Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Trop endommagée pendant les émeutes, l’école Marguerite Perey ne rouvrira pas à la rentrée

Trop endommagée pendant les émeutes, l’école Marguerite Perey ne rouvrira pas à la rentrée

Pendant les émeutes dans la nuit du 29 au 30 juin à Cronenbourg, l’école Marguerite Perey a été partiellement incendiée. L’importance des travaux de remise en état ne permet pas d’accueillir les élèves à la rentrée de septembre.

Après la mort du jeune Nahel lors d’un contrôle policier, survenu le 27 juin à Nanterre, des émeutes ont eu lieu dans plusieurs quartiers populaires de Strasbourg pendant plusieurs nuits de suite. Du jeudi 29 au vendredi 30 juin, les dégradations ont été particulièrement importantes dans le quartier de Cronenbourg, où le collège Sophie Germain et l’école Marguerite Perey ont été ciblés.

Le feu avait particulièrement atteint les espaces collectifs de l’école Marguerite Perey Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Dans un communiqué publié mardi 22 août, la Ville de Strasbourg indique que « au vu de l’importance des travaux, l’école élémentaire Marguerite Perey ne pourra rouvrir ses portes le jour de la rentrée » malgré une rapide « expertise du bâtiment, une décontamination et le nettoyage de l’école puis la programmation des travaux de remise en état de l’école ».

Les émeutiers étaient parvenus à pénétrer à l’intérieur de l’école Marguerite Perey Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Les élèves scolarisés à Marguerite Perey et ceux qui devaient l’être seront répartis dans les écoles voisines dès le lundi 4 septembre. Les élèves inscrits en CP, CE1, CE2 et ULIS sont transférés à l’école élémentaire Langevin, 27 rue Lavoisier à Strasbourg – Cronenbourg. Les élèves inscrits en CM1 et CM2 sont transférés à l’école primaire Charles Wurtz, 53 rue du Rieth à Strasbourg – Cronenbourg.

Ces transferts auront lieu au moins jusqu’au retour des vacances de la Toussaint, lundi 6 novembre, selon le communiqué de la Ville. Les familles concernées sont invitées à participer à une réunion d’information lundi 28 août au gymnase de l’école Charles Wurth.

Au lac Achard, l’AquaFun’Park inaugure une privatisation de l’accès à l’eau

Au lac Achard, l’AquaFun’Park inaugure une privatisation de l’accès à l’eau

Pour la première fois cet été, une partie du lac Achard est payante. Dix euros par personne par heure pour rebondir sur les structures gonflables de l’AquaFun’Park. Mais cette privatisation de l’accès à l’eau n’inquiète que peu de baigneurs.

« Avec l’inflation en ce moment, je préfère acheter de la nourriture. » Sur la plage du lac Achard à Illkirch-Graffenstaden, samedi 19 août, Issa surveille ses cinq enfants en bas âge. À une cinquantaine de mètres, l’AquaFun’Park propose une entrée sur sa structure gonflable pour 10 euros de l’heure. Les cris des enfants qui en profitent se font entendre jusqu’à la rive restée gratuite. Mais pour l’ancien agent d’exploitation en parking, aujourd’hui au chômage, impossible de profiter de cette offre :

« Vous imaginez ? Si je devais payer pour tous mes enfants, cela me coûterait cinquante euros de l’heure. C’est impossible. »

La grande majorité de la plage du lac Achard reste en accès gratuit. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« C’est gratuit ou c’est payant ? »

Après avoir emporté un appel d’offres de l’Eurométropole de Strasbourg, la société JR Events exploite 3 000 mètres carrés du lac Achard. De quoi installer l’AquaFun’Park, une structure gonflable pour 180 personnes, constituée de toboggans, de trampolines et autres éléments de parcours d’obstacles. L’exploitation du site est autorisée pour sept ans.

Avec une première saison compliquée par une météo capricieuse, le directeur de JR Events Antonin Caujolle tente de positiver :

« Lorsqu’on s’installait, les gens râlaient en parlant de privatisation. Ils n’avaient pas compris que l’on ne prenait qu’une partie du lac. Le reste est toujours accessible gratuitement. »

Face aux critiques sur ses tarifs, Antonin Caujolle rappelle le « tarif familial » pratiqué pour un groupe de plus de trois personnes et coûtant… un euros de moins par personne. Les pauvres pourront toujours se rabattre sur la location d’un pédalo à dix euros l’heure, toujours chez JR Event ou attendre 19h pour profiter d’un tarif à 5 euros l’heure.

L’AquaFun Park a ouvert au lac Achard à l’été 2023. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Quelques minutes plus tôt, un enfant tenant la main de son père résumait tout l’enjeu d’un espace public privatisé : « C’est gratuit ou c’est payant ? », demandait-il en avançant vers l’AquaFun’Park. Il y a désormais deux parties du lac Achard. La première, la plus grande, reste accessible à tous. Les familles et autres groupes d’amis s’y agglutinent sur une plage bientôt séparée par un ponton. Derrière, un périmètre rouge et blanc indique l’espace réservé à celles et ceux ayant les moyens de payer 10 euros par personne et par heure.

« Ça manquait d’animation »

Derrière une clôture en bois, Inès surveille sa fille et son neveu. Cette année, pas de départ en vacances pour cette mère célibataire. Le restaurant qui l’employait a été placé en liquidation judiciaire. Puis l’organisme de formation, qui devait l’aider à se reconvertir dans le secteur médico-social, a lui aussi fermé. Malgré ces difficultés, Inès tient à offrir une entrée à la petite. Ses sentiments sont partagés vis-à-vis de l’AquaFun’Park :

« Au parc Citadelle ou à la piscine du Wacken, la Ville de Strasbourg propose des activités gratuites. Je trouve ça cool d’avoir cette animation au lac Achard mais c’est aussi injuste pour un petit dont la mère n’aurait pas les moyens de lui payer une entrée. »

Selon un employé de la collectivité, chargé de la surveillance de la baignade, cette nouvelle offre payante ne provoque pas de frustration visible depuis le début de l’été. Elle se souvient uniquement d’un petit groupe d’enfants qui demandait une pièce aux baigneurs pour pouvoir se payer une entrée.

