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Avec Mustapha El Hamdani, Strasbourgeois engagé pour les luttes des immigrés

« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Quinzième épisode avec Mustapha El Hamdani, président de l’association Calima.

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En 1983, un jeune Marocain débarque en France pour poursuivre des études de chimie. Déjà engagé dans les mouvements étudiants de son pays, Mustapha El Hamdani est séduit par le bouillonnement politique des universités françaises et rejoint les mouvements de défense des travailleurs immigrés.

Militant de l’Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF), c’est finalement un véritable coup de foudre pour la ville de Strasbourg qui l’amènera à se fixer définitivement en Alsace. À la fin des années 1980, il s’engage pour le droit de vote des immigrés aux élections locales et sera élu au Conseil consultatif des étrangers (CCE) de Strasbourg, créé par la maire socialiste Catherine Trautmann.

« L’immigration participe à la richesse de notre ville, mais elle n’a pas le droit à la parole car elle est exclue des choix démocratiques. Catherine Trautmann lors de sa campagne de 1989, nous avait fait la promesse de mettre en place une institution dans laquelle nous pourrions nous exprimer en attendant d’obtenir le droit de vote. »

Mustapha El Hamdani, président de l’association Calima Alsace.

« On ne va pas au bout de nos idées, c’est dommage »

Le droit de vote n’est jamais venu, mais le CCE a bien été mis en place. Jusqu’à sa suppression par le tandem formé par Fabienne Keller et Robert Grossmann quand Strasbourg repasse à droite en 2001. L’union RPR-UDF jugeant l’institution trop proche de l’ancienne municipalité. Poussé par l’envie de changer plus profondément les choses, Mustapha El Hamdani demande la nationalité française pour pouvoir s’engager en politique.

Sitôt sa naturalisation obtenue, il rejoint les Verts et participe à la campagne municipale de 2008. Mustapha El Hamdani sera élu conseiller municipal avant de quitter le parti écolo, puis le groupe majoritaire. À la fin de son mandat, dégoûté de la politique, il retourne militer dans l’associatif.

« C’est noble de s’engager en politique. J’admire les militants qui le font, mais je trouve qu’il y a trop d’hypocrisie et c’est ce qui m’a tué. On ne va pas au bout de nos idées. »

Mustapha El Hamdani, président de l’association Calima Alsace. (Photo AL / Rue89 Strasbourg).

Défendre la dignité des travailleurs immigrés

De retour dans le monde associatif, Mustapha El Hamdani se réengage pleinement dans son combat pour la défense des chibanis (anciens travailleurs immigrés maghrébins) au sein de l’association qu’il a créée en 2008 : Calima Alsace (« parole » en arabe).

Pour le militant, il s’agit au départ d’aider ces travailleurs immigrés à percevoir leurs retraites. Plus qu’une assistance administrative, il s’agit aussi de défendre la dignité de ces travailleurs « bousillés par des travaux pénibles » face à l’administration. Nombre d’entre eux, percevant le minimum vieillesse, sont tenus de résider en France six mois par an alors que rien ne les attache ici, si ce n’est une vie de labeur.

« On va les contrôler, les harceler, faire des descentes dans les foyers pendant l’Aïd quand ils sont au pays pour prouver qu’ils n’étaient pas là », tempête le militant associatif. De nombreux chibanis se retrouvent ainsi contraints de rembourser une partie des sommes perçues, parfois sur plusieurs années. Une situation qui pourrait s’aggraver suite aux déclarations de Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, souhaitant porter l’obligation de résidence à 9 mois contre 6 actuellement pour toucher les prestations sociales.

Les portraits de chibanis réalisés par Jean-Louis Hess pour Calima Alsace lors d’une exposition au CSC Meinau. Photo : Document remis par Calima Alsace

Inquiet de la montée en puissance de l’extrême-droite et du racisme décomplexé que connaît la France depuis une vingtaine d’années, Mustapha El Hamdani ne baisse pas les bras : « J’ai trois enfants, je n’ai pas le droit de me résigner. » Au contraire, pour le militant, il faut faire rentrer ces histoires de migration pleinement dans l’Histoire de France. C’est ce qu’il s’applique à faire à son échelle au sein de son association. Pour ses enfants, là aussi :

« Tant que le récit de leurs parents ne fera pas partie du récit national, ils se sentiront toujours exclus. C’est indispensable de faire ce travail de mémoire pour donner du sens à leur citoyenneté, pour construire du collectif. Que ces jeunes puissent, enfin, dire : ”Je suis Français et je suis fier de l’être.” »


Faites connaissance avec des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois qui ont choisi de s’engager pour leur ville, pour une cause ou pour les autres. Qui sont-ils et quelles sont leurs motivations ? Une série de portraits à retrouver en podcast (liens directs vers Spotify, Deezer).

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