Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Deux ans après un meurtre au Polygone, des fresques pour réconcilier les communautés

Deux ans après un meurtre au Polygone, des fresques pour réconcilier les communautés

Deux ans et demi après le meurtre d’un gitan espagnol de 38 ans, l’association Lupovino et le collectif « Les Passeurs » mènent un projet artistique impliquant les habitants du Polygone pour essayer d’apaiser les tensions persistantes dans le quartier depuis le drame. 

Installés dans l’allée principale du quartier Polygone, entre le Neudorf et le Neuhof au sud de Strasbourg, les artistes de la compagnie Les Passeurs, peignent minutieusement, sous le regard attentif de quelques habitants. Pots, rouleaux et bombes aérosols sont posés sur une grande bâche. Pendant que Amoor, graffeur strasbourgeois, s’occupe de la peinture, Jimmy, lui, place le scotch. Présents du lundi 24 juillet au vendredi 4 août, Amoor et Jimmy taguent toutes sortes de symboles des communautés présentes au Polygone (manouches, gitans espagnols, yéniches). Des caravanes, des roulottes et des hérissons… mais aussi des phrases, recueillies par l’écrivain David Gallon lors de ses conversations avec les habitants du quartier. Ainsi « Je vis avec enfants, parents et grands parents pour continuer de grandir » sera inscrit sur une des fresques du quartier, en manouche.

L’association Lupovino, qui gère le centre socioculturel du Polygone, a lancé cette initiative artistique en collaboration avec la compagnie de théâtre de rue Les Passeurs en juillet 2022. Le projet, intitulé « Habitons ensemble le Polygone, Figures Communes », doit se poursuivre pendant deux à trois ans. L’objectif : atténuer les tensions entre communautés au sein du quartier, comme l’explique David Picard, directeur artistique du projet et membre de Les Passeurs :

« En créant et en faisant quelque chose tous ensemble, avec un sens, les habitants s’attachent à une œuvre commune. Nous espérons que cela aidera à dépasser les préjugés et à aller vers l’autre. » 

Un meurtre à l’origine des divisions

Dans le Polygone, la tension entre manouches et gitans espagnols n’est jamais vraiment retombée depuis un drame survenu le 1er janvier 2021. Ce jour-là, au petit matin, un gitan espagnol de 38 ans est tué, rue de l’Aéropostale. Au cours de la soirée du Nouvel an, l’homme avait percuté en voiture une jeune manouche de 17 ans. Il s’en est suivie une rixe au cours de laquelle le conducteur a été tué par arme à feu.

Dans le quartier depuis 49 ans, Antonio (le prénom a été changé), un résident manouche du quartier, regrette l’époque où il y avait une bonne entente entre les habitants : « Bien sûr qu’on souhaite un apaisement. Surtout pour la nouvelle génération, on ne veut pas qu’ils grandissent dans des tensions comme ça », confie-t-il avant de poursuivre, nostalgique : « Avant le drame, on jouait aux boules. On faisait tout ensemble. L’espoir, c’est qu’on se retrouve comme avant et qu’on ait une bonne entente ».

Mais les interactions entre manouches et gitans espagnols sont rares. David Picard raconte notamment que les enfants qui peignaient aux côtés des artistes se sont arrêtés lorsque l’activité s’est poursuivie dans la partie du quartier occupée par une autre communauté. « Il y a des frontières dans le quartier et tout le monde ne se sent pas le bienvenu partout », affirme-t-il. Signe de l’atmosphère tendue, certains habitants interrogés n’ont pas souhaité répondre, par crainte d’alimenter des querelles et de subir des représailles.

Une méfiance transformée en engouement 

Les habitants du Polygone n’ont pas tout de suite été convaincus par le projet. Mais selon Nathan Grassaud, chargé de projet territorial à Lupovino, maintenant que le projet est en cours, certains habitants commencent à s’impliquer et aident à la réalisation des fresques. Dans l’après-midi du mercredi 26 juillet, Les Passeurs ont commencé le travail en posant des repères sur un mur. Les enfants ont alors enfilé des combinaisons et peint aux côtés des artistes, heureux de pouvoir participer.

Les enfants aident à la réalisation de la fresque aux côtés des artistes Photo : David Picard / Les Passeurs

Le lendemain, les artistes ont terminé la fresque. Si les enfants n’étaient plus là pour peindre, les parents se sont arrêtés pour poser quelques questions à Amoor ou à David, qu’ils connaissent désormais. Une femme manouche âgée d’environ 60 ans a ainsi demandé à David pourquoi ils ne peignaient pas sur sa façade, qui se situe pourtant au centre du quartier, à la vue de tous. David ironise : « Au début, personne ne voulait des fresques. Maintenant, tout le monde en veut ! »

Dans une ambiance détendue, les habitants du Polygone s’arrêtent volontiers pour observer les artistes. « Ça dépasse ici ! », lance un résident. « Ce n’est pas encore fini ! », répond alors Amoor. Un autre habitant du Polygone, assis sur son vélo, s’écrit : « Mais je reconnais la caravane ! Elle vient d’ici ! Elle date des années 70, je la connais bien. » Amoor confirme : il s’est inspiré d’une caravane présente dans le quartier pour réaliser son œuvre.

« Ça donne de la joie dans le quartier »

Plusieurs habitants du Polygone s’accordent pour louer l’initiative. « Ce projet, c’est formidable. C’est merveilleux. Ça donne de la joie dans le quartier », confie Antonio. Un avis que partage un gitan espagnol, arrivé ici en 2014 : « Le quartier est gris et terne, ça ajoute de la gaité. Vous savez, nous, on est espagnols, on aime les couleurs vives. On n’a que ça dans la vie. »

La grande fresque centrale, sur laquelle sera plus tard inscrit « La roulotte a roulé jusqu’à la caravane, posée dans le jardin de la maison », une histoire commune à chacun dans le quartier Photo : Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc

Alors qu’il regarde les artistes en plein travail, un autre habitant du Polygone lance à David : « J’espère que les jeunes ne viendront pas taguer dessus. Si j’en vois un faire, je lui tire les oreilles. Moi j’aime bien ces fresques, je veux que ça reste comme ça. » 

Vendredi matin, en arrivant sur place, les artistes remarquent que la fresque centrale a été recouverte au marqueur pendant la nuit. Déçus, ils continuent leur journée. Plus tard, en revenant sur les lieux, les artistes sont agréablement surpris : plusieurs papas du quartier sont réunis et sont déjà en train de repeindre pour effacer les tags. L’inauguration des fresques devrait avoir lieu en octobre, lors d’un grand repas organisé dans le quartier.

La police évacue un bâtiment qui aura été occupé une nuit par des sans-abris

La police évacue un bâtiment qui aura été occupé une nuit par des sans-abris

Une cinquantaine de sans-abris pensaient avoir trouvé un refuge dans un bâtiment inoccupé du Neuhof dimanche 13 août. Mais la police a évacué le site le lendemain vers 14h30.

Dans la soirée du 13 août, vers 21h, des sans-abris sont rentrés dans un bâtiment vide et en instance de démolition au 8 rue de Sarlat, dans le quartier du Neuhof à Strasbourg. Le site se trouve dans le même ensemble d’immeubles que le squat Sarlat, où vivent au moins 70 familles sans autre solution d’hébergement depuis avril.

Des agents de police ont procédé à deux interpellations aux abords de la rue de Sarlat dans la soirée du 14 août. (Vidéo remise)

En tout, une cinquantaine de personnes supplémentaires, d’origine géorgienne, dont une dizaine d’enfants, ont cherché à s’y installer dimanche soir. Des policiers sont rapidement arrivés sur place, deux hommes ont été arrêtés à cette occasion puis les agents sont repartis. Les sans-abris ont pu passer la nuit de dimanche à lundi sous un toit.

Au matin du lundi 14 août, les nouveaux habitants commencent à nettoyer des appartements plus ou moins insalubres, sans eau courante ni électricité. Quelques pièces sont tout de même en bon état et habitables.

