L’Amicale des habitants de l’Elsau interpelle les élus strasbourgeois et de la Collectivité d’Alsace pour qu’à la faveur de la rénovation du quartier une cantine soit proposée aux quelques 800 élèves du collège Hans Arp.
Mesdames, Messieurs,
Beaucoup de collèges strasbourgeois n’ont pas de cantines. Or cela ne favorise pas la lutte contre la malnutrition qui sévit particulièrement dans les quartiers populaires comme l’Elsau et aggrave l’inégalité des chances des quartiers dits prioritaires.
Nous avions interpellé la Ville de Strasbourg en 2020 et les élus de la Collectivité d’Alsace (CEA), notamment Fleur Laronze et Damien Frémont, pour que cela change. Suite à cela, un dispositif bien insuffisant a été mis en place par la CEA : une cinquantaine d’élèves du collège Hans Arp (sur 820) vont en bus au Creps à Kœnigshoffen pour déjeuner tous les midis ; le trajet nécessitant 20 minutes à l’aller et 20 minutes au retour, les collégiens ne disposent que de 15 à 20 minutes pour déjeuner dans une salle à part.
Ce service mis en place par la CEA est totalement insuffisant, voire dissuasif, et ne règle en rien les problèmes du quartier. Ce dispositif n’incite pas les familles à inscrire leur enfant à la cantine ; beaucoup d’enfants continuent de mal manger souvent aux abords du collège. Enfin, l’absence de restauration scolaire peut engendrer d’autres difficultés, comme par exemple d’obliger certaines mères à rester chez elles pour assurer le couvert du midi à leurs enfants, leur rendant l’accès à une vie professionnelle plus compliqué.
Une vue du collège de l’Elsau en 2015 Photo : archives Rue89 Strasbourg / cc
De plus, le Creps ne peut pas accueillir plus de 50 enfants, alors que, d’une part 80 familles ont répondu dans un sondage récent qu’elles souhaiteraient que leurs enfants mangent à la cantine, et que d’autre part les effectifs du collège sont en augmentation : le collège Hans Arp accueille actuellement 820 élèves et 870 sont attendus à la rentrée 2023. Il est évident que la création d’un lieu dévolu à la restauration du collège créera un afflux de demandes supplémentaires de la part des parents.
Le CEA a mis en place un tarif unique de 3,33 euros par repas et refuse toute construction de cantine à Hans Arp sous prétexte que le tarif resterait trop cher pour les familles du quartier. Or il existe un fonds social qui dépend de l’Éducation nationale et une aide financière pour les cantines alimentées par le département : tout cela permettra de satisfaire les demandes d’aide des familles, quel que soit le coût de la cantine. Espérons que les services de la CEA n’oublieront pas de préciser tout cela aux familles, lors de sa prochaine enquête ou de ses prochains courriers sur la restauration scolaire.
Mettre les efforts en commun
La Ville de Strasbourg a depuis longtemps mis en place une tarification solidaire pour les écoles maternelles et élémentaires, ce qui est particulièrement important dans les quartiers prioritaires comme l’Elsau. Pourquoi la CEA ne pourrait-elle faire de même avec les collèges et les lycées ?
Bien qu’un projet de cantine commune entre les écoles maternelles, élémentaires et le collège soit à l’étude, nous pensons qu’un bâtiment de restauration devrait se situer dans l’enceinte du collège Hans Arp, qui dispose d’ailleurs de terrains qui pourraient être constructibles. La CEA doit construire prochainement des salles de classes et des toilettes supplémentaires devenus nécessaires avec l’augmentation des effectifs. Alors, pourquoi ne pas prévoir une cantine avec ?
De plus, si la Ville et l’Eurométropole y participaient dans le cadre de la rénovation urbaine, on peut espérer que la CEA cofinancerait un service de restauration plus adapté à ce collège ; service, qui rappelons-le, est un enjeu en terme d’égalité des chances, de mixité sociale, de santé publique et de rénovation urbaine. Aussi, nous renouvelons notre demande à la Ville de Strasbourg, à l’Eurométropole et à la Collectivité d’Alsace (dans le cadre de sa mission) de prévoir un bâtiment destiné à la restauration des collégiens à l’Elsau.
« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Douzième épisode avec Nora Bellahcene, membre de l’association Femmes d’ici et d’ailleurs.
