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Une marche blanche en hommage à Dimitri Perrier aura lieu à Rouffach le samedi 12 août à 14h. Le jeune homme atteint d’autisme est décédé au centre hospitalier de la commune dans des circonstances qui restent encore floues trois ans après son décès.
Pour rendre hommage à Dimitri Perrier, une troisième marche blanche aura lieu le samedi 12 août à 14h au départ du square des Humanistes, aux abords de l’hôpital de Rouffach (Haut-Rhin). L’homme atteint d’autisme est décédé subitement dans ce même centre hospitalier à 28 ans, le 11 août 2020. Trois ans plus tard, dans l’incompréhension quant aux circonstances de son décès, sa mère, Stephanie Neunreuther, et son oncle, Florian Coulon, se battent toujours pour obtenir des réponses.
Dimitri Perrier, décédé le 11 août 2020 à l’hôpital de Rouffach Photo : Florian Coulon
« Trois ans que c’est le silence total »
À l’été 2020, Dimitri séjourne à l’hôpital de Rouffach en raison de crises d’angoisse liées au confinement. Le 11 août, sa famille reçoit un appel de l’établissement annonçant le décès du patient. Le choc est d’autant plus terrible pour ses proches qu’ils n’ont pas pu voir le jeune homme avant sa disparition : Dimitri était placé à l’isolement depuis deux semaines.
Depuis ce drame, la famille de Dimitri attend toujours des explications sur les circonstances du décès. « Trois ans que c’est le silence total. On sait que l’enquête est encore en cours mais on attend toujours des réponses », affirme la mère de Dimitri, Stéphanie Neunreuther. Persuadés que Dimitri n’est pas décédé d’une mort naturelle, sa famille cherche désespérément un responsable ou au moins une explication.
« On veut juste savoir ce qui s’est passé, s’il y a quelqu’un à incriminer, car ce n’est pas une mort normale », estime l’oncle de Dimitri, Florian Coulon. Il poursuit : « Que ce soit un professionnel de santé, ou un système dans sa globalité, il y a bien quelque chose qui a causé sa mort. »
Un deuil impossible
Pour la famille, ces longues années d’attente sans réponse rendent le deuil impossible. Florian Coulon ne parvient pas à accepter la disparition de Dimitri :
« Personnellement, j’ai beaucoup de mal à parler de Dimitri au passé. C’est inconscient, mais tant qu’on ne sait pas, pour nous, il est toujours là. Il n’est pas mort, d’une certaine manière. Il y a une sorte de dissonance cognitive. C’est comme une amputation et des douleurs fantômes. Tant qu’on ne saura pas, on ne pourra pas trouver une forme de quiétude. »
Depuis trois ans, la famille du défunt, dans l’attente permanente, n’arrive pas à passer à autre chose. « Quand il y aura enfin eu un jugement et qu’on saura exactement ce qu’il s’est passé, peut-être qu’on pourra enfin essayer de penser au deuil. Mais aujourd’hui, toutes ces questions rendent la situation invivable », confie Stéphanie. Son frère, Florian, confirme cette impression :
« En terme de deuil c’est compliqué car on a l’impression d’avoir une épée de Damoclès en permanence au dessus de la tête. Peut-être qu’on va recevoir un coup de fil, un courrier de l’avocat… On est dans l’attente permanente ».
Des questionnements incessants
Le pire, racontent la mère et l’oncle de Dimitri, c’est quand l’imagination prend le dessus. « Le deuil est très compliqué car on s’imagine les pires choses… Est-ce que Dimitri a souffert ? Est-ce qu’il est mort dans son sommeil, dans l’angoisse, dans la tristesse ? On ne sait pas… », explique Florian, son oncle. Un sentiment que partage Stéphanie :
« Quand on a perdu un enfant, la douleur est quotidienne. Elle est toujours là, toujours aussi forte. On se pose des questions tous les jours… Seules des réponses sur les circonstances de sa mort pourraient mettre un point final à cette histoire. »
La marche blanche sera aussi l’occasion de mettre en avant un problème plus global, selon la famille. « Il ne faut pas invisibiliser les personnes autistes. Ce sont des personnes à part entière. Il n’était pas malade, et son autisme ne le résumait pas », déclare Florian Coulon, avant de conclure : « Ce qu’on craint, c’est que Dimitri soit victime d’un dysfonctionnement systémique dans la prise en charge des personnes autistes. »
Le FARSe revient pour une neuvième édition du vendredi 11 au dimanche 13 août. Pendant trois jours, des spectacles gratuits d’une trentaine de compagnies et de 150 artistes prendront place dans plusieurs rues et parcs de la ville.
C’est un rendez-vous phare de l’été strasbourgeois. Pour sa neuvième édition, le Farse aura lieu du vendredi 11 au dimanche 13 août 2023, chaque jour de 15h à 22h. La recette reste la même : dans le centre-ville de Strasbourg, en accès libre, la diversité des arts de rue se déploie, du parkour au cirque, en passant par du théâtre absurde, burlesque, de la danse ou quelques performances de clown. Au total, une trentaine de compagnies et environ 150 artistes sont programmés cette année.
Le Festival FARSe à Strasbourg Photo : Gaby Mertz
Performance participative et tendresse mise en lumière
En amont du festival, le public strasbourgeois est invité à participer à la création d’une œuvre d’art urbain avec l’artiste Aurélien Nadaud. Les performances auront lieu mardi 8 août de 16h à 18h place de Wattwiller dans le quartier Neudorf, le mercredi 9 août de 16h à 18h à la médiathèque Olympe de Gouges dans le quartier gare et le jeudi 10 août de 15h à 17h, square Ariane Icare dans le quartier du Neuhof. L’œuvre résultant de ce travail participatif sera aussi présentée et restera modifiable par le public place Saint-Thomas pendant toute la durée du Farse de 15h à 19h.
Un spectacle de danse de la compagnie Picto Facto viendra ouvrir l’édition 2023 du festival le vendredi 11 août à 21h. Une déambulation dansante aux accents dadaïstes aura lieu du quai des bateliers vers la place Kléber. Un groupe de danseurs et de danseuses lumineux viendront éclairer tout geste de tendresse issu du public attendri par le discours suivant : « Approchez, approchez sémillante nonagénaire, fringants militaires, hésitants pré pubères. Ne vous cachez plus charmants célibataires, candidat à l’adultère, touristes téméraires. Ce soir, pour peu que vous soyez prêts à vous embrasser rondement, votre place est dans la lumière. »
L’inclusion comme vision artistique
Porté par un nouveau directeur artistique, le fondateur de la compagnie L’intranquille Axel Goepfer, le FARSe s’inscrit cette année autour du thème « (S’)inclure » avec « un désir d’ouverture, de curiosité et de rencontre ». L’interaction directe avec le public et la volonté de l’inclure dans les représentations seront particulièrement mises à l’honneur. Axel Goepfer explique :
« (S’) Inclure. À travers cette formule, nous faisons le choix de construire un évènement qui a pour objectifs la diversité, la découverte et le partage. (…) Ces trois ambitions — l’inclusion des publics, l’ouverture esthétique et la création partagée — sont celles de la nouvelle direction artistique. »
Axel Goepfer, directeur artistique du Farse 2023
Animation de rue lors du festival FARSe Photo : Pierre Planchenault
En clôture, un spectacle sous forme d’attraction aérienne
Le FARSe se clôturera le dimanche 13 août au soir avec un spectacle intitulé « Mobile Oblique et Bancal« , de la compagnie Transe Express. La performance programmée au bassin d’Austerlitz promet d’être mémorable : « attraction aérienne intégrant prouesse, acrobatie, musique et arts plastiques » pour donner « voix et gestes » aux végétaux. De quoi faire « bourgeonner notre imaginaire et pousser dans la ville un arbre à tambours ».
