui ont osé braver la « puissante omerta » qui en a poussé d’autres à renoncer.

Maraude de la Croix-Rouge, département des Yvelines, janvier 2017 (Photo FlickR / cc).

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Cyclistes frustrés à la Vélorution « inter-quartiers »

Cyclistes frustrés à la Vélorution « inter-quartiers »

La vélorution du vendredi 21 juillet a été très frustrante pour ses participants. L’itinéraire ne correspondait plus aux axes dont les aménagements devaient être dénoncés et les cyclistes ont dû rester sur les pistes cyclables, afin de ne pas gêner la circulation automobile.

Vendredi 21 juillet en fin d’après-midi, des cyclistes en tout genre se massent près de la passerelle des Deux-Rives, au Port du Rhin. Vélos couchés, courbés ou surélevés, munis d’une cargaison ou d’une enceinte, strasbourgeois ou venus d’ailleurs écoutent avec attention les porte-paroles de l’association Strasbourg à vélo.

Une vélorution sans occupation

À l’origine de cet appel, Benoît Écosse et Alice Guiffard rappellent les modalités quelques peu particulières pour cette cinquième « vélorution » organisée à Strasbourg depuis le début de l’année. Dépités par un itinéraire modifié lundi par la préfecture, les organisateurs se désolent de ne pas pouvoir passer par les axes sur lesquels ils entendaient démontrer leur inadaptation à la circulation cycliste. Deuxième mauvaise nouvelle et c’est une première : les participants devront rester sur les pistes cyclables. Une perte de « l’essence même de la masse critique », développera Benoît Écosse un peu plus tard :

« Le principe de la vélorution est d’occuper l’espace sur la chaussée pour contrebalancer le monopole de la voiture. C’est comme ça qu’on a pu obtenir des pistes cyclables sur l’avenue des Vosges. Si on ne peut pas militer sur ces espaces pour un meilleur partage, le message revendicatif ne peut pas passer. »

L’arrivée des vélos surélevés à la passerelle des Deux-Rives Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Top départ pour la vélorution, sur les airs du groupe australien King Gizzard Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

A l’apparition de deux vélos surélevés, les quelques « bouh » qui ont accueillis les contraintes annoncées disparaissent au profit des « hourras » et des sonnettes qui retentissent. Quelques minutes s’écoulent, puis les coups de sifflet tintent et la vélorution se met en route. À l’arrière, le cortège est entraîné sur les airs de King Gizzard and the Wizzard Lizard – un groupe australien de rock progressif – qui apporte aux premiers coups de pédales un côté lyrique et chevaleresque. Sur leur visage, caressés par une fine brise de vent, se dessinent peu à peu de larges sourires.

Des contraintes appliquées avec fermeté

Très rapidement, la manifestation ralentit, contrainte à chaque intersection de s’arrêter et d’attendre patiemment avant de pouvoir repartir. « C’est n’importe quoi, on ne fait que gêner les cyclistes et les piétons, alors qu’on ne voit quasiment aucune voiture », scande un cycliste auprès d’un policier, chargé de sécuriser les intersections.

Les cyclistes dans l’attente que l’avant du cortège se débloque Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Nouvel arrêt, rythmé par la sono de Bike’n’sound Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Après le pont d’Anvers, quelques cyclistes commencent à investir la chaussée sur l’avenue de la Forêt-Noire, où la circulation automobile est absente. Dans l’harmonie des sonnettes et rejointe par les autres cyclistes, la file de vélos se transforme en une masse conséquente emplie d’éclats de rire et d’une liberté diffuse. Un bref instant de joie stoppé à la seconde intersection. Les policiers prennent à part les organisateurs de Strasbourg à vélo, qui annoncent :

« On nous impose de rappeler à tous les participants de revenir sur la piste cyclable sans quoi nous devrons stopper la manifestation. »

Un skate-board se distingue des deux roues, avec le symbole du mouvement Extinction Rebellion Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Benoît Écosse rappelle qu’il est habituel d’occuper la chaussée avec les vélorutions :