À la fin des années 90, Nora Bellahcene fait la rencontre d’un groupe de femmes au centre socio-culturel de Cronenbourg. Animé par Saadia Bouazzi, responsable de la halte garderie, cet espace d’échange entre mamans séduit la jeune Mulhousienne installée à Strasbourg depuis peu. De discussions en discussions, Nora y trouve des amies, une famille. Pour elle, ce sera le point de départ d’un engagement de plus de vingt ans dans ce qui allait rapidement devenir une association dont elle est aujourd’hui la trésorière. « Ça fait 24 ans que j’y suis et je ne me vois pas vivre sans les Femmes d’ici et d’ailleurs. »
Groupe de parole, espace d’entraide, Femmes d’ici et d’ailleurs propose aux habitantes des quartiers de Cronenbourg et Hautepierre des temps pour sortir du quotidien. Au travers de repas, d’ateliers et de sorties culturelles s’y développe une sororité bienvenue face aux difficultés :
« Ces femmes sont sollicitées par leur époux, par leurs enfants et par la société toute entière. Elles portent énormément de choses et il faut qu’elles puissent déposer tout cela dans un endroit où elles deviennent sereines. »
Nora Bellahcene de l’association Femmes d’ici et d’ailleurs. Photo : AL / Rue89 Strasbourg
Aux difficultés d’une vie de femme, d’épouse ou de mère, s’ajoutent les problématiques sociales souvent rencontrées dans les quartiers populaires strasbourgeois. Chômage, mal-logement, pauvreté et isolement, frappent plus souvent qu’à leur tour les femmes de Hautepierre et Cronenbourg. D’association d’entraide, Femmes d’ici et d’ailleurs se transforme année après années en structure d’action sociale plus large.
On les retrouve ainsi engagées à préparer des repas pour le squat Bugatti, faire le lien avec la Caisse d’allocations familiales pour l’achat de matériel informatique lors du confinement, etc. Face aux difficultés sociales croissantes des quartiers, l’association dépasse largement le cadre qu’elle s’était fixée au départ :
« Le but, c’était de créer du lien, de l’entraide. Ce n’est pas à nous de remplir le frigo des personnes. Mais on va de plus en plus loin. La question, c’est de savoir jusqu’où on va pouvoir aller. »
La transformation à venir de l’avenue des Vosges soulève une envolée de protestations, de la part d’une partie des habitants et de l’opposition de droite. Face à la bronca mercredi soir, la municipalité écologiste est restée ferme.
« Il n’y pas de solution ! Donnez-nous des solutions, nom de Dieu !! » Gueulards, les révoltés de la Neustadt s’égosillent sur leurs sièges. Mercredi 29 mars, depuis les tribunes bondées du Palais des fêtes, les huées tombent en cascade contre les représentants de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg. La maire Jeanne Barseghian (EE-LV) en tête. L’objet de leur courroux : les aménagements sur l’avenue des Vosges qui accompagneront le tramway vers le nord de l’agglomération, parce qu’ils limiteront grandement la circulation des voitures. Face à eux, l’exécutif n’en démord pas et assume d’en finir avec cette artère routière, avec l’appui des partisans du projet. Présents eux aussi en nombre, ils répliquent par des salves d’applaudissements nourries. Avec une synchronisation suspecte.
Plus de 500 personnes s’étaient déplacées pour assister à la réunion publique, selon la communication de la Ville. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg/ cc
Éruptive, la réunion publique voit deux blocs opposés se répondre de la sorte durant toute la soirée. Il s’agissait du premier temps d’échange depuis l’annonce récente de grands travaux en prélude à la réalisation d’un tram reliant Strasbourg à Schiltigheim. Deux chantiers en particulier concentrent les critiques, pour leur impact sur la physionomie du quartier. Le premier donnera naissance au Parc de Haguenau, un espace vert de 16 hectares s’étalant sur l’actuelle place de Haguenau, une voie d’accès reliant la M35 aux autoroutes ceinturant l’Eurométropole.
L’autre sujet, hautement inflammable, concerne le passage du tram sur l’avenue des Vosges, précédé d’un allongement des trottoirs et le déploiement d’une piste cyclable, à la place de l’actuelle bande cyclable. De facto, la rue deviendrait quasi-piétonne. S’attaquant à l’un des fiefs de la droite locale, l’annonce a eu l’effet d’une déclaration de guerre.
Plusieurs élus municipaux étaient venus assister à la réunion publique. De gauche à droite, les conseillères socialistes Anne-Pernelle Richardot et Catherine Trautmann. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg/ cc
« Pour les familles, c’est un vrai problème »
Une cinquantaine de riverains opposés à ces aménagements s’étaient déjà réunis la veille, entassés sur les banquettes rustiques du Snack Michel pour affûter leurs arguments. À la manœuvre, le conseiller municipal Jean-Philippe Vetter (LR) et la conseillère départementale Anne Tenenbaum (Horizons). « Je suis très surpris qu’Anne et moi, avec 130€ de budget pour les tracts et nos petits bras, on arrive à organiser une meilleure consultation que la Ville », raille Jean-Philippe Vetter.
