De l’Alsace à l’Antarctique, les PFAS, des composés chimiques fabriqués par les humains ont envahi l’environnement. À Strasbourg, un quatuor de chercheurs est en quête d’un outil micro-biologique pour lutter contre l’accumulation de cette pollution.
Dégrader des molécules indestructibles à court-terme, grâce à un micro-organisme que l’on ne connaît pas encore. C’est la mission que se sont fixés deux chercheurs de l’Université de Strasbourg et du CNRS, Stéphane Vuilleumier, professeur de microbiologie, et Michaël Ryckelynck, professeur de biochimie, avec les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Ultra-toxiques, ces molécules sont surnommées les « polluants éternels », en lien avec leur persistance dans l’environnement.
Les deux chercheurs et leurs doctorants sur le campus de l’Université de Strasbourg, le 14 mars 2023 Photo : AA / Rue89 Strasbourg / cc Les professeurs Michaël Ryckelynck et Stéphane Vuilleumier de l’Université de Strasbourg-CNRS, le 14 mars 2023. Photo : AA / Rue89 Strasbourg / cc
Le professeur en micro-biologie, Stéphane Vuilleumier explique la particularité de la pollution engendrée par les PFAS :
« C’est une pollution diffuse, on la retrouve partout et c’est très difficile de concentrer les molécules de PFAS de manière physique ou chimique. Les micro-organismes peuvent être une solution intéressante car ils sont capables de dégrader des choses très diffuses. »
Tout l’enjeu pour les chercheurs est donc d’identifier le micro-organisme capable de dégrader les milliers de PFAS existants. « Il y a un énorme défi et comme personne n’a vraiment de solution, il faut tester tous azimuts ce qui peut être essayé » explique le professeur Vuilleumier.
Pour les deux chercheurs, l’aventure se concrétise en 2022 lorsqu’ils remportent un appel à projets générique de l’Agence nationale de la recherche (ANR). « Sur l’ensemble des projets soumis, environ 10% obtiennent un financement. Jusqu’ici, il n’y a rien de connu en matière de dégradation micro-biologique des PFAS, » précise Michaël Ryckelynck.
Des doctorants à la manœuvre
Depuis, ils ont été rejoints par deux doctorants, Enrico Bocconetti, 27 ans, arrivé d’Italie en octobre 2022, et Radi Khodr, un étudiant libanais de 23 ans. Respectivement au travail dans les laboratoires de l’Institut de physiologie et de chimie biologique (IPCB) et de l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC) de l’Université de Strasbourg, ils mènent les recherches sous la direction des deux professeurs dans le cadre de leurs thèses.
Enrico Bocconetti et Radi Khodr, doctorants à l’Université de Strasbourg, travaillent sur le projet de recherche (Photo AA / Rue89 Strasbourg / cc).
Enrico Bocconetti raconte son attrait pour le projet :
« Ce qui m’intéresse dans la biologie appliquée c’est qu’elle peut aider à résoudre des problèmes environnementaux à partir de ce qui existe déjà dans la nature. Dans ce cas précis, on n’invente rien, on cherche la bactérie existante qui peut nous aider à régler le problème engendré par cette pollution humaine. »
Travailler sur une thématique au cœur de l’actualité fait aussi partie des motivations de Radi Khodr :
« La contamination par les PFAS suscite de plus en plus d’intérêt avec la publication d’enquêtes journalistiques, l’identification de “hot spots” (des zones hautement contaminées, NDLR) et l’évolution des réglementations en Europe. Donc c’est tout l’aspect scientifique et environnemental autour qui m’intéresse. »
Accélérer le temps
À l’échelle du temps de l’évolution, l’introduction par les humains des molécules de PFAS dans l’environnement est très récente. La propagation d’un micro-organisme qui se nourrirait de ces molécules n’a pas le temps d’émerger, que déjà l’accumulation de cette pollution représente un risque pour l’ensemble de la chaîne alimentaire. Tout l’enjeu pour l’équipe strasbourgeoise est donc d’accélérer ce « temps de l’évolution » pour trouver le micro-organisme qui se nourrira des PFAS.
Pour y parvenir, le micro-organisme recherché — probablement une bactérie — doit être capable de rompre les nombreuses liaisons fluor-carbone qui caractérisent chacun des PFAS. Si tel est le cas, un signal fluorescent permettra d’identifier la cellule dans laquelle elle se trouve.
Illustration d’une bactérie capable de détruire une molécule de la famille des PFAS, le PFOA. Photo : Image : Radi KHODR / UPR 9002 du CNRS / cc
Michaël Ryckelynck explique le principal enjeu :
« Avec les méthodes conventionnelles, on ne peut pas tester une bactérie l’une après l’autre pour savoir si elle contient une enzyme capable de dégrader les PFAS. Il existe des millions de bactéries qui contiennent elles-mêmes des milliers d’enzymes (une molécule accélérant une réaction chimique, NDLR). Ce ne serait pas soutenable, ni d’un point de vue économique — cela coûterait bien trop cher — ni scientifique, car ce serait trop long. Ce que l’on propose, c’est une technologie qui permet d’accélérer les choses en testant des millions de bactéries par heure. »
« La question n’est pas de savoir si on va y arriver, mais combien de temps ça va prendre »
Que ce soit à partir d’un échantillon contaminé prélevé dans l’environnement ou via la manipulation d’une molécule en laboratoire, l’objectif de ces quatre scientifiques est de faire émerger le micro-organisme qui réussira à contrer l’accumulation des PFAS dans l’environnement.
Face à l’incertitude des résultats — inhérente à toute recherche scientifique — Stéphane Vuilleumier se montre lucide :
« Peut-être que ces bactéries sont très rares et que l’on arrivera pas à les détecter en trois ans. Mais la question n’est pas de savoir si on va y arriver, c’est de savoir combien de temps ça va prendre. Tous les éléments sont là pour nous indiquer que ce sera possible. Et on a envie d’accélérer le mouvement. »
Environ 3 000 personnes se sont rassemblées place Kléber dans la soirée du lundi 20 mars. Malgré un important dispositif policier, une manifestation sauvage a provoqué des dégradations. Des opposants à la réforme des retraites ont occupé un bâtiment universitaire, avant d’être évacués sans violence par les forces de l’ordre.
« Et nous, aussi, on va passer en force ! » Place Kléber, lundi 20 mars. La foule réagit à l’annonce du résultat de la motion de censure du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT). D’abord le silence de la déception. Mais très vite, le slogan principal des dernières manifestations reprend, pour répondre à ce « passage en force » du gouvernement. Le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour adopter la réforme des retraites ne passe pas. Environ 3 000 personnes sont venues l’exprimer une nouvelle fois ce soir.
Au total, environ 3 000 personnes ont manifesté à Strasbourg lundi 20 mars. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Dans le cortège qui s’élance vers la rue des grandes Arcades, une étudiante exprime sa colère :
« Notre génération n’a pas d’avenir. C’est ce qu’on n’arrête pas de nous dire. Déjà ça, ça me donne la rage. Et pour la réforme des retraites, je pense à mon père qui a 54 ans. Il est ouvrier, il trime et se casse le corps. S’il doit continuer pendant 10 ans, c’est juste dégueulasse. On a été pacifiste au début. Macron s’en foutait complètement. Le 49-3, c’est ça qui est radical. Donc nous aussi on devient radicaux. »
Un « black bloc » a pris la tête de cortège au départ de la manifestation en scandant : « Strasbourg, Strasbourg, soulève-toi ! » (Vidéo Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc)
Un bâtiment universitaire bloqué
Prise de court par la manifestation sauvage du vendredi 17 mars, avec son lot de tags, de poubelles brûlées et ses vitrines brisées, la préfecture a cette fois déployé un dispositif policier plus important.