Il y a désormais deux espaces au lac Achard : un espace public, et un espace réservé à celles et ceux qui ont les moyens de payer 10 euros l’heure passée sur une structure gonflable. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Retour sur la plage publique où se prélassent Grégory et François. Habitués du lac Achard depuis les années 80, les deux habitants d’Ostwald ne se plaignent pas de l’arrivée de l’AquaFun’Park. Conducteur de tram, Grégogry apprécie la buvette qui a ouvert avec l’arrivée de JR Events :

« Ces dix dernières années, j’allais plutôt près des lacs allemands parce qu’on y trouve toujours de quoi se restaurer. Ça manquait d’animation ici avant mais désormais je suis de retour ici. »

À ses côtés, François, conducteur de train à la retraite, se plaint d’une uniformisation des lacs : « on voit ces structures gonflables même dans des lacs de montagne maintenant » – mais le coût d’entrée ne le choque pas : « Il y aura toujours quelqu’un qui n’aura pas les moyens de s’offrir une entrée », dit-il.

« Ici les lacs sont encore gratuits. Il faut que ça le reste »

Attablés à la buvette voisine, Christian, Delphine et Francis réagissent aussi positivement à l’ouverture de l’AquaFun’Park. Pêcheur pisciculteur, habitué du lac Achard depuis qu’il a trois ans, Christian regrette l’époque « où la ville faisait des animations ici, avec des jeux pour enfants. » Il se plaint aussi du terrain de pétanque et des autres équipements « qui mériteraient un rafraichissement ».

Pour de nombreux usagers, cette nouvelle animation du lac Achard est la bienvenue. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Pour les touristes non plus, cette soudaine irruption du secteur privé ne suscite aucune critique. Isabel, venue en famille de Barcelone, a l’habitude de payer pour chaque heure passée dans une structure de ce type.

Quelques mètres plus loin, Nicolas compare le lac Achard aux lacs situés en région parisienne :

« À Paris et alentours, il y a très peu de lacs accessibles gratuitement comme en Alsace. La plupart des espaces de baignade sont payants. »

Des témoignages qui feraient de Strasbourg une exception à préserver, comme l’espère Inès : « Ici les lacs de baignade sont encore gratuits. Il faut qu’ils le restent. » Un message à transmettre à l’Eurométropole, si d’aventure la collectivité devait privatiser encore plus d’espace.

Suite à une demande de précision sur la capacité d’accueil du lac Achard, la communication de l’Eurométropole a tenu à préciser que « l’installation de l’Aquafun park n’a pas réduit la zone de baignade surveillée gratuite côté publique. Cette proposition aqualudique vient en complément de la possibilité de baignade gratuite et l’offre d’apprentissage développée depuis 2021 par le comité départemental de natation. »

Des substances toxiques détectées dans l’eau près des rejets de l’incinérateur Sénerval

Des substances toxiques détectées dans l’eau près des rejets de l’incinérateur Sénerval

Des analyses effectuées dans la darse IV, un bassin du Port autonome de Strasbourg, ont révélé la présence de substances toxiques. Les eaux pluviales de l’usine d’incinération d’ordures ménagères de Strasbourg se déversent dans ce bassin.

En février 2021, les émissions atmosphériques de l’incinérateur d’ordures ménagères de l’agglomération de Strasbourg avaient déjà révélé la présence de dioxines et de furanes, des composants extrêmement toxiques. Dans un arrêté du 3 juillet, la Direction régionale de l’environnement (Dreal) indique que ces substances ont été détectées dans un bassin près de l’usine, celui où elle déverse ses eaux pluviales : la darse IV du Port autonome de Strasbourg.

Située au port du Rhin, l’usine d’incinération fait l’objet de nombreux contrôles Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

La préfecture du Bas-Rhin « prescrit » à Sénerval, l’entreprise concessionnaire de l’incinérateur métropolitain, filiale de Séché Environnement, d’engager « une étude de la faune aquatique de la darse IV ». L’objet de cette étude n’est pas de tracer l’origine de cette pollution mais d’ »analyser la contamination des polluants de la chair des espèces de poissons présentes aux différents étages de la chaîne alimentaire ».

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Jeanne Barseghian n’ira pas aux Journées d’été des écologistes pour protester contre la présence de Médine

Jeanne Barseghian n’ira pas aux Journées d’été des écologistes pour protester contre la présence de Médine

Dans un article publié lundi après-midi, L’Express indique que la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, ne se rendra pas à l’université d’été d’Europe-Écologie – Les Verts (EELV), prévue du 24 au 26 août au Havre. La maire de Strasbourg entend ainsi protester contre la direction de son parti, qui a maintenu l’invitation du rappeur Médine après un tweet faisant référence à la Shoah et aux origines juives de l’essayiste Rachel Khan. Le maire EE-LV de Bordeaux, Pierre Hurmic, a pris la même décision selon l’hebdomadaire.

Jeanne Barseghian en juin Photo : Émilie Terenzi / Rue89 Strasbourg / cc

Au micro de BFM Alsace peu après, Jeanne Barseghian a détaillé sa position :

« J’ai plaidé pour qu’on puisse annuler l’invitation du rappeur Médine qui me semble être un personnage très ambigu. C’est la raison pour laquelle j’ai pris la décision de ne pas me rendre aux Journées d’été des écologistes cette année ».

Le rappeur Médine a eu beau s’expliquer dans un second tweet, invoquant avoir ciblé le parcours professionnel de Rachel Khan et pas « les victimes du drame de la Shoah », ces explications n’ont « pas convaincu » la maire de Strasbourg, ni même d’autres personnalités de gauche comme la députée européenne du Nord Karima Delli.

Une université d’été écologiste qui risque donc d’être bien vide, ce qui fait dire à L’Express que Marine Tondelier, secrétaire nationale d’EE-LV, a réussi à « plomber la rentrée des écolos ». Régulièrement ciblé par l’extrême-droite parce qu’il est musulman et arabe, Médine a dû annuler certains de ses concerts et régulièrement expliquer ses intentions dans les médias après certains de ses textes, les plus anciens, sur l’islam, le jihad ou la laïcité.

Incendie à Wintzenheim : face au sous-effectif et au manque de formation, Emie a démissionné d’Oxygène

Incendie à Wintzenheim : face au sous-effectif et au manque de formation, Emie a démissionné d’Oxygène

Fin juillet, Emie a participé à une formation de Oxygène, l’une des sociétés organisatrices du voyage à Wintzenheim qui a abouti à la mort de 11 personnes dans un incendie. D’abord recrutée en tant qu’animatrice, l’étudiante est rapidement passée responsable. Face à la désorganisation et au manque de moyens, elle a démissionné avant le début du séjour.