Tout le long du festival, la place Saint-Thomas accueillera office de point d’information et de rencontre pour pour le public.
Vosges alternatives, notre série d’été sur la vie militante en zone rurale (5/8). Entre Wissembourg et la frontière, les habitants de l’éco-lieu franco-allemand du Langenberg ont embrassé leur idéal de vie sobre et tissent au quotidien une aventure collective où la convivialité et la solidarité ne vont pas sans une solide organisation.
Dans la vaste cour en terre battue du Langenberg, le déjeuner touche à sa fin, en ce torride début d’été. L’ancien château aux allures de corps de ferme surplombe la vallée de Wissembourg, dans l’extrême Est du Parc naturel régional des Vosges du Nord. Les poules font leur vie. À la grande tablée, les bons mots fusent, la plupart en allemand. À l’ombre d’un arbre, un habitant les suit depuis son lit médicalisé customisé. « Nous avons trois médecins parmi nous », explique Loïc, chargé de faire le tour du propriétaire de l’éco-lieu franco-allemand avec les visiteurs du jour. « Nous nous sommes tous mobilisés pour qu’il puisse rester à domicile. »
Les habitants au rendez-vous du déjeuner. Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
D’autres prennent leur café à l’étage, plus au frais dans la salle à manger. Tous les jours, le repas de midi est l’occasion d’un rendez-vous collectif, préparé à tour de rôle par l’un ou l’autre des occupants. Au mur de la grande salle commune, les plannings d’organisation donnent le tempo. « À plus de trente, il y a toujours une occasion de faire la fête », ajoute Loïc, qui dénombre six anniversaires au calendrier ce mois-ci.
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Jeudi 3 août, la Ville de Strasbourg a défendu l’expulsion du camp de l’Étoile au tribunal administratif. L’instance avait décidé en décembre 2022 que la municipalité doit demander l’évacuation à chaque installation de campement.
« Sur le camp de l’Étoile aujourd’hui, il y a des personnes qui avaient été évacuées en juin et qui sont revenues comme on ne leur a pas proposé de solution pérenne », fustige Me Gueddari Ben Aziza. L’avocate défend les 63 occupants de la place de l’Étoile lors d’une audience au tribunal administratif :
« Suite à la dernière évacuation, l’État les a logés mais pour une ou deux semaines seulement. Donc maintenant ils sont de retour dans la rue. Il y a des Géorgiens, des Syriens, des Afghans… Surtout, ce sont beaucoup de personnes vulnérables : il y a deux femmes enceintes et 12 enfants, dont certains en bas-âge. Une personne est en chaise roulante. »
La Ville contrainte de demander l’expulsion par une décision de justice
Devant le tribunal administratif, la Ville de Strasbourg demande, pour la quatrième fois depuis l’été 2022, l’expulsion du campement situé place de l’Étoile. Interrogée sur l’objectif de la démarche, la municipalité répond simplement qu’elle y est contrainte :
« Suite à la décision du tribunal administratif de décembre 2022, la Ville de Strasbourg doit désormais procéder au dépôt d’un référé auprès du tribunal administratif dès occupation et installation de campements sur les terrains dont elle est propriétaire, en transparence avec les personnes et associations. »
Pour Me Gueddari Ben Aziza, « cette mesure risque de mettre les personnes en difficulté » :
« Tant qu’elles n’ont pas d’hébergement, elles préfèrent rester place de l’Étoile où elles se sentent plus en sécurité qu’ailleurs dans la rue, car elles sont regroupées. Il y a quelques infrastructures pour qu’elles aient accès à l’eau et à des toilettes, et les associations comme Médecins du Monde ont bien identifié le site ce qui permet un suivi. Cela ne sert à rien d’expulser ces personnes si elles ne sont pas hébergées. »
Le tribunal administratif devrait rendre sa décision dans les prochains jours.
Début août, les ouvriers en grève de Clestra ont reçu des fiches de paie indiquant un salaire négatif allant de quelques centaines à plus d’un millier d’euros. Pour poursuivre le mouvement, les grévistes vont lancer une banque alimentaire et appellent à la solidarité locale.
– 400 euros, – 1200 euros, – 700 euros… Devant l’usine Clestra de Illkirch, jeudi 4 août, quelques ouvriers égrènent l’invraisemblable résultat de leur dernière fiche de paie. En grève depuis un mois, les salariés de l’entreprise de cloisons s’attendaient à un revenu quasi-nul au début du mois d’août. « Personne ne comprend notre dernier bulletin de salaire », souffle l’un des travailleurs mobilisés contre la gestion opaque du groupe Jestia, repreneur de la société alsacienne en octobre 2022. Salarié membre du CSE de Clestra et responsable de la branche Grand Est du syndicat CGT Métallurgie, Amar Ladraa explique le procédé utilisé par la direction :
« Dans le cadre du redressement de Clestra, le repreneur Jestia nous a payé en avance des congés qui seraient plus tard pris en charge par l’État. Maintenant que ces congés nous ont été payés par l’État, la direction récupère son avance. On avait demandé à ce que le remboursement soit étalé jusqu’à la fin de l’année mais les dirigeants ont voulu nous atteindre sur le plan psychologique. Après un mois de grève et une fin de mois difficile, le patronat tape sur le porte-monnaie. Forcément, on se demande comment tenir le mouvement social… »
Une cinquantaine d’ouvriers de Clestra ont manifesté dans les rues d’Illkirch ce jeudi 4 août 2023. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
« On veut simplement connaître notre avenir »
Le long de la route Albert Schweitzer vers la mairie d’Illkirch, les ouvriers de Clestra manifestent à nouveau ce jeudi. Marc, ouvrier polyvalent au sein de l’entreprise depuis 18 ans, résume la revendication principale : « On veut tout simplement savoir quel avenir la direction nous réserve. À l’heure actuelle, plus de quarante salariés ne savent toujours pas si leur emploi sera maintenu… »
À quelques pas, Lisa (le prénom a été modifié) participe à la manifestation en soutien à son mari. L’ouvrier en assemblage fait partie de ces employés qui craignent de finir bientôt au chômage. Animatrice à mi-temps dans le secteur de la petite enfance, Lisa décrit la situation précaire de son foyer :
« D’habitude, chaque année, on va voir mes parents au Portugal. Mais cette année, on a dû annuler le voyage pour fêter les 93 ans de ma mère. Sans salaire au mois de juillet, on doit se restreindre et faire des choix pour les courses. J’espère vraiment qu’ils maintiendront les postes. Mon mari a travaillé toute sa vie ici. Il espérait finir sa carrière chez Clestra. »
« Aujourd’hui, je me retrouve sans rien »
Drapeau CGT Métallurgie à la main, Djibril (le prénom a été modifié) avance en tête de cortège. Après 10 ans d’intérim et quatre ans en tant que salarié, l’ancien ouvrier en assemblage estime avoir été licencié abusivement :
« C’est suite à mon licenciement que la grève a commencé début juillet. La direction m’a reproché de prendre des pauses trop longues et d’avoir consulté mon téléphone portable en dehors d’une pause. Depuis la reprise par Jestia, j’étais fliqué. Tous les collègues ont compris qu’ils pourraient être licenciés de la même manière que moi. Leur seul but c’est de diminuer la masse salariale. »
Djibril ne cache pas son angoisse. Sa situation est dramatique. Sur son téléphone, il montre l’état de son compte bancaire, en déficit de près de 600 euros. D’une voix inquiète, il continue : « J’ai une famille à nourrir. J’ai des charges et des prêts à payer. Aujourd’hui je me retrouve sans rien. Je n’ai toujours pas reçu l’attestation de l’employeur pour me permettre de percevoir les allocations chômage. Je fais quoi maintenant ? »
Une banque alimentaire et un appel à la solidarité
Face à ces situations d’extrême précarité qui se multiplient au sein de la communauté Clestra, les grévistes tentent d’organiser une banque alimentaire. Banderole de la CGT à la main, Sylvain Fasseur raconte avoir contacté le supermarché Auchan d’Illkirch pour organiser une collecte de denrées en soutien aux ouvriers mobilisés. Après avoir reçu une fiche de paie négative (- 1200 euros à prélever du prochain salaire), Sylvain dit vivre sur ses réserves et grâce à la solidarité des proches :
« On envoie les enfants chez les grands-parents, ça fait toujours des bouches en moins à nourrir. Et heureusement, les voisins de l’immeuble, les amis et les proches nous soutiennent. On en est là : trouver à manger devient une urgence vitale. »
Sylvain Fasseur a lancé l’organisation d’une banque alimentaire auprès du supermarché Auchan d’Illkirch. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Après avoir pu rencontrer le maire d’Illkirch Thibaud Philipps (LR), une délégation d’ouvriers de Clestra sera reçue par le cabinet du ministre de l’industrie Roland Lescure (Renaissance). Dans un communiqué, le syndicat CGT Métallurgie indique que « les salariés attendent du gouvernement un soutien et des actes pour maintenir leurs emplois, leur outil de travail et pour la mise en place d’un véritable dialogue social dans l’entreprise ».
