Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

« Ça va devenir très concret en 2023 » promet Jeanne Barseghian dans son premier bilan

Qu’ont fait les écologistes en deux ans de pouvoir ? La question revient souvent et il est difficile d’apporter beaucoup d’exemples. Consciente d’une forme d’impatience qui commence à poindre, la municipalité tente de reprendre le contrôle de ce récit… quitte à verser dans un catalogue sans hiérarchie nette.

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« Ça va devenir très concret en 2023 »  promet Jeanne Barseghian dans son premier bilan

Les écologistes strasbourgeois sont au tiers de leur mandat, qu’ils avaient qualifié de « dernier pour la planète ». Notre enquête auprès des électeurs écologistes de 2020 montrait que les mesures mises en place par la nouvelle équipe étaient difficiles à percevoir. En dehors du succès de la gratuité des transports pour les moins de 18 ans (71 939 abonnements pour 84 200 mineurs), difficile de pointer spontanément d’autres mesures-phares.

Le nouvel aménagement éphémère de la place du temple neuf doit permettre d’offrir des îlots de fraîcheur en été. Photo : Jean-François Gérard

Il faut dire que l’écologie s’inscrit souvent dans le temps long. La « sobriété » prônée par l’équipe municipale vise justement à ne pas être tapageuse. Illustration : la municipalité a prévu un investissement de 3,5 millions d’euros pour réaliser entre 40 et 50% d’économie sur l’éclairage. Une mesure par définition peu visible… Mais il y a aussi des réalisations inabouties : la Ville a aménagé certains tronçons du contournement cyclable du centre-ville, mais sa finalisation est repoussée à plus tard.

Rendre deux ans d’action plus lisibles

Voilà qui ne fait pas du tout les affaires des écologistes puisque leur opposition LREM tente d’accentuer ses critiques et propositions sur « l’écologie concrète ». Sous entendu du camp macroniste, une écologie différente de celle menée par Europe Écologie Les Verts et ses alliés….

La municipalité a donc estimé qu’il était grand temps d’essayer de donner un peu plus de lisibilité à son action. La maire Jeanne Barseghian (EELV) se dit d’ailleurs consciente de ce manque de visibilité :

« Ça va devenir très concret en 2023 et de plus en plus visible. On a dû mettre en place nos politiques et gérer les différentes crises. Je réponds souvent quand je suis interpellée que nous n’arrivons pas à faire pousser les arbres plus vite. »

La municipalité demande encore un peu de patience à ses habitants. Photo : Jean-François Gérard / Rue89 Strasbourg / cc

La présidente de l’Eurométropole Pia Imbs (sans étiquette) estime aussi que certaines réalisations à venir vont changer l’impression des habitants : « Quand ils verront le cadencement des trains du Réseau express métropolitain ou les chantiers des pistes cyclables, ce sera concret. » Enfin, la numéro 3 de l’Eurométropole Danielle Dambach pense que c’était le bon ordre pour procéder :

« On a fait beaucoup de choses, mais peut-être pas assez communiqué dessus. C’est à nous de faire connaître les choix qu’on a fait, mais il fallait d’abord faire, et dans un second temps constater les progrès. »

Une centaine de mesures listées

Une toute nouvelle brochure en forme de bilan liste 10 « transformations » écologiques. On retrouve ainsi la santé, les mobilités, l’alimentation, la lutte contre le dérèglement climatique ou l’urbanisme… Pour chacune des catégories, 10 à 20 mesures sont listées sous le qualificatif « on l’a fait » ; « on le prépare » ou « on le co-construit ».

Le lecteur se retrouve donc avec plus de 100 mesures, sans hiérarchie, ni distinction entre ce qui a été engagé depuis le mandat précédent, ce qui a une portée symbolique, ou les mesures plus massives et concrètes.

Au cours du début de mandat, la municipalité a été occupée par des réflexions stratégiques, des plans de financement et des groupes de travail. Une activité sans impact pour la plupart des Strasbourgeois. Reste donc à dérouler les politiques pour les quatre ans à venir… si l’inflation et la pénurie de matériaux ne vient pas contrecarrer ces plans (voir encadré).

Rue89 Strasbourg a fait le tri parmi les actions les plus concrètes pour les citoyens lors de ces deux premières années. Nous avons aussi tenté de différencier les mesures réellement initiées ou simplement intensifiées par la majorité écologiste.

Les 10 « transformations » et quelques exemples concrets

  • L’Agence du Climat

Fondé en 2021, le « Guichet des solutions » est un outil important pour mener les politiques écologiques. Il vient de s’installer pour trois ans avenue de la Forêt-Noire. Ses treize employés doivent aider gratuitement les entreprises et particuliers pour les changements de véhicules dans le cadre de la Zone à faible émissions (ZFE) ou la rénovation thermique de bâtiments. D’ici la fin de l’année, la structure sera dotée d’une vingtaine de collaborateurs.