« On l’a perçu comme une gestion autoritaire de la manifestation, on ne s’attendait pas à ce niveau de fermeté des policiers, ni à la menace que la manifestation soit arrêtée. Que ce soit chez les responsables et les vélorutionnaires, on a ressenti de la frustration et de l’incompréhension. »

« Au dépens des autres mobilités »

Pour le membre de l’association, la décision de la préfecture vise à « ne surtout pas déranger le trafic automobiliste au dépens de ceux qui font le choix d’autres mobilités ». Il fait ici référence aux nombreux cyclistes et à la personne en fauteuil roulant croisés dans l’autre sens, gênés par l’ampleur du cortège formé par les quelques 200 cyclistes selon Strasbourg à vélo.

Les cyclistes en route vers la place de Bordeaux Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Résignés, les participants se remettent en route sur les basses de Bike’n’sound en prenant garde de ne pas déborder des pistes cyclables. La vélorution atteint la place de Bordeaux où une pause avait été annoncée. L’occasion pour les cyclistes d’échanger un peu et de se rencontrer, puisqu’ils ne peuvent pas se parler sur les pistes.

L’un reproche à la préfecture « l’excuse de l’heure de pointe » : « on est en juillet, les gens sont en congés, ça ne tient pas la route », lâche-t-il agacé. À côté de son vélo-cargo, Pierre, 42 ans, en profite pour afficher son désarroi :

« Rester sur les pistes crée des embouteillages de dingue, c’est hyper contraignant et on se gêne les uns les autres. Chacun fait son petit itinéraire l’un derrière l’autre, c’est pas marrant. On n’a pas le sentiment d’être ensemble, en fait. Par la puissance du nombre, on aurait dû avoir notre place sur la route. »

Les coups de sifflets marquent la reprise de la manifestation, direction Koenigshoffen où se déroule un festival de la contre-culture vélo, Cyclocamp. Les policiers pressent les derniers du cortège afin de ne plus avoir à bloquer l’intersection. À l’allure tranquille, la vélorution reprend en longeant le quartier de la gare puis les nombreux jardins aux douces odeurs fleuries, s’interrompt de temps en temps avant de reprendre au gré des feux rouges.

Le cortège arrive finalement à destination, après deux bonnes heures de déambulation lente et entrecoupée. Les vélos envahissent le site du festival, parc Saint-Gall, ce qui remplit de joie ses organisateurs. L’un d’eux, Fabien Morin, commente tout souriant :

« C’est vraiment une belle surprise de voir tout ce monde arriver d’un coup ! On n’avait aucune idée du nombre que nous serions parce que beaucoup d’étrangers sont venus directement de la vélorution. »

L’amertume de ne pas avoir obtenu « la liberté désirée », comme le résume Benoît Écosse, se dissipe peu à peu alors que les balances résonnent avant que les musiciens lancent les festivités du Cyclocamp.

Après les émeutes, le blues des élus de quartiers

Après les émeutes, le blues des élus de quartiers

La période d’émeutes urbaines qui a suivi la mort de Nahel a mobilisé les élus référents de quartiers. Mais elle a aussi mis en évidence les limites cruelles de leurs fonctions.

« Élu de quartier, c’est vraiment un truc bizarre quand même. » Au bout d’une heure d’entretien à la terrasse d’un café, le commentaire d’Hervé Polesi sonne comme un aveu. Souvent perçu comme secondaire, voire anecdotique pour les plus cyniques, la fonction d’élu référent de quartier n’est pas exactement le mandat le plus séduisant à raconter. L’adjoint à la maire de Strasbourg chargé de coordonner ces derniers le reconnaît lui-même : 

« C’est une fonction qui peut être assez ingrate, on est l’élu à portée de baffes. Mais ça peut aussi être très satisfaisant, parce que mine de rien on peut parfois changer le quotidien des gens avec des micro-actions. »

Hervé Polesi, l’adjoint chargé de la coordination des élus de quartiers. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc

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À Meisenthal, ARToPie comme lieu des possibles artistiques

À Meisenthal, ARToPie comme lieu des possibles artistiques

Vosges alternatives, notre série d’été sur la vie militante en zone rurale (3/8) – Depuis plus de 20 ans, l’association ARToPie agite les Vosges du Nord. Installé dans une ancienne fabrique de couverts à Meisenthal, cet espace autogéré dédié à la création accueille des artistes en résidence et participe à la transformation du Bitcherland.