Jean-Philippe Vetter dénonce l’absence de plan de circulation en amont de la réunion publique. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg/ cc
Durant la dernière campagne municipale, le candidat malheureux de la droite avait fait de l’avenue des Vosges l’un de ses marqueurs politiques. À l’époque, il s’était mis en scène en défenseur des automobilistes, brandissant un panneau « Retour à deux fois deux voies de circulation » en plein milieu d’un terre-plein. Un coup d’éclat largement relayé à l’époque, comme si le sort de cette seule avenue se confondait avec celui de toutes les voitures. Au centre de la pièce principale du Snack Michel, Jean-Philippe Vetter en remet une couche :
« Je conçois que si on est célibataire, sans enfant, qu’on ne se déplace qu’à vélo et qu’on n’est pas sensible au bruit, ça peut être pas mal d’avoir le tram devant chez soi. Mais pour les familles, ou les personnes à mobilité réduite notamment, le manque de stationnement est un vrai problème. »
Les têtes grises présentes dodelinent pour approuver. Venu écouter l’opposition, le conseiller mobilités de la Ville, Pierre Helwig, désapprouve à l’écart. Quelques instants plus tard, il est rejoint par l’adjoint chargé de la mobilité, Pierre Ozenne, qui débarque en plein milieu de la réunion. Silence dans l’assistance. Après un bref moment d’étonnement, l’orateur de droite reprend son discours. Jurant qu’il n’est pas « anti-tram », il dézingue le coût du projet d’extension qui s’élève à 140 millions d’euros pour un résultat qu’il estime inepte et mal préparé.
L’efficience du tracé mis en cause
Présent dans l’assistance, le conseiller d’opposition Pierre Jakubowicz (Horizons) approuve en silence. En aparté, il détaille sa position :
« Pour moi, ce tracé est une erreur. En passant par l’avenue des Vosges depuis la place de Haguenau, le tram fait un trajet en forme de “L”, pour atteindre le lycée Kléber. Ce détour représente une perte de temps de près de 10 minutes. C’est dissuasif pour toutes les personnes se rendant au Parlement européen, au nouveau quartier Archipel ou au Maillon par exemple. »
À gauche, le conseiller municipal Pierre Jakubowicz. À droite, la conseillère régionale Irène Weiss (LR). Photo : RG / Rue89 Strasbourg/ cc
L’élu se délecte en rappelant ce qu’il qualifie comme « un raté » des consultations publiques précédant la mise en marche du projet. Trois tracés avaient été proposés ; celui longeant les quais Kléber et Finkmatt était majoritaire. Sans qu’un plébiscite ne se dégage pour autant. « Pour moi c’est un tram zadiste, qui est là pour occuper la surface au sol, reprend Pierre Jakubowicz. Ce n’est ni un projet viable en termes de dépenses publiques, ni en termes de réseau, mais ça leur permet d’atteindre leur objectif politique : piétonniser l’avenue des Vosges. » Le conseiller propose son alternative, en poussant pour le passage par la rue Jacques-Kablé, longiligne, directe, mais bien moins peuplée.
Après avoir fini d’échauffer les esprits des résidents conservateurs de la Neustadt, Jean-Philippe Vetter conclut en enjoignant ces derniers à venir en nombre le lendemain au Palais des fêtes.