Contacté, le groupe Jestia nous a indiqué ne disposer d’aucun responsable communication.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Les arbres plantés pour la sylviculture dans le Grand Est sont particulièrement sensibles à la sécheresse. Leur dépérissement et l’abattage intensif sur des parcelles entières provoquent des émissions de CO2. Pour contrecarrer le phénomène, l’Académie des sciences préconise de planter des essences d’arbre plus diverses et de diminuer les coupes rases.
Entre 2010 et 2020, les forêts du Grand Est ont émis plus de carbone qu’elles n’en ont absorbé. C’est ce qu’expose une infographie du journal Le Monde publiée début juin et réalisée à partir des données du centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa). Une information inquiétante. Les forêts sont justement censées jouer un rôle majeur dans la stratégie nationale bas-carbone : en théorie, elles doivent capter le CO2 présent dans l’air pour en faire des tissus végétaux.
Carte illustrant le déficit d’eau par rapport à la moyenne en France. Photo : Document Nathalie Breda / INRAE Silva
Moins d’eau, c’est moins de carbone capté
Alors comment une forêt peut-elle émettre du carbone ? Nathalie Breda, directrice de recherches à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), spécialiste du dépérissement forestier, détaille le mécanisme en jeu :
« Avec la sécheresse, pour éviter les pertes d’eau, les arbres ferment leurs stomates, qui sont des petits pores sur les feuilles. Mais c’est aussi par les stomates que rentre le CO2, pour réaliser la photosynthèse et permettre la croissance de l’arbre. Donc lorsque l’eau manque, le carbone est tout simplement moins capté par les plantes, parce qu’il n’entre plus dans les feuilles. Les arbres cessent de grandir.
Parallèlement, comme tous les tissus vivants, les végétaux respirent : ils transforment des sucres en CO2. En situation normale, les plantes font davantage de photosynthèse que de respiration. En période de sécheresse, cet équilibre bascule, les forêts font plus de respiration et émettent davantage de carbone qu’elles n’en captent. »
Les arbres qui dépérissent émettent du carbone
Cette tension hydrique peut amener les arbres à dépérir. Ils perdent alors leurs feuilles ou leurs aiguilles. « Dans le Grand Est, nous avons constaté une succession de sécheresses exceptionnellement importantes en intensité et en durée depuis 2015 », explique la chercheuse. À cela, s’ajoute la crise des scolytes, des petits insectes qui tuent massivement les sapins et les épicéas dans les Vosges. D’après Nathalie Breda, sans photosynthèse, ces arbres ne peuvent pas créer les sucres qui servent habituellement à les protéger des agresseurs :
« La respiration, et donc l’émission de carbone, peut continuer dans certaines parties de ces arbres qui dépérissent. En plus, ils commencent à se décomposer, ce qui rejette aussi du CO2. »
Pour ne rien arranger, lorsque les arbres sont attaqués par les insectes ravageurs comme les scolytes, les forestiers ont l’habitude de procéder à des coupes rases pour prélever une grande quantité de bois. Ils déboisent alors des parcelles entières qui se retrouvent ensuite à nu. L’Académie des sciences a publié début juin un rapport sur les forêts françaises qui alerte sur ces pratiques :
« Les coupes rases (…) peuvent engendrer un déstockage important du CO2 du sol et ainsi générer une dette carbone sur plusieurs décennies. Elles impactent également négativement la fertilité des sols ainsi que la biodiversité. »
Extrait du rapport de l’Académie des sciences sur les forêts françaises, 7 juin 2023.
Les forestiers procèdent régulièrement à des coupes de parcelles entières en cas de dépérissements dus aux scolytes, sans distinguer les arbres secs et ceux qui sont encore verts, comme dans cette zone près de Saverne. Cette pratique appauvrit les sols et émet du CO2. (Photo Jean-Claude Génot)Photo : Jean-Claude Génot
De la sylviculture d’épicéas, très vulnérables
Très concrètement, dans de nombreuses forêts du Grand Est, des arbres sans feuille et desséchés gisent au sol. En Alsace, dans la vallée de Masevaux, près de Cernay, de nombreux sapins et épicéas ont dépéri. Les forestiers y ont coupé 4,7 hectares à l’automne 2019 par exemple. Mais selon Nathalie Breda, cette anomalie peut s’observer sur tout le massif vosgien :
« La principale bêtise qu’on a faite dans les Vosges, c’est de planter massivement des épicéas dans les années 60 et 70, avec des subventions de l’État, en particulier à de faibles altitudes comme à Saint-Dié. Ces arbres poussent très vite, donc ils produisent rapidement du bois, mais ils sont particulièrement intolérants à la sécheresse, ils ferment leurs stomates assez rapidement en l’absence de précipitations et deviennent très sensibles aux scolytes. Même si c’est plus rare, on a aussi des alertes sur des hêtres et des chênes qui dépérissent dans les forêts de Haguenau ou de la Hardt près de Colmar. »
Pour Nathalie Breda, la solution est notamment de planter des arbres plus adaptés à la sécheresse : « Avec les forestiers, on réalise des tests sur des arbres de certaines essences qu’on trouve actuellement dans le Grand Est : des chênes, des frênes ou des hêtres, mais qui viennent de peuplements du Jura, de Bourgogne, sud de la France… et qui sont donc probablement plus adaptés. »
« Il faut de la biodiversité »
L’INRAE est également partenaire d’expériences de plantations d’espèces méditerranéennes comme le chêne vert dans le nord est. Des sapins turcs ont aussi été plantés dans la forêt de la Hardt, près de Colmar. « Il faut être prudent avec ces tentatives car même si les arbres parviennent à résister au gel, des problèmes peuvent apparaître après plusieurs années, par exemple si les ravageurs locaux s’adaptent à ces espèces », tempère Nathalie Breda, qui précise aussi que ces arbres poussent moins vite et produisent donc moins de bois.
L’INRAE suit l’évolution de plants de sapins de Turquie dans la Hardt. Photo : Nathalie Breda
Pour Jean-Claude Génot, écologue retraité du parc régional naturel des Vosges du nord et désormais spécialiste de la forêt pour l’association Alsace Nature, « penser que la solution viendra de la plantation de nouvelles espèces est une hérésie » :
« Nos arbres peuvent s’adapter. Dans les réserves naturelles, les hêtres et les chênes, très présents dans les forêts typiques des Vosges, sont souvent en bonne santé. »
Dans la réserve naturelle Adelsberg-Lutzelhardt, les arbres morts alimentent le sol. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
L’Académie des sciences pointe également que « la libre évolution (qui correspond aux forêts non exploitées, NDLR) représente le mode de gestion actuellement le plus efficace pour piéger puis stocker durablement le CO2 ».