« Ma mère a travaillé en Institut médico-éducatif. Des jeunes qu’elle côtoyait au quotidien sont décédés dans l’incendie de Wintzenheim. » Emie a été profondément bouleversée par le drame qui a coûté la vie à 11 personnes dans la matinée du mercredi 7 août près de Colmar. Fin juillet, la jeune femme de 21 ans a participé à Laxou (Meurthe-et-Moselle) à une formation pour animateurs et autres responsables de séjours en Vacances Adaptées Organisées (VAO) par la société Oxygène vacances. Étudiante en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), sans aucune expérience dans le milieu du handicap, elle a fini par démissionner avant de partir pour un voyage dans les Ardennes : « Entre personnel non qualifié et organisation bancale, je ne voulais pas être tenue responsable de ce bordel. »

Emie a démissionné après une formation express par la société Oxygène : « À peu de choses près j’étais dans ce séjour à Wintzenheim. » Photo : Roxanne Machecourt / Rue89 Strasbourg / cc

« Il manquait un gros bout de l’effectif »

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Près de Bouxwiller, le suicide d’Estelle, 15 ans, après une plainte pour inceste négligée par la justice

Près de Bouxwiller, le suicide d’Estelle, 15 ans, après une plainte pour inceste négligée par la justice

L’adolescente alsacienne est morte le 11 juin dernier après une lente descente aux enfers. Un an et demi plus tôt, elle avait déposé plainte pour agression sexuelle contre un membre de sa famille, d’un an son aîné. Selon nos informations, l’adolescent n’a été convoqué par la justice qu’après le suicide d’Estelle. La mère de la jeune fille a saisi la Défenseure des droits.

Estelle avait 15 ans, elle vivait dans un village d’Alsace et était en troisième professionnelle. Elle aimait dessiner, lire, s’occuper de son chien et de ses chats et passer des heures à faire des peluches et des crop tops en crochet. « Enfin ça, c’était avant. Avant l’agression. Après tout a dérapé, ce n’était plus la même enfant », dit sa mère – qui a souhaité rester anonyme.

Estelle s’est suicidée le 11 juin, un an et demi après s’être rendue à la gendarmerie de Bouxwiller pour déposer plainte contre un membre de sa famille pour des faits d’agression sexuelle. Elle avait alors 13 ans, lui 14. Sur la feuille de papier qu’elle a laissée à ses proches, au milieu de mots juxtaposés comme des cris de souffrance et de solitude, elle a écrit plusieurs fois le prénom de celui qu’elle accusait.   

Noël 2021. La famille élargie se réunit pour les fêtes de fin d’année. Dans les semaines qui suivent, les parents de l’adolescente, divorcés, s’inquiètent chacun·e de leur côté : Estelle oscille entre colère et tristesse, pleure beaucoup, reste enfermée dans sa chambre, ne mange plus, ne se lave plus. « Si quelqu’un t’a fait du mal, tu dois nous le dire. Même si c’est quelqu’un de la famille », intime la mère à sa fille après l’avoir entendue dire entre deux sanglots, seule dans sa chambre : « Je ne peux pas lui dire. Si je lui dis, cela va détruire la famille. »

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Camp de l’Étoile : le cycle de la honte

Camp de l’Étoile : le cycle de la honte

À Strasbourg, le camp de migrants et de SDF du parc de l’Étoile a été évacué quatre fois en un an. Une étape de plus dans le périple des personnes migrantes et des sans-abris pour s’installer en France.

Le campement du parc de l’Étoile a une nouvelle fois été évacué jeudi 17 août. 115 personnes ont été expulsées de cette place pour être réparties, selon leurs situations, dans des hébergements de l’État. C’est la quatrième fois qu’une telle opération d’évacuation se déroule devant les yeux des Strasbourgeois.

Quatre évacuations en plus d’un an

Le camp de l’Étoile s’est constitué pour la première fois au printemps 2022, après un rassemblement de quelques tentes éparses dans les parties boisées du parc. Pour permettre les tirs du feu d’artifice de la Fête nationale, plus de 70 personnes ont été évacuées en juillet 2022. Dix jours plus tard, la moitié était revenue s’installer au parc de l’Étoile.

En décembre 2022, la chute des températures rend insupportables les conditions de vie sur le camp, d’autant que 43 enfants ont été recensés parmi les occupants des tentes. Après un interminable bras-de-fer entre la maire de Strasbourg et la préfète du Bas-Rhin, une deuxième évacuation a lieu le 6 décembre : entre 30 et 40 personnes sont recensées puis envoyées dans des centres d’hébergement de l’État.

Dès le printemps 2023, les tentes sont de retour parc de l’Étoile. Un reportage de Rue89 Strasbourg en juin 2023 évaluait à 50 le nombre de personnes installées. Le 23 juin, les habitants du camp étaient à nouveau expulsés…

Strasbourg, une métropole de choix

Les conditions qui mènent à la répétition de ce cycle de la honte sont bien connues. D’un côté, Strasbourg attire de nombreuses personnes migrantes, grâce à sa renommée internationale et sa position géographique. De l’autre, le dispositif d’hébergement d’urgence est saturé, incapable de répondre aux besoins des personnes précaires. Le dispositif d’asile est lui aussi sous-dimensionné par rapport aux demandes.

Les familles et personnes sans toit, migrants, demandeurs d’asile, SDF, peuvent appeler le 115 autant qu’elles veulent : le service d’orientation n’a aucune place à proposer. Eux-mêmes sous pression, les agents du Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) ne peuvent que gérer une pénurie endémique, en tentant d’organiser un roulement des places pour mettre à l’abri les familles les plus vulnérables pendant quelques jours.

Une femme attend d’être prise en charge par la préfecture jeudi 17 août Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

La protection des lampadaires

Certaines communautés ont ouvert des squats, comme les Géorgiens dans le quartier Neuhof, mais pour tous les autres, il n’y a que la rue, c’est-à-dire un coin de verdure suffisamment vide pour y planter une tente : rue des Remparts, au bord du canal de la Bruche, parc de la place de Haguenau, près des jardins familiaux ou d’un embranchement routier… Il faut trouver un coin inoccupé, inutilisé mais pas trop isolé car la nuit, la rue strasbourgeoise est rude : conflits, vols et bagarres ne sont pas rares.

Pour tous ces naufragés de l’accueil, dont une bonne part est venue en France au terme d’un périple déjà éprouvant, se positionner place de l’Étoile, sous la protection des lampadaires, de la circulation des bus et de la police municipale est une garantie de sécurité. En outre, en s’installant sous les fenêtres du centre administratif, les occupants du camp espèrent éviter l’oubli et provoquer leur évacuation. Les occupants du camp attendent ces opérations car ils obtiennent à ce moment-là au moins un hébergement temporaire.