Les forces de l’ordre sont intervenues à plusieurs reprises. Ils ont d’abord coupé le cortège en deux quai des bateliers, et tenté de disperser la foule avec de nombreuses grenades lacrymogènes. Mais les opposants, déterminés, ont continué à protester plusieurs heures dans les rues de Strasbourg, malgré de nombreuses utilisations de gaz lacrymogène.
Selon la journaliste indépendante Camille Balzinger, un manifestant a été pris de convulsions après l’utilisation de gaz lacrymogène dans l’étroite rue des dentelles bloquée par la police.
Sur place, @CamBalz a aussi pu constater le maintien des manifestants dans cette étroite ruelle de #Strasbourg après l'usage de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre https://t.co/YmsHbU6g6d
Devantures de banques taguées, vitres d’arrêts de tram et de panneaux publicitaires brisées, poubelles incendiées. Les dégradations de la troisième manifestation sauvage depuis l’annonce du recours au 49-3 sont moins importantes que celles du vendredi 17 mars, pendant laquelle les forces de l’ordre étaient moins nombreuses. Le cortège s’est dispersé aux alentours de 21h30, après une charge de la police près de la place du Corbeau.
Une manifestation dispersée à l’aide de gaz lacrymogène. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Profitant de la manifestation en cours, des étudiants mobilisés contre la réforme des retraites ont occupé le bâtiment universitaire Escarpe sur le campus central de l’Université.
Le bâtiment du Centre Universitaire d’enseignement du journalisme occupé dans la soirée du lundi 20 mars. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Interviewés de l’extérieur, ils affirmaient être une centaine après avoir voté en assemblée générale « pour l’occupation permanente et illimitée d’un bâtiment, jour et nuit, en autogestion, pour organiser des projections, des débats, et surtout avoir un lieu pour organiser la mobilisation ».
Évacuation par la police
Vers 23h, la police a évacué le site. L’union départementale CGT du Bas-Rhin a envoyé dans la foulée un communiqué dénonçant « l’inadmissible répression policière dont ont été victimes les manifestant.e.s ». Le syndicat exige « des explications de l’université et de son Président, sur le recours à la répression policière dans l’enceinte de l’université ». Selon l’une des étudiantes mobilisées dans le bâtiment Escarpe, les forces de l’ordre ont laissé les occupants sortir : « Il n’y a pas eu de gaz lacrymo, ni de charge ni de nasse. »
Selon la préfecture du Bas-Rhin, six personnes ont été interpellées dans la soirée du lundi 20 mars. Sur Twitter, la préfète Josiane Chevalier a condamné « avec la plus grande fermeté les nombreuses dégradations commises à Strasbourg et nombreux jets de projectiles dont ont été victimes les policiers ».
Plusieurs organisations de jeunesse strasbourgeoises, le collectif On crèvera pas au boulot et l’intersyndicale mais sans la CFDT, appellent à un rassemblement contre la réforme des retraites lundi 20 mars à 18h30 place Kléber après le vote par l’Assemblée nationale de deux motions de censure.
La lutte contre la réforme des retraites donne un nouveau rendez-vous à Strasbourg, lundi 20 mars à 18h30. L’intersyndicale bas-rhinoise (CGT, FO, FSU, AES, Solidaires, Unsa, FAFPT, CFTC mais sans la CFDT cette fois), appelle à manifester place Kléber « contre le coup de force permanent, après le recours au 49-3 et pour exiger le retrait immédiat de la réforme des retraites ».
Les organisations de jeunesse (Jeunes écologistes d’Alsace, Jeunes insoumis.es de Strasbourg, Jeunes communistes du Bas-Rhin, Alternative étudiante de Strasbourg et La voix lycéenne 67) appellent aussi à « intensifier la mobilisation » en participant à cette manifestation. Le collectif « On crèvera pas au boulot », qui a mené deux blocages contre la réforme des retraites et appelé à manifester dès l’annonce du recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, a aussi relayé cet appel à manifester.
Depuis jeudi mars, des manifestations spontanées contre le recours au 49-3 ont éclaté quotidiennement à Strasbourg. Cet article de la Constitution est considéré comme un déni de démocratie par les manifestants. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Selon la CGT, « l’intersyndicale interprofessionnelle réunie dès l’annonce du 49-3 appelle à construire dès aujourd’hui des rassemblements, manifestations, actions avec la population en proximité de leurs lieux de vie. » Cet appel vise également à préparer la nouvelle « journée interprofessionnelle unitaire de grève et de manifestations du jeudi 23 mars ».
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Des débats longs et houleux s’annoncent pour le conseil municipal du lundi 20 mars. Parmi les points sensibles, le vote du budget, la hausse du stationnement et la mise à jour du règlement intérieur vont alimenter les critiques de l’opposition.
Vote du budget oblige, le conseil municipal de mars débutera lundi 20 mars dè 9h30. Avec 69 délibérations à l’ordre du jour, il devrait se poursuivre jusque tard dans la soirée. Dans le lot, plusieurs sujets risquent de mener à des débats animés, comme la hausse de l’abonnement en stationnement résidentiel, déjà vivement critiquée par l’opposition. Premier point à l’ordre du jour, la présentation d’une nouvelle mouture du règlement intérieur aura pour but de clore l’épisode de tensions du dernier conseil, alors que la présentation d’une délibération cadre sur le financement des cultes pourraient relancer à l’inverse une polémique lancinante.
Le budget soumis au vote
Avant la conclusion chaotique du dernier conseil, les élus avaient pu mener à terme le débat d’orientation du budget, légalement obligatoire avant son vote. Rejetant les procès en laxisme financier, le premier adjoint, Syamak Agha Babaei, avait affirmé que la Ville entendait poursuivre les investissements qu’elle juge nécessaires à la transition écologique. Et ce, en dépit d’un contexte économique difficile, en raison notamment d’une inflation galopante et d’une explosion des coûts de l’énergie.
En amont du vote, la municipalité avait présenté ses comptes : en 2022, la Ville s’est endettée de 32,24 millions d’euros supplémentaires, pour un montant total des emprunts estimé à 273 millions d’euros au 1er janvier 2022. Le budget primitif en 2022 était de 554,3 millions d’euros.
Alors qu’Alain Fontanel (Renaissance) estimait que la commune ne « devait son salut budgétaire qu’à l’État », les communistes devraient dénoncer à l’inverse son avarice, dont ils estiment que le financement (47,9 millions d’euros de dotation, auquel s’ajoute 7,2 millions d’euros de compensation pour allègements fiscaux) reste trop pingre, face à la crise énergétique.
« Dépoussiérage » du règlement intérieur
D’entrée, la question du règlement intérieur se posera aux conseillers municipaux. Deux mois plus tôt, lors de la dernière session publique, tous les élus d’opposition avaient quitté l’hémicycle avec fracas. L’objet de leur indignation : le refus de soumettre au vote une résolution de Pierre Jakubowicz (Horizons, groupe Strasbourg ensemble).
Après l’incident, la maire Jeanne Barseghian avait annoncé qu’un travail de fond se ferait pour « dépoussiérer » le règlement intérieur. Une série de réunion s’était tenue de manière hebdomadaire, entre tous les groupes du conseil municipal.