Une large majorité de forêts exploitées
Mais les réserves naturelles représentent moins de 15 000 hectares dans le Grand Est. Or la forêt recouvre 1,9 millions d’hectares dans la région. Les forêts de la région sont donc quasi-exclusivement dédié à la sylviculture. Six à huit millions de mètres cubes de bois y sont récoltés tous les ans. 60% de la surface est occupée par des feuillus, des chênes ou des hêtres par exemple. Les résineux, comme les épicéas et les sapins, couvrent 40% des forêts du Grand Est, plutôt dans les Vosges, et sont les plus touchés par la sécheresse.
Les arbres sont plantés, souvent en monoculture, et coupés selon un plan de gestion qui vise avant tout à produire du bois, transformé ensuite en meubles, en charpentes, en panneaux, en papier, en bûches ou encore en plaquettes. « Si les forêts sont émettrices de carbone, c’est à cause du dépérissement. Et le dépérissement, c’est parce qu’il n’y a pas assez de diversité et qu’on coupe trop d’arbres avec des passages trop réguliers, ce qui crée des éclaircies qui appauvrissent les sols et perturbent l’écosystème forestier », balaye Jean-Claude Génot :
« Cela fait des décennies qu’on dit que la solution, c’est notamment d’avoir une grande diversité d’arbres et de laisser la forêt se régénérer pour avoir un sol riche. Les scolytes ont beaucoup plus de mal à se propager car entre les épicéas, il y a des feuillus, plus difficiles à attaquer. Dans les zones où il n’y a que des épicéas, le sol devient très acide et pauvre. »
L’Académie des sciences abonde : « Un raccourcissement des cycles d’exploitation impacte négativement le bilan carbone de la forêt mais aussi la qualité des sols. »
Lorsque les épicéas poussent seuls, ils sont très vulnérables aux scolytes. Le sol est pauvre et acide. Photos : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Maintenir de vieux arbres
Jean-Claude Génot s’est longtemps battu pour la création de la réserve naturelle Adelsberg-Lutzelhardt. Sur 480 hectares au nord de l’Alsace, à cheval entre la France et l’Allemagne, les arbres ne subissent plus d’intervention humaine depuis l’an 2000 :
« Ici, on peut constater la résilience des forêts qui évoluent naturellement, en comparaison des zones de sylviculture intensive. Les avantages de la diversité sont flagrants. Sur toute la réserve, on a un arbre par-ci, un arbre par-là, qui est touché par les scolytes, mais jamais une grande surface comme dans les exploitations forestières. La plupart des arbres poussent, ce qui signifie qu’ils font de la photosynthèse et captent du carbone. »
Jean-Claude Génot milite pour des forêts résilientes où les espèces sont mélangées. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Dans son rapport, l’institut de recherche finit par une série de recommandations pour la sylviculture. Les scientifiques préconisent par exemple d’augmenter « fortement la diversité des essences afin de renforcer la résilience des peuplements face aux événements climatiques extrêmes et aux attaques de ravageurs ». L’Académie des sciences propose aussi de « maintenir quelques très vieux arbres de plus de 150 ans car ils sont porteurs d’une diversité génétique utile pour adapter les populations au changement climatique ».
Avec une grande diversité d’essences, les arbres en dépérissement sont rares dans la réserve Adelsberg-Lutzelhardt. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Des adaptations indispensables dans la filière du bois
L’Académie des sciences demande également « d’adapter la structure des peuplements en favorisant la sylviculture à couvert continu. Ces pratiques permettent une meilleure régénération naturelle et la préservation du carbone dans les sols ». En résumé, le principe de la sylviculture « à couvert continu » est de couper des arbres à des endroits précis, sans coupe rase, lorsqu’ils arrivent à maturité, tout en préservant partout l’écosystème forestier. Le but est de ne jamais avoir un sol nu mais plutôt une terre ombragée et humide.
L’Académie des sciences considère enfin que des adaptations sont nécessaires à tous les niveaux du secteur économique lié au bois. Ces évolutions doivent être appuyées par les politiques publiques qui devront développer les « produits bois » de longue durée de vie comme les meubles ou les charpentes, afin de stocker le carbone durablement.
En prélevant les arbres progressivement et en mélangeant les essences, il est possible d’éviter les dépérissements massifs, comme dans cette exploitation forestière à Dambach. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
D’après les scientifiques, il faudra au contraire diminuer la production de « bois de courte durée », comme celui qui est utilisé pour le chauffage, car cela conduit à une émission de CO2 dans l’atmosphère. Même si ces recommandations n’obligent personne, avec le changement climatique, les forestiers seront contraints de changer de pratiques dans les années à venir s’ils souhaitent continuer à produire du bois.
Face à une direction soupçonnée de mener un plan social déguisé, une soixantaine de salariés de Clestra ont manifesté devant le conseil régional à Strasbourg ce mardi 1er août. Rencontre avec ces travailleurs en grève depuis près d’un mois.
Les drapeaux écarlates de la CGT métallurgie flottent au gré du vent et contrastent avec le ciel gris de ce mardi 1er août. La pluie battante n’a pas entamé la détermination des ouvriers de Clestra, en grève depuis le 3 juillet. Abrités sous quelques parapluies, une soixantaine de salariés de l’entreprise de cloisons pour bureaux manifestent devant le conseil régional du Grand Est à Strasbourg. Les employés dénoncent l’absence de dialogue avec la nouvelle direction de l’entreprise, soupçonnée de mener un plan social déguisé. À l’intérieur, le représentant syndical CGT Amar Ladraa est reçu par le directeur général adjoint de la région Grand Est, François Charlier.
« La direction ne lâche rien, alors nous non plus : on a besoin de savoir où on va », Raymond, 53 ans, en poste depuis 17 ans chez Clestra Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Un avenir incertain
Placée en redressement judiciaire en août 2022, l’usine de production de cloisons intérieures, basée à Illkirch-Graffenstaden, a été reprise en octobre 2022 par les frères Romain et Alexandre Jacot, gérants du groupe Jestia, spécialisé dans la gestion d’Ehpad et de fabrication de mobilier. Un premier plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a ensuite entrainé la suppression de 57 postes sur ce site. Pour favoriser le maintien d’un maximum d’emplois, l’entreprise a reçu de l’Etat un prêt d’un montant de quatre millions d’euros ainsi qu’une avance remboursable de la Région Grand Est de l’ordre de 900 000 euros. Mais comme le dénonce Amar Ladraa, représentant du syndicat CGT métallurgie, « depuis, une trentaine de salariés sont partis, certains de leur plein gré, d’autres sous la pression… »
Les ouvriers de Clestra dans l’attente des représentants syndicaux, en réunion avec la Région Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Face à ces départs, les ouvriers accusent les repreneurs de ne pas tenir leurs engagements et craignent pour l’avenir de leur emploi. Car les nouveaux propriétaires de Clestra entretiennent le flou sur l’avenir de l’entreprise. Alors qu’un déménagement de la chaîne de production est prévu sur un site cinq fois plus petit, les salariés se demandent si leurs effectifs fonderont dans de telles proportions. De plus, début mai 2023, la nouvelle direction de Clestra a proposé un accord de rupture conventionnelle collective qui aurait entrainé le départ de 40 salariés supplémentaires. Cette proposition a été refusé par le syndicat CGT. Depuis, les ouvriers de l’usine ne travaillaient plus que quatre jours par semaine du fait d’une baisse de commandes selon la CGT.