Nicolas et Nita, les enfants de Diana, jouent devant l’immeuble, contents d’avoir trouvé une solution après avoir dormi pendant trois mois au camp de l’Étoile. Ce dernier devrait à nouveau être évacué courant août, une décision en ce sens du tribunal administratif de Strasbourg le 7 août ayant donné huit jours de délai aux occupants et aux autorités.

Diana surveillait Nicolas et Nita pendant qu’ils jouaient. (Photo TV / Rue89 Strasbourg) Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Pas d’hébergement au 115

Toutes les personnes présentes devant l’immeuble disent dormir dans des tentes ou des voitures. Venue en France avec son fils de 17 ans, Maya explique en anglais qu’elle est contrainte d’occuper ce bâtiment pour ne pas dormir dehors : « Tous les jours j’appelle le 115 (le numéro pour demander un hébergement d’urgence, NDLR), ils disent qu’ils n’ont pas de place. »

Sans autre solution, de nombreux sans-abris tentent d’occuper des bâtiments vides. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

À 12h15, un premier fourgon de police se gare devant le 8 rue de Sarlat, avant d’être rejoint quelques minutes plus tard par un, puis deux autres véhicules. Aux alentours de 14h30, les forces de l’ordre évacuent le site. Les sans-abris devront retourner dormir dans la rue.

Leon se réjouissait de dormir à l’intérieur. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

D’après deux personnes présentes sur les lieux lors de l’évacuation, des occupants ont été arrêtés par les policiers. Contactée, la police nationale n’a pas répondu à nos demandes de confirmation.

Le bailleur social Habitation Moderne, propriétaire des lieux, la préfecture et la Ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire d’Habitation Moderne, n’ont pas donné suite à notre sollicitation au moment de publier cet article.

Grève à Clestra et solidarité ouvrière : « On a des origines différentes mais on est tous dans le même monde »

Grève à Clestra et solidarité ouvrière : « On a des origines différentes mais on est tous dans le même monde »

« Clestra : une résistance ouvrière » – épisode 1. Les salariés de l’usine Clestra ont entamé une grève début juillet suite au licenciement d’un de leurs collègues. En défendant collectivement leurs emplois, ces ouvriers de différentes origines luttent aussi pour conserver leur « deuxième famille ».

L’un aurait dû être au Portugal, l’autre en Algérie. Mais ce mardi 8 août, les deux ouvriers de Clestra tiennent le piquet de grève devant l’entreprise de cloisons de bureaux à Illkirch-Graffenstaden. « L’usine est fermée actuellement. On aurait dû être en vacances, » souligne Philippe, salarié de la société depuis 33 ans. Au lieu de ça, l’employé au pôle assemblage et sa femme, Marie-José, ont décidé de soutenir le mouvement social. Le couple compte parmi la vingtaine de salariés à s’être réunis pour marquer la sixième semaine de grève et partager un barbecue.

L’entreprise Clestra est un lieu de sociabilisation et de fierté pour ces grévistes. Photo : Prunelle Menu / Rue 89 Strasbourg

Penser collectif face à « l’injustice »

Après quelques poignées de mains et des échanges de sourires, les grévistes se remémorent le début du mouvement. Le dimanche 2 juillet 2023, Djibril (le prénom a été modifié) a reçu un e-mail lui interdisant l’entrée sur le site. Du jour au lendemain, il a été licencié « pour faute grave ». La direction aurait mis en avant des pauses trop longues et un téléphone consulté pendant les heures de travail.

N’ayant reçu aucun avertissement, les collègues de Djibril et le syndicat CGT dénoncent un licenciement abusif. « Ça s’est fait de façon brutal, sans considération et sans respect, » juge Amar Ladraa, délégué syndical CGT Métallurgie Grand Est. L’épisode a marqué les ouvriers, qui ont décidé de se mettre en grève. « C’est normal d’être solidaire avec les autres parties d’une même équipe », lance Bertrand (le prénom a été modifié) qui porte un t-shirt bleu de l’entreprise Clestra. « On a des origines différentes mais on est tous dans le même monde », ajoute-il.

« On endure les coups ensemble »

« Le soutien des collègues m’a beaucoup touché. Ici, c’est la famille. Je ne veux pas bosser ailleurs », raconte Djibril qui est encore très attaché au collectif des travailleurs de Clestra. Embauché en 2019, il ne s’attendait pas à être viré quatre ans plus tard. « C’est venu comme ça, bam ! Aujourd’hui, mon compte bancaire est dans le négatif. Je ne sais pas comment je vais payer mon loyer. » Père de deux enfants, Djibril voudrait retrouver un travail et un quotidien apaisé.

Depuis la reprise de l’entreprise par le groupe Jestia en octobre 2022, les ouvriers attendent des garanties sur le maintien de leurs postes. Avec le déménagement de la production prévu, les grévistes craignent qu’une partie des emplois se perdent, d’autant que les futurs locaux situés Port-du-Rhin sont plus petits que l’usine à Illkirch-Graffenstaden. Les ouvriers dénoncent un manque de communication de leur hiérarchie. « La direction aurait sans doute bien aimé qu’on soit désuni, explique Philippe, mais ça fait des années qu’on se connaît, alors on endure les coups ensemble. »

Les mêmes galères quotidiennes

Des salariés d’origine turque, algérienne ou encore portugaise travaillent depuis plusieurs générations au sein de l’entreprise. « Ils ont tous le même vécu, les mêmes galères quotidiennes, résume le syndicaliste Amar Ladraa, ils connaissent la difficulté des fins de mois, la pression. Ils vivent déjà dans des situations difficiles où le taux de chômage explose. C’est ce qui fait qu’ils sont solidaires et déterminés dans cette grève. » Selon le délégué syndical CGT, 90% des grévistes habitent dans les mêmes quartiers populaires de Strasbourg, comme la Meinau, le Neuhof, Hautepierre, Koenigshoffen, ou à Lingolsheim et Illkirch-Graffenstaden.

Au moins trois barbecues solidaires ont été organisés depuis le début de la grève. (Photo Prunelle Menu / Rue89 Strasbourg)Photo : Prunelle Menu / Rue 89 Strasbourg

« À l’origine, la boîte était très sociale »

L’entreprise métallurgique Clestra Hausermann, qui existe depuis 110 ans, est aussi un lieu de sociabilisation et de fierté pour ces grévistes. « À l’origine, la boîte était très sociale. Le comité d’entreprise organisait des fêtes de Noël ou des remises de médailles. Il y avait une réelle relation entre le patron et le personnel : on était informé sur les conditions de travail, il y avait une infirmerie. On est passé d’une situation normale d’entreprise à un véritable cauchemar », commence Philippe.

Ce rapport de proximité dépassait le cadre de l’entreprise. « Quand l’usine était installée à Koenigshoffen, c’était une autre ambiance ! On se rencontrait entre mamans et on se connaissait un peu toutes. On allait faire des sorties à Europa Park ou on allait aux concours de pêche avec les enfants des collègues de mon mari », se remémore Marie-José.

Avec le déménagement de l’entreprise à Illkirch-Graffenstaden en 2011, certains ouvriers ont dû déménager et les sorties se sont raréfiées. Néanmoins, une partie des salariés a continué d’organiser des moments de convivialité, comme ces barbecues solidaires, qu’ils organisent spontanément via un groupe de conversation commun sur Whatsapp.