« J’assume de proposer une transformation ambitieuse »
À en juger au volume des huées, la consigne est donc bien passée. Chaque mention de l’avenue des Vosges déclenche un tollé. À peine Jeanne Barseghian avait elle touché le micro, qu’une bronca démarrait. Suivi tout de suite d’une acclamation de ses soutiens. Face au public agité, elle réaffirme :
« Les travaux sur l’avenue posent évidemment des questions, mais cette voie comporte son lot de problèmes. Tous les jours, je suis interpellée par des Strasbourgeois sur les problèmes de circulation. L’objectif sera de mieux vivre. J’assume de proposer une requalification. On supprime le trafic de transit sur cette avenue pour l’orienter vers d’autres axes. »
Durant toute la soirée, l’animateur tentera de calmer les esprits. En vain. Photo : RG / Rue89 Strasbourg/ cc
Entre partisans et opposants au projet de piétonnisation, il était difficile de départager un groupe majoritaire. Le débat se déporte jusque dans les rangs du public, où l’on parlemente entre voisins de sièges. Habitant l’avenue des Vosges depuis quelques années, Liora a longuement pris à partie la maire :
« J’ai trois enfants, dont un que je dois déposer à l’école avant d’aller au boulot. Avec la voiture, ça me prend quinze minutes, avec le tram ce sera une heure. Désolé, mais mon choix est clair. »
Au centre, Liora se fait applaudir par une partie de la salle. Photo : RG/Rue89 Strasbourg/ cc
À quelques rangées d’elle, Ariane se fait réprimander par l’une de ses voisines. « On me demande si j’ai des enfants, comme si on n’était pas légitime pour donner mon avis sans eux. » Cycliste aguerrie, elle se réjouit de l’installation prochaine de pistes cyclables plus sûres, le long de l’avenue :
« Je ne suis pas encartée, j’étais juste là pour soutenir la maire, je trouve le projet utile, et c’est bien qu’elle l’assume. »
Après trois heures d’intenses débats, la salle se vide progressivement. Si le tracé du tram reste inchangé, d’autres réunions publiques auront lieu sur les aménagements ultérieurs. Autant d’occasions futures de s’écharper sur le sort de l’avenue…
Suite à la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline où de nombreuses personnes ont été blessées par les gendarmes, des militants de plusieurs organisations se sont rassemblés devant la préfecture du Bas-Rhin jeudi 30 mars. Ils constatent tous que l’État n’a qu’une réponse face à leurs luttes : la répression policière.
Des écologistes de retour de Sainte-Soline, des agriculteurs de la Confédération paysanne, des cheminots, des Gilets jaunes, des membres du collectif contre la réforme des retraites « On crèvera pas au boulot », des militants pour les droits des sans-papiers… Devant la préfecture du Bas-Rhin, plusieurs centaines de personnes d’horizons divers se rejoignent jeudi 30 mars. Le mot d’ordre du rassemblement : « soutenir les deux activistes dans le coma après la mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline, et tous les autres blessés de cette manifestation et de la lutte contre la réforme des retraites ».
Plusieurs centaines de manifestants écoutent des prises de parole devant la préfecture. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Aujourd’hui, la convergence des luttes a un slogan, c’est Darmanin au fond du Rhin », lance un homme, mégaphone à la main. Mickaël Kugler, présent à Sainte-Soline et militant contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO), décrit l’invariable répression de l’État face à toute contestation :
« Il y a une uniformité dans la réponse du système face aux luttes, c’est sa violence. On se rejoint forcément là-dessus. La police est l’incarnation physique de cette violence d’État. Quand on se mobilise, on n’est pas écoutés. On le voit bien avec la réforme des retraites. Pour Sainte-Soline, il y a aussi eu des démarches juridiques, des rassemblements très pacifistes. Au bout d’un moment, forcément, il ne reste plus que les modes d’action plus radicaux. En l’occurrence, l’objectif était d’atteindre le site. Et la réponse, ce fut les grenades. »
Mickaël Kugler, très actif dans la lutte contre le GCO, a manifesté à Sainte-Soline. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« C’est toujours la même machine sanglante en face »
Dans la même logique, Raphaël, prend la parole devant la foule :
« J’ai participé au mouvement contre le CPE en 2005. J’ai fait partie des Gilets jaunes. Je suis membre du collectif On crèvera pas au boulot et j’étais à Sainte-Soline. C’est toujours la même machine sanglante de domination et de répression en face. Mais il y a un très beau mouvement social qui se construit. Je pense qu’on peut être fiers de nous. »
Un cheminot du syndicat Sud Rail poursuit en rappelant qu’un de ses confrères a été éborgné lors de la manifestation contre la réforme des retraites du jeudi 23 mars à Paris.
Des forces de l’ordre sont positionnées au niveau de toutes les voies d’accès à la place de la République. Laurent Tarasco, directeur départemental de la sécurité publique (chef de la police nationale dans le Bas-Rhin), est présent. Peu après 19h, dans un tweet, la préfète de la Région Grand Est communique sur des pierres et des cailloux « dissimulés dans les haies » place de la République. Mais la représentante locale de l’État ne précise pas s’ils ont été placés là par des manifestants…
— Préfète de région Grand Est & du Bas-Rhin 🇫🇷🇪🇺 (@Prefet67) March 30, 2023
« C’est la même stratégie que Darmanin qui disait que les manifestants venaient à Sainte-Soline pour tuer des policiers. La préfète prépare l’opinion à des actions répressives de la police », commente Mickaël Kugler. Une femme prend le micro et cite la tirade des trois violences de l’évêque catholique brésilien Hélder Câmara face aux policiers.