« Comme si on ne valait rien »
Marc Andreoli, 44 ans, travaille depuis 18 ans en tant qu’ouvrier polyvalent à Clestra. Après quatre accidents du travail tout au long de sa carrière, il explique que son travail a abimé tout le côté droit de son corps avant de confier, écœuré :
« Si on devait bosser les samedis, on acceptait. Les heures supplémentaires, on les prenait. Pendant le Covid, nous, on travaillait. On a donné nos vies pour cette entreprise. Aujourd’hui, ils veulent nous démanteler, sucrer toutes nos indemnités, et ils nous jettent comme des chiens, comme si on ne valait rien. »
« On est tous usés par le travail », lâche Marc Andreoli, en référence à ses quatre accidents du travail Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Plusieurs salariés décrivent la pression exercée de la part des frères Jacot. « Ils poussent les gens vers la sortie, un par un », souffle un salarié à son collègue. L’ouvrier, qui préfère reste anonyme par peur de représailles de son employeur, regrette de « ne pas être parti » lors du premier Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Un autre salarié décrit la surveillance mise en place depuis la reprise du groupe Jestia :
« On nous flique continuellement. Qu’il y ait du travail ou non, on est dans l’obligation de rester à notre poste. Alors qu’avant, ce n’était pas un soucis pendant un moment creux d’aller chercher un café par exemple. »
« C’est légitime de demander une réponse alors qu’on est dans le flou total quant à l’avenir de l’entreprise », martèle un autre ouvrier de 27 ans. En poste depuis huit ans sur la chaîne de production, d’abord en tant qu’intérimaire pendant deux ans, il peut se permettre de continuer la grève grâce à l’argent qu’il avait mis de côté pour ses vacances. Il retrace ensuite :
« Quand je suis rentré dans cette boîte, elle était numéro un mondial, et j’en étais fier. Aujourd’hui, on ne sait plus où on va. Je n’aurais jamais accepté d’être titularisé dans les conditions de travail actuelles. Avec tout ça, on veut au moins avoir la possibilité de partir décemment, et pas comme des malpropres. »
« Simplement » pour garder leur emploi
Jean-Philippe, 57 ans, travaille pour Clestra depuis 38 ans. À quatre ans de la retraite, il estime « ne plus rien avoir à perdre » :
« Depuis le début, les repreneurs ne cherchent pas à nous connaître. De mes 35 ans dans cette boîte, je n’ai jamais vu des salariés aussi démotivés. C’est normal, ils voient leurs collègues qui partent tous un par un. J’ai un collègue qui est parti alors qu’il avait 58 ans. Il en pouvait plus et a fini par céder à la pression exercée par la nouvelle direction. Avant, on se battait pour une augmentation et aujourd’hui, on se bat simplement pour préserver ce qu’on a… »
« Après 38 ans dans l’entreprise, ça fait mal de voir comment nous sommes traités » Jean-Philippe, à 4 ans de la retraite Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Sollicitée à l’issue de la manifestation, la Région Grand Est réaffirme son soutien aux ouvriers de Clestra tout en estimant que l’opacité dénoncée par les salariés relève du dialogue social interne à l’entreprise.
Alsace Nature refuse la médiation avec la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) sur le contournement de Châtenois, dont le chantier est arrêté depuis mai. L’association estime que cette procédure ne donnerait pas assez de temps pour trouver un accord satisfaisant.
« Nous avons pris la décision de ne pas répondre positivement à la proposition de médiation » concernant le projet de contournement de Châtenois, annonce Michèle Grosjean, présidente d’Alsace Nature, lors d’une conférence de presse mardi 1er aout :
« Sur le principe, nous adhérons pleinement à l’idée d’engager des discussions avec les élus, c’est ce que nous demandons. Mais pour nous, travailler à un projet de compensation demande du temps, des études, des plans de gestion des sites concernées. Nous n’avons pas souhaité avoir une négociation de “marchands de tapis”, la préservation des ressources naturelles nécessite et mérite un traitement respectueux. »
Le chantier du contournement de Châtenois est à l’arrêt depuis le 12 mai 2023. À cette date, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’autorisation des travaux suite à une procédure initiée fin 2019 par Alsace Nature. La route, financée à hauteur de 60 millions d’euros par l’Etat, la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) et la Région Grand Est, devait être prête à la fin de l’année 2023.
Les travaux du contournement de Châtenois en novembre 2022. Photo : Capture d’écran Youtube / TV2
« La justice nous a donné raison »
Pour permettre la poursuite des travaux, la CeA a saisi la cour administrative d’appel de Nancy. Cette dernière a proposé une médiation pour qu’un accord soit trouvé entre les deux parties. La collectivité a accepté, à condition qu’une entente soit trouvée avant le 26 septembre 2023, arguant que la reprise du chantier doit être la plus rapide possible, comme chaque mois de retard lui coûte 255 000 euros.
« Bien-sûr on préférerait que cet argent public soit utilisé pour d’autres choses. Mais nous ne pouvons pas être tenus pour responsables de cette situation », rétorque Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature :
« Nous nous étions opposés à ce projet car la route ne peut plus être la solution à tous les problèmes. Un changement de fond dans les politiques d’aménagement est urgent. C’est notre rôle de militer dans ce sens, nous représentons 40 000 adhérents. La biodiversité est déjà à terre. Ils ont réalisé les travaux alors que la décision de justice n’était pas encore rendue. Et maintenant ils veulent nous mettre devant le fait accompli comme la route est là. Nous ne pouvons pas l’accepter, cela serait une négation du droit de l’environnement. Nous avions prévenu les élus, et la justice nous a donné raison. »
« D’autres solutions existent »
Le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que l’intérêt public majeur de ce contournement n’est pas suffisamment justifié pour détruire l’habitat des 29 espèces protégées (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibien, insectes…) recensées sur les terrains impactés par la construction. De plus, la décision de justice indique que « le projet de déviation est à l’origine d’une pollution supplémentaire par dix substances, par rapport au scénario en 2030 sans ouvrage, due à l’augmentation attendue du trafic et des vitesses de circulation ».
De gauche à droite, Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, Michèle Grosjean, présidente d’Alsace Nature, et François Zind, avocat d’Alsace Nature. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Des habitants et des élus de Châtenois ont manifesté samedi 3 juin pour la reprise des travaux. Ils estiment notamment que le contournement est nécessaire pour enrayer les embouteillages dans la zone aux heures de pointe. Michèle Grosjean anticipe « les nombreuses critiques qui viendront certainement suite au refus de la médiation » :
« Ce n’est pas une décision prise sur un coin de table. Elle est mûrement réfléchie. Nous comprenons les remarques des automobilistes et des riverains. Mais d’autres solutions existent, comme bâtir une véritable politique de transports en commun. »
« Cette décision envoie un message aux élus »
Stéphane Giraud poursuit :
« Cette décision du tribunal administratif est très importante. Nous souhaitons qu’elle envoie un message aux élus pour qu’ils arrêtent de porter ce type de projet en négligeant les enjeux écologistes. Concrètement, sur place, ils ont détruit des zones humides et les compensations installées sont dysfonctionnelles. Sur les 1 500 plants de gagée (une fleur protégée) réalisés après la destruction de leur habitat pour ce contournement, il n’y en a plus que quelques dizaines. Les papillons azurés qui devaient trouver un autre écosystème ont tout simplement disparu du val d’argent. »
La médiation étant refusée, la décision de la cour administrative d’appel de Nancy devrait être rendue dans plusieurs semaines. Si cette juridiction confirmait la décision du tribunal administratif de Strasbourg, les porteurs du projet seraient obligés d’obtenir une nouvelle autorisation environnementale, un processus qui serait long et difficile vu l’implantation du projet et les difficultés à trouver des raisons d’intérêt public majeur pour le justifier.
