
Qu’ont fait les écologistes en deux ans de pouvoir ? La question revient souvent et il est difficile d’apporter beaucoup d’exemples. Consciente d’une forme d’impatience qui commence à poindre, la municipalité tente de reprendre le contrôle de ce récit… quitte à verser dans un catalogue sans hiérarchie nette.
Les écologistes strasbourgeois sont au tiers de leur mandat, qu’ils avaient qualifié de « dernier pour la planète ». Notre enquête auprès des électeurs écologistes de 2020 montrait que les mesures mises en place par la nouvelle équipe étaient difficiles à percevoir. En dehors du succès de la gratuité des transports pour les moins de 18 ans (71 939 abonnements pour 84 200 mineurs), difficile de pointer spontanément d’autres mesures-phares.

Il faut dire que l’écologie s’inscrit souvent dans le temps long. La « sobriété » prônée par l’équipe municipale vise justement à ne pas être tapageuse. Illustration : la municipalité a prévu un investissement de 3,5 millions d’euros pour réaliser entre 40 et 50% d’économie sur l’éclairage. Une mesure par définition peu visible… Mais il y a aussi des réalisations inabouties : la Ville a aménagé certains tronçons du contournement cyclable du centre-ville, mais sa finalisation est repoussée à plus tard.
Rendre deux ans d’action plus lisibles
Voilà qui ne fait pas du tout les affaires des écologistes puisque leur opposition LREM tente d’accentuer ses critiques et propositions sur « l’écologie concrète ». Sous entendu du camp macroniste, une écologie différente de celle menée par Europe Écologie Les Verts et ses alliés….
La municipalité a donc estimé qu’il était grand temps d’essayer de donner un peu plus de lisibilité à son action. La maire Jeanne Barseghian (EELV) se dit d’ailleurs consciente de ce manque de visibilité :
« Ça va devenir très concret en 2023 et de plus en plus visible. On a dû mettre en place nos politiques et gérer les différentes crises. Je réponds souvent quand je suis interpellée que nous n’arrivons pas à faire pousser les arbres plus vite. »

La présidente de l’Eurométropole Pia Imbs (sans étiquette) estime aussi que certaines réalisations à venir vont changer l’impression des habitants : « Quand ils verront le cadencement des trains du Réseau express métropolitain ou les chantiers des pistes cyclables, ce sera concret. » Enfin, la numéro 3 de l’Eurométropole Danielle Dambach pense que c’était le bon ordre pour procéder :
« On a fait beaucoup de choses, mais peut-être pas assez communiqué dessus. C’est à nous de faire connaître les choix qu’on a fait, mais il fallait d’abord faire, et dans un second temps constater les progrès. »
Une centaine de mesures listées
Le programme est-il tenable ?
L’inflation et l’allongement des délais d’approvisionnement, notamment dans la construction, menace-t-il le projet de la majorité ? Selon le président de l’association des maires du Bas-Rhin, Vincent Debes, sur France Bleu Alsace, de nombreuses communes songent à étaler des projets dans le temps ou stopper certains services publics. Pour Pia Imbs, réduire la voilure est une option : « Nous sommes conscients de ces réalités et dès cet automne il nous faudra reprendre notre plan d’investissements pour définir des priorités parmi les priorités. » Plus politique, Jeanne Barseghian pointe que « c’est au moment où il faut accélérer que les prix augmentent et les délais s’allongent. On aura vraiment besoin du soutien du gouvernement et de l’Europe pour nous accompagner de manière volontaire ».
Une toute nouvelle brochure en forme de bilan liste 10 « transformations » écologiques. On retrouve ainsi la santé, les mobilités, l’alimentation, la lutte contre le dérèglement climatique ou l’urbanisme… Pour chacune des catégories, 10 à 20 mesures sont listées sous le qualificatif « on l’a fait » ; « on le prépare » ou « on le co-construit ».
Le lecteur se retrouve donc avec plus de 100 mesures, sans hiérarchie, ni distinction entre ce qui a été engagé depuis le mandat précédent, ce qui a une portée symbolique, ou les mesures plus massives et concrètes.
Au cours du début de mandat, la municipalité a été occupée par des réflexions stratégiques, des plans de financement et des groupes de travail. Une activité sans impact pour la plupart des Strasbourgeois. Reste donc à dérouler les politiques pour les quatre ans à venir… si l’inflation et la pénurie de matériaux ne vient pas contrecarrer ces plans (voir encadré).
Rue89 Strasbourg a fait le tri parmi les actions les plus concrètes pour les citoyens lors de ces deux premières années. Nous avons aussi tenté de différencier les mesures réellement initiées ou simplement intensifiées par la majorité écologiste.