Un important dispositif policier encadre la manifestation. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Si on veut que ça change, il faudra les contraindre »
Le discours est ponctué par des applaudissements soutenus. Alia, présente au rassemblement, n’est pas étonnée par « le phénomène de répression » :
« Il faut bien comprendre qu’on est dans un rapport de force avec les élites au pouvoir. Ils savent bien que le système est problématique mais pour eux, c’est immuable. Si on veut que cela change, il faudra les contraindre d’une manière ou d’une autre. Les révolutions, dans l’Histoire, ne se sont jamais construites juste pacifiquement. »
Alia n’est pas étonnée par la répression policière. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Gabriel, militant pour les droits des migrants, constate de son côté que « le mouvement social contre la réforme des retraites a obligé le gouvernement à repousser sa loi asile et immigration ». Cela témoigne pour lui d’une forte connexion entre les luttes : « La mobilisation a déjà des impacts, le gouvernement a peur de nous. Et d’ailleurs, si les flics encadrent nos manifs, ils ne sont pas entrain d’expulser le squat Bourgogne à la Meinau où vivent plus de 200 sans-abris. »
Les militants font face aux forces de l’ordre, devant la préfecture. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Il nous faut faire la révolution »
Ému, David, jeune étudiant revenu de Sainte-Soline avec une fracture ouverte de la main, déclare : « Je pense aux victimes. J’aurais pu en faire partie. Tant que le gouvernement continuera l’inaction climatique, la lutte continuera, je continuerai. » Un membre de la section locale de l’organisation communiste libertaire souligne que Serge, l’un des manifestants dans le coma, est le fils de ses amis :
« Il nous faut réagir et poursuivre nos luttes ! Avec la bataille des retraites d’abord qui ouvre une brèche dans le système bourgeois comme jamais. Avec la bataille de l’eau également. Il nous faut faire la révolution et mettre à bas cette société pour que les souffrances du 25 mars ne soient pas vaines. »
David a été touché par une grenade à Sainte-Soline : il est revenu avec une fracture ouverte de la main. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Après les prises de parole, une partie des personnes présentes forment un cortège et marchent autour de la place de la République. Bloqués de tous les côtés par les forces de l’ordre, les manifestants décident de se disperser peu avant 21h.
Accédez à nos enquêtes et révélations exclusivesSoutenez une rédaction locale qui appartient à ses journalistesMaintenez une vigie citoyenne sur les pouvoirs locaux
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Interpellé lors de la manifestation contre la réforme des retraites du 28 mars, un homme de 19 ans est passé en comparution immédiate après avoir jeté deux bouteilles et un caillou en direction de policiers. Après 48 heures de garde à vue, il a été condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis.
Cyril (prénom modifié) a participé à la mobilisation contre la réforme des retraites mardi 28 mars. Il fait partie des onze personnes interpellées suite à la manifestation sauvage qui a suivi le cortège déclaré. Selon les Dernières nouvelles d’Alsace, quatre d’entre eux ont été remis en liberté sans poursuites, cinq ont vu leur garde à vue prolongée et deux sont passés en comparution immédiate jeudi 30 mars, dont Cyril, étudiant en communication âgé de 19 ans.
Ce dernier a reconnu avoir jeté deux bouteilles de bière Meteor de 25 centilitres de contenance et un caillou en direction des forces de l’ordre sans les toucher. « Sur le coup de l’adrénaline et du mouvement de foule, j’ai voulu faire comme les autres », a t-il déclaré, depuis le box des accusé. Le président du tribunal, Philippe Schneider, a salué la franchise du prévenu, avant de lui exposer que les policiers qu’il a visé ont peut-être « une opinion politique » similaire à la sienne. Cyril a assuré qu’il a pu discuter avec des agents pendant sa garde à vue et qu’il regrettait son geste.
Deux personnes ont été condamnées suite à des comparutions immédiates le 30 mars après avoir été interpellées en marge de la manifestation du 28 mars à Strasbourg. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
2 000 euros à verser aux policiers visés
Le jeune homme a finalement écopé de trois mois de prison avec sursis, et a été condamné à payer 200 euros aux dix policiers qui ont porté plainte contre lui, soit 2 000 euros en tout. Il est également interdit de manifestation à Strasbourg pendant un an.