Désormais, l’objet des résolutions devra être plus précis, lié à des propositions concrètes et se limiteront au nombre de conseils municipaux dans l’année. Pour 2023, il y en aura sept par groupe, qui pourront être utilisées au rythme que ces derniers auront choisi. Enfin, les interpellations deviennent des « questions orales », et devront être plus concises.
Réprobation sur le stationnement et le financement des cultes
L’annonce par Jeanne Barseghian, mercredi 8 mars, d’une hausse des tarifs de l’abonnement du stationnement résidentiel fera très probablement l’objet de commentaires acerbes. Sa mise au vote devrait révéler que de tous les bords de l’hémicycle – des Républicains aux communistes – on désapprouve la délibération. L’ancienne adjointe en charge de la voirie, Anne-Pernelle Richardot (Parti socialiste), sera en pointe dans la critique de la mairie, dont elle blâme également l’extension du périmètre du stationnement payant au Neudorf.
Le vote d’une nouvelle délibération cadre sur le financement des cultes, après l’échec cinglant de sa précédente version, pourrait également permettre à l’opposition de relancer quelques piques à l’adresse de la maire. De même, la délibération 34 portant sur la création de « l’Observatoire de la participation citoyenne » pourrait déclencher un débat orageux sur le bilan de la municipalité en terme de démocratie participative.
Après un signalement au procureur de la République pour mise en danger de la vie des ouvriers de l’incinérateur en 2014, l’inspection du travail a fait preuve d’une passivité aussi soudaine que suspecte face aux dérives du groupe Séché, gestionnaire de l’incinérateur de Strasbourg, alors que les problèmes perdurent.
À Strasbourg, l’entreprise Séché Environnement incinère nos déchets depuis une délégation de service public (DSP) en 2010. Depuis cette date, l’inspection du travail a patiemment documenté les négligences et autres manquements au Code du travail de la direction de l’incinérateur Sénerval.
Mais suite à un signalement auprès du procureur de la République pour mise en danger de la vie des ouvriers en 2014, l’inspection du travail a surtout laissé faire le groupe Séché. Le gestionnaire de l’installation a ainsi pu continuer d’exposer des ouvriers à des métaux lourds, sans protection adéquate, pendant des années. Le même groupe a pu licencier, entre 2018 et 2019, tous ceux qui dénonçaient l’insécurité au sein de l’installation. Enquête sur un revirement suspect de l’inspection du travail du Bas-Rhin.
Incinérateur de Strasbourg, géré par le groupe Séché en délégation de service public depuis 2010. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
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L’Eurométropole de Strasbourg (EMS) a porté plainte contre une militante de l’association de défense animale L214 pour inscription sur la voie publique, avant de se retirer. Le parquet a tout de même décidé de poursuivre. Le procès aura lieu le 21 mars prochain au tribunal correctionnel de Strasbourg.
Les faits remontent à près d’un an. Le 19 mars 2022, des bénévoles de l’association animaliste L214 mènent une action de sensibilisation devant le Monoprix de la place Kléber à Strasbourg. Distribution de tracts, inscriptions de tags à la craie sur le sol : le but de cette action est de dénoncer les conditions d’élevage des poulets commercialisés par le groupe LDC, sous sa marque Le Gaulois. Lorsque la police arrive sur les lieux, le collectif indique que les tags éphémères seront nettoyés à l’issue de l’action.
Les bénévoles de L214 devant le Monoprix de la place Kléber, le 19 mars 2022 Photo : document remis, libre de droit
Une plainte de l’EMS, déposée puis retirée avec des excuses
Pourtant, le 11 avril 2022, une bénévole apprend avec surprise que l’Eurométropole a porté plainte à son encontre pour « dégradation de l’espace public ou de mobilier urbain ». Brigitte Gothière est co-fondatrice de l’association. Elle raconte sa surprise au moment où elle apprend le dépôt de plainte : « On a d’abord cru à une blague, on s’est ensuite tourné vers la mairie. Eux-mêmes semblaient ne pas comprendre ce qu’il s’était passé. »
Le 26 mai, au lendemain de son audition libre au commissariat, l’accusée apprend sa convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Strasbourg.
Finalement, deux mois plus tard, le 13 juin 2022, l’association découvre que l’EMS retire sa plainte. L’Eurométropole prend même le soin d’envoyer une lettre à la prévenue le 21 novembre, pour « s’excuser de la gêne occasionnée par cette démarche ayant mis en cause de manière disproportionnée une association œuvrant pour la cause animale » et fait part d’une procédure « instruite de manière automatique », et « à la demande de la police nationale ».
Dans cette lettre, l’EMS reconnaît également la non-dégradation de la voie publique, les tags à la craie étant « aisément lavables ».
Le parquet décide tout de même de poursuivre
Mais l’association reste sur ses gardes, car la procureure de la République de Strasbourg semble décidée, malgré le retrait de la plainte de l’EMS, à poursuivre l’enquête et à maintenir l’audience.
« Nous n’avons pas été informés d’un quelconque classement de la plainte. Cela veut donc dire que le parquet maintient les poursuites », explique Brigitte Gothière. L214 dénonce l’acharnement du parquet, alors que les faits commis n’ont entraîné « strictement aucun dommage à la collectivité publique ».
Un exemple de tag à la craie fait par le collectif le 19 mars 2022 Photo : document remis, libre de droit
Pour Brigitte Gothière, il y a obstination de la part du procureur :
« On avait prévu tout le matériel nécessaire pour effacer les tags, qui partent naturellement avec la pluie de toute façon. Surtout dans le cadre d’une manifestation prévue, c’est aberrant. »
La co-fondatrice de l’association est dans l’incompréhension face au comportement du procureur : « Beaucoup d’autres affaires plus graves sont classées sans suite, comme dans l’affaire de l’abattoir de Limoge en 2016, où nous avions diffusé des images sur les conditions d’abattage des animaux (abattage de vaches gestantes et de fœtus de veaux prêts à naître, NDLR). »
Dans le cadre de cette affaire de tags à la craie, Brigitte Gothière se dit dans l’attente de l’audience, prévue le 21 mars prochain, afin de comprendre les raisons de poursuivre du parquet.
« C’est une atteinte claire à la liberté d’expression »
Maître Hélène Thouy, avocate de la prévenue (qui n’a pas voulu répondre à nos questions), revient sur l’affaire :
« Les poursuites engagées contre la militante portent une atteinte grave et totalement disproportionnée aux libertés d’expression, de réunion et de manifestation. »
Autre incompréhension du dossier, la militante poursuivie n’est pas celle qui a réalisé le tag à la craie. Le doute plane sur ce que le procureur requiert donc à son encontre, explique l’avocate.
Suite aux trente actions menées par l’association partout en France ce 19 mars 2022, l’Eurométropole de Strasbourg a été la seule collectivité à poursuivre pénalement des bénévoles.
À l’occasion de la 8e édition des Rencontres de l’Illustration (16 mars au 2 avril), intitulée cette année « Femmes, identités, visibilités », trois illustratrices strasbourgeoises reviennent sur leur parcours, leur arrivée dans le monde du travail et les inégalités de genre qui persistent dans le milieu de l’art.
Une féminisation du métier, qui reste extrêmement précaire
L’étude que Laure Bettinger présente a été réalisée sur la base d’un questionnaire rempli par 1 500 personnes, soit « la base de données la plus importante jamais recueillies sur les auteurs de BD francophones. » Et même si elle date de 2016, elle reste une référence dans le milieu. Laure Bettinger souligne également que 27 % des répondants étaient des femmes, un chiffre en augmentation par rapport aux années précédentes, ce qui montrerait donc une féminisation du métier.