La vue a tout d’une carte postale. Petit bourg de 700 habitants, encadré par les collines boisées des Vosges du Nord, Meisenthal se situe à une heure de voiture de Strasbourg, en Moselle. L’isolement des lieux fera préférer la voiture au train pour les visites occasionnelles.

En descendant la route serpentant vers le centre, un bâtiment s’impose au regard : celui de l’ancienne verrerie fermée à la fin des années 1960. Il accueille aujourd’hui le Centre international d’art verrier (CIAV), dont les boules de Noël font la renommée de la commune, ainsi que la Halle verrière, une salle de concert connue dans toute la région. Au cœur du village, à l’ombre des hauts murs de cette immense halle, un bâtiment d’apparence insignifiant. Sur son mur, sept lettres colorées tranchent avec la verdure environnante : ARToPie.

Le village de Meisenthal, en Moselle, situé à 70 km environ au nord-ouest de Strasbourg. Photo : AL / Rue89 Strasbourg

Un tiers lieu associatif autogéré

Centre de création artistique porté par l’association du même nom, ARToPie accueille des artistes de passage. En échange d’une somme modique et d’un peu de participation à la vie du lieu, musiciens, plasticiens et comédiens peuvent venir travailler ici. Profiter, au calme, des 2 000 m² d’espace et du matériel mis à disposition par l’association.

Ils sont une vingtaine en cette semaine du mois de juillet. Ici, une comédienne travaillant son texte, là, un musicien enchaînant quelques accords. Plus rarement, on croise un bénévole de l’association. Les artistes s’organisent librement. « On s’approprie un cadre qui est devenu familier », témoigne Claire Robert, membre du groupe de chants traditionnels À Hue et à Dia, habitué d’ARToPie. « En fin de répétition, on va donner un coup de main pour le ménage, même pour des choses qui ne nous concernent pas. » Et une autre membre du groupe, Alexandrine Guedron, de poursuivre : « On fait notre cuisine, on s’installe. Il y a quelque chose de très familial ici. »

« Un lieu propice à travailler »

Elsa Chomienne, scénographe en résidence avec le collectif Même Acabit, fait le même constat : « On se sent un peu comme chez nous quand on arrive, c’est propice à travailler dans de bonnes conditions. »

Installée dans un atelier au rez-de-chaussée, elle fabrique un masque pour une prochaine performance. Sans lever le nez de son ouvrage, Elsa reprend : « Ce côté très alternatif est plus adapté à ma façon de travailler. Dans des contextes institutionnels, on doit se plier à plus de contraintes. »

Venues de Strasbourg, les trois membres du collectif d’arts visuels vivent dans les étages du bâtiment pendant leur semaine de résidence. Seul un escalier et quelques portes séparent l’atelier de l’espace d’habitation. En haut, plusieurs chambres, des dortoirs collectifs, un salon, une cuisine et une salle de bain. Sans le grand tableau récapitulatif de l’occupation des chambres, et la tirelire « prix libre » pour la machine à laver, on pourrait se croire dans n’importe quelle colocation strasbourgeoise.

« On peut créer notre propre politique »

Simon Perot est membre du conseil d’administration d’ARToPie. Verrier de profession, il est arrivé à Meisenthal « à cause de Stéphane Bern qui tournait un téléfilm, un peu nul, dans l’univers des verreries. » Il travaille un temps au CIAV avant de découvrir le centre de création artistique. Séduit par la dynamique du lieu, il s’engage comme bénévole : « Tu files des coups de mains, puis on te demande de faire ci ou ça parce que tu connais. Et au bout de trois mois, on m’a proposé d’intégrer le CA. »

Il décrit le fonctionnement de la structure reposant sur le bénévolat : comment de l’envie d’un adhérent naît un nouveau projet collectif, ou encore les discussions sans fin sur l’organisation.