Énes (prénom modifié), 23 ans, est le deuxième interpellé en marge de la manifestation du 28 mars qui passait en comparution immédiate ce jeudi. Il était accusé d’avoir frappé un policier à l’aide d’un mortier et d’avoir détruit un abribus.
En l’absence de preuve vidéo, il a été relaxé pour la dégradation mais il a été condamné pour violence sur policier à 70 heures de travaux d’intérêts généraux, qu’il doit faire dans les 18 prochains mois. S’il ne les réalise pas, il ira en prison pendant deux mois. Il a cependant nié faire partie des manifestants. Énes a en effet été arrêté à quelques mètres de chez lui : « Je voulais faire des courses pour ma mère », a t-il affirmé.
Onze personnes ont été interpellées mardi 28 mars en marge de la manifestation. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Selon sa version, il aurait alors saisi un mortier qu’il a trouvé dans un buisson près de chez lui de peur que ce dernier soit utilisé par des manifestants pour « faire exploser des voitures », puis il aurait été pris dans un mouvement de panique à l’arrivée d’un groupe de personnes poursuivies par des policiers. Il aurait alors, lui aussi, couru, et au moment où il aurait été rattrapé par un agent, en se retournant, il lui aurait donné un coup avec le mortier qu’il avait en main, sans savoir qu’il s’agissait d’un policier.
D’autres comparutions immédiates faisant suite à la manifestation du 28 mars pourraient avoir lieu ces prochains jours.
L’association Koenigs au Vert organise sa troisième Vélorution samedi 1er avril. Le collectif demande des aménagements cyclables sécurisés dans les rues qui seront empruntées pendant la manifestation.
Samedi1er avril, l’association Koenigs au Vert organise la 3e édition de sa Vélorution à Koenigshoffen. Le départ est prévu à 10h au parc Gruber devant la Maison des projets, au 91 route des Romains. L’itinéraire fait le tour du quartier et doit arriver place des Romains à 11h. Le collectif réclame « encore et toujours » des aménagements cyclables sécurisés dans le faubourg.
Le président de Koenigs Au Vert, Yoav Shemer, décrivait déjà en 2021 les aménagements pour les cyclistes de la route des Romains comme « une bande cyclable qui n’est absolument pas sécurisée » :
« Les voitures s’y garent et rendent la circulation dangereuse. Sur cette portion de route, comme pour d’autres, nous souhaitons des aménagements pour la séparation de la circulation des automobilistes et des cyclistes. »
Les cyclistes emprunteront notamment la route des Romains, la rue des Capucins, le chemin du Grossroethig et la rue du César-Julien, autant d’axes de circulation qui sont visés par les réclamations de l’association.
Le collectif annonce également un moment « convivial et festif » en fin de parcours place des Romains, avec la présence de la « billiguette » (crêperie ambulante à vélo), du « triporteur rose » (glaces artisanales), de la musique, « et même la bière fraîche ».
Jeudi 23 mars, près de 160 personnes ont assisté à la projection d’un documentaire militant contre la légalisation de l’euthanasie. Absence totale de contradiction, détournement de chiffres, parallèles douteux avec l’IVG et cruel manque de diversité dans les invités… Récit et décryptage du discours anti-euthanasie développé dans la sphère judéo-chrétienne conservatrice à Strasbourg.
Un film anti-euthanasie financé par Bernard de la Villardière
Rapidement, une représentante de la fondation Jérôme Lejeune annonce le déroulé de l’événement :
« La soirée sera composée de plusieurs temps. Le premier est la projection du documentaire Tout mais pas ça – Mourir n’est pas tuer, produit par Bernard de la Villardière. Puis il y aura une table ronde lors de laquelle nos cinq invités réagiront aux propos du film. (…) Nous sommes là pour défendre la dignité humaine et rappeler que nous n’acceptons pas de relativiser la possibilité de tuer. »
Plus de 160 personnes ont rempli la salle polyvalente du foyer paroissial du Munsterhof. Si on note une diversité dans les âges, une grande partie du public a été prévenue de cet événement par les Associations Familiales Catholiques (AFC 67) Photo : ACC / Rue89 Strasbourg
Le film, présenté comme « une enquête inédite pour comprendre les enjeux et dérives de l’euthanasie », est lancé. Après une scène d’ouverture alternant les phrases chocs (« Nous allons sombrer dans la barbarie. C’est la fin de la solidarité » , « Les gens vont se sentir obligés de se faire euthanasier »), la première séquence montre pendant de longues minutes un homme en fin de vie, alité chez lui. À plusieurs reprises, des images violentes de souffrance ou de mort sont montrées. Le procédé est d’autant plus caricatural que, quelques minutes plus tard, le film dénonce la « manipulation émotionnelle » dont seraient coupables des défenseurs de l’euthanasie médiatisés, comme Line Renaud.