Revenus personnels avant impôts des hommes par rapport aux femmes. Photo : Extrait de l’enquête auteurs-illustrateurs 2016 réalisée par les Etats-généraux de la BD
Tous les chiffres de l’étude reflètent par ailleurs la précarité du métier pour l’ensemble de ses acteurs. On apprend ainsi qu’en 2014, 32% des auteurs de BD et 50% des autrices vivaient sous le seuil de pauvreté, alors fixé à 12 024€ de revenus annuels.
Les Rencontres de l’Illustration de cette année, portées par Central Vapeur, ont pour thème « Femmes, identités, visibilités » et se déroulent du 16 mars au 2 avril. Elles sont justement l’occasion de revenir sur la place des femmes dans le monde de l’illustration et plus largement dans l’art. Trois autrices strasbourgeoises reviennent ici sur leur expérience du métier.
Hélène Bléhaut : « Les gens ont parfois encore du mal à reconnaître que l’illustration est un vrai métier »
« Si j’ai un conseil à donner à une jeune illustratrice, c’est d’être proactive. C’est primordial de démarcher, de se présenter soi et son travail, d’y aller avec le culot parfois. Il faut aussi ne pas hésiter à se regrouper avec d’autres artistes et, surtout, oser faire ce qu’on a envie de faire. »,Hélène Bléhaut Photo : Alicia Gardès DR
Illustratrice et autrice, Hélène Bléhaut, 32 ans, a été formée entre l’École Estienne à Paris, la HAW d’Hambourg et la Haute École des Arts du Rhin (HEAR) à Strasbourg, en didactique visuelle (ou pédagogie par l’image). Diplômée en 2014, elle a ensuite été monitrice à l’atelier photo de la HEAR pendant un an, ce qui lui a permis de continuer à bénéficier des ateliers de l’école. Elle y développe alors une idée de reportage transmédia autour de musiciens haïtiens, réalisé avec le soutien de bourses qui lui permettent de rentrer dans ses frais, mais pas d’être rémunérée en tant que tel. Elle travaille surtout à partir de témoignages, se considérant comme une autrice-illustratrice du réel.
« J’ai réalisé beaucoup de choses bénévolement, notamment pour me faire connaître et multiplier les réalisations que je pouvais présenter en exemple. Rapidement, j’ai cumulé les jobs alimentaires, en parallèle des commandes que j’arrivais à décrocher – très souvent au culot. Mais les boulots alimentaires ont fini par me prendre trop d’énergie et empiéter sur ma capacité à créer. Aujourd’hui, je suis illustratrice à temps plein. Mes revenus proviennent de mon travail et des différentes aides auxquelles j’ai droit, comme la prime d’activité et les APL. »
Actuellement, Hélène Bléhaut vit majoritairement de commandes qu’on lui passe, tout en travaillant sur des projets personnels qui ne lui rapportent peu ou pas d’argent. Les bonnes années, elle gagne environ 15 000 € brut, mais cela peut vite chuter. Le Covid a mis un réel coup d’arrêt à ses rentrées d’argent, notamment en 2020 où elle n’a touché qu’un peu plus de 4 000 €.
Fanzines édités d’après les témoignages de personnes militantes revenant sur leur parcours, racontées en BD par plusieurs autrices dont Hélène Bléhaut, publiées sur le compte instagram @experiences_militantes, sur une initiative d’Adèle Mesones. Ces Fanzines seront disponibles au salon Central Vapeur (25-26 mars) sur le stand de l’Amour Éditions Photo : DR L’Amour Éditions
Un phénomène de « boys club »
Face aux chiffres avancés par l’enquête États généraux de la BD, la jeune femme n’apparait pas si étonnée :
« Je pense que, comme dans la majorité des emplois aujourd’hui, les femmes ne sont pas aussi bien entraînées que les hommes à défendre leur salaire. Elles osent moins négocier, poser leurs limites… Puis il y a aussi clairement un phénomène de « boys club », d’entre-soi masculin. En 2016, sur trente noms en lice, aucune femme n’a été nommée au Grand Prix d’Angoulême. Un collectif s’était alors monté à l’époque, et – heureusement – le système de sélection a changé après ça. »
Hélène Bléhaut.
Qu’elles gagnent ou non, la présence des femmes en tant que nommées dans les différents prix peut leur donner une visibilité non-négligeable. Les illustratrices semblent donc doublement pénalisées. D’abord parce qu’elles ont moins de visibilité et ont donc moins de travail, ensuite car ce travail est souvent moins bien rémunéré que chez les hommes.
D’autres illustratrices ont dénoncé le véritable parcours du combattant qui attend celles qui veulent se faire publier. Emilie Plateau a d’ailleurs réalisé un « livre dont vous êtes l’héroïne » où le but est d’y parvenir. Photo : Alizée Chebboub-Courtin / Rue89 Strasbourg
« Dans ces conditions, le soutien entre pairs est primordial », insiste Hélène Bléhaut, en évoquant ses échanges avec les artistes qui partagent son atelier du Bastion 14 (un dispositif tremplin mis en place par la Ville pour les artistes émergent·es, qui leur permet d’occuper un atelier pour une somme modique), et les membres de Central Vapeur. Échanges sur les bonnes pratiques, sur les manières de négocier, de tenir son prix si on l’estime juste, de démarcher… Selon la jeune femme, le monde de l’illustration souffre d’un manque de reconnaissance en général :
« Même si les gens ne le disent pas ouvertement, j’ai parfois l’impression qu’ils ont encore du mal à reconnaître que l’illustration un vrai métier. Cela se ressent quand ils nous demandent des illustrations pour un prix dérisoire, ou quand ils trouvent normal qu’on travaille bénévolement. »
Pour aider les jeunes diplômés sur cet aspect, Central vapeur a sorti un « Guide de la négo pour les pros », que l’on peut acheter sur sa boutique en ligne.
Anna Griot : « Si j’arrive à vivre correctement aujourd’hui, c’est en mixant trois professions : l’illustration jeunesse, le tatouage et la médiation culturelle »
« Quand mon premier livre est paru alors que j’étais encore à l’école, je n’ai pas pris le temps de prendre vraiment conscience de ce que j’avais réussi à faire. Avec cinq ans de plus, je me rends compte que c’était vraiment chouette. Je suis fière d’avoir réussi à réaliser ça si tôt. » Anna Griot Photo : DR
« Le métier d’illustrateur, c’est beaucoup de liberté, mais aussi beaucoup de précarité. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’agrandir ma palette de profession, mais en faisant toujours quelque chose en lien avec le dessin et ce que j’aime. » C’est ainsi que se présente Anna Griot, 28 ans, illustratrice jeunesse. Née à Paris, elle est venue à Strasbourg pour ses études. Diplômée d’un master depuis 2018, elle vit depuis entre les deux villes.
Dès sa licence, elle a commencé à démarcher des éditeurs : « J’avais envie de voir ce que donnait mon travail en le confrontant aux yeux des professionnels. » Pour ce faire, elle réalise un portfolio avec une vingtaine de dessins, repère les noms d’éditeurs jeunesse en librairie, puis leur envoie son travail.