Le syndicat CGT Métallurgie soutient le mouvement depuis le début de la grève. Photo : Prunelle Menu / Rue89 Strasbourg

Chaises de camping, baguettes, sodas… Chacun contribue à l’installation du barbecue en continuant la conversation sous le barnum. Derrière les salariés de Clestra, quelques camions emportent déjà des machines de production. Les ouvriers s’apprêtent à passer à table. Amar Ladraa conclut sur l’évolution de cette entreprise importante pour les habitants des quartiers populaires de Strasbourg et des environs :

« C’est une des dernières entreprises industrielles qui se trouvent encore sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg. C’est aussi pour ça qu’on interpelle la mairie depuis de nombreuses années : on aimerait qu’ils prennent en compte la particularité qu’est Clestra. C’est une entreprise importante pour cette population qui habite dans les quartiers populaires de Strasbourg. »

À Stimultania, une exposition mêle science et art photographique pour dénoncer des contaminations planétaires

À Stimultania, une exposition mêle science et art photographique pour dénoncer des contaminations planétaires

Jusqu’au 15 septembre, Stimultania expose « L’île naufragée » de Richard Pak et « Les particules » de Manon Lanjouère. Par un travail photographique et scientifique, ces deux séries mettent en lumière deux pollutions désastreuses.

Jusqu’au 15 septembre, le pôle photographie Stimultania plonge ses visiteurs dans les œuvres des deux derniers lauréats du prix Photographie et Sciences. Le projet « L’île naufragée » de Richard Pak met en lumière la contamination au phosphate de l’État insulaire de Nauru. L’exposition de Manon Lanjouère, « Les particules », révèle une pollution indiscernable à l’œil nu mais tout aussi dramatique : les micro-plastiques qui peuplent l’océan et qui menacent ses micro-organismes. La photographe imagine un scénario où le plastique aura remplacé ces êtres vivants essentiels à la survie de l’espèce humaine.

Richard Pak emplit une partie de ses négatifs d’une solution phosphorique : une image elle-même contaminée, à l’image de l’île de Nauru. Photo : Richard Pak

Un paradis ravagé par sa richesse

Après avoir bataillé pour obtenir un visa, Richard Pak a pu se rendre sur l’île de Nauru pour raconter l’histoire la plus petite république du globe (21 km²) située en Micronésie dans l’océan Pacifique. Avec la série photographique « L’île naufragée », le lauréat du prix Photographie et Science en 2021 pose ce petit pays comme une « allégorie du monde ».

Cet État insulaire de Nauru a connu la prospérité avant de devenir l’un des pays les plus pauvres au monde. Ses terres étaient gorgées de phosphate, un élément essentiel pour les engrais utilisés dans l’agriculture intensive. Mais aujourd’hui, l’exploitation du phosphate a cessé. L’exposition nous fait ainsi entrer dans l’île par le biais d’un panneau flouté où se devine tout juste la silhouette de quelques palmiers et la couleur turquoise de l’eau, surplombé par des portraits de Nauruanes à la longue chevelure ornée de fleurs tropicales.

Au milieu du fléau, une série de portraits d’enfants semble flotter au-dessus de l’eau, grâce à une vitesse d’obturation maîtrisée à la perfection Photo : Stimultania

L’aspect paradisiaque n’est qu’un leurre. Très vite, la série photographique dépeint un tout autre tableau. Les paysages sont affadis, dévastés, et les formations rocheuses semblent crier au désespoir. En face de ces horizons désolés, une succession de clichés rend compte de l’aspect désertique de Nauru : des carcasses de voitures laissées sur les bas côtés, des commerces qui ont mis la clé sous la porte, une myriade de stations-essences qui ne sont plus approvisionnées depuis longtemps.

Mise en abîme du désastre écologique

Le phosphate, devenu part entière du décor insulaire, se répand jusqu’aux négatifs de Richard Pak. Ceux qui ont capturé les gisements de son ancienne exploitation sont plongés dans une solution d’acide phosphorique. La technique du trempage emplit le cliché d’un rouge vermillon. En renversant des gouttelettes d’acide, le résultat est tout aussi bluffant, avec l’apparition sur le cliché d’un dôme de taches écarlates flottant au-dessus de l’État insulaire.

Le rouge désoriantant de l’acide phosphorique semble faire saigner la terre de Nauru Photo : Richard Pak

La saisie de l’insaisissable

Manon Lanjouère, lauréate du prix Photographie et Sciences 2022, s’est passionnée pour un tout autre univers. Par des discussions avec des scientifiques et une exploration visuelle, la photographe a appris la composition du phytoplancton – son ADN et ses mécanismes de photosynthèse – et son rôle dans l’organisation de notre écosystème.

Certains modèles de phytoplanctons photographiés par Manon Lanjouère font partie de l’exposition au Stimultania Photo : Stimultania

Ces peuples invisibles sont à l’origine de 40% de l’absorption du dioxyde de carbone et 60% de la production d’oxygène. Aujourd’hui, ils cohabitent avec les micro-plastiques, plus nombreux encore que les étoiles de notre galaxie. En récupérant des matériaux plastiques sur les plages ou dans les poubelles, l’artiste compose avec le monde de demain et imagine un plastique qui aurait remplacé la structure de ces phytoplanctons. Un voyage dans les limbes océaniques qui jongle entre le sublime et le fléau.

Incendie à Wintzenheim : le parquet de Colmar se dessaisit au profit de Paris

Incendie à Wintzenheim : le parquet de Colmar se dessaisit au profit de Paris

Le procureur de la République de Colmar s’est dessaisie samedi de l’enquête sur l’incendie du gîte de Wintzenheim, pour la confier au parquet de Paris, qui dispose des moyens nécessaires pour enquêter sur des accidents ayant provoqué de nombreuses victimes.

Dans un communiqué publié samedi 12 août, la procureure de la République de Colmar, Nathalie Kielwasser, annonce qu’elle a sollicité la saisine du pôle des accidents collectifs du parquet de
Paris pour poursuivre les investigations sur l’incendie du gîte de Wintzenheim survenu mercredi 9 août. Ce drame a fait 11 victimes parmi les 28 personnes présentes, 10 vacanciers en situation de handicap mental léger et un accompagnateur sont décédés.

« Au regard du nombre de victimes, réparties sur le territoire national, et de l’ampleur des investigations à venir, la saisine du pôle des accidents collectifs du parquet de Paris a été sollicitée par le parquet de Colmar en accord avec les parquets généraux de Paris et Colmar », indique le communiqué.

Le feu a entièrement détruit le bâtiment Photo : Roxanne Machecourt / Rue89 Strasbourg / cc

Le communiqué du parquet de Colmar précise que « deux accompagnateurs et trois vacanciers ont réchappé du feu et ont pu sortir d’hospitalisation dans la journée de samedi. Elles ont été accompagnées par la protection civile, une cellule d’urgence médico-psychologique et les associations d’aide aux victimes. Entendues sur place, elles ont été raccompagnées vers leurs lieux de vie habituels ».

Le communiqué indique qu’une « enquête préliminaire des chefs d’homicides et de blessures involontaires aggravés par la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement » a été ouverte par le parquet de Paris, afin de « déterminer les causes précises de l’incendie et les éventuelles responsabilités pénales ». Des questions se posent quant à la capacité du gîte d’accueillir ce type de séjour et de public, et sur l’agrément dont disposait l’association organisatrice (voir notre article).

House, funk et disco… Dès le 25 août, le festival Longevity met des couleurs dans les soirées

House, funk et disco… Dès le 25 août, le festival Longevity met des couleurs dans les soirées

Du vendredi 25 au dimanche 27 août, le festival Longevity s’installe au Jardin des Deux-Rives avec une programmation teintée de notes house, disco et funk. Les plus pressés pourront apprécier une avant-première gratuite dès ce samedi 12 août.

Fondé en 2013 et développé par une équipe franco-allemande, le festival Longevity s’installe au Jardin des Deux-Rives du vendredi 25 au dimanche 27 août. Pour cette neuvième édition, une vingtaine d’artistes sont programmés pour des soirées pleine d’une musique électronique exaltante, pêchue et groovy.