Cinq ans à éviter la police

Cependant, pour les migrants, cette protection s’arrête dès que leur demande d’asile est refusée. Rester dans un centre d’aide au retour peut vite aboutir à un transfert en centre de rétention. Il faut alors fuir et… se retrouver à la rue. Une procédure complète de demande d’asile peut permettre de rester deux ans en France légalement. Après le refus définitif, il faut encore tenir trois ans avant de décrocher un titre de séjour grâce à la circulaire Valls, et encore, en prouvant avoir travaillé illégalement.

Voilà la machine à broyer dans laquelle la France envoie les personnes qui l’ont élue comme terre d’accueil. Après la dernière évacuation du camp de l’Étoile, 36 personnes ont « refusé les propositions » de la préfecture qui se garde bien de détailler leurs raisons. Certaines ont trouvé du travail à Strasbourg et n’ont donc pas accepté les logements situés dans d’autres départements proposés par l’État. Il est à craindre qu’elles se retrouveront de nouveau au parc de l’Étoile en attendant un miracle : que quelque part, dans cette ville, dans ce pays, quelqu’un mette fin à leur calvaire.

Trop de chloridazone dans l’eau courante à l’ouest de Strasbourg

Trop de chloridazone dans l’eau courante à l’ouest de Strasbourg

La concentration en chloridazone de l’eau consommée par des habitants de l’ouest de l’Eurométropole jusqu’à Ernolsheim-sur-Bruche dépasse le seuil réglementaire. Faute de solution, un arrêté préfectoral du 7 août accorde aux collectivités de dépasser cette norme fixée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.

L’eau qui coule du robinet de 23 800 habitants de l’ouest de l’Eurométropole (EMS) ainsi que de 6 500 habitants de la communauté de communes de Molsheim-Mutzig n’est plus dans les normes déterminées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à cause d’une trop forte concentration en chloridazone, un herbicide interdit depuis décembre 2020. Les communes concernées sont Achenheim, Blaesheim, Breuschwickersheim, Entzheim, Geispolsheim, Hangenbieten, Holtzheim, Kolbsheim, et Oberschaeffolsheim pour l’Eurométropole et Duppigheim, Duttlenheim, et Ernolsheim-Bruche pour la communauté de communes de la région Molsheim-Mutzig.

Afin de poursuivre la distribution de l’eau, un arrêté préfectoral daté du 7 août 2023 autorise les collectivités de ce territoire à dépasser pendant trois ans les seuils autorisés, faute « d’autres moyens raisonnables immédiats ». L’arrêté précise que cette dérogation pourra ensuite être renouvelée.

En juillet 2022, Rue89 Strasbourg révélait une contamination similaire, lié à l’utilisation du S-métolachlore – toujours autorisé malgré la volonté de l’Anses de l’interdire – largement retrouvé dans l’eau distribuée en Alsace. Le seuil autorisé avait également été réhaussé pour la communauté de communes de la Basse-Zorn. L’eau potable de l’EMS était à ce jour épargnée.

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Manifestation « contre Poutine et son régime » dimanche 20 août

Manifestation « contre Poutine et son régime » dimanche 20 août

L’association strasbourgeoise CommePasse appelle à manifester dimanche 20 août à partir de 14h à Strasbourg contre « Poutine et son régime » dans le cadre d’un appel international.

Les soutiens d’Alexei Navalny, opposant politique de Vladimir Poutine, l’association d’aide aux victimes de la guerre en Ukraine CommePasse et l’association Russie Libertés appellent à une manifestation dimanche 20 août qui se tiendra dans plusieurs grandes villes de France mais aussi dans d’autres pays, afin de dénoncer la dictature mise en place en Russie par Vladimir Poutine. À Strasbourg, l’appel de ces trois associations donne rendez-vous sur la place Kléber à partir de 14h.

Après l’invation de l’Uktraine en février 2022, plusieurs manifestations avaient dénoncé le régime totalitaire de Vladimir Poutine Photo : archives Rue89 Strasbourg

Cette date du 20 août marque les trois ans de l’empoisonnement d’Alexei Navalny, symbole de la lutte contre le régime Poutinien. Ayant survécu à cette tentative d’assassinat, il est depuis trois ans emprisonné en Russie, « privé de ses droits fondamentaux, constamment placé en cellule d’isolement et empêché de voir sa famille », selon l’association CommePasse.

Cette manifestation vise à rappeler qu’en Russie, les minorités sexuelles sont réprimées et que toute dissension est impitoyablement traquée. Il s’agira également d’envoyer une démonstration de soutien à l’Ukraine, envahie par la Russie depuis février 2022 qui soutient par ailleurs deux territoires séparatistes après avoir annexé par les armes la Crimée en 2014.

À Saint-Dié, le Radis Kale fixe une communauté autonome, écologiste et féministe

À Saint-Dié, le Radis Kale fixe une communauté autonome, écologiste et féministe

Vosges alternatives, notre série d’été sur la vie militante en zone rurale (7/8). Dans la banlieue de Saint-Dié, une ancienne ferme a été transformée en un lieu culturel autogéré pour accueillir des concerts, des ateliers écolos et une chorale féministe. Immersion.

Impossible de passer devant sans y jeter un œil. La « ferme de Gratin » toute en briques orangées surplombe, imposante, une route en périphérie de Saint-Dié, au cœur des Vosges. Mais si le lieu a gardé le nom de ferme, la réalité est tout autre. Après avoir été réhabilité en restaurant, le bâtiment abrite depuis 2020 un lieu culturel géré par les membres de l’association du Radis Kale.

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La lutte des Clestra continue avec quatre rendez-vous et le soutien de Sophie Binet

La lutte des Clestra continue avec quatre rendez-vous et le soutien de Sophie Binet

Les ouvriers de l’usine Clestra, en grève depuis le 3 juillet, organisent un barbecue solidaire, une rencontre avec la maire de Strasbourg mais surtout un grand rassemblement en présence de Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, jeudi 24 août devant les locaux d’Illkirch-Graffenstaden.

En grève depuis sept semaines contre ce qu’ils estiment être un plan social déguisé mené par leur repreneur, le groupe Jestia, les ouvriers de Clestra intensifient leur mobilisation avec quatre rendez-vous publics. Vendredi 18 août à partir de 11h, ils proposent un barbecue solidaire devant les locaux de l’usine, au 1 route du Docteur Albert-Schweitzer à Illkirch-Graffenstaden. Une prise de parole est également prévue, lors de laquelle s’exprimeront les représentants CGT de Clestra et tous ceux qui le souhaitent.