De tels « ciné-débat » sont organisés dans toute la France depuis le début d’année. Photo : capture d’écran
État des soins palliatifs, clause de conscience, avis de soignants…
Le film part du postulat que l’euthanasie est un droit dangereux pour nos sociétés. La quasi-totalité des intervenants est donc catégoriquement contre l’aide active à mourir. Les témoignages les plus pertinents sont ceux de soignants qui redoutent que les soins palliatifs, déjà mal financés, soient délaissés au profit d’une procédure d’euthanasie moins coûteuse. D’autres soignants craignent de ne pas pouvoir exercer leur clause de conscience.
Dans son avis, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a d’abord proposé, avant la légalisation de l’euthanasie, de renforcer les moyens et l’ampleur des soins palliatifs, notamment à domicile, ou l’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, les trois n’étant pas contradictoires. Par ailleurs, la validation du comité médical repose également sur un encadrement très strict des cas de dépénalisation et des clauses de conscience. On peut lire dans sa décision que la demande ne pourrait être exprimée que par « une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée, analysée dans le cadre d’une procédure collégiale. »
Chiffres tronqués, parallèles avec le meurtre…
Le reportage s’attarde sur les pays étrangers qui ont légalisé cette pratique, notamment la Belgique depuis 2002. Des médecins belges réalisant des euthanasies sont filmés à deux reprises. Ils y expliquent très factuellement et brièvement le processus. Mais leur avis et leur retour d’expérience sur l’euthanasie n’est pas montré, contrairement à la dizaine d’intervenants opposés à la pratique qui ont le temps d’étayer leurs propos.
On peut s’étonner du profil de certains intervenants du film. Ici, Muriel Derome, psychologue pédiatrique.
D’autre part, l’usage de chiffres est biaisé à plusieurs reprises. Le nombre de personnes souhaitant avoir recours à une euthanasie avant sa dépénalisation est comparé avec les chiffres de personnes y ayant recours aujourd’hui et au nombre de personnes habitant en Belgique. Un spectateur, pourtant sympathisant de la cause, relève lui-même : « Mettre en relation des personnes ayant recours à l’euthanasie et la population belge n’a pas beaucoup de sens, car beaucoup de personnes de pays limitrophes y viennent pour la pratiquer. »
À plusieurs reprises, les intervenants emploient des termes qui visent à choquer. L’euthanasie est ainsi comparée à l’eugénisme, une théorie notamment appliquée par le régime nazi pour aboutir à une population « supérieure » après avoir éliminé les catégories de populations « indésirables ». Les médecins pratiquant l’euthanasie sont aussi traités de « tueurs ».
Le collectif a réalisé un site et possède une page Youtube sur laquelle sera bientôt disponible le film dans son intégralité. Photo : Capture d’écran
Des cas très particuliers sont aussi hissés à hauteur de généralités. Pour dénoncer un usage abusif de l’euthanasie à l’étranger, le témoignage de l’auteure Angèle Lieby est sollicité. Son histoire : déclarée morte cérébralement alors qu’elle a conscience de tout ce qui l’entoure, elle finit par se rétablir. Elle présente elle-même son cas comme étant « hors du commun ». Une intervenante n’hésite pas à prévenir les gens qu’ils seront poussés vers l’euthanasie par les soignants… alors que le film présentait quelques minutes plus tôt le personnel hospitalier comme étant totalement opposé à son application.
Le député LR Patrick Hetzel et l’avocat de l’affaire Lambert en invités
À la fin de la projection, il est précisé aux spectateurs que le film est en tournée depuis début 2023. Tout le monde est encouragé à en parler autour de soi, mais aussi à financer sa diffusion, et même à organiser soi-même des projections, grâce à un « kit d’appartement ».
Rapidement, les invités montent sur scène pour échanger. Cinq hommes prennent place. Parmi eux, Élie Botbol, médecin et essayiste, Jean Paillot, avocat (notamment des parents de Vincent Lambert) et président des AFC du Bas Rhin, Thierry Petit, cancérologue, Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ et Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin. Ils félicitent, chacun leur tour, ce « film édifiant ».