L’offre des vélos en libre service de l’Eurométropole évolue dès cet été. Ils seront plus chers, plus techniques et seront disponibles dans toutes les communes de l’EMS. Des changements critiqués par l’opposition.
« Nous allons avoir une grande diversité de vélos ! Des classiques, mais aussi trois fois plus de vélos à assistance électrique (de 400 à 1 200), 150 vélos cargos, et puis des vélos pour les personnes à mobilité réduite. Nous aurons à terme près de 6 000 vélos (au lieu de 5 000 aujourd’hui, NDLR) ! » Fier et heureux, Alain Jund s’emballe presque lorsqu’il parle de la nouvelle délégation de service public (DSP) signée en mars avec l’entreprise Strasbourg mobilités pour la gestion de la flotte des Vél’hop. L’opérateur et gestionnaire des vélos en libre service de la ville – déjà aux manettes depuis 2012 – garde la main sur ce service jusqu’en 2030. Dès le 1er août, il y a du changement au programme, à commencer par une nette hausse des tarifs.
Grande nouveauté de la flotte Vél’hop 2023 : 150 vélos cargos qui vont débarquer dès le mois de septembre. Prix de location : 90€/mois pour un tarif plein. (Photo : Frédéric Maigrot / Strasbourg Eurométropole).
De 84€ à 108€ pour un an
La grille de tarifs évolue, avec notamment la fin des tarifs progressifs selon l’âge. Exit le tarif spécifique pour les moins de 26 ans. Désormais, il n’y a plus qu’un seul tarif pour les adultes et un seul pour les enfants.
Pour la location d’un Vél’hop classique, on passe donc à 108€ pour un an contre 84€ jusqu’à présent (soit une hausse de 28%). Les vélos électriques seront au tarif mensuel de 56€.
Les étudiants conservent un tarif préférentiel (48€ pour une location de 10 mois). De même pour les personnes dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 6 358€. Ces dernières bénéficieront d’un demi-tarif (54€ par an pour la location du vélo classique).
Pour les jeunes de moins de 26 ans, et qui ne sont pas étudiants, le tarif passe de 68€ à 108€ pour une location d’un an, soit 63% d’augmentation.
Les nouveaux tarifs sont bien plus élevés qu’auparavant. (Document remis par Strasbourg Mobilités).
« C’est un tarif juste », mais pas pour toutes les bourses
Interrogé sur cette brutale hausse des prix dans une période de forte inflation, Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole chargé notamment des politiques cyclables, se justifie :
« Cette hausse s’explique parce qu’il y a un redéploiement du nombre de vélos et une nette amélioration de leur qualité, notamment avec les vélos cargos et les vélos électriques. 108€ par an, ça fait 9€ par mois, pour avoir un vélo qui peut être garé systématiquement, réparé facilement. C’est un tarif qui, de notre point de vue, est juste. Et puis ça reste moins cher que beaucoup d’autres modes de déplacement. »
Pour Pierre Jakubowicz, conseiller municipal membre du groupe des Centristes et progressistes, cette hausse des tarifs est « contre-intuitive » dans le contexte actuel :
« En pleine inflation, la Ville décide d’augmenter les tarifs CTS et les tarifs Vél’hop ? On nous dit qu’il faut tout faire pour inciter les gens à aller vers des mobilités douces, on augmente aussi les prix de stationnement, mais on supprime les réductions pour les moins de 26 ans, et on augmente pour tout le monde ! Ces augmentations ne sont pas anodines. »
Alain Jund tient aussi à rappeler que la délégation de service public coûte 2,2 millions d’euros par an à l’EMS. Le vice-président en charge des politiques cyclables assure par ailleurs que ce « réajustement des tarifs » n’avait pas été fait depuis 2019.
Il y aura également des vélos pour enfant et des draisiennes en location. (Document remis / Strasbourg Mobilités).
Des stations qui ferment à Strasbourg, d’autres qui ouvrent partout dans l’EMS
Autre grande nouveauté du Vél’hop version 2023 : une offre disponible dans toute l’Eurométropole avec au total 38 stations automatiques (au lieu de 20 aujourd’hui) qui seront réparties sur toute l’EMS (et non plus seulement Strasbourg). Dès l’automne, 600 vélos – mécaniques uniquement – seront disponibles dans treize communes de la première et deuxième couronne. Mais chaque vélo devra revenir à sa station d’origine.
Strasbourg Mobilités a également signé un partenariat avec La Poste : à partir du 15 août, il sera possible de louer un Vél’hop dans 16 bureaux de poste répartis sur 12 communes (Vendenheim, Mundolsheim, Oberhausbergen, Eckbolsheim, Holtzheim, Bischheim, Schiltigheim, Lingolsheim, Ostwald, Illkirch, Fegersheim) et dans plusieurs quartiers strasbourgeois (Robertsau, Port du Rhin, Meinau, Neuhof et Koenigshoffen).
La carte des stations et agences Vel’hop aujourd’hui… Et celle de « demain », effective à partir de l’automne 2023.
Enfin, dans les communes où il n’y aura pas de bureau de poste partenaire, ni de station automatique, il y aura « des agences mobiles ». Alain Jund explique le principe : « Vél’hop fera la tournée des marchés et des plus petites communes comme Osthoffen ou Eschau, et un petit camion viendra avec du stock pour proposer des vélos en location. Par exemple tous les 15 jours ».
En revanche, à Strasbourg, trois agences Vel’hop (sur quatre) vont fermer. Celle de la rue d’Or, à côté de la Porte de l’hôpital, celle de l’Université et celle de Koenigshoffen (qui a déjà fermé). L’agence de Schiltigheim va également fermer et sera remplacée par un point de location, qui donne une offre plus restreinte au service.
Bilan des courses : il restera l’agence centrale de la gare – qui devrait s’agrandir – et une agence éphémère qui sera présente sur le campus de l’Université, du 28 août au 13 octobre.
« Équité territoriale » versus « abandon de service public dans les quartiers »
Pour le vice-président de l’EMS, le but de ce changement de l’offre géographique Vél’hop, c’était de « répartir l’usage de ce vélo en libre service, équitablement, sur tout le territoire ». Et pourquoi fermer les agences strasbourgeoises ?
« À Schiltigheim, il y avait moins de quatre personnes par jour qui louaient un vélo, et à Koenigshoffen, c’était moins de deux personnes. Alors que dans ces deux stations, il y avait un salarié à plein temps. Ce n’est pas du service public, si ce service bénéficie à trop peu de personnes. »
Mais Alain Jund l’assure, « entre l’agence centrale de la gare, les agences mobiles un peu partout et les 16 bureaux de poste, toutes les communes de l’EMS et tous les quartiers de Strasbourg auront un point d’accès au service Vél’hop. »
Des agences mobiles ou « éphémères » vont également apparaître dans les communes où il n’y aura pas de bureau de poste partenaire, ni de stations automatiques. (Document remis / Strasbourg Mobilités).