Aux alentours du 22 août (la date doit encore être confirmée), les ouvriers espèrent rencontrer Jeanne Barseghian, maire (EE-LV) de Strasbourg et Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole. Le but de cette rencontre est « d’obtenir le soutien des élus locaux dans ce conflit », explique Amar Ladraa, responsable régional et fédéral de la CGT Métallurgie. Peu après, les syndicalistes de Clestra doivent s’entretenir avec un représentant du ministre de l’industrie Roland Lescure. « On aimerait que le ministère nous aide à trouver une issue, déclare Amar Ladraa. On souhaiterait également qu’ils demandent à la famille Jacot, à la tête de Jestia, pourquoi ils ne tiennent pas leurs engagements quant au maintien de toute l’activité et de tous les emplois de l’entreprise. »

Sophie Binet Photo : capture d’écran

Donner une dimension nationale

Jeudi 24 août, la lutte prendra une tournure nationale. À 11h, les ouvriers en grève de l’usine Clestra se rassembleront devant les locaux de l’entreprise pour protester contre le silence du groupe Jestia, comme chaque jour depuis sept semaines. Seulement cette fois-ci, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, et Fréderic Sanchez, secrétaire général de la CGT Métallurgie, seront également présents et apporteront leur soutien aux grévistes. Amar Ladraa se félicite de ce déplacement :

« Sophie Binet peut utiliser de son influence pour interpeller le gouvernement ou appeler à la solidarité. Après presque deux mois de grève, ça devient compliqué de tenir pour nombre de nos collègues. On a besoin de ça pour défendre notre position qui est juste et légitime. »

Les grévistes de Clestra, qui n’ont pas perçu de salaire en juillet ont ouvert une cagnotte. Après sept semaines de bataille, Amar Ladraa assure que « Tous les salariés sont toujours déterminés ».

Pour la quatrième fois, le camp de l’Etoile évacué

Pour la quatrième fois, le camp de l’Etoile évacué

Pour la quatrième fois en un an et un mois, la préfecture du Bas-Rhin a évacué les personnes installées sur la place de l’Étoile dans la matinée du jeudi 17 août 2023.

Les évacuations se suivent. En plus d’un an, la quatrième intervention des forces de l’ordre sur la place de l’Étoile a eu lieu en début de matinée ce jeudi 17 août. Mais cet énième démantèlement du camp de l’Étoile ne ressemble pas aux précédents. Un cordon a été déployé tout autour des tentes. Les responsables d’associations humanitaires, comme Les Petites Roues, ne peuvent accéder aux personnes sans-abris qu’elles aident régulièrement. Les journalistes aussi doivent attendre devant le ruban bleu blanc rouge. Plus d’une cinquantaine de personnes vivaient à quelques pas du centre administratif de la Ville de Strasbourg. Combien ont été prises en charge ? Vers quel gymnase ont-elles été amenées pour que leur situation administrative soit étudiée ? Sur place, police et préfecture refusent de répondre à ces questions.

Une évacuation en retard, des sans-abris exclus

Autre différence importante pour cette énième évacuation : l’heure de l’intervention des forces de l’ordre. D’ordinaire, ces démantèlements de camp ont lieu aux alentours de 6h. Plusieurs militants associatifs et habitants de la place étaient ainsi présents aux aurores ce matin, place de l’Étoile. Vers 7h30, ils ont fini par quitter les lieux en pensant que l’évacuation était reportée. Certains sont allés au travail, d’autres avaient un rendez-vous dans un centre pour personnes sans-abri ou chez un professionnel de santé.

En plus d’un an, la quatrième intervention des forces de l’ordre sur la place de l’Étoile a eu lieu en début de matinée ce jeudi 17 août. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Ainsi, vers 10h, une vingtaine de personnes patientaient derrière le cordon de police, demandant à être prises en charge dans le cadre de l’évacuation. Il y a un couple, dont la femme est enceinte de six mois. Un petit groupe de trois habitants du camp interpelle la police pour récupérer leurs affaires dans leurs tentes. « Je veux juste récupérer ma nourriture », clame l’un d’eux en anglais. Pas de réponse du policier face à lui.

Plus d’une cinquantaine de personnes vivaient à quelques pas du centre administratif de la Ville de Strasbourg. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On est livré à nous-mêmes »

Parmi ces sans-abris qui n’étaient pas présents au moment de l’évacuation, Ahmed Ali explique avoir quitté les lieux en début de matinée pour chercher du travail. Derrière le cordon, il raconte un cycle absurde qu’il connaît bien :

« On appelle toujours le 115. Ils nous disent qu’ils nous hébergent mais ils ne nous hébergent pas car il n’y a pas de place. Une fois on nous a hébergé, on est resté deux semaines et on nous a dit « monsieur quittez les lieux ». « On dort ici depuis trois mois. Si on dort ici, c’est parce que c’est un lieu en sécurité. Il y a beaucoup de monde. Dans les autres secteurs, on se fait parfois agresser. On est livré à nous-mêmes. »

Sans domicile fixe, Ahmed Ali dort au camp de l’Etoile de Strasbourg depuis 3 mois. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Sur les 115 personnes prises en charge, 39 ont refusé les propositions d’hébergement selon la préfecture. Sabine Carriou, présidente de l’association Les Petites roues, est en lien avec plusieurs de ces personnes :

« Il y a notamment des familles syriennes et afghanes, avec des gens qui avaient du travail ou des propositions d’emploi à Strasbourg. Les hébergements se trouvaient dans d’autres régions, dans des villages en Moselle par exemple. Ils ont été contraints de refuser. »

L’évacuation du camp de l’Etoile s’est effectuée à la demande de la maire de Strasbourg. Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin, a ordonné cette évacuation autorisée par le tribunal administratif de Strasbourg le 7 août 2023. C’est la quatrième fois que ce camp de l’Etoile est évacué. Les précédentes évacuations datent du 12 juillet 2022, du 6 décembre 2022 et 23 juin 2023.

Délicate expérimentation de 200 « places violettes » pour l’accès au centre-ville aux automobilistes

Délicate expérimentation de 200 « places violettes » pour l’accès au centre-ville aux automobilistes

Lundi 14 août, 225 places « violettes » à 1€ l’heure, ont été ajoutées à l’offre de stationnement en voirie de Strasbourg. Très chères à partir d’une heure et demie, elles doivent permettre l’accès au centre-ville aux automobilistes grâce à une meilleure rotation.