La musique électronique au cœur du réacteur

Tous influencés par la musique house des années 90, les artistes programmés ont un objectif clair. Directeur du festival Longevity, Guillaume Azambre a mis l’accent sur la dimension festive de l’événement cette année :

« C’est tout l’art du DJing : des artistes qui, en amont, dénichent des pépites dans l’unique but de faire oublier aux gens leur quotidien et de leur faire vivre ce lâcher prise commun. C’est ce que représente, et de manière exacerbée, ces artistes. »

Guillaume Azambre, directeur de Longevity : « Les djs dénichent des pépites pour faire vivre aux gens un lâcher prise commun. » Photo : Bartosch Salmanski / doc remis

Parmi les têtes d’affiche, Gene On Earth, né aux Etats-Unis et basé en Allemagne, propose aux platines une traversée en apesanteur, entre sonorités disco et acid house venues d’une autre galaxie. Cet univers, parfois nappé de quelques sonorités breakbeat, s’approche de celui d’Arlanoa et DJ Bienveillance. Le duo strasbourgeois promet un set haut en couleurs et éminemment dansant.

Quelques touches hip-hop, disco et funk

Il y aura aussi des figures montantes comme le Marseillais Man/Ipulate qui ajoute à la programmation quelques sonorités hip-hop et disco funk. De même, Sugar free, une DJ basée à Berlin, saura surprendre par la variété de ses inspirations musicales.

Quelques performances en « live » sont aussi prévues, avec Paul Lution, à l’initiative d’un voyage analogique jonglant entre teintes acid house, techno ou breakbeat. L’artiste s’applique, par des extraits vocaux préenregistrés, à dénoncer la pollution de l’espace.

Un espace ouvert aux familles et enfants

Le festival Longevity se veut ouvert aux enfants. Pour cette neuvième édition, le dimanche, « un jour traditionnellement dédié à la famille », offrira une programmation qui vise à mêler petits et grands  :

« Le festival et les artistes programmés le dimanche ont pour but de participer à l’éveil musical des plus jeunes. Des artistes comme Les Crapules, habillés en super héros, ou HIBA, des étoiles montantes locales, apporteront une note électro pop-rap qui sauront, nous l’espérons, faire groover les enfants »

Le festival Longevity se veut ouvert aux enfants. Ateliers et sets musicaux leur sont dédiés Photo : Bartosch Salmanski / doc remis

Lors des événements gratuits des samedis 12 et 19 août, des ateliers ludiques en lien avec la musique électronique sont aussi prévus de 10h à midi. Une « chasse aux sons » sur site permettra aux plus petits d’enregistrer des sonorités qu’ils utiliseront lors d’un atelier créatif.

Afin de nourrir les échanges des deux côtés du Rhin, le collectif allemand Zycon ouvrira les festivités le samedi 12 août avec une installation musicale sphérique pour une « expérience sonore astrale », se réjouit le directeur du festival. Puis le samedi 19 août, le collectif strasbourgeois Ordinaire fera danser les festivaliers par ses composantes house et groovy dont il a le secret.

#longevity

Sous-effectif chronique et internes à bout : SOS Main fermé au moins jusqu’au 15 août

Sous-effectif chronique et internes à bout : SOS Main fermé au moins jusqu’au 15 août

En sous-effectif, les internes de SOS Main ont dû cesser leur activité à l’hôpital de Hautepierre. Les consultations en urgence sont fermées au moins jusqu’au 15 août. L’hôpital public redirige vers un établissement privé, la clinique Rhéna.

Si les consultations programmées ont toujours lieu, le service des urgences de la main basé au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Hautepierre ne fonctionnent plus en raison du manque de personnel. « Pendant presque deux mois, ils n’ont été que trois internes chaque jour. Cette situation doit durer jusque septembre. Or, pour qu’une ligne de garde tourne, il faut au moins six internes, » explique Clémence Guégan, présidente du syndicat autonome des internes d’Alsace (SAIA).

Le service SOS Main de l’Hôpital de Strasbourg étant fermé, les patients sont redirigés vers la clinique Rhena situé au quartier des Deux Rives.

L’épuisement des internes dénoncés depuis plusieurs années

SOS Main repose sur le travail des internes. Indispensable au fonctionnement global de l’hôpital public, ces étudiants de médecine en fin de cycle dénoncent régulièrement leurs conditions de travail, en particulier les horaires interminables dépassant en moyenne 50 heures par semaine. En juin 2021, une consultation du Syndicat autonome des internes d’Alsace (SAIA) dressait un bilan inquiétant de l’état psychologique des médecins en formation. Un quart des répondants avait une forte probabilité de présenter une détresse psychologique.

La fermeture des urgences de SOS Main n’est pas un cas isolé aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS). En juillet 2023, une vingtaine d’internes apprentis-chirurgiens ont cessé le travail plusieurs jours au Centre hospitalier de Strasbourg. Épuisés, ils ne pouvaient plus répondre aux trop nombreuses sollicitations des urgences.

Une fermeture partielle depuis le 2 mai

Dès la fin mai, les gardes de SOS Main ont été fermées une semaine sur deux, avec des redirections vers la clinique Rhéna depuis cette date. La présidente du syndicat d’internes évoque quatre arrêts maladies d’internes rien que pour le service de SOS Main. « Une interne a fait plus de 100 heures la semaine juste avant son arrêt de travail. Ce n’était plus possible », déclare Clémence Guégan.

Une enquête récente du syndicat d’internes Saia a révélé d’importants dégâts liés au surmenage permanent, comme l’explique Clémence Guegan :

« On a posé des questions et 70% des internes en orthopédie ont admis être déprimés. Tous étaient en grande souffrance avec notamment le sentiment de mal traiter leurs patients. L’un d’eux m’a demandé si “un suicide ferait enfin bouger les choses ?” On a alerté la direction générale sur l’urgence d’une solution pérenne, mais rien n’est venu. »

De fait, tous les patients sont redirigés vers la clinique Rhena. Situé au quartier du Port du Rhin à Strasbourg, la clinique privée prend en charge toutes les urgences médicales et chirurgicales suite à des traumatismes.

Des internes exténués

« Pour que les gardes puissent rouvrir dans de bonnes conditions, il faudrait un recrutement du personnel à SOS Main. C’est la condition pour que les internes soient bien formées et que les patients soient bien soignés. Ça ne servirait à personne de rouvrir trop tôt », conclut Clémence Guégan.

À la Grande-Fosse, les habitants s’emparent de la forêt communale

À la Grande-Fosse, les habitants s’emparent de la forêt communale

Vosges alternatives, notre série d’été sur la vie militante en zone rurale (6/8). À La Grande-Fosse, dans les Vosges, les habitants sont invités à décider de l’usage de la forêt. Des promenades-cueillettes sont organisées par la commune pour faire découvrir ce monde végétal.

Une vingtaine de personnes se retrouvent, panier d’osier dans le creux du coude, pour une sortie cueillette sauvage. La promenade fait partie du programme de découverte, d’échanges et de festivités autour du thème de la forêt nourricière de la commune de La Grande-Fosse, dans les Vosges, à une heure de route de Strasbourg.

Le rendez-vous a été donné sur le parking du ski club des Cimes Argentées. De ski club il n’y a que le nom qui reste depuis des années. Le soleil tape fort en ce matin de juin et on a du mal à imaginer des pentes enneigées ici en hiver. D’ailleurs la station avec une unique piste a fermé dans les années 80, faute de neige… déjà.

Mathieu Munsch, conseiller municipal de 34 ans, est le guide aujourd’hui. Après avoir interrompu de longues études et une parenthèse à l’étranger, il a posé ses valises et les fondations de sa maison écologique à La Grande-Fosse (voir notre article).

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#La Grande Fosse

Incendie à Wintzenheim : fin juin, l’association Oxygène a organisé deux séjours adaptés sans agrément

Incendie à Wintzenheim : fin juin, l’association Oxygène a organisé deux séjours adaptés sans agrément

Fin juin, l’inspection du travail a constaté l’absence d’agrément « Vacances Adaptées Organisées » pour l’association Oxygène, qui organisait le séjour dans le gite qui a brûlé à Wintzenheim le 9 août. La structure avait finalement obtenu un agrément temporaire de la préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes le 7 juillet.