« On ne vote quasiment jamais. Le vote, c’est presque un échec, c’est que l’on n’a pas trouvé une solution en discutant. »

Simon raconte aussi comment, il y a deux ans, le seul salarié a donné sa démission. « Il se trouvait dans une position où on pouvait le voir comme un chef. Une situation en contradiction avec l’idéal d’autogestion. » Une fois l’unique salarié redevenu bénévole, les Artopiens décident de ne pas le remplacer. Renforçant de fait l’indépendance de la structure.

« En dehors du salariat, on a peu de charges. On ne dépend donc pas de subventions. Ainsi, nous ne sommes pas tributaires de la politique locale, on peut créer notre propre politique. »

Simon Perot, verrier et membre du CA d’ARToPie. (Photo AL / Rue89 Strasbourg).

Meisenthal calling

Au début des années 2000, le site est encore en friche. Salariée du mouvement d’éducation populaire Culture et Liberté, Anabelle Senger anime une troupe de théâtre. « Il nous fallait un lieu, et les municipalités n’étaient pas chaudes pour nous aider, parce qu’on était un peu les gauchos de service », se souvient Stéphane Kouvert, ancien salarié de Culture et liberté.

Une rencontre fera naître ARToPie : celle d’Anabelle et du sculpteur Stephan Balkenhol. La star de l’art contemporain est séduite tant par la jeune femme, que par son projet de créer un lieu alternatif à l’interface des arts et de l’éducation populaire. « Un soir, ma frangine m’appelle et me dit : ”On vient de voir un endroit, c’est dingue. Vient tout de suite le visiter.” On a visité toutes les deux, de nuit à la lampe torche. Le lendemain, ils l’ont acheté », témoigne la sœur d’Anabelle, Céline Senger, membre du CA d’ARToPie.

Le sculpteur devient propriétaire de l’ancienne orfèvrerie, ARToPie est née, nous sommes en 2002. 21 ans plus tard, malgré le décès d’Anabelle, le projet reste le même.

« On était dans cette idée de transmettre un savoir, que les gens deviennent autonomes, aient un sens critique, agissent par eux-mêmes. Il y a toujours ce même esprit. »

Un lourd passé de contre-culture dans le Bitcherland

À sa création, le tiers lieu ne s’installe pas sur une terre vierge d’expérimentations. Le Bitcherland possède déjà une histoire riche de contre-culture. « Le premier truc que j’ai appris ado, c’est courir ! », raconte Lucien Hullar, dit Lulu, qui se décrit volontiers comme « le premier punk de la région ».

Courir pour quoi ? « Pour fuir la violence. » Bandana à têtes de mort sur le crâne, il raconte les bagarres dantesques entre villages et sa rencontre avec le rock, dans un look épingle à nourrice et perfecto. Avec quelques amis, ils organisent des concerts à la fin des années 70. La Mano Negra, Parabellum… Autant de groupes pour lesquels il faudra « pousser les murs » des foyers de jeunes. L’initiative fait des petits et pendant les années 80 et 90 toutes les vallées résonnent aux sons des guitares saturées. « Je retrouve cette dynamique ici. »

Pour Stéphane Kouvert, le passé industriel de la région a, lui aussi, constitué un terreau fertile pour les alternatives.

« À l’époque, les ouvriers allaient à l’usine en journée et travaillaient le soir dans les champs. Ils ne pouvaient s’en sortir qu’avec une grosse solidarité. Quand ces industries ont décliné, ça a poussé les gens à se serrer les coudes. Ils se disaient qu’il fallait faire autrement et ensemble. »

Du lien social pour les gens de tous milieux

Le jeudi à ARToPie, c’est jour de marché. Dans la cour, une foule nombreuse se presse devant les étals. De la viande crépite sur un barbecue. Dans un coin, deux mamies se racontent les derniers potins du village. Malicieuses. Derrière la buvette, Daniel Maréchal, un bénévole, observe l’affluence : « Ici, on crée du lien social, il y a des gens de tous les milieux. » À côté, ses courses en main, Céline Senger commente :