Un euro pour se garer pendant une heure sur une place violette, c’est l’offre tarifaire simple que la Ville de Strasbourg cherche à populariser pour le stationnement en voirie dans l’hyper centre-ville depuis lundi 14 août (voir ci-dessous). Au delà, ça devient très cher puisque le quart d’heure supplémentaire coûte également un euro et qu’à partir d’1h30, c’est un dépassement de la durée maximale, facturé 35€.

Durée du stationnementPrix
Jusqu’à 30 minutes0,5€
De 30 mn à 1 heure1€
De 1h à 1h302€
Au delà de 1h30 – forfait dépassement35€

225 places violettes ont été créées pour cette première phase, avant que leur impact sur la fluidité du stationnement en ville soit évalué, après le Marché de Noël. Une consultation est en place jusqu’à cette date, sur le site participatif de la Ville de Strasbourg.

L’objectif de ces places est de permettre un accès aux commerces du centre-ville, en assurant leur rotation grâce à des tarifs très élevés au-delà d’une heure et demie d’occupation. Les places violettes ne sont pas non plus accessibles aux usagers abonnés au tarif résident.

Au-delà d’1h30, c’est 35€ Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Une mise en place délicate

Si les places sont déjà visibles, leur tarification ne débutera qu’au 1er septembre après une « phase de pédagogie » assure la Ville de Strasbourg. Pédagogie qui s’avère plus que nécessaire car le dispositif n’est pour l’instant pas clair pour tout le monde, selon nos observations.

Marie-Laurence Forrer, gérante d’une boutique de bijoux située rue du Temple-Neuf, « n’a rien compris à ce truc de la Ville ». Installée juste devant un des panneaux explicatifs, elle a pu récolter l’avis des gens depuis l’installation des places violettes, malgré elle :

« Je les entends depuis ce matin, c’est très drôle. Les gens viennent devant le panneau et sont abasourdis face aux prix affichés. Personne ne comprend, c’est une histoire de fou, ce truc. La rue est remplie d’habitude mais là, personne ne vient se garer car les gens ont peur de se prendre une amende. Personne n’arrive à payer non plus, rien ne marche. »

« Ils vont tuer le centre-ville »

Lundi, les commerçants rencontrés sont unanimes pour critiquer la mesure, pourtant instaurée pour eux, suite à une précédente augmentation des tarifs de stationnement. « On dirait que l’objectif est de complètement dégoûter les gens de venir en ville », s’offusque Marie-Laurence Forrer.

Les cavistes de Vino Strada, situé également rue du Temple-Neuf, ne sont pas non plus convaincus par les places violettes comme le détaille une des employées :

« Il faut moins de voitures en ville mais pas au détriment des petits commerces indépendants. Le prix du stationnement est exorbitant dans le centre-ville et on observe une baisse de la fréquentation pour la clientèle venant hors de Strasbourg. Les gens n’ont pas envie de chercher une place pendant des heures, pour ensuite la payer très cher. Ça risque d’être pire maintenant. »

Une habitante strasbourgeoise qui vient de se garer sur une de ces fameuses places déplore :

« Selon moi, tous les commerces vont fermer. Les gens n’iront plus au restaurant non plus maintenant. Personne ne va au restaurant pour une heure. 35€ de plus sur la note, c’est impossible… »

Marie-Laurence Forrer estime que la solution aurait été de mettre en place une première heure à prix réduit, voire gratuite, puis de garder les prix habituels au-delà. « On avait demandé de faire en sorte qu’il y ait une rotation mais, cette zone violette, ce n’est pas du tout ce qu’on voulait », affirme-t-elle, excédée.

Un sentiment que partagent les employées de Vino Strada. Également restauratrices, elles jugent sévèrement cette tarification :

« Il aurait fallu tout ou rien. Soit entièrement piétoniser l’espace et dans ce cas, on aurait pu augmenter la taille de notre terrasse et notre espace de vente, soit garder les voitures sur des places moins chères. Cet entre-deux est un compromis un peu mou. »

La localisation des places violettes dans la zone rouge Photo : document Ville de Strasbourg

Sans cadre légal, la police a tenté d’évacuer le squat Sarlat en pleine nuit

Sans cadre légal, la police a tenté d’évacuer le squat Sarlat en pleine nuit

Dans la nuit du 14 au 15 août et dans la matinée du 16 août, des policiers nationaux ont demandé aux occupants du 10 rue de Sarlat de quitter les lieux. Une quarantaine de sans-abris squattent ce bâtiment depuis avril 2023. Les agents ont fini par renoncer suite à l’intervention d’une avocate et de militants.

« Le bâtiment est désaffecté, donc il faut sortir de l’appartement. Vous prenez vos affaires et vous dégagez, maintenant. (…) Vous partez sinon c’est garde à vue. Vous mettez des habits et vous partez. » Ce mercredi 16 août, peu après 7 heures du matin, les occupants d’un squat situé dans le quartier du Neuhof ont été réveillés par le bruit d’une sonnette incessante suivi d’un ordre de quitter les lieux.

La scène se déroule au 10 rue de Sarlat, un bâtiment en instance de démolition squatté depuis avril 2023 par des personnes sans-abri, principalement d’origine géorgienne, présents également dans les immeubles voisins au 14 et au 18 rue de Sarlat. Des habitants ont filmé la procédure employée par les policiers. Les vidéos montrent des agents toquer aux portes et ordonner aux personnes présentes de quitter les lieux, sans entrer dans les logements.

Vidéo très sombre où l’on entend les policiers demandant aux habitants de sortir des appartements. (Vidéo remise)

C’est la deuxième fois en deux jours que les occupants du 10 rue de Sarlat reçoivent cette visite de la police. Dans la nuit du 14 au 15 août, après minuit, une quarantaine de personnes, dont quatre familles avec des enfants, se sont retrouvées dehors en pleine nuit, à la demande des forces de l’ordre.

Une évacuation d’un squat doit être décidée par un juge

Me Sophie Schweitzer représente les habitants du squat face aux procédures d’expulsion initiées par le propriétaire des bâtiments, le bailleur social Habitation Moderne. L’avocate est arrivée sur place peu après minuit :

« Quand je suis arrivée, plusieurs personnes étaient déjà dehors avec leurs affaires. Il y avait au moins quatre véhicules de police et une quinzaine d’agents. Je leur ai demandé quel était le cadre de leur mission. Ils n’ont pas su me répondre. Il n’y a aucune procédure ni pénale, ni civile, qui justifie cela. Une évacuation de squat nécessite la décision d’un juge. Il n’y aucune décision à ce jour pour le 10 rue de Sarlat. Sur place, j’ai appelé le 17 pour demander ce qu’il se passait, et la personne que j’ai eue au téléphone a dit qu’elle allait voir avec sa hiérarchie.