L’association Oxygène était-elle en capacité d’accueillir des personnes en situation de handicap pendant des vacances ? La question se pose après le terrible incendie qui a coûté la vie à 11 personnes dans la nuit du 8 au 9 août dans un gîte de la commune de Wintzenheim (Haut-Rhin). Rue89 Strasbourg a pu consulter l’arrêté de la préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes du 7 juillet 2023 accordant à la structure l’agrément des séjours de Vacances Adaptées Organisées (VAO). Ce document indique que l’association Oxygène a connu des difficultés avant d’obtenir, in extremis, la précieuse autorisation de l’État pour organiser des séjours pour des personnes adultes présentant une déficience intellectuelle.

La demande d’agrément d’Oxygène n’était pas conforme

Le 25 avril 2023, l’agrément Vacances Adaptées Organisées de l’association Oxygène prenait fin. La structure a ainsi transmis aux services de l’État une demande de renouvellement d’agrément, déclarée recevable le 2 mai 2023. S’ensuivent de nombreux échanges entre l’administration et la société Oxygène qui n’ont pas permis de déclarer le dossier conforme à l’instruction du 10 juillet 2015 relative à l’organisation des séjours de vacances pour personnes handicapées majeures. Cette instruction porte notamment sur des points de sécurité :

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Attaques d’Alsace Nature et de la justice : la droite locale dérape sur le contournement de Châtenois 

Attaques d’Alsace Nature et de la justice : la droite locale dérape sur le contournement de Châtenois 

Plutôt que de reconnaitre les irrégularités du projet de contournement de Châtenois, les élus locaux rejettent la faute sur la justice et Alsace Nature. De son côté, l’association écologiste estime jouer son rôle en faisant respecter le droit de l’environnement.

« Nous défendons une écologie intelligente mais pas une écologie qui veut détruire l’Homme. » L’air grave, Luc Adoneth, maire divers droite de Châtenois, fustigeait l’association Alsace Nature le samedi 3 juin lors d’une manifestation en faveur du contournement routier de sa commune. Son chantier, financé à hauteur de 60 millions d’euros par la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), la Région Grand Est et l’État, est bloqué depuis le 12 mai par le tribunal administratif de Strasbourg. Cette décision de justice fait suite à un recours déposé par l’association de protection de l’environnement en 2019.

Dans la foulée, Alsace Nature a recensé des dizaines de commentaires sur sa page Facebook qualifiant ses membres de « khmers verts », d’ « ayatollah », de « bobos »… Elle est devenue la cible des critiques d’élus et d’habitants de la vallée qui attendent l’ouverture de la route, déjà quasiment terminée et qui aurait dû être mise en service fin 2023. Cette dernière doit permettre aux automobilistes de gagner autour de quinze minutes aux heures de pointe sur la départementale qui passe par Châtenois. Les écologistes sont aussi tenus pour responsables des 250 000 euros par mois que coûte l’arrêt du chantier selon la CeA.

Le chantier du contournement de Châtenois est à l’arrêt depuis mai 2023. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« L’écologie ne peut pas être le prétexte au dogmatisme »

La Cour administrative d’appel de Nancy a proposé une médiation entre Alsace Nature et la Collectivité européenne d’Alsace, pour que les deux parties trouvent un accord sans jugement. L’association environnementaliste l’a refusée, considérant que le délai de deux mois demandé par la CeA ne laisserait pas le temps de trouver des solutions acceptables. Comme le rappelle Alsace Nature, définir des mesures compensatoires fonctionnelles demande des études complexes qui prennent bien plus de temps que quelques mois.

Plusieurs élus ont réagi en s’exprimant publiquement contre Alsace Nature. Sur Facebook, le député Renaissance Charles Sitzensthul a fait part de son incompréhension face au « refus d’Alsace Nature de saisir la médiation offerte par la justice ». Avant d’ajouter : « l’écologie ne peut pas être prétexte au dogmatisme et au jusqu’au-boutisme décroissant ». Pour l’élu de la majorité présidentielle, l’association devrait subitement accepter une route qu’elle combat « depuis plusieurs décennies » alors que la justice vient de lui donner raison… Impossible de s’y résoudre pour François Zind, avocat d’Alsace Nature :

« Cela serait une négation de nos combats. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette politique du fait accompli. Sinon, nous vivrons le même processus de façon systématique : nous sommes contre un projet, son chantier démarre et la justice nous donne raison lorsqu’il est déjà presque construit, donc on est censé l’accepter quand-même. Une décision de la Cour d’appel en notre faveur serait un précédent important pour nous, et un message pour les élus : si un dossier comporte des irrégularités, ça a des conséquences. »

De gauche à droite, Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, Michèle Grosjean, présidente d’Alsace Nature, et François Zind, avocat d’Alsace Nature. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un dysfonctionnement de la justice administrative

Le cas du contournement de Châtenois rappelle le dossier du GCO, dont l’autorisation du chantier avait aussi été jugée illégale quelques mois avant sa mise en service. Le tribunal administratif avait alors considéré que les travaux étaient trop avancés pour être stoppés. Pour François Zind, « dans le cas des recours contre des projets qui impactent l’environnement, il y a une forme de dysfonctionnement de la justice administrative, avec des délais de décision beaucoup trop longs ».

Contacté par Rue89 Strasbourg, Luc Adoneth est d’accord avec Alsace Nature sur ce point : « La lenteur de la justice est un vrai problème. » Lors de la manifestation du 3 juin, il a même interpellé Charles Sitzenstuhl pour qu’il fasse une proposition de loi afin « d’interdire tout arrêt de travaux une fois qu’un chantier autorisé est démarré ». Le député Renaissance a répondu qu’il se pencherait sur la question.

Pour François Zind, il s’agirait surtout de permettre une procédure de justice administrative accélérée pour traiter les recours d’associations agréées concernant de tels projets. Et les travaux ne pourraient pas commencer avant que ces recours ne soient traités. Mais l’avocat d’Alsace Nature tient aussi à saluer la décision du tribunal administratif :

« Le tribunal administratif a établi qu’il y avait des illégalités substantielles. Ce renversement qui consiste à dire qu’Alsace Nature est la coupable de l’histoire est sidérant. Les défenseurs de cette route nous en veulent à nous, mais c’est absurde, c’est notre rôle de défendre les écosystèmes, surtout lorsqu’il y a des manquements comme dans le cas de ce contournement. »

« Notre association ne demande que l’application des lois en vigueur »

L’entreprise de discréditation de l’association s’est intensifiée avec les propos du maire de Châtenois Luc Adoneth dans les colonnes des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA) le 3 août, « sidéré par le comportement d’Alsace Nature » qui témoigne selon lui d’un « mépris de la population ». Il s’agirait d’un « mauvais coup à la santé de la population de Châtenois que [Alsace Nature] laisse asphyxier dans les gaz d’échappement ». Au téléphone, Luc Adoneth expose que « des riverains de l’axe surchargé de Châtenois pourraient porter plainte contre l’association s’ils attrapaient un cancer du poumon ».

Une amélioration de la qualité de l’air était l’un des principaux arguments pour obtenir l’autorisation de construire cette route, qui dévierait la circulation de l’intérieur du village. Mais il se trouve que l’État, pourtant porteur du projet, a fourni une étude démontrant que la qualité de l’air n’allait quasiment pas s’améliorer.

Les analyses anticipent même pour 2030 une pollution supérieure par dix substances en comparaison avec un scénario sans ouvrage. Ces augmentations sont liées à la croissance attendue du trafic et des vitesses de circulation avec le contournement. C’est notamment pour cette raison que le tribunal administratif a stoppé les travaux en considérant que l’intérêt public majeur du projet n’était pas suffisamment justifié. Il s’avère d’ailleurs que le tracé de la route en construction passe à quelques mètres du service d’accueil de jour d’adultes en situation de handicap Le Moulin, de l’association Apei Centre Alsace.