Les 10 « transformations » et quelques exemples concrets
- L’Agence du Climat
Fondé en 2021, le « Guichet des solutions » est un outil important pour mener les politiques écologiques. Il vient de s’installer pour trois ans avenue de la Forêt-Noire. Ses treize employés doivent aider gratuitement les entreprises et particuliers pour les changements de véhicules dans le cadre de la Zone à faible émissions (ZFE) ou la rénovation thermique de bâtiments. D’ici la fin de l’année, la structure sera dotée d’une vingtaine de collaborateurs.
- Santé et cadre de vie
Les transports en commun sont désormais gratuits dès le 1er jour des pics de pollution et non plus le 3e. La Ville vient de lancer des « ordonnances vertes » pour les femmes enceintes pour limiter leur exposition aux perturbateurs endocriniens.
- Mobilités
En plus de la fameuse gratuité des transports en commun pour les moins de 18 ans, un plan vélo de 100 millions d’euros a été voté, même si peu de chantiers ont encore été lancés. Le kilométrage de nouvelles pistes cyclables fluctue selon les communications (120 kilomètres ? 109 ? 70 ?). Avec la Région Grand Est, le Réseau express métropolitain, un « RER strasbourgeois » sera mis en service le 11 décembre 2022, avec plus de trains à toute heure. Il ne fonctionnera cependant pas à plein régime lors de son lancement.
Quatre « rues scolaires » ont été bloquées à la circulation aux heures d’entrée et de sortie des élèves. L’objectif est d’avoir davantage d’aménagements de ce type.
- Alimentation
La nouvelle convention avec la Chambre d’agriculture (165 000 euros par an) vise à convertir plus de terres vers du maraîchage pour nourrir la population locale.
- Lutte contre le dérèglement climatique
Une vingtaine de cours d’école ont été végétalisées. L’objectif est de transformer les récréations de tous les écoliers de la Ville. Plusieurs projets immobiliers ont été annulés (par exemple à côté du Vaisseau) ou des terrains préemptés pour ne plus grignoter la « Ceinture verte ». L’objectif est d’accroître la taille de cette trame végétale pour la faire passer d’une surface de 800 à 1 400 hectares.
- Animaux en ville
Plusieurs animaux sauvages ont quitté le zoo de l’Orangerie, dont la subvention a pour la première fois été réduite. La Ville a aussi lancé un programme de stérilisation des chats errants.
- Urbanisme
Voici un sujet d’ampleur sur lequel les écologistes sont très attendus. La municipalité s’avance un peu en mettant dans la catégorie « on l’a fait », les réorientations des quartiers des Deux-Rives ou Archipel 2, avec plus de place pour les équipements publics et la nature. Ces quartiers mettront des années à sortir de terre.
C’est aussi le cas pour la première « modification » du Plan d’urbanisme explique la vice-présidente Danielle Dambach. « Nous avons par exemple prescrit des toits bioclimatiques sur les constructions, c’est-à-dire végétalisés et avec des panneaux solaires. Ce sont des prescriptions immédiates, mais cela prendra des années à être visible sur les nouveaux projets ». Une nouvelle modification du PLUi est en cours, ainsi qu’une « révision » plus profonde pour mieux intégrer les enjeux climatiques.
- Énergie
L’Eurométropole a pris en charge l’équivalent d’un bouclier tarifaire pour les clients de la chaufferie de Hautepierre, qui étaient exclus du dispositif gouvernemental. Les contrats de délégation des deux réseaux de chaleur ont été renouvelés pour 20 ans, de sorte à être moins dépendants du gaz. La Ville a aussi entamé un vaste plan de rénovation de ses écoles. L’état du patrimoine de la Ville et de l’Eurométropole vient d’être listé comme un point faible de la collectivité au niveau de ses émissions de CO2 par l’Ademe (labellisation Cit’ergie, renommé Territoire engagé dans la transition écologique).
- Économie
Le début de mandat a surtout constitué en des discussions avec les représentants du monde économique, assez méfiants envers la nouvelle équipe. Cela a débouché sur un « Pacte pour une économie locale et durable », qui n’est que symbolique. Pendant ce temps, de nombreux dispositifs d’aides ont été prolongés, en leur donnant dans la mesure du possible une tonalité plus écologique. La collectivité a aussi organisé une manifestation autour de l’Économie sociale et solidaire qui a réuni 2 000 personnes. Une démarche « d’économie industrielle », comme cela se fait à petite échelle au Port autonome, a été initiée pour le parc d’entreprises à Reichstett.
- Réduction des déchets
L’Eurométropole a débuté la collecte des déchets alimentaires en deuxième couronne (voir notre article) pour le transformer en « biogaz » dans le méthaniseur d’Oberschaeffolsheim. Dans ce bilan, difficile de lister comme le soutien à des protections hygiéniques lavables pour les femmes comme une réalisation définitive. Ce dispositif est pourtant très innovant pour une grande agglomération comme Strasbourg. Mais face à l’afflux de demandes, le service, sous-financé, s’est stoppé net après cinq mois (voir notre article). Ce qui a créé des frustrations. Il est indiqué que cette politique reprendra de manière « ciblée » sur certains publics.