Après cela, au bout de quelques minutes, les policiers sont repartis et les personnes ont pu rentrer chez elles. Cela montre bien qu’ils ne pouvaient pas vraiment faire évacuer le bâtiment. D’ailleurs, même s’ils en avaient l’autorisation, le faire en pleine nuit sans prévenir aurait été inacceptable. »

Plusieurs dizaines de personnes se sont retrouvées dehors en pleine nuit (vidéo remise)

Une décision de justice qui ne concerne pas le 10 rue de Sarlat

Dans une ordonnance du 28 juin 2023, le tribunal judiciaire de Strasbourg avait ordonné l’expulsion de six occupants et occupantes du squat Sarlat. Mais les habitants concernés vivent au 12, au 14, au 20 et au 22 rue de Sarlat. Ce sont pourtant les appartements du 10 rue de Sarlat qui ont fait l’objet d’opérations de police.

Alertée par des occupants sur l’intervention des forces de l’ordre, Sabine Carriou, présidente de l’association Les petites roues, est arrivée vers 7h30 :

« Cette fois, les habitants ont refusé de sortir comme ils savaient qu’ils n’y étaient pas obligés. Les policiers étaient quatre ou cinq. Ils ont juste sonné et toqué avec insistance en demandant aux gens d’évacuer. Ils avaient l’air gênés quand on leur a demandé pourquoi ils faisaient ça, mais ça les a calmés qu’on soit là. Finalement, ils sont repartis comme rien ne se passait. »

Une nouvelle procédure d’expulsion en cours

Le propriétaire des lieux, Habitation Moderne, assure que « les interventions récentes des forces de l’ordre visent à empêcher l’installation d’occupants supplémentaires, de nouvelles tentatives d’intrusions ayant été signalées ». Le bailleur fait référence à une tentative d’ouverture d’un autre bâtiment vide au 8 rue de Sarlat, mais le site a été évacué quelques heures après l’intrusion, le 14 août.

Habitation Moderne rappelle aussi « avoir initié les suites adaptées en lien avec les autorités judiciaires » pour expulser les occupants qui ne sont pas concernés par l’ordonnance d’expulsion du 28 juin. Le bailleur social n’a pas souhaité communiquer plus de détails sur cette procédure.

Des habitants ont filmé les policiers pendant leurs interventions. (Vidéo remise)

« Cette façon de faire crée une grande angoisse »

Fleur Laronze, élue communiste de la Collectivité européenne d’Alsace, était également au 10 rue de Sarlat ce 16 août. Elle dénonce une « opération très opaque » :

« Cette façon de faire crée une grande angoisse chez des personnes qui sont déjà en détresse. Elles sont dans ces logements insalubres parce qu’elles n’ont pas d’autre solution, et qu’on leur refuse un hébergement d’urgence lorsqu’elles appellent le 115, c’est une catastrophe. »

La Ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire de Habitation Moderne, indique simplement que ces opérations de police relèvent de l’État. Interrogée sur cette procédure, la police nationale a redirigé Rue89 Strasbourg vers la préfecture, qui n’a pas donné suite à notre sollicitation.

Incendie de Wintzenheim : deux juges d’instruction et une enquête de l’inspection des affaires sociales

Incendie de Wintzenheim : deux juges d’instruction et une enquête de l’inspection des affaires sociales

Une semaine après le drame du gîte de Wintzenheim, qui a fait onze morts, l’enquête judiciaire est dotée de moyens importants. La ministre en charge des personnes handicapées a lancé une enquête administrative.

Mardi 15 août, le parquet de Paris a annoncé à l’Agence France presse (AFP) que deux juges d’instruction ont été saisis pour enquêter sur l’incendie d’un gîte à Wintzenheim. Le drame a eu lieu dans la matinée du mercredi 9 août et a provoqué la mort de dix adultes en situation de handicap léger et d’un accompagnateur. Le parquet de Colmar, territorialement compétent, a sollicité le parquet de Paris pour mener l’enquête pénale, grâce notamment à son Pôle des accidents collectifs.

L’information judiciaire a été ouverte pour homicides et blessures involontaires aggravés par la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence. L’objectif de cette enquête judiciaire menée par deux magistrats est d’établir les causes de l’incendie, ainsi que des responsabilités pénales ou civiles des propriétaires du gîte, des associations organisatrices, etc.

Des fleurs ont été déposées en hommage aux victimes Photo : Roxanne Machecourt / Rue89 Strasbourg / cc

Une enquête administrative sur l’agrément d’Oxygène

Lundi 14 août, Fadila Khattabi, ministre chargée des personnes handicapées, a annoncé aux journaux du groupe Ebra (dont les DNA et L’Alsace) l’ouverture d’une enquête administrative, menée par l’Inspection générale de affaires sociales (Igas), sur l’incendie de Wintzenheim. La ministre a promis « la vérité et rien que la vérité » aux victimes et de rendre publics les résultats de cette enquête, qui devrait se terminer en septembre.

Cette enquête devra notamment répondre aux questions sur les autorisations et les agréments dont disposaient les organismes impliqués dans le drame : ceux de l’agence Oxygène qui a organisé le séjour, et ceux de la propriétaire du bâtiment. Le 10 août, Rue89 Strasbourg avait révélé qu’Oxygène ne disposait que d’un agrément temporaire pour organiser le séjour à Wintzenheim.

Vis dans l’épaule, tendinites, hernies… Les corps brisés au travail des ouvriers grévistes de Clestra

Vis dans l’épaule, tendinites, hernies… Les corps brisés au travail des ouvriers grévistes de Clestra

« Clestra : une résistance ouvrière » – épisode 2. Les ouvriers de l’usine Clestra portent des charges lourdes et exécutent des gestes répétitifs quotidiennement. Alors qu’ils sont en grève pour sauver leur emploi depuis début juillet, l’impact de leur travail sur leur état de santé augmente le sentiment d’injustice.

« On est tous rentrés en bonne santé, on ressort tous claqués ! », martèle Abdelmalik, employé de l’usine Clestra depuis bientôt 29 ans, présent sur le piquet de grève du jeudi 10 août. Depuis début juillet, il est mobilisé avec ses collègues pour sauver son emploi, après la reprise de l’entreprise fin 2022 par le groupe Jestia.