Là encore, pour Pierre Jakubowicz, la municipalité fait fausse route. Il dénonce une « régression du service » :
« Ce n’est pas de l’équité territoriale que de fermer trois agences sur quatre à Strasbourg ! J’entends dire qu’elles ne marchaient pas. Mais à l’heure où l’on parle de désertification des quartiers de Strasbourg avec de moins en moins de service public, avec les émeutes récentes qui prouvent que ces habitants en ont marre d’être mis de côté, et on continue ? Quel est le symbole quand on ferme toutes ces implantations humaines, pour les remplacer par des bornes automatiques, et concentrer les vrais services humains dans le centre ? »
L’élu – lui même utilisateur du Vél’hop – imagine déjà les complications pour certains usagers privés de leurs anciennes boutiques, comme ceux habitant Koenigshoffen par exemple. « Quand ils auront un problème avec leur Vél’hop, ils devront venir jusque dans le centre avec leur vélo cassé ? Et comment, en tram ? En dehors des horaires où on interdit aux gens de monter avec leur vélo ? »
Le Vel’hop : « Une mise en selle dans un écosystème du vélo »
La municipalité et l’opposition s’écharpent sur la façon de considérer le service Vel’hop dans son ensemble. Alain Jund défend le vélo en libre-service alsacien comme faisant partie « d’un grand tout, un écosystème du vélo » à Strasbourg. Il parle ainsi de « toutes les autres actions que nous menons pour que les vélos soient accessibles au plus grand nombre » :
« Il y a par exemple plus d’une douzaine de bourses aux vélos chaque année, où des milliers de vélos sont achetés ou vendus, avec des vieux vélos utilisés, récupérés, remis en état et dans la circulation. Nous avons également six ateliers d’auto-réparation de vélo, sans oublier les primes de l’EMS pour les particuliers qui achètent des vélos à assistance électrique ou des cargos ! »
Alain Jund glisse ainsi fièrement que plus de 6 000 vélos à assistance électrique ont été subventionnés par l’EMS depuis le 1er janvier 2021 (l’EMS donne entre 300 et 500 euros de prime en fonction des revenus).
Parmi les nouveaux vélos qui vont faire leur apparition dès septembre 2023, il y aura également des vélos pour les personnes à mobilité réduite. (Document remis).
Objectif : 20% de déplacements à vélo en 2030
Toutes ces actions, associées au Vél’hop, font partie de la politique de la « mise en selle » avancée par la Ville. « Le but, c’est d’encourager la pratique du vélo, continue Alain Jund, de donner envie aux usagers d’acheter leur propre vélo après. Là, ils pourront tester un vélo cargo, ou un vélo électrique avant d’en acheter un. Le but n’est pas qu’ils gardent leur Vél’hop pendant cinq ans. Ni d’avoir le même système qu’à Paris, qui coûte dix fois plus cher à la collectivité. »
Pierre Jakubowicz lui, critique vertement cette politique de la « mise en selle » : « Ça ne fonctionne pas comme ça, on le sait. Tant que Strasbourg restera la capitale du vol de vélo, les Strasbourgeois n’achèteront pas plus de vélo. Et rien que pour ça, le Vél’hop c’est bien, parce que personne ne vous le vole. Mais là on va payer plus cher, et sans boutique pour réparer. Ça n’a pas de sens. »
D’après Camille Janton, présidente de Strasbourg Mobilités, 11% des déplacements sur l’agglomération s’effectuent à vélo aujourd’hui. « L’objectif de la collectivité, c’est d’atteindre les 20% en 2030. »
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
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Depuis près de trois ans, les élus du groupe socialiste au conseil municipal de Strasbourg multiplient de virulentes critiques contre les écologistes et se trouvent des points communs avec la droite.
L’Institut Montaigne a été fondé par des hommes d’affaires afin de produire des analyses critiques sur la dépense publique. Mais pour Pernelle Richardot, conseillère municipale socialiste à Strasbourg, l’Institut Montaigne, c’est très bien, surtout quand il critique l’action de la municipalité écologiste, comme elle l’a souligné dans un tweet du 18 juillet.
Cette nouvelle sortie à droite, d’une élue de gauche, ne surprend plus les observateurs de la vie politique strasbourgeoise. Les déclarations étonnantes pour des élus de gauche en conseil municipal se multiplient, tout comme les signes de rapprochement avec les élus du groupe « Centristes & progressistes ». Quelques semaines plus tôt sur Facebook, Pierre Jakubowicz, le co-président de ce groupe, renvoyait carrément ses abonnés trouver des informations sur le profil de Pernelle Richardot.
Déjà très actif pour critiquer l’action municipale, Pierre Jakubowicz, le conseiller municipal membre d’Horizons (le parti de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe), n’attendait sûrement pas autant de renfort de la part d’élus de gauche. Des élus qu’il a toujours combattus au cours de sa carrière politique.
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Les plus grands passionnés du vélo, venus des quatre coins d’Europe, sont rassemblés pendant dix jours à Strasbourg pour la douzième édition du festival Cyclo-Camp. Un cadre idyllique qui ouvre le champ de tous les possibles : place à l’auto-réparation, aux conceptions burlesques et à une autonomie hors-pair !
Il faut faire un dernier crochet par la route avant de s’enfoncer dans les jardins familiaux. Puis le chemin jusqu’au Cyclo-Camp se mue en un labyrinthe végétal foisonnant d’odeurs florales. À l’entrée de Koenigshoffen, écarté de toute sonorité urbaine, l’itinéraire sinueux laisse finalement entrevoir le parc Saint-Gall dans lequel un amas d’amoureux du vélo, venus du monde entier (Sud-Américains à l’appui), ont posé pied à terre.
Depuis vendredi 21 juillet (date à laquelle le festival Cyclo-Camp a ouvert ses portes) et pendant dix jours consécutifs, le site – loué à la ville – est peuplé de cyclistes de diverses horizons, allant et venant, de passage ou séjournant. Le principe : un grand rassemblement, gratuit, pour réparer, créer ou juste échanger autour du vélo. Que les plus férus du deux-roues se dépêchent : tout ça prend fin ce dimanche 30 juillet.
Les habitués du cambouis à l’œuvre
Ce mercredi 26 juillet, l’auto-réparation et la construction sont de vigueur. Sous la tente qui met à disposition une myriade d’outils, chacun s’adonne à sa propre besogne et assemble à partir de pièces récupérées sur le site. Tout autour de la tonnelle jonchent des carcasses de vélo qu’il faut enjamber presque sur la pointe des pieds pour se rapprocher de l’atelier. « D’habitude, j’accorde très peu de temps à la soudure, c’est agréable de pouvoir en consacrer ici », se réjouit Charlotte, 26 ans, fer à souder à la main et masque de protection relevé au-dessus de son front.
Lotte apprécie le temps qu’elle peut consacrer à la soudure au Cyclo-Camp Photo : RM / Rue89 Strasbourg /cc Les radiations produites lors du soudage peuvent, sans protection, provoquer des brûlures cutanées ainsi que la surface de l’oeil Photo : RM / Rue89 Strasbourg /cc
Membre d’un « bike-kitchen » en Allemagne – un atelier d’entre-aide et de réparation de vélos – Charlotte (ou Lotte) est habituée au cambouis et à la mécanique du deux-roues. Elle explique n’avoir jamais jusqu’alors participé à un Cyclo-Camp :
« C’est mon amie qui a insisté pour m’entraîner ici. Je pensais que le lieu serait surtout dominé par des hommes mais finalement, c’est plutôt équilibré. Et puis à l’atelier, les mecs sont souvent surpris de me voir en action. Ici, ça semble normal et ça fait du bien. »
Des passionnés venus des quatre coins du monde
Depuis son arrivée, Lotte a rencontré des personnes avec qui elle a pu échanger sur les pratiques de soudure et en apprendre davantage. Mais aussi avec qui elle a pu réfléchir à comment s’ouvrir davantage, dans un monde « où l’on a perdu l’habitude de réparer des choses. Un concept que l’on a besoin de se réapproprier », esquisse-t-elle, sourire aux lèvres.