Les 10 « transformations » selon les écologistes
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Les électeurs des écologistes attendent une action plus visible de la municipalité
Le militantisme rend aveugle...
Vite, reprenez vous !
Plus sérieusement, être à la tête d’une administration de près de 8000 agents et imaginer que tout tournera rond dès l’élection c’est un rêve. L’agence du climat, externalisée démontre cela tandis que les agents souffrent que la Sers et les principaux constructeurs publics continuent leurs chemins avec des micros-mesures écologistes à faire pâlir n’importe qui.
La solution se trouve dans la co-construction. Mais elle implique clairement une révision importante des pratiques de gouvernement pour laisser la place à d’autres voix et à l’innovation sociale, écologiste et démocratique.
Strasbourg est encore trop riche… et nos élus trop sûrs pour partager véritablement ne serait ce qu’une once de pouvoir.
J’espère être ballot de lire mon commentaire dans 3 ans mais ne me fait plus trop d’illusions sur les manières et sur le faire de cette équipe que je trouve triste.
À défaut, je me dis que cela aurait pu être pire. Et puis tel Achile Talon, je me détourne en pensant « bof » et file dans mon boulot consacré à l’évolution durable ailleurs car l’herbe, les arbres, l’eau, l’air, …, les gens y sont mieux compris et ça c’est réel pas seulement vrai.
Merci de votre article mais on est quand même très proche de la Pravda verte: ne serait ce que la photo de l'aménagement de la Place du Temple neuf qui laisserait croire à une cohérence de cet aménagement alors que la place est totalement illisible au point où je me suis demandé si c'était encore en construction ou pas...
j'attends toujours la grande enquête sur l'état de la démocratie locale, cette fameuse "co-construction" qui semble s'évaporée victime sans aucun doute du réchauffement climatique...
C'est un article centré sur les aspects écologiques et ce qui en est palpable (ou pas assez). C'est donc déjà un grand pan de la politique locale. Il y aurait aussi à dire dans d'autres domaines c'est vrai, ce sera peut-être pour un futur article. Les principales mesures selon moi étant la pré-emption de la Semencerie au quartier Laiterie, le déménagement du Wagon Souk ou le marché de Noël plus espacé et sans check-point.
Pour la démocratie locale, nous y avons consacré un long article récemment : https://www.rue89strasbourg.com/meinau-democratie-locale-concret-231544
Bonne lecture,
L'article tente de dégager les mesures déjà perceptibles après 2 ans. Ces extensions sont programmées pour la fin du mandat. D'ailleurs, elles ne figurent étonnamment pas dans le bilan concocté par la municipalité.
Ces mesures permettent-elles de laisser la place aux pays pauvres de se développer pour quitter la pauvreté si toutes les villes / pays faisaient de même ?
En 2018, la Ville et l'Eurométropole avaient lancé une démarche d'évaluation de leurs pratiques (labellisation Cit'ergie renommé Territoire engagé dans la transition écologique) en rapport des émissions des CO2.
Il faudrait une note de 100% pour être raccord avec les 1,5°C.
Les deux collectivités viennent d'avoir un score de 68%, soit une note de 4 étoiles sur 5. Sept collectivités en France ont une note de 5 étoiles, mais après connu plusieurs évaluations successives. La collectivité strasbourgeoise devrait relancer un cycle de 4 ans à moyen terme pour viser les 5 étoiles.
Une précision sur ce point : le label est tellement exigent qu’il n’est pas possible d’obtenir une note de 100%. La 5e étoile est attribuée pour un score supérieur à 75%, ce qui n’est déjà pas une mince affaire. Sur les 320 collectivités engagées dans la démarche (depuis longtemps pour certaines), il n’y a effectivement que 7 collectivités labellisées 5* et les meilleures sont autour de 80% : Grenoble (80,1%), Métropole et Ville de Brest (79,7%), Besançon (79,5%), CU Dunkerque (78,7%)…
Par ailleurs, on ne peut pas directement faire le lien entre les niveaux dans le label et l’atteinte des objectifs de Paris. Même à 5*, une collectivité est encore loin de la neutralité carbone de son territoire… mais elle se place clairement dans une bonne trajectoire pour faire sa part pour atteindre ce type d’objectifs.
Le label n’est donc pas une fin en soi ou un aboutissement mais c’est un outil pour améliorer la prise en compte des enjeux climat air énergie dans l’ensemble des politiques publiques des collectivités.
La maire écolo a bien perdu un recours en carence pour des problématiques qui concernant bien la santé publique.
Ils s'étaient engagés à suivre les avis Cada favorables, qu'ils ne font pas. Concernant l'Open Date, il y a des lacunes dans certaines données.. voire de la rétention d'information.
Et quand est il de la transparence démocratique, l'éthique, et la démocratie participative ?
Vous n'avez pas souligné les pbs de déclaration d'intérêts
La liste n'est pas finie...
Bref, il ne se passe jamais rien à Strasbourg...