La route devait être mise en service fin 2023. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Que craignent aujourd’hui les élus qui nous vilipendent d’une décision de justice, si le dossier qu’ils défendent est conforme ? », demande ironiquement Alsace Nature dans un communiqué faisant suite aux propos de Luc Adoneth rapportés dans les DNA :

« Notre association ne demande que l’application des textes de loi en vigueur. Nous ne pouvons que nous étonner du peu de cas qu’accordent des représentants de la République au droit et à la justice, ainsi que des règles de fonctionnement de notre pays. À chacun de prendre les responsabilités qui lui reviennent. »

Les pro-contournement en colère contre la justice

Mais les promoteurs du contournement ne semblent pas enclins à prendre acte de la décision du tribunal administratif. Le 12 mai, la Collectivité européenne d’Alsace, porteuse du projet, publiait un communiqué dénonçant « une décision incompréhensible ». Deux jours plus tard, son président Frédéric Bierry (LR) s’emportait sur France 3 Grand Est :

« Nan mais franchement c’est scandaleux ! (…) On a pris toute une série de mesures, de prairies, de haies, pour préserver la biodiversité, et quelques jours avant la fin de ces travaux on l’arrête. C’est de la gabegie d’argent public. (…) Mais où va t-on dans notre pays ? »

Frédéric Bierry, président de la CeA (avec le micro), a pris la parole lors de la manifestation du 3 juin. Photo : Capture d’écran YouTube

L’élu se garde alors de préciser que sur le terrain, certaines de ces mesures compensatoires ont simplement échoué malgré une obligation de résultat. Le chantier a par exemple détruit un écosystème dans lequel vivait le papillon azuré des paluds. Après deux années, aucun de ces papillons ne s’est établi dans la zone compensatoire prévue, l’espèce a disparu de la vallée.

Dans les prairies censées accueillir l’Azuré des paluds, aucune trace du papillon protégé. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Les porteurs du projet avaient aussi prévu de déplacer 1 400 plants de gagée jaune, une fleur protégée. La plupart sont mortes, il n’en reste plus que quelques dizaines. Contactée, la Collectivité européenne d’Alsace n’a pas fait suite aux sollicitations de Rue89 Strasbourg.

Devant les manifestants le 3 juin, Luc Adoneth assurait sans trembler que si le Tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l’autorisation du chantier, c’est simplement parce qu’il « a cédé au lobby écolo bobo, qui ne mesure pas ce que c’est de se lever à 6h du matin pour aller gagner sa vie à 70 km quand on sort du fond de la vallée ». Il ponctuait en s’exclamant « oui au travail, et oui au contournement ».

À Rue89 Strasbourg, il rapporte qu’une très large majorité des habitants de Châtenois et de Sainte-Marie-aux-Mines soutient le projet de contournement parce qu’ils souhaitent la fin des ralentissements : « Alsace Nature se trompe, ils sont à côté de la plaque sur ce coup-là, contre l’avis de la population locale. » Une pétition intitulée « reprise immédiate des travaux du contournement de Châtenois » lancée le 17 mai a recueilli plus de 4 700 signatures début août.

« C’est une stratégie pour discréditer nos arguments »

Bruno Dalpra est membre de La déroute des routes, une coalition nationale des collectifs contre les projets d’infrastructures routières. Il est l’une des figures de la lutte contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. L’écologiste ne s’étonne plus de constater que les promoteurs de la route « font passer Alsace Nature pour ceux qui sont déconnectés de la réalité » :

« C’est une stratégie pour discréditer nos arguments. La construction d’une route est souvent présentée à la population comme la solution évidente, et les écologistes sont mécaniquement isolés comme ils veulent remettre en question le modèle du tout-voiture. Localement, le contournement de Châtenois est soutenu par la population parce que rien d’autre n’est proposé, mais il pourrait il y avoir des alternatives, même plus efficaces contre les embouteillages, comme la mise en place d’une politique de transports en commun ambitieuse. »

Opposée à la construction du contournement de Châtenois, Alsace Nature avait déposé un recours en 2019. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Les prises de position virulentes d’élus locaux à l’égard d’Alsace Nature ont aussi probablement participé à provoquer un projet de manifestation devant le siège de l’association. Un membre du groupe Facebook « Collectif RD1059 Contournement de Châtenois – Alsace » appelait à un rassemblement le 17 août, mais il a finalement annulé l’événement à cause du « peu de retours » reçus.

La Cour administrative d’appel de Nancy n’a communiqué aucune date pour le rendu de sa décision. Elle peut désormais suspendre le jugement du tribunal administratif et permettre la poursuite du chantier. Mais le juge peut aussi refuser la demande de la CeA de reprendre les travaux. Les automobilistes des alentours de Châtenois seraient alors contraints d’attendre une audience pendant plusieurs mois. Alsace Nature pourrait demander une remise en l’état du site.

Ce scénario semble peu probable mais pas impossible. Après plusieurs années d’arrêt des travaux, le conseil départemental de Dordogne a commencé début juillet la démolition de la déviation de Bleynac-et-Cazenac, comme la justice avait estimé en 2018 qu’elle n’était pas d’intérêt public.

Onze personnes sont décédées dans un incendie à Wintzenheim

Onze personnes sont décédées dans un incendie à Wintzenheim

Onze personnes sont mortes lors d’un incendie survenu dans un gite situé à Wintzenheim ce mercredi 9 août. L’établissement accueillait deux groupes d’adultes handicapés venus de Nancy.

Ce mercredi 9 août, un incendie s’est déclaré à Wintzenheim, près de Colmar, vers 6h30 du matin, dans un gite privé loué pour les vacances par l’association Oxygène, spécialisée dans les vacances adaptées aux personnes en situation de handicap. La propriétaire des lieux a alerté les pompiers, qui sont arrivés sur place 14 minutes après, a précisé le commandant des opérations de secours aux Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA).

Le gite était occupé par 28 personnes au total. Pourtant, il « a normalement une capacité de 15 personnes », a déclaré le premier adjoint au maire de Wintzenheim, Daniel Leroy, dans l’Est Républicain. Lorsque les secours sont arrivés sur place, 17 personnes avaient déjà réussi à s’échapper (presque toutes dormaient au rez-de-chaussée). Une personne a été transportée en urgence relative à l’hôpital et une autre serait en état de choc. Onze personnes, qui se trouvaient au premier étage sont décédées, a confirmé la vice-procureure de Colmar Nathalie Kielwasser selon le journal Libération. Parmi elles, dix adultes handicapés mentaux légers et un encadrant.

A Wintzenheim, le gîte où 11 personnes sont décédées dans un incendie survenu au petit matin du mercredi 9 août. (Photo Roxanne Machecourt)Photo : Roxanne Machecourt / Rue89 Strasbourg

Une forte mobilisation des secours

Au total, 76 pompiers sont intervenus, avec quatre fourgons incendie, quatre ambulances et un poste médical avancé, selon un communiqué de la préfecture du Haut-Rhin. 40 gendarmes ont également été mobilisés. Une cellule de crise a été mise en place par la préfecture dans une salle de Wintzenheim, a indiqué Daniel Leroy à France3 Grand Est. Une cellule psychologique y sera installée pour accueillir les rescapés et les familles des victimes. À l’heure actuelle, les raisons de l’incendie sont inconnues mais les techniciens en identification criminelle de la gendarmerie sont sur place, ainsi que les gendarmes de la section de recherche de Strasbourg, selon les DNA.

La Première ministre Élisabeth Borne s’est rendue sur les lieux, accompagnée d’Aurore Bergé, Ministre des solidarités et des familles.

Un salarié de Punch Powerglide s’est suicidé dans les locaux de l’entreprise

Un salarié de Punch Powerglide s’est suicidé dans les locaux de l’entreprise

Électro-mécanicien depuis près de trente ans au sein de l’entreprise, un salarié de Punch Powerglide a tenté de mettre fin à ses jours dans les locaux de la société. Il est décédé à l’hôpital dans la soirée du mardi 8 août.