Venus des quatre coins d’Europe, ils sont nombreux à être déjà associés à un atelier d’auto-réparation. D’Allemagne, d’Autriche ou de Slovaquie, l’idée est de partager leurs savoirs ainsi que de dialoguer sur les différentes problématiques auxquelles ils peuvent être confrontés. De manière informelle tout au long de la semaine, ou rassemblés autour d’un cercle dédié à cet échange au cours de l’après-midi. Une discussion conclue par la venue d’une fillette qui, sans un mot, désigne d’un doigt la cuisine partagée et arbore de l’autre main un panneau où l’on peut lire « crêpes véganes à prix libre ».
Une selle insolite conçue par Lotte et son ami slovaque Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Inventions déjantées au rendez-vous
« On aime bien faire des choses rigolotes », décrit Lotte en révélant l’œuvre à laquelle elle s’applique avec son ami débarquant de Bratislava : une roue dentée sur laquelle deux pièces de vélo ont été soudées. Alberto, qui est arrivé dès le vendredi soir, s’adonne quant à lui à la construction d’un « tall-bike ». Un assemblage de pièces tout droit venues de son atelier allemand à Fribourg-en-Brisgau qu’il compose avec ce que les collectifs ont mis à disposition. « Par contre regarde celui-là, ils ont trouvé tous les matériaux ici », indique-t-il en désignant un vélo muni d’une roue supplémentaire qui orne la bécane.
Alberto, aux côtés de son vélo surélevé Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc Un vélo conçu à partir d’un caddie récupéré Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Dans cet atelier, les lumières vivifiantes des appareils à souder jaillissent et fusent aux côtés de créations loufoques. En une poignée de jours, Nils a conçu une machine à laver à pédales. Au-delà d’une certaine praticité, le site du Cyclo-Camp héberge toutes sortes de vélos, tous plus déjantés les uns que les autres. Certains sont prêtés par le collectif Cambouis – organisateur du festival – mais beaucoup émanent de l’imagination de ses participants.
Une fois achevés, ces deux-roues biscornus, malicieux ou amusants sont inaugurés dans la plus grande joie de quelques déambulateurs, donnant à la tranquillité du festival un côté circassien. « Wahou, il est trop drôle celui-ci ! », peut-on entendre de la bouche d’un jeune adolescent, après avoir testé la création de Mimi, 35 ans, concepteur d’un vélo qui ne se dirige pas uniquement par son guidon mais aussi par tout l’avant du cadre.
Mimi, du collectif Ecotopia bike tour, fait une démonstration de son vélo à double rotation Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc
Tout proche, Zou se dévoue à la fabrication de sa machine à bulles. Une idée qui mijote depuis quelques temps dans l’esprit de Zou, Mathilde et Filou. À eux trois, ils ont créé un premier prototype. « Comme on est tous un pneu déjanté, avec les gentes, on fait plus de trucs ! », s’amuse à commenter Filou, tout content de son jeu de mots. « C’est en testant qu’on pourra voir ensuite », lâche Zou avec une once de fierté, avant de réfléchir avec Mathilde comment faire tourner la roue :
« Je pensais à une petite jardinière remplie d’eau, qui actionnerait sa rotation lorsque le reste du vélo sera en mouvement. Ou bien on pourrait peut-être reprendre le principe de la machine à cassettes ? Ou l’actionner par un système de dynamo ? En tout cas, je la vois tellement bien sur ma Brigitte (son vélo NDLR) cette machine ! »
L’invention de Zou, Filou et Mathilde. Des rayons en forme de cercle seront soudés les uns sur les autres pour diffuser les bulles Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc Construction d’un dôme à partir de chambres à air et d’anciennes roues de vélo Photo : RM / Rue89 Strasbourg /cc
Naissance d’une collectivité surprenante
Les festivaliers – qui pour certains dorment sur site pendant le Cyclo-Camp – ne reprennent pas les choses en main uniquement par la mécanique, mais aussi par l’organisation du vivre ensemble. Mimi, le concepteur du vélo à rotation multiple, confie apprécier la facilité du « roulement dans les tâches à effectuer ». Parce qu’au Cyclo-Camp, tout se déroule en auto-gestion. Fabien, membre du collectif Cambouis, justifie ce choix :
« On voulait que chacun puisse s’approprier ce lieu afin de faire émerger un véritable collectif qui s’auto-organise. Puisqu’on leur laisse cet espace et qu’on n’oblige rien à quiconque, ça fonctionne à merveille. On ne s’attendait d’ailleurs pas à ce que ce soit aussi simple. »
Au cours de la semaine, des profils se sont dessinés. Fabien explique que « chacun a son domaine de spécialité », et y met « le temps et l’énergie » qu’il peut y apporter. Certains gèrent la cuisine, d’autres partent en récup’ pour le dîner ou œuvrent à la maintenance des toilettes sèches. Fabien pointe que le bar est, quant à lui, désormais complètement auto-géré :
« Ça peut sembler étonnant, mais personne n’en abuse. On voit les gens se servir derrière le bar, mettre dans la caisse, ou alors revenir plus tard quand ils n’ont pas leur argent sur eux. Beaucoup mettent d’ailleurs plus que le prix indiqué. Pareil pour la nourriture. Je n’ai jamais vu un prix libre aussi bien marcher. J’imagine que c’est parce que le public met de l’argent dans ce qu’il affectionne. »
« Ici, les gens ne sont pas là pour consommer le festival, il y a une certaine responsabilisation qui s’opère », analyse Thomas, en plein télétravail derrière le bar, également membre de Cambouis. Un festival où ses participants repartent avec la folle idée que, finalement, un autre monde est possible.
La soirée Campus Alternatif revient pour une sixième édition le jeudi 7 septembre, sur le campus de l’Esplanade. Co-organisée par le Crous de Strasbourg et le Service universitaire de l’action culturelle (Suac), cette soirée – ouverte à tous – propose des concerts variés et des jeux.
Le jeudi 7 septembre à partir de 17h30, le Campus de l’Esplanade propose une soirée de quatre concerts. Gratuite et ouverte à tous, cette soirée rassemble de plus en plus de monde chaque année. Pour sa sixième édition, plus de 1 000 participants sont attendus.
Campus Alternatif 2021 (Photo : Manu Grimm / Suac).
Co-organisée par le Crous de Strasbourg et le Service universitaire de l’action culturelle (Suac), l’évènement est en partenariat avec l‘association Pelpass qui sera présente sur place pour proposer des jeux en bois. Le tout, dans un lieu scénographié et pensé par le collectif artistique « Ça gronde », basé à Strasbourg.
Exemple de jeu en bois lors du Campus Alternatif de 2021 (Photo : Manu Grimm / Suac).
Une programmation polyvalente
La programmation propose cette année quatre groupes différents, tous originaires de la région Grand-Est, allant du rock au rap, en passant par l’électro-funk. Parmi eux, un groupe d’étudiants, lauréat 2023 du concours « Pulsations », un concours de création artistique étudiante régionale.
Le groupe Mismo, lors du Campus Alternatif 2021 (Photo : Manu Grimm / Suac).
Salle TV, le groupe étudiant, donnera une prestation sur scène durant la soirée, aux côtés des artistes professionnels. Ils proposent une musique pop-rock et des instrumentales allant de la mélancolie à la joie.
Passant d’une musique instrumentale mélancolique LoFi (pour low fidelity, ou « faible qualité ») à des morceaux chantés plus pop, l’artiste Mau, toujours accompagnée de sa guitare, passe d’un univers à l’autre. À travers ses textes, elle emporte le spectateur dans l’intime et l’invite à y rester.
Plus dansant, le groupe Trapoline sera présent sur scène avec un flow rap et des instrumentales électro-funk. Au programme : des paroles loufoques sur des beats entraînants.
Il y aura également la chanteuse Jewly. À travers sa voix puissante et sincère, elle partage son univers rock, tinté de mélancolie grâce à des sonorités blues. Cette artiste rock évolue dans une ambiance sombre et mystérieuse.
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