C’est l’un des principaux conseils qu’elle souhaite partager :
« Les deux premiers livres que j’ai illustrés sont sortis pendant que j’étais encore à l’école, en avril 2018. Il ne faut pas hésiter à se lancer assez tôt, car l’engrenage prend du temps à se mettre en route. Quand tu arrives sur le marché du travail, il n’y a pas grand monde qui vient te chercher. Il m’a fallu deux ans et demi pour réellement commencer, mais comme j’étais encore en étude, ça allait… J’ai aussi accepté beaucoup de tâches bénévoles pour me faire connaître. »
Dernièrement, Anna Griot a réalisé les illustrations de l’album Panthère aux yeux de lune. Photo : DR
« Ça a été très dur pour les premières, mais elles ont pavé la voie pour ma génération »
À sa sortie d’école, elle décide de trouver un emploi à mi-temps et continue à démarcher des maisons d’édition. « J’ai grandi avec un père qui travaillait en indépendant et cumulait trois métiers différents. Cela ne me faisait pas peur outre mesure, car je savais qu’on pouvait s’en sortir comme ça », résume-t-elle. Aujourd’hui, elle s’est aussi formée au tatouage, dont elle tire environ 40 % de ses revenus. Le reste provient de son travail d’illustratrice et des ateliers qu’elle réalise en tant que telle. Si elle ne souhaite pas communiquer de chiffre précis, elle estime qu’elle « s’en sort bien », et considère que son niveau de vie correspond à celui de la moyenne des Français.
Interrogée sur sa place dans le milieu de l’illustration en tant que femme, Anna Griot pense qu’il y a du mieux ces derniers temps :
« Je connais des illustratrices pour qui cela a été un frein, mais je n’ai personnellement pas vraiment senti de discrimination. Mon cas est cependant particulier, parce que l’illustration jeunesse est un milieu très féminin. J’ai l’impression que c’est un peu comme dans le milieu du tatouage qui était également très masculin, mais qui se féminise beaucoup. Ça a été très dur pour les premières, mais elles ont pavé la voie pour ma génération. »
Anna Griot en séance de dédicaces de l’un de ses premiers albums (Photo DR).
Elle insiste tout de même sur la précarité persistante du métier : « Il suffit d’une crise, comme celle du Covid, du papier ou de l’énergie, pour que notre équilibre soit remis en question. » Une instabilité qui se ressent tant économiquement que psychologiquement. Pour pallier en partie le problème, elle a mis en place un système de trésorerie où elle met de côté de l’argent tous les mois. Aujourd’hui illustratrice d’une vingtaine d’albums et de roman jeunesse, elle travaille sur un gros projet dont la sortie est prévue pour Noël 2023, tout en développement son activité de tatoueuse.
Garance Coquart-Pocztar, « Je me rends bien compte qu’on propose plus de projets à mes collègues hommes que femmes »
Garance Coquart-Pocztar est une artiste protéiforme. Elle réalise également des photos, de la vidéo et des performances de drag. Photo : Garance Coquart-Pocztar DR
Garance Coquart-Pocztar est illustratrice, autrice de bandes dessinées et photographe. Elle participe cette année aux Rencontres de l’illustration avec l’exposition Des cartes, des femmes, qui propose de cartographier la place des femmes dans la ville. Ses œuvres seront exposées avec celles de Nadia Diz Grana, du 17 mars au 28 mai au 5e Lieu.
Sur son site, elle présente son travail comme traitant « principalement des discriminations, de la norme et des imaginaires que peuvent véhiculer les figures populaires ». La réalisation qui l’a fait connaitre est sa bande dessinée La pluie et la lumière forment l’arc-en-ciel, dans laquelle elle raconte son quotidien de jeune intervenante sillonnant l’Alsace pour lutter contre les discriminations des LGBT+ en milieu scolaire. Se revendiquant féministe, elle travaille souvent pour des associations LGBT+, ce qui la « préserve majoritairement du sexisme qui peut exister dans le métier », raconte-t-elle.
Autoédité, le roman graphique La pluie et la lumière forment l’arc-en-ciel a eu un succès auquel ne s’attendait pas son autrice. Le premier tirage de 500 exemplaire a presque été écoulé. Les derniers albums seront mis en vente pendant les Rencontres de l’Illustration. Photo : Garance Coquart-Pocztar DR
Pourtant, elle y a quand même déjà été confrontée, et ce dès sa sortie de la HEAR dont elle a été diplômée en 2018. Elle revient sur un épisode qui l’a marquée à l’époque :
« Lors de ma sortie d’études, j’ai réalisé une exposition avec deux autres artistes. Nous étions deux femmes, mais on a très clairement senti que l’interlocuteur privilégié était l’homme. Aujourd’hui encore, je dois parfois faire face au sexisme de certains commanditaires. »
Strasbourg, « une ville accueillante pour les jeunes illustrateurices »
Pour faire face aux difficultés du métier, il est important pour Garance Coquart-Pocztar, mais également pour Anna Griot et Hélène Bléhaut d’être dans un environnement accueillant qui leur permet de s’épanouir. Pour elles, c’est le cas à Strasbourg. « C’est une ville à taille humaine, où il y a à la fois de la place pour se lancer, une communauté forte et des acteurs entreprenants », décrypte Garance Coquart-Pocztar en citant une nouvelle fois Central Vapeur, les festivals, mais aussi des librairies comme celle de la Place Kléber.
On pourrait également ajouter la présence d’éditeurs, comme les Éditions 2024 qui travaillent régulièrement avec d’anciens élèves de la HEAR. Une maison d’édition qui a beaucoup fait parler d’elle l’année dernière pour avoir publié Le Grand vide, de Léa Murawiec, qui a reçu le Prix du Public au festival d’Angoulême 2022.
Garance Coquart-Pocztar raconte son quotidien à travers son oeuvre. Photo : Extrait de la BD La pluie et la lumière forment l’arc-en-ciel
Actuellement, Garance Coquart-Pocztar a réussi à trouver un certain équilibre économique, notamment grâce à des résidences rémunérées, pendant lesquelles elle crée et réalise parfois des ateliers en milieu scolaire. En fonction de leurs durées et des engagements, elle y touche entre 500€ et 11 000€. « Cela me convient aujourd’hui, car je n’ai pas de famille à charge ni de trop gros frais, mais sur le long terme, c’est difficilement tenable. Ce métier mérite d’être davantage valorisé et protégé, que ce soit pour les femmes ou les hommes », conclue-t-elle.
Pour cette seconde nuit après le recours au 49-3, plus de 1 500 personnes ont manifesté dans les rues de Strasbourg contre le passage en force du gouvernement sur la réforme des retraites. Le rassemblement tranquille de l’intersyndicale s’est transformé en manif sauvage, avec blocages, feux de poubelle, vitrines brisées et taguées.
Des marches tranquilles aux manifestations sauvages. Sourds aux avertissements de l’intersyndicale, le gouvernement d’Élisabeth Borne et le président Emmanuel Macron font désormais face à une nouvelle forme de contestation. Rassemblées sur la place Kléber dès 18 heures ce vendredi 17 mars, plus de 1 500 personnes ont à nouveau manifesté dans le centre de Strasbourg.
Place Kléber, à 18h30. Des centaines de personnes rejoindront encore la manifestation. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Peu avant 19h, le cortège s’élance, guidé par des fumigènes, empruntant un itinéraire non-déclaré auprès de la Préfecture. Place de la République, les manifestants crient leur colère devant la façade de cette institution exécutrice de la force d’État.