  • Santé et cadre de vie

Les transports en commun sont désormais gratuits dès le 1er jour des pics de pollution et non plus le 3e. La Ville vient de lancer des « ordonnances vertes » pour les femmes enceintes pour limiter leur exposition aux perturbateurs endocriniens.

  • Mobilités

En plus de la fameuse gratuité des transports en commun pour les moins de 18 ans, un plan vélo de 100 millions d’euros a été voté, même si peu de chantiers ont encore été lancés. Le kilométrage de nouvelles pistes cyclables fluctue selon les communications (120 kilomètres ? 109 ? 70 ?). Avec la Région Grand Est, le Réseau express métropolitain, un « RER strasbourgeois » sera mis en service le 11 décembre 2022, avec plus de trains à toute heure. Il ne fonctionnera cependant pas à plein régime lors de son lancement.

Quatre « rues scolaires » ont été bloquées à la circulation aux heures d’entrée et de sortie des élèves. L’objectif est d’avoir davantage d’aménagements de ce type.

  • Alimentation

La nouvelle convention avec la Chambre d’agriculture (165 000 euros par an) vise à convertir plus de terres vers du maraîchage pour nourrir la population locale.

  • Lutte contre le dérèglement climatique

Une vingtaine de cours d’école ont été végétalisées. L’objectif est de transformer les récréations de tous les écoliers de la Ville. Plusieurs projets immobiliers ont été annulés (par exemple à côté du Vaisseau) ou des terrains préemptés pour ne plus grignoter la « Ceinture verte ». L’objectif est d’accroître la taille de cette trame végétale pour la faire passer d’une surface de 800 à 1 400 hectares.

  • Animaux en ville

Plusieurs animaux sauvages ont quitté le zoo de l’Orangerie, dont la subvention a pour la première fois été réduite. La Ville a aussi lancé un programme de stérilisation des chats errants.

  • Urbanisme

Voici un sujet d’ampleur sur lequel les écologistes sont très attendus. La municipalité s’avance un peu en mettant dans la catégorie « on l’a fait », les réorientations des quartiers des Deux-Rives ou Archipel 2, avec plus de place pour les équipements publics et la nature. Ces quartiers mettront des années à sortir de terre.

C’est aussi le cas pour la première « modification » du Plan d’urbanisme explique la vice-présidente Danielle Dambach. « Nous avons par exemple prescrit des toits bioclimatiques sur les constructions, c’est-à-dire végétalisés et avec des panneaux solaires. Ce sont des prescriptions immédiates, mais cela prendra des années à être visible sur les nouveaux projets ». Une nouvelle modification du PLUi est en cours, ainsi qu’une « révision » plus profonde pour mieux intégrer les enjeux climatiques.

  • Énergie

L’Eurométropole a pris en charge l’équivalent d’un bouclier tarifaire pour les clients de la chaufferie de Hautepierre, qui étaient exclus du dispositif gouvernemental. Les contrats de délégation des deux réseaux de chaleur ont été renouvelés pour 20 ans, de sorte à être moins dépendants du gaz. La Ville a aussi entamé un vaste plan de rénovation de ses écoles. L’état du patrimoine de la Ville et de l’Eurométropole vient d’être listé comme un point faible de la collectivité au niveau de ses émissions de CO2 par l’Ademe (labellisation Cit’ergie, renommé Territoire engagé dans la transition écologique).

  • Économie

Le début de mandat a surtout constitué en des discussions avec les représentants du monde économique, assez méfiants envers la nouvelle équipe. Cela a débouché sur un « Pacte pour une économie locale et durable », qui n’est que symbolique. Pendant ce temps, de nombreux dispositifs d’aides ont été prolongés, en leur donnant dans la mesure du possible une tonalité plus écologique. La collectivité a aussi organisé une manifestation autour de l’Économie sociale et solidaire qui a réuni 2 000 personnes. Une démarche « d’économie industrielle », comme cela se fait à petite échelle au Port autonome, a été initiée pour le parc d’entreprises à Reichstett.

  • Réduction des déchets

L’Eurométropole a débuté la collecte des déchets alimentaires en deuxième couronne (voir notre article) pour le transformer en « biogaz » dans le méthaniseur d’Oberschaeffolsheim. Dans ce bilan, difficile de lister comme le soutien à des protections hygiéniques lavables pour les femmes comme une réalisation définitive. Ce dispositif est pourtant très innovant pour une grande agglomération comme Strasbourg. Mais face à l’afflux de demandes, le service, sous-financé, s’est stoppé net après cinq mois (voir notre article). Ce qui a créé des frustrations. Il est indiqué que cette politique reprendra de manière « ciblée » sur certains publics.

Les 10 « transformations » selon les écologistes


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