Dans la soirée du lundi 7 août, un salarié de Punch Powerglide a tenté de mettre fin à ses jours dans les locaux de la société. Plusieurs sources internes à la société indiquent que l’électromécanicien salarié depuis près d’une trentaine d’années aurait été pris en charge par les pompiers et transféré à l’hôpital.

L’employé de Punch est décédé à l’hôpital dans la soirée du 8 août. Une cellule d’aide psychologique a été mise en place ce mardi 8 août dans l’entreprise fabricante de boites de vitesse à Strasbourg.

Contactée par Rue89 Strasbourg, la direction de l’entreprise n’a pas souhaité réagir.

Delphine Joly quittera la direction générale des services de l’Eurométropole en octobre

Delphine Joly quittera la direction générale des services de l’Eurométropole en octobre

Dans un mail aux élus de l’Eurométropole envoyé ce 8 août, la présidente de la collectivité Pia Imbs a annoncé le départ en octobre prochain de Delphine Joly, la directrice générale des services de l’EMS. Elle sera remplacée temporairement par Bruno Koebel, actuel directeur général adjoint.

« Notre directrice générale des services, Delphine Joly, nous a fait part de son souhait d’évoluer vers un nouveau projet familial et professionnel en direction de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. » C’est par ces mots que Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), a introduit la nouvelle du départ de Delphine Joly, directrice générale des services de l’EMS, dans un mail adressé au élu, ce mardi 8 août :

« Nous saluons l’engagement qui a été le sien depuis sa prise de fonction et remercions très chaleureusement celle qui a su nous accompagner au début de ce mandat. »

Le centre administratif de la Ville de Strasbourg et de l’Eurométropole. (Photo Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg)Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg

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Efficaces contre le réchauffement urbain, les toits blancs tardent à se généraliser à Strasbourg

Efficaces contre le réchauffement urbain, les toits blancs tardent à se généraliser à Strasbourg

En juin 2023, le supermarché E.Leclerc de Geispolsheim a décidé de peindre son toit en blanc pour lutter contre la chaleur et économiser de l’énergie pour sa climatisation. Cette solution simple est préconisée par le GIEC depuis 2014, mais combattue par des syndicats du bâtiment et peu encouragée par la Ville de Strasbourg.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le mettait déjà en avant en 2014 dans son rapport à l’intention des décideurs (p699) : peindre les toits en blanc participe efficacement à la réduction des températures urbaines. Cette couleur permet de réfléchir la lumière plutôt que de l’absorber. La ville de New-York incite les entreprises de son territoire à peindre leurs toits en blanc depuis 2009.

À Strasbourg, les toitures blanches se font encore rares en 2023. Le supermarché E.Leclerc de Geispolsheim fait figure de précurseur. Avec l’envolée du prix de l’énergie et les pics de canicule de l’été 2022, la facture d’électricité du magasin était passée de 450 000€ en 2021 à 800 000€ en 2022, en partie à cause de la climatisation. Fin juin 2023, le supermarché a donc décidé de recouvrir l’entièreté de sa toiture – d’une surface de 12 000 m² – d’une peinture réflective blanche.

Économies « immédiates »

« Nous sommes loin d’avoir inventé l’eau chaude », reconnaît Éric Lorentz, directeur général de la société qui exploite le magasin. Il se réjouit d’un « effet immédiat » :

« Les climatiseurs n’ont quasiment pas été activés. Quant à la production de froid du magasin, on constate un retour de suite sur investissement avec des machines qui n’ont pas encore tourné, même lors des chaudes journées de juillet. »

Dans la plupart des supermarchés, ces installations aspirent l’air directement par la toiture et tournent à plein régime quand la température augmente. Éric Lorentz développe :

« En plein été, la température captée sur notre toit, comme sur celle de tous les supermarchés, peut rapidement dépasser les 70°C. Avec ce revêtement réflectif, on gagne au moins 30°C et à l’intérieur du magasin, on perd facilement 6°C. »

Les toitures bitumineuses réchauffent les villes

En 2018, l’Agence internationale de l’énergie alertait sur les systèmes d’air conditionné qui verraient leur demande d’énergie tripler d’ici 2050. Aujourd’hui, ils représentent déjà 10% de la consommation totale de l’énergie à travers le monde.

La majorité des toitures en France (70%) sont dotées d’une membrane bitumineuse qui absorbe les rayonnements infra-rouges (invisibles à l’œil nu mais directement associés à la chaleur). « Repeindre en blanc permet de couper le flux thermique à sa source », résume Julien-Martin Cocher, le directeur général adjoint de Cool-roof France, une entreprise qui propose cette méthode depuis 2015.

Le dernier rapport du GIEC destiné aux dirigeants classe les toits noirs – à base de matériaux qui « absorbent et conservent la chaleur » avant de « la réémettre le soir » – comme l’une des principales causes du réchauffement urbain.

Schéma explicatif des rayonnements solaires (infra-rouges), avec et sans peinture réflexive Photo : Enercool, entreprise qui propose à la vente ce produit

50 000 m² de toiture repeints en Alsace

Pour Julien-Martin Cocher, la peinture blanche reste un « produit de niche », bien qu’il constate une demande exponentielle : chaque année, l’entreprise multiplie par deux le total des surfaces recouvertes. En Alsace, 50 000 m² de toiture ont été repeints, soit un dixième des chantiers effectués par Cool-Roof. Il compte déjà 500 peintres applicateurs agrées, 200 de plus qu’en 2022, et il reçoit, chaque semaine depuis janvier, une centaine de demandes d’expertise de la part d’entreprises.

La fiche Certificat d’économies d’énergies (CEE), dispositif mis en place depuis juillet 2021 par le Ministère de la transition écologique, vise à allouer une aide financière – en fonction des gains énergétiques que les travaux permettront – aux magasins et galeries marchandes, très consommatrices de climatisation, qui souhaitent peindre leur toit en blanc.

Une peinture réflective qui « prolonge la vie » de certaines toitures

Julien-Martin Cocher explique que, comme la peinture réflective évite une surchauffe de la toiture, « elle réduit les phénomènes de dilatation ou de durcissement et prolonge ainsi la vie de la membrane bitumineuse ».

Le E. Leclerc de Quimper est la première enseigne en France à s’être intéressée au produit proposé par la société Cool-roof. Le responsable maintenance du supermarché revient sur ce chantier, réalisé en 2015 :

« À ce moment-là, nous devions faire des gros travaux pour changer la toiture. Mais grâce à la pose de cette peinture blanche, nous n’avons finalement même pas eu à le faire. Depuis, on observe une baisse des interventions de maintenance de l’ordre de 70%. »

Un produit qui se heurte au monde du bâtiment

Selon le directeur de Cool-roof, le monde du bâtiment en France « ne voit pas d’un bon œil » cette technique et se pose en obstacle :

« Puisque notre peinture permet une diminution des opérations de maintenance auxquelles s’adonnent les industriels chaque année, elle s’en prend au modèle économique de l’étanchéité qui est pérennisé depuis des décennies et qui n’a aucun intérêt à ce que ça bouge. »

La toiture du E. Leclerc de Geispolsheim recouverte de la peinture cool-roof Photo : Éric Lorentz, directeur général de la société qui exploite le supermarché

Dans un article des DNA publié le 31 juillet, la Fédération française du bâtiment assurait par exemple que « les conditions ne sont pas encore remplies pour attester de la fiabilité du produit ». Contactée par Rue89 Strasbourg, Edwige Parisel, déléguée générale de la Chambre syndicale française de l’étanchéité (CSFE), affirme que la peinture réflective « abîme la membrane bitumineuse et s’écaille au fil du temps ». Elle ne donne en revanche aucun exemple précis d’un tel événement.