« Au début, on était vus comme des extraterrestres parce qu’on créait un lieu alternatif. Ça s’est vraiment ouvert aux habitants de Meisenthal avec le marché. »

Elle raconte la peur de l’entre-soi. Les ateliers organisés pour les gamins du village, les concerts, les fêtes populaires… Toutes les initiatives destinées à faire tomber le mur invisible séparant villageois et Artopiens. Après 20 ans d’efforts, en observant les habitants, les bénévoles et les artistes se mélanger, Céline se dit qu’ils y sont finalement arrivés.

« Le piège Meisenthal »

Dans le village, une expression circule : « le piège Meisenthal ». Elle désigne ces gens qui viennent et ne repartent pas. Trait d’humour pour taquiner les résidents de passage, l’expression n’est pas sans fondement. Pour s’en rendre compte, il faut remonter la rue de Bitche. Sur la boîte aux lettres de l’imposante bâtisse qui domine le village, un nom : association Bitchissime. C’est là.

En 2021, douze personnes achètent collectivement l’ancienne miroiterie pour créer un lieu d’habitation et des ateliers d’artistes. La proximité avec ARToPie devient évidente quand Simon Perot nous ouvre la porte du chalet du Saupferch. « Ça faisait un moment que l’on rêvait de trouver un endroit pour installer nos ateliers de manière pérenne. » Si la partie habitation est terminée, il faut encore un peu d’imagination pour visualiser les futurs ateliers. « Ici, on va faire un labo de sérigraphie. Là, je vais installer mon four », détaille le verrier en serpentant entre les outils qui encombrent l’espace.

« L’idée, c’est vraiment de s’inscrire dans une complémentarité d’ARToPie. Pour l’instant, on n’est pas à même de le faire, car les ateliers sont encore en travaux. »

Depuis le balcon du chalet, Simon observe la vallée. Du doigt, il désigne un petit bâtiment en contrebas. « Là-bas, c’est ARToPie. » Autour, le village de Meisenthal. Paisible en cette fin d’après midi.

« L’autre jour, Arnaud qui est punk s’est fait prendre en stop par une petite mamie. Quand il lui a demandé si elle avait peur, elle lui a répondu : ”C’est toi qui devrais, tu ne sais pas comment je conduis !” C’est des trucs incroyables, ça n’arrive qu’à Meisenthal. Pour moi, il y a une vraie transformation dans le fait qu’aujourd’hui les gens s’écoutent. »

Avec tous ces artistes de passage, les gens du village se sont habitués à l’inhabituel.

Jeanne Barseghian et d’autres élus alsaciens de gauche appellent au « déstockage de Stocamine »

Jeanne Barseghian et d’autres élus alsaciens de gauche appellent au « déstockage de Stocamine »

Une partie des élus de gauche alsaciens, dont la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian, signent une tribune dans Libération afin d’exiger que les déchets enfouis à Stocamine soient remontés et traités, avant qu’ils ne polluent la nappe phréatique.

Jeanne Barseghian, maire (EE-LV) de Strasbourg a signé une tribune pour demander que les 42 000 tonnes de déchets enfouis à 550 mètres sous terre à Stocamine près de Mulhouse soient remontés pour être traités, avant que l’ancienne mine ne s’effondre et que les déchets ne polluent définitivement la plus grande réserve d’eau potable d’Europe. Le texte, paru jeudi 20 juillet dans Libération, a été cosigné par d’autres élus de gauche dont Sandra Regol, députée (EE-LV) de la première circonscription du Bas-Rhin, Emmanuel Fernandes, député (LFI) de la deuxième circonscription du Bas-Rhin, Jacques Fernique, sénateur (EE-LV) du Bas-Rhin, Antoine Homé, maire (PS) de Wittenheim, Loïc Minery, vice-président (EE-LV) de Mulhouse Alsace agglomération (EE-LV) et Marcello Rotolo, conseiller régional (PS) et maire de Soultz.