À 10h30 le matin même, Josiane Chevalier, comme tous les préfets de France, a dû écouter en visioconférence son supérieur, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Une réunion « urgente » consacrée à la « situation sociale » qui fait suite à l’annonce du recours au 49-3 pour faire passer la réforme des retraites.
Info @Mediapart : après avoir annulé un déplacement en Gironde, Gérald Darmanin a convoqué tous les préfets de France à 10h30 pour une visio-conférence sur "la situation sociale" après le 49-3. Mail marqué "urgent" et présence obligatoire de tous les préfets.
19 heures. C’est le début d’une longue marche déterminée dans les rues de Strasbourg. Avenue des Vosges d’abord, puis jusqu’à la place de Haguenau. Poubelles brûlées, barrières au milieu de la route, vitrines de banques brisées ou taguées : « Vous tomberez, voleurs », au-dessus d’un distributeur de la banque populaire… Les militants rejoignent la place de la Gare et essuient un premier jet de gaz lacrymogène. Au centre-ville, les Galeries Lafayette en prennent aussi pour leur grade, comme l’entrée du MacDo Rivétoile : « M le maudit », en lettres rouges.
Vêtu de noir, un homme s’écrie : « Ça fait du bien, on n’en pouvait plus de marcher tranquillement alors que le gouvernement s’en fout. » Après 20h, un millier de personnes défilent encore, souvent soutenues par les applaudissements des passants. Elles ont décidé, ce soir, de mettre fin aux « manifestations tranquilles et encadrées par les syndicats ». Il suffisait d’échanger avec quelques manifestants du mardi 7 mars ou du mercredi 15. Rares étaient celles et ceux qui se faisaient une illusion sur l’issue de ces cortèges, souvent jugés « trop gentils ». Lors de la huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les responsables syndicaux se disaient prêts à radicaliser le mouvement.
« C’est le résultat du mépris de Macron. »
Pendant près de quatre heures, les manifestants réveillent les rues de Strasbourg, jusqu’à l’avenue du Rhin, où les automobilistes klaxonnent sans discontinuer. Dans le cortège, une participante explique : « Je n’ai presque jamais manifesté avant ce mouvement. On n’est pas écouté alors qu’on est des millions. Je suis désolé mais il faut passer par la violence. C’est le résultat du mépris de Macron. »
Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène devant la gare, place des Orphelins et rue du carré d’Or. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Le cortège rétrécit peu à peu après 21h. À la Krutenau, ils ne sont plus que quelques centaines et laissent barrières, poubelles, et de nombreux feux de déchets derrières eux, au milieu des rues, en entonnant « La retraite c’est maintenant, la saint Patrick c’est tous les ans ». La manifestation sauvage prend fin peu avant 22 heures non sans recours aux gaz lacrymogène place des Orphelins et rue des Orfèvres.
Il aurait voté contre la réforme des retraites mais le gouvernement a décidé de passer en force en ayant recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Raphaël Schellenberger, député Les Républicains du Haut-Rhin, annonce à Rue89 Strasbourg qu’il pourrait voter la motion de censure du groupe Liot « si le gouvernement ne propose pas quelque chose de nature à apaiser les Français ».
Le gouvernement n’était pas assuré d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale pour son projet de réforme des retraites. En plus de l’opposition de la Nupes et du Rassemblement national, des députés Les Républicains (LR) pouvaient faire basculer le vote. Jeudi 16 mars, la Première ministre Élisabeth Borne a donc préféré recourir à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
Le député LR Raphaël Schellenberger fait partie de ces élus de droite qui n’auraient pas voté en faveur de la réforme des retraites. Vendredi 17 mars, l’élu de la quatrième circonscription du Haut-Rhin envisage de voter la motion de censure annoncée par le groupe centriste Liberté Indépendant Outre Mer et Territoires (Liot), dans le cas où le gouvernement ne fait pas, entre temps, « un geste conséquent de nature à apaiser les tensions dans le pays ». Si une trentaine de députés LR votent pour la motion de censure, cela aboutirait probablement à la destitution du gouvernement. Entretien.
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Les syndicats dénoncent le « passage en force » de la réforme des retraites avec l’emploi de l’article 49-3 de la Constitution et appellent à des mobilisations dans les entreprises, ainsi qu’à des manifestations spontanées vendredi.
« C’est la démarche de trop, lance Nicole Obergfell, représentante du syndicat Unsa 67. C’est tout ce qu’il ne fallait pas faire. La rue est les organisations syndicales doivent être entendues ». Laurent Feisthauer, représentant de la CGT du Bas-Rhin, enchaîne :
« Une démocratie fonctionne avec des contre-pouvoirs, les organisations syndicales, les élus locaux… Mais là, le gouvernement n’écoute personne. Il n’y a pas de discussions, juste un passage en force, et on demande même aux policiers de protéger les parlementaires ? Mais on est où là ? »
Les représentants syndicaux se sont réunis vendredi 17 mars, au lendemain d’une folle journée à l’Assemblée nationale où la Première ministre Élisabeth Borne a fait passer la réforme des retraites, avec l’article 49-3 de la Constitution, évitant ainsi le vote des parlementaires. Une décision qui a poussé des milliers de Français à descendre dans les rues un peu partout en France dans la foulée, notamment à Strasbourg.
Un rassemblement est prévu ce vendredi 17 Mars à 18h, Place Kléber, au lendemain du passage en force de la réforme des retraites avec le 49.3 à l’Assemblée nationale. Photo de la manifestation du mardi 7 mars 2023. Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc
Premier rassemblement vendredi à Strasbourg
Les syndicats appellent donc à un rassemblement vendredi 17 mars à 18h, place Kléber. « Nous allons multiplier les coups de force », annonce d’emblée Michel Poulet, secrétaire adjoint de l’union départementale de Force ouvrière.
D’autres manifestations ont été organisées le week-end du 18 mars, un peu partout en Alsace : Saverne, Haguenau, Sélestat.
L’organisation Alternative Étudiante appelle également à des actions diverses, qui seront notamment décidées ce vendredi lors d’une Assemblée générale, sur le campus central.
Appel à la grève et aux blocages
Les organisations syndicales continuent d’appeler les salariés à faire grève, comme l’explique Michel Poulet :
« Nous incitons l’ensemble des salariés à faire des Assemblées générales partout où ils se trouvent pour amplifier le mouvement. On essaie de convaincre les salariés de perdre quelques heures, plutôt que de perdre 2 ans. »
Les cheminots strasbourgeois sont déjà mobilisés depuis le 7 mars, et Laurent Feisthauer de la CGT annonce que « les collègues de l’éducation réfléchissent à des mobilisations et des actions dès la semaine prochaine, avec notamment les premières épreuves du Bac qui vont débuter ». Il prévient d’emblée :
« On a été bien gentils, on ne nous a pas écoutés. Maintenant, on va mettre la pression un maximum et on va monter d’un cran. »
Les syndicats appellent en outre à une neuvième journée nationale de mobilisation jeudi 23 mars. À Strasbourg, le cortège partira à 14h, de l’avenue de la Liberté.
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
L’annonce de la municipalité concernant l’augmentation des tarifs du stationnement enflamme les groupes d’opposition. De tous les côtés de l’hémicycle, on accuse la majorité écologiste de faire payer les classes populaires.