Une « vidéo pédagogique » contre la peinture réflexctive

La CSFE est allée jusqu’à diffuser une « vidéo pédagogique » sur ses réseaux le 26 juillet, mettant en avant les différents risques que pourrait comporter la peinture réflective, sans citer d’études ou de statistiques précises. Edwige Parisel, déléguée générale de la Chambre, certifie à Rue89 Strasbourg que la technique du toit blanc ne fonctionne que dans le sud de la France. Dans le nord en revanche, elle engendrerait, selon la déléguée, « une augmentation de l’énergie » due à une plus grande consommation de chauffage et serait ainsi « contre-productive », toujours sans étude à l’appui.

Étienne Marx, ingénieur bâtiment pour l’Agence pour la transition écologique (l’Ademe), lui oppose :

« Les résultats de l’évaluation – réalisée avant que le ministère de la Transition écologique lui apporte la certification économie d’énergie – ciblent en priorité les hypermarchés et les surfaces à plafond bas. Forcément, puisque la fiche CEE couvre l’ensemble du territoire, les gains sont aussi présents dans le nord du pays. »

Contacté à ce propos, le E.Leclerc de Quimper (donc dans la partie nord de la France), qui a été le premier hypermarché en 2015 à utiliser ce revêtement réflectif, n’a constaté en 8 ans « aucune incidence sur le chauffage ». Arnaud Florent, responsable de la transition écologique pour Électro dépôt qui a eu recours en mai à la méthode Cool-Roof dans un entrepôt basé dans les Hauts-de-France, affirme que la consommation de chauffage ne varie pas en fonction d’une journée ensoleillée ou d’une journée grise.

Même son de cloche du côté de Noël Jean-Fiacre, responsable maintenance du groupe pharmaceutique B. Braun qui a repeint deux toitures de ses laboratoires dans le secteur de Nancy :

« J’y avais pensé aussi, mais ça ne change rien en réalité. Le chauffage vient du sol et puis dans tous les cas, c’est la température extérieure qui va beaucoup jouer. »

Toiture végétalisée ou blanche ?

Gaëlle Vallée, déléguée technique au sein de la CSFE, s’inquiète de son côté d’impacts négatifs de la peinture blanche sur l’étanchéité de la membrane en-dessous : « On ne veut pas d’un toit qui fuite ou qui s’effondre. » Elle admet toutefois qu’aucun adhérent de la Chambre syndicale n’a eu pour le moment de problème de sinistre.

À Strasbourg, le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) oblige les promoteurs immobiliers à respecter « un certain quota de végétalisation » indique Françoise Schaetzel, vice-présidente en charge de l’urbanisme opérationnel à l’Eurométropole. Mais rien sur les toits blancs.

Le dernier rapport du GIEC indique pourtant (p992) un potentiel d’économie d’énergie presque deux fois plus important pour les « cool-roofs » (28 %) que pour les toits végétalisés (16 %). « La méthode est tout à fait intéressante et devrait être plus utilisée », reconnaît la vice-présidente. L’Agence américaine de la protection de l’environnement met de plus en évidence que cette technique est bien plus économique à mettre en place que les toits végétalisés.

Le « cool-roof » est présenté par le GIEC comme l’une des technologies les plus effectives pour réduire la consommation d’énergie des bâtiments Photo : Extrait du rapport du GIEC 2022, à l’intention des décideurs

Françoise Schaetzel précise que « lorsque l’Eurométropole choisit un urbaniste ou un architecte, elle demande que le bâtiment soit le plus clair possible ». Elle laisse miroiter que « le PLUI pourrait devenir plus prescriptif pour les toits blancs » comme il l’est pour les toitures végétalisées, lors de sa prochaine révision. Mais cette rectification se fait environ tous les 10 ans et la dernière date de 2019.

Le tribunal administratif ordonne l’évacuation du camp de l’Étoile d’ici la mi-août

Le tribunal administratif ordonne l’évacuation du camp de l’Étoile d’ici la mi-août

Lundi 7 août, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné aux occupants de la place de l’Étoile d’évacuer les lieux. La Ville de Strasbourg pourra recourir aux forces de l’ordre si la place n’est pas libérée d’ici la mi-août.

Le cycle semble bien parti pour se répéter. Après avoir demandé pour la quatrième fois l’expulsion des sans-abris installés place de l’Étoile, la Ville de Strasbourg a obtenu satisfaction de la part du tribunal administratif. Ce dernier vient d’ordonner, lundi 7 août, l’expulsion des 58 personnes vivant sous 24 tentes devant le centre administratif.

Campement de la place de l’Étoile en décembre 2022. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg

La clôture autour du parc : une solution impossible

Le juge des référés a estimé que le camp et sa population « en augmentation rapide et constante, fait peser une menace immédiate et grave sur la sécurité des biens et des personnes ». Il a aussi affirmé que l’évacuation était légitime du fait de « l’indignité des conditions de vie » sur la place de l’Étoile. D’ici la mi-août, la municipalité écologiste pourra recourir aux forces de l’ordre pour expulser les occupants de cette zone appartenant au domaine public de la commune de Strasbourg.

Pour mettre fin à ce cycle d’évacuations, la Ville de Strasbourg a envisagé d’installer des clôtures tout autour du parc de l’Étoile. Mais dans sa demande d’expulsion auprès du tribunal, la municipalité a estimé qu’une telle solution était impossible. La place de l’Étoile est un « axe de passage très important pour les piétons et les cyclistes » de même qu’elle est « le point de départ des « cars Macron », des bus de tourisme avec une moyenne supérieure à 300 bus par jour (…) L’importance de cet axe de passage rend sa clôture en l’état impossible ».

Une municipalité obligée de saisir le tribunal administratif

Face à la situation du camp de l’Étoile, La Ville de Strasbourg a rappelé ses obligations par un communiqué envoyé en fin de matinée du mardi 8 août :

« Suite à la décision du tribunal administratif de décembre 2022, la Ville de Strasbourg doit désormais procéder systématiquement au dépôt d’un référé auprès du Tribunal administratif, dès occupation et installation de campements sur les terrains dont elle est propriétaire. Il s’agit d’une procédure qui se fait en toute transparence avec les personnes et associations.

Le Tribunal administratif a rendu sa décision et statué en faveur d’une opération de mise à l’abri des personnes qui sont actuellement installées parc de l’Etoile. Le lien avec la Préfecture est établi pour effectuer cette mise à l’abri qui doit intervenir, conformément à l’ordonnance du 7 août, à l’issue d’un délai de huit jours minimum. »

Après un déficit de 200 000€ en 2023, le Summer Vibration Festival ne reviendra pas en 2024

Après un déficit de 200 000€ en 2023, le Summer Vibration Festival ne reviendra pas en 2024

L’association Zone 51 a annoncé que le Summer Vibration Festival de Sélestat n’aura pas lieu en 2024. Avec une affluence trop faible et des coûts d’organisation qui ont augmenté, les organisateurs ont décidé de faire une pause pour repenser l’événement.

Dans un communiqué publié début août, l’association Zone 51, qui organise le Summer Vibration Festival à Sélestat, a annoncé sa volonté de faire une pause pour l’édition 2024. Les organisateurs entendent « prendre de la hauteur pour repenser globalement le projet et l’organisation ».

Les 28 300 spectateurs du Summer Vibration Festival lors du week-end du 22 juillet n’auront pas suffi. L’association Zone 51 a constaté un déficit de 200 000€ pour l’édition 2023, soit 10% du budget total de ce festival auto-financé à 85%.

Le Summer Vibration Festival, 2019 Photo : Sébastien North / doc remis

Giada Pasini, chargée de communication du Summer Vibration Festival, a expliqué aux Dernières Nouvelles d’Alsace que Zone 51 avait « fait le choix de maintenir une politique tarifaire accessible (billet jour à 40€, comme pour l’édition 2022, NDLR) malgré une augmentation des coûts du festival de l’ordre de 30% » en 2023.

Est-ce la fin définitive du Summer Vibration Festival ? Pour l’instant, l’association Zone 51 dit se concentrer sur l’organisation de Rock your brain, un autre festival à Sélestat qui aura lieu en octobre, mais assure qu’elle communiquera davantage d’informations après l’été.