L’objectif de cette tribune est de donner une stature nationale au débat sur Stocamine. Car bien que le gouvernement ait pris la main sur ce dossier en œuvrant pour un stockage définitif, bien peu de parlementaires ont conscience des menaces que cette décision fait peser sur les ressources en eau d’une bonne partie des Européens

Des travaux définitifs dès septembre

La tribune rappelle l’incendie souterrain à Stocamine en 2002, qui a mis fin au stockage de nouveaux déchets, et la dernière décision : un avis favorable de l’enquête publique pour un enfouissement définitif de ces déchets toxiques, malgré une opposition de 98% des voix exprimées. Les travaux devraient débuter en septembre, malgré des recours juridiques et une enquête en cours sur la légalité des déchets stockés.

Dans leur tribune, les élus alsaciens déclarent :

« Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu devrait se prononcer en faveur d’un enfouissement définitif, ainsi qu’il nous l’a confirmé lors d’une récente rencontre. Nous, élues et élus de gauche en Alsace, faisons front commun pour nous opposer à l’enfouissement définitif des déchets dangereux de Stocamine qui menacent l’avenir de nos enfants et de nos écosystèmes. »

Les élus insistent sur les dangers méconnus d’une contamination de la nappe phréatique, notamment en raison de « l’effet cocktail » que produiront les déchets lorsqu’ils entreront en contact les uns avec les autres au fur et à mesure de l’affaissement des galeries. Selon eux, l’enfouissement définitif « méconnaît le principe, à valeur constitutionnelle, de précaution ».

Le Parlement européen accepte d’occuper le bâtiment Osmose, en location à l’État

Le Parlement européen accepte d’occuper le bâtiment Osmose, en location à l’État

Après des négociations qui ont duré plusieurs années, le Parlement européen a finalement accepté mercredi 19 juillet d’occuper le bâtiment Osmose. Financé et construit par les collectivités locales pour conforter le siège de Strasbourg, le bâtiment sera loué au Parlement européen à un prix très avantageux.

C’est officiel, le Parlement européen va enfin occuper les 15 000 mètres carrés (m²) du bâtiment Osmose, situé en face du bâtiment iconique au Wacken. Mercredi 19 juillet, les parlementaires européens réunis en commission des budgets ont voté en faveur de la location de ce bâtiment avec 26 voix pour, 11 contre et 3 abstentions.

Commandé et construit par le gouvernement français, la Région Grand-Est, la Collectivité d’Alsace (CeA), L’Eurométropole et la Ville de Strasbourg à partir de 2019 afin de conforter le siège du Parlement européen à Strasbourg, le bâtiment est resté vide depuis sa livraison en novembre 2021. Un deuxième immeuble, de 40 000 m² devrait être construit dans un second temps.

Le Parlement européen (à gauche) devrait donner sa décision le 6 juin à propos de la possible acquisition du bâtiment Osmose (à droite). Photo : Achraf El Barhrassi / Rue89 Strasbourg / cc

Les travaux du bâtiment Osmose ont été financés par les collectivités locales à parts égales, avec l’espoir que le Parlement européen rachète ces locaux. Ce sera finalement l’État qui achètera le bâtiment pour 53,5 millions d’euros, afin de le louer 700 000€ par an au Parlement européen, un tarif cinq fois inférieur au marché. Avec ce bail emphytéotique de 99 ans, Parlement dispose en outre d’une option d’achat, minorée du montants des loyers !

Strasbourg au cœur des décisions

Qu’importe les efforts des collectivités et de l’État français, puisque cet accord permet d’enfin occuper ce bâtiment et effectivement de conforter le siège du Parlement européen à Strasbourg, ce dont se félicite la maire dans un communiqué :

« Je me réjouis que le Parlement européen s’ancre encore davantage à Strasbourg, alors que nous fêtons cette année les 70 ans de son existence. En s’installant dans le bâtiment Osmose, le Parlement européen s’étend au cœur du quartier européen, Archipel 2, vitrine européenne de la ville de demain. »

Jeanne Barseghian, extrait du communiqué publié le 19 juillet.