Deux conférences de presse, quelques annonces impopulaires et voilà l’opposition réarmée. Avec l’augmentation des tarifs de la CTS présentée par l’Eurométropole, l’annonce par la Ville d’une hausse des prix du stationnement résident est l’autre sujet inflammable du moment. Dans un communiqué commun, les élus municipaux Pierre Jakubowicz (Horizons) et Nicolas Matt (Renaissance) critiquent une « taxe qui vient frapper les plus fragiles pour alimenter la machine à gabegie de (la) municipalité ». Raillant « l’écologie punitive » de la municipalité, Jean-Philippe Vetter (Les Républicains) évoque lui sur Twitter une « taxe sur le travail », qui pénaliserait les travailleurs pauvres.
Cette « taxe déguisée » qu’ils s’accordent à dénoncer, c’est l’augmentation de l’abonnement pour le stationnement résidentiel et l’élargissement du périmètre du stationnement payant au Neudorf. Sur le premier point, le prix restera à 15€ par mois pour les foyers modestes (moins de 14 089€ par an de revenu fiscal de référence), le prix montera à 30€ pour un revenu fiscal de moins de 22 983€, et 40€ au-delà de ce seuil.
« C’est le contraire d’une politique antisociale »
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L’annonce du recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer la réforme des retraites a provoqué un rassemblement spontané d’un millier de personnes place Kléber, suivie d’une manifestation sauvage de plusieurs heures.
Près d’un millier de personnes ont manifesté. Le rassemblement, spontané, fait suite à l’annonce du recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Cet outil est considéré comme un déni de démocratie par les manifestants. Il permet d’éviter le vote du texte et met en jeu la responsabilité du gouvernement. Manifestation sauvage du jeudi 16 mars, contre le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer la réforme des retraites. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc
Dans le cortège qui a entamé une manifestation sauvage de plusieurs heures, les slogans oscillent entre « Grève générale ! » et « Et nous aussi, on va passer en force ! » Près d’un millier de manifestants se sont d’abord dirigés vers la préfecture du Bas-Rhin avant de prendre la direction du palais universitaire et de rejoindre la place du Corbeau par le quai des bateliers. Peu avant 22h, la police a eu recours au gaz lacrymogène pour disperser la foule, retournée place de la République. Plusieurs manifestants ont alors applaudi ce recours à la force : « Bravo, c’est un 49-3, bravo ! », criait l’un d’eux, quand sa voisine commentait, désabusée : « C’est la politique en 2023… »
Une assemblée générale a été annoncée pour le vendredi 17 mars à 12h au Patio, sur le campus central de l’Université. L’objectif est de décider des suites à donner à la mobilisation contre la réforme des retraites.
Étudiants et personnels de l’université se sont réunis ce jeudi 16 mars sur le campus, quelques dizaines de minutes après l’annonce de l’utilisation de l’article 49.3 par le gouvernement sur la réforme des retraites. Des militants estiment qu’il est temps de durcir la mobilisation.
À l’appel de l’Assemblée générale étudiante, environ 300 personnes se sont réunies devant le Patio à 16h, ce jeudi 16 mars. Une heure plus tôt, Élisabeth Borne annonçait l’utilisation de l’article 49.3 pour contourner le vote des députés et adopter en force le texte sur la réforme des retraites.
150 étudiants se sont mobilisés un peu plus d’une heure après l’annonce du recours à l’article 49.3. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
« Si on appelle à un rassemblement aussi tôt, c’est parce qu’il faut réagir maintenant de manière forte, il faut répondre au gouvernement immédiatement », explique Quentin, du syndicat Solidaires étudiants. « On veut organiser des actions dès demain. » Quelques mètres derrière lui, juché sur un banc en fer, un participant expose sa vision au mégaphone :
« Il faut qu’on fasse ensemble des blocages économiques, qu’on tape là où ça fait mal, qu’on réinvente une manière de lutter. Et sortir du modèle classique, où les manifestations et les assemblées générales se succèdent sans résultats. »
Les étudiants ont érigé une banderole : « Ne battons pas en retraite, abattons le capital. » Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
Durant les prises de paroles, un autre militant plaide devant la foule qu’il faut « s’arracher de l’illusion qu’on peut obtenir quelque chose de notre gouvernement ». S’ensuivent quelques interventions, du même acabit, avant que les participants au rassemblement ne décident de manifester sur le campus.
Les étudiants ont décidé spontanément de manifester. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
Réunion de l’intersyndicale dès le 17 mars
Dans le cortège de la manifestation du 15 mars à Strasbourg, des syndicalistes anticipaient déjà que le recours à l’article 49.3 radicaliserait la lutte contre la réforme des retraites, avec des actions plus fortes. Sur le campus, les discours des opposants à la réforme semblent confirmer la tendance. Mobilisée depuis le début du mouvement, Salomé estime qu’il « faudra organiser des actions plus dures » :
« Plus on nous dit « Fermez-la », plus j’ai envie de me faire entendre. Honnêtement, je ne pensais pas que le gouvernement utiliserait le 49.3, même s’il accumule les dénis de démocratie. »
Salomé se mobilise depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
Esther Bauer, co-secrétaire du syndicat Solidaires Alsace, pense aussi que « le 49.3 va durcir le mouvement, y compris du côté des syndicats les plus réformistes ». Elle indique que l’intersyndicale a décidé de se réunir en visio dès la matinée du 17 mars pour organiser la suite du mouvement. Le collectif « On crèvera pas au boulot » appelait dans la foulée à un rassemblement à 18h30 place Kléber, le soir-même.
Esther Bauer pense que le recours au 49.3 va durcir le mouvement. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
Des enquêteurs de la police judiciaire de Strasbourg ont manifesté ce jeudi 16 mars devant le tribunal de Strasbourg. Ils protestent contre la réforme de la police nationale qui placera la PJ sous l’autorité du préfet, au risque d’une perte d’indépendance et d’efficacité.
Ils étaient une petite cinquantaine à se retrouver sous le soleil de midi, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. Ce jeudi 16 mars, des enquêteurs de la police judiciaire de toute la France se sont mobilisés, afin de faire entendre leurs inquiétudes au sujet de la réforme de la police nationale, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2023.
Des investigateurs de la Police Judiciaire de Strasbourg étaient mobilisés ce jeudi 16 mars pour dénoncer la réforme de Gérald Darmanin qui va modifier en profondeur leur façon de travailler. Photo MdC / Rue89 Strasbourg
« C’est la version la plus catastrophique du projet qui a été retenue »
À Strasbourg, c’est leur troisième rassemblement depuis le mois d’octobre 2022. « Mais aujourd’hui, ce sera sans doute le dernier », soupire Michel Thomas, Major de police de 56 ans. « Je suis entré à la PJ de Paris en 1990 et à celle de Strasbourg en 96. La PJ, c’était pour faire de belles enquêtes, arrêter des voyous. Aujourd’hui cette réforme nous supprime en tant que tels. » L’enquêteur est ému. Lorsqu’il lit au micro le discours du rassemblement, sous la bannière de l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ), sa voix tremble un peu. Et ses collègues le soutiennent, comme ils peuvent.
Officiellement, cette réforme vise à rationaliser les services de police. Jusqu’ici, les différentes unités de la PJ étaient découpées en grandes zones géographiques. À partir du 1er juillet donc, les services de renseignement, de la sécurité publique, de la police aux frontières (PAF) et de la police judiciaire seront sous l’autorité d’un seul et unique directeur départemental de la police nationale (DDPN), qui sera lui-même dépendant du préfet.