Opéré trois fois de la colonne vertébrale en six ans à cause d’un tassement des vertèbres, Abdelmalik a échappé de peu à la paralysie. Ce n’est malheureusement pas le seul problème de santé dont il est victime. Souffrant d’une double hernie abdominale, une nouvelle opération est prévue dans les prochains mois. Des problèmes d’usure, dus au port de charges lourdes, auxquels de nombreux employés de Clestra sont sujets. Âgé de 54 ans, il trouve difficile de suivre le rythme désormais :

« On n’a plus 20 ans. Donc, quand la charge de travail augmente et qu’on doit bosser du lundi au samedi midi, on prend un sacré coup. Quand on revient le lundi suivant, on est encore éclatés. On n’a pas le temps de se reposer et le corps ne récupère pas. »

Abelmalik, sur le piquet de grève des ouvriers de l’usine Clestra Photo : remise

Abdelmalik, en pantalon malgré le grand soleil et les fortes chaleurs, confie : « Il y a de ça 10 ans, je me suis planté une agrafe d’environ 8 cm dans le tibia. Depuis, ça n’a toujours pas cicatrisé. Je pense que c’est lié aux nombreux chocs pendant le travail. Il arrive régulièrement que je me remette à saigner. » Il conclut, inquiet : « J’ai peur d’attraper une gangrène et de devoir me faire amputer… »

Marc, 44 ans, est employé de Clestra depuis 18 ans. Il ironise en annonçant qu’il détient « le record d’accidents du travail dans l’entreprise ». Contraint de porter des broches et des vis dans la cheville et dans l’épaule, il déclare : « Je vais avoir des problèmes de santé toute ma vie, sur le long terme. J’ai des douleurs fréquentes, quand je porte trop, ou que je marche trop, tout simplement. » Cheville écrasée entre une machine et des palettes, poignet agrafé, pied cassé… Après cinq accidents du travail, il ne reste plus grand chose d’indemne chez Marc.

Marc (tout à gauche), lors d’un des nombreux rassemblements des ouvriers de Clestra Photo : RM / Rue89 Strasbourg / cc

Forcés d’exécuter des gestes répétitifs toute la journée, plusieurs salariés de Clestra souffrent de tendinites au sein de l’entreprise, selon les ouvriers. « Il y en a plein partout dans l’usine », affirme Bertrand (prénom modifié), qui s’est justement fait opérer de l’épaule le 20 juillet, suite à une tendinite : « J’ai des vis dans l’épaule car elle se déboitait tout le temps. Je suis foutu, j’aurai des problèmes toute ma vie. »

« C’est trop, on nous en demande trop »

Chez Clestra, d’après les employés, les accidents du travail sont fréquents. Selon Abdelmalik, en 2018, il y a eu trois accidents du travail sur un même poste, dans la même semaine. Un problème qui viendrait, selon les employés, de la charge de travail : « C’est trop, on nous en demande trop », balaye-t-il. Les grévistes font également part d’un problème de sous-effectif fréquent, notamment Abdelmalik, qui témoigne :

« À la base, on nous impose le travail en binôme pour des questions de sécurité. Mais ça arrive souvent qu’on se retrouve seul sur un poste. Il y a deux ou trois ans de ça, je suis resté une semaine entière à travailler tout seul. Le responsable passait et je lui disais que j’avais besoin de quelqu’un pour travailler avec moi, je ne m’en sortais pas tout seul. Mais il n’a rien fait. »

Une cinquantaine d’ouvriers de Clestra ont manifesté jusqu’à la mairie d’Illkirch-Graffenstaden le jeudi 4 août 2023. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Face aux licenciements et démissions récentes suite au rachat de l’entreprise par le groupe Jestia, les grévistes craignent que ce sous-effectif ne s’aggrave encore. Par exemple, les ouvriers assurent qu’ils étaient « huit dans le secteur de l’emballage il y a quelques années », contre seulement « deux ou trois ces derniers mois, pour assurer la même charge de travail ». « Déjà que c’était dur avant, maintenant qu’ils veulent supprimer des emplois, ça risque d’être encore pire », souffle Abdelmalik, dépité. Le groupe Jestia, mutique depuis le début de la crise début juillet, n’a pas répondu aux sollicitations de Rue89 Strasbourg.

Selon les ouvriers présents au piquet de grève, dès son arrivée au sein de l’entreprise, la direction a supprimé le poste d’infirmerie. Aujourd’hui, seul un secouriste est présent sur le site, qui n’est ni infirmier, ni médecin. Les ouvriers se retrouvent donc obligés de prendre cette responsabilité en cas de problème. Il y a quelques semaines, alors qu’un des employés s’était planté un clou dans le doigt, un de ses collègues a été forcé de prendre sa voiture personnelle pour l’emmener à l’hôpital, sur ses heures de travail, racontent plusieurs grévistes.

« Changer de métier, j’y pense tous les jours »

Pour la plupart pères de famille, certains ouvriers de Clestra se disent contrains de continuer dans cette entreprise pour des questions financières. « Je suis presque handicapé mais je travaille encore. J’ai besoin de cet argent… », confie l’un des grévistes. Père de six enfants, Abdelmalik poursuit, désabusé :

« Changer de métier, j’y pense tous les jours. Mais il y a les factures derrière, le loyer, la pension alimentaire… Il y a tellement de choses à payer. »

« À chaque arrêt suite à mes accidents, je suis revenu au travail plus tôt », déclare Marc. Et il n’est pas le seul à avoir fait ce type de concession. « Je ne compte plus les fois où je suis venu travailler alors que j’avais mal partout. Je ne voulais pas me mettre en arrêt », raconte Bertrand, agacé. « Si on pousse autant, c’est pour faire gonfler le salaire. Avec les heures supplémentaires, on a des primes d’activité. Sans ça, on serait au Smic », explique Abdelmalik. Des primes non négligeables pour les ouvriers, que la nouvelle direction aurait pour objectif de supprimer, selon les grévistes.

Face à la gestion de la nouvelle direction, nombre de salariés regrettent d’avoir mis leur santé en danger pour l’entreprise. « Au vu de ce qu’il se passe aujourd’hui, je regrette d’avoir autant donné. Si je devais recommencer, je me poserais deux fois la question… », confie Marc. Un avis partagé par son collège Abdelmalik : « Si je devais le refaire, avec toute la connaissance d’aujourd’hui, jamais je le referais », déclare-t-il. Après une courte réflexion, il conclut : « Franchement, j’ai foncé droit dans le mur… »