Ils étaient une petite cinquantaine de fonctionnaires de police judiciaire mobilisés ce jeudi 16 mars, devant le tribunal de Strasbourg, sous la bannière de l’Association nationale de Police judiciaire. Photo MdC / Rue89 Strasbourg
L’idée du gouvernement est également d’aider les services d’investigation de sécurité publique à résoudre des milliers d’affaires en cours, en se positionnant en renfort. « Mais c’est un leurre de croire que nos 3 500 hommes et femmes vont tout solutionner », glisse une investigatrice de la PJ.
À l’inverse, les investigateurs de la PJ craignent une perte d’efficacité et une diminution des moyens pour mener à bien leurs enquêtes, qui nécessitent du temps et un savoir-faire particulier :
« C’est selon nous la version la plus catastrophique du projet qui a été retenue par le ministre. C’est tout le maillage territorial de la DCPJ qui disparaît, enterrant du même coup ses capacités reconnues de mobilisation et de réactivité ».
Extrait du discours de Michel Thomas, investigateur à la PJ de Strasbourg depuis 1996.
Certains citent une importante affaire résolue fin février, à Besançon, menant à 25 interpellations dans le cadre de règlements de compte. « Environ 200 personnels, de Dijon, Reims, Strasbourg, Nancy entre autres, ont été mobilisés par la directrice zonale de la PJ Est. Avec la réforme, il faudra que chaque DDPN accepte d’organiser cela », explique notamment une investigatrice. « Maintenant, ce sera trop compliqué, il y aura trop de strates », lâche une policière, amère.
Crainte de l’ingérence politique avec ce nouveau maillage
Les fonctionnaires interrogés ont la même inquiétude : « On ne pourra plus faire notre métier », glisse Boris (prénom modifié), à la PJ de Strasbourg depuis une quinzaine d’années.
« Moi je considère que la PJ à un rôle démocratique. On s’occupe des affaires visant des élus, de grands chefs d’entreprise, des médias… On dépend de la justice, on agit sur commission rogatoire. Si demain on nous place sous la coupe des préfets, on craint des ingérences politiques. On va nous dire de bosser sur telle affaire, mais pas sur telle autre ! C’est une menace pour notre indépendance. »
Certains fonctionnaires de police arboraient des avis de décès de la Police Judiciaire, en date du 1er juillet 2023, date d’application de la réforme. Photo MdC / Rue89 Strasbourg.
Une réforme également dénoncée par les magistrats
Quelques magistrats sont également venus au rassemblement, pour marquer leur soutien à la mobilisation contre la réforme. Sébastien Pompey est substitut du procureur de la république de Strasbourg et représentant de l’Union syndicale des magistrats (USM) :
« Nous travaillons au quotidien avec la PJ, sur des enquêtes sensibles pour lesquelles il faut un savoir-faire, une expérience, des moyens. Cette réforme va fondre les effectifs de la PJ avec ceux de la sûreté départementale, et je crains que l’on privilégie le traitement de masse des infractions les plus visibles, à celui de la grande criminalité ou des enquêtes au long cours qui nécessitent du temps, des écoutes etc. »
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Une réunion publique a eu lieu au centre socio-culturel de l’Elsau, ce mercredi 15 mars, pour faire le point sur la rénovation du quartier. Les habitants sont venus en nombre à la rencontre des élus et des représentants des bailleurs sociaux.
Huit ans après la fermeture du Leclerc de l’Elsau, la réunion publique apporte de bonnes nouvelles aux habitants du quartier. Selon Benjamin Soulet, adjoint en charge de la politique de la Ville, un supermarché Casino devrait ouvrir début 2024 dans les locaux du promoteur Marignan en cours de construction. Les Elsauviens y trouveront également une boulangerie de la franchise Banette, « avec un salon de thé ». Quant à la maison de santé urbaine, elle devrait accueillir cinq médecins généralistes, un cabinet infirmier, deux orthophonistes, deux sages-femmes, des secrétaires et un poste de coordination.
Réunion publique au centre socioculturel de l’Elsau, le 15 mars 2023.
La réunion se voulait être un « point d’étape » sur l’avancée des rénovations du quartier selon Hülliya Turan, élue référente du quartier de l’Elsau à la Ville de Strasbourg. Lancés par l’exécutif municipal dès son élection en 2020, les travaux de rénovation ont été dessinés avec l’Eurométropole de Strasbourg, l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) et les bailleurs sociaux. D’après le programme énoncé hier soir, les différents chantiers devraient se poursuivre jusqu’en 2031.
Durant plus de deux heures et demie de présentation, huit responsables du projet faisaient face au public. Parmi eux, Nathalie Jampoc-Bertrand, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg en charge du renouvellement urbain et Myriam Leheillex, sous-préfète en charge de la politique de la ville.
L’aboutissement prochaindes premiers chantiers
En guise d’introduction, Benjamin Soulet reconnaît l’ostracisation du secteur — non sans provoquer quelques rires grinçants au sein de l’assemblée.
« Il y a 6 000 habitants dans le quartier de l’Elsau. Ça n’existe pas un village de 6 000 habitants sans commerce. Alors maintenant on rectifie le tir. Nous avons déjà rénové le centre socio-culturel en mars 2022 et ouvert un espace France-Services dans la mairie de quartier, en novembre dernier. »
Cet espace devrait permettre d’accéder à des services élémentaires de l’État, comme l’accès à Pôle emploi ou à la Caisse d’allocations familiales (CAF).
D’autres points ont également été clarifiés : une salle de boxe devrait ouvrir rue Watteau en avril prochain et les travaux de végétalisation à l’école Léonard de Vinci seront réalisés cet été dans la cour. Enfin, le plan de circulation autour d’une nouvelle école, qui sera située rue Martin Schongauer, semble également avoir été acté. Une partie de la rue Schongauer sera ainsi piétonisée entre les rues Grünewald et Michel-Ange afin de sécuriser les abords de l’établissement.
Pour les acteurs associatifs, une occasion d’interpeller les élus locaux
Pendant les temps d’échange, les habitants n’ont pas manqué d’interpeller élus et bailleurs sociaux. Jamal Rouchdi, fondateur de l’association strasbourgeoise de défense des locataires, ALIS, a pris la parole. Tout en reconnaissant la pertinence des projets de rénovation, il interpelle l’élue référente de l’Elsau :
« J’ai grandi dans ce quartier et mes parents y habitent depuis 35 ans. Il y a de graves problèmes d’insalubrité, des invasions de rats, des problèmes d’humidité dans les logements sociaux. Il y a aussi les toxicomanes qui squattent nos caves et nos entrées. Tout cela, on n’en a pas parlé. Quelles solutions allez-vous mettre en place, tout de suite ? »
S’ensuit une salve d’applaudissements appuyés. La fin de soirée est également marquée par l’intervention d’une habitante de la rue Martin Schongauer, qui raconte avoir été victime de deux agressions en 2021 et 2022, et affirme vivre depuis dans une grande solitude face au sentiment de peur qu’elle affronte au quotidien.
Bonne volonté affichée
En réponse aux critiques sur les problèmes d’insalubrité, Benjamin Soulet réaffirme l’ambition de la Ville de « développer les conteneurs de déchets enterrés en 2023, d’améliorer le rythme de collecte et d’installer des affichettes pour inciter tous les habitants à mettre leurs poubelles dans les bacs. »
Semblant à l’aise face aux interpellations, Hülliya Turan a aussi défendu l’action de la municipalité qu’elle représente :
« Même si nous savons que dix ans c’est long, pour les habitants de l’Elsau, du point de vue (du temps) politique notre action reste rapide : notre mandat a commencé en 2020 et on va se retrouver en 2024 avec de nouveaux bâtiments déjà construits ».