Thierry Petit partage sa théorie de la « pseudo compassion » :
« Les familles se cachent derrière une fausse compassion. Ils disent vouloir éviter à leurs proches de trop souffrir, alors qu’ils veulent surtout s’éviter d’être présent et de les accompagner sur la fin. Ils veulent se débarrasser de ce passage de la vie pour retourner à leur quotidien de futilité. »
Le député du Bas-Rhin Patrick Hetzel (LR), invité pour évoquer les discussions à l’Assemblée nationale, revient sur l’enjeu économique de cette pratique, moins coûteuse que l’accompagnement en fin de vie. Il dénonce le lobbyisme de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD). Mentionnant rapidement les enjeux politiques de cette dépénalisation, il déclare que les défenseurs de l’euthanasie « ne veulent pas être mis en contradiction ».
La projection du film a été suivie par une table ronde réunissant Elie Botbol, médecin et essayiste ; Jean Paillot, avocat et président des AFC du Bas Rhin, Thierry Petit, cancérologue ; Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ et Patrick Hetzel, député du Bas-Rhin. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg
Euthanasie, IVG… un fourre-tout idéologique
Pour clôturer la rencontre, quelques minutes sont dédiées aux questions du public. La première femme à s’exprimer fait le lien entre euthanasie et avortement, en soulignant son incompréhension devant l’institutionnalisation de ce droit. La notion d’ »IVG de confort » revient à plusieurs reprises dans les échanges.
Élie Botbol s’interroge alors : « Un euro pour financer la pilule contraceptive n’est-il pas mieux employé qu’un euro mis dans les IVG ? » À croire que personne d’autre n’y avait pensé, que la pilule est une solution totalement fiable, universelle et sans effet secondaire. Inviter une personne concernée sur scène – une femme ? – aurait peut-être pu apporter une réponse.
À la fin de la rencontre, les cinq hommes sont salués, ainsi que leurs « éclairages complets et complémentaires ». La soirée se termine dans la bonne humeur, sous les applaudissements. Un cocktail est proposé aux participants. Parmi eux, Éloïse (le prénom a été modifié) :
« C’est un sujet important. Je savais déjà que j’étais contre l’euthanasie, mais maintenant, j’ai de vrais arguments pour pouvoir étayer mon avis. En parlant autour de moi, je pourrai mobiliser avec des chiffres et évoquer les dérives des autres pays. »
Avec elle, Raphaël, 36 ans. Pour lui, éviter la solitude et mieux accompagner la fin de vie sont de bonnes solutions pour ne pas avoir besoin de mettre en place l’euthanasie :
« J’ai découvert les soins palliatifs et leur fonctionnement. C’est là qu’il faut mettre plus de moyens. Ce n’est pas parce qu’on est contre l’euthanasie qu’on veut que les gens souffrent. »
« 94% des Français approuvent le recours à l’euthanasie dans des cas de souffrances extrêmes et incurables »
L’euthanasie ou l’ »aide active à mourir » est revenue dans le débat public depuis plusieurs mois. La question de sa légalisation est étudiée par le gouvernement, qui a notamment lancé une « Convention citoyenne sur la fin de vie » en décembre 2022. Celle-ci doit plancher pendant plusieurs mois sur le sujet avant de partager un avis. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est par ailleurs déjà positionné en faveur d’une « aide active à mourir » si elle est strictement encadrée.
Cependant, en réaction à ces chiffres, une dizaine d’organisations de soignants, représentant, d’après eux, 800 000 professionnels, s’opposent à considérer cette pratique comme « un soin » et à la pratiquer. L’euthanasie est donc toujours un sujet de débat, avec des arguments rationnels du côté du pour ou du contre, qu’il est nécessaire de questionner en tant que société. Sans manipulation.
La mobilisation contre les mégabassines samedi 25 mars à Sainte-Soline a fait de nombreux blessés graves, dont deux personnes dans le coma. Le mouvement écologiste Alternatiba et le collectif On crèvera pas au boulot lancent un appel à se rassembler jeudi 30 mars à 19h devant la préfecture à Strasbourg.
Dans un communiqué conjoint, les collectifs Bassine Non Merci et les Soulèvements de la Terre ainsi que le syndicat Confédération paysanne ont lancé un appel national au rassemblement devant les préfectures françaises. Après la mobilisation contre les mégabassines du samedi 25 mars, les organisateurs de cette manifestation souhaitent apporter leur soutien « aux deux manifestants dans le coma, aux blessés de Sainte-Soline et du mouvement des retraites, pour la fin des violences policières ». Localement, le mouvement Alternatiba et le collectif On crèvera pas au boulot ont relayé cet appel et invitent à manifester devant la préfecture située place de la République à Strasbourg le jeudi 30 mars à 19h.
Manifestation du samedi 25 mars contre le projet de mégabassine à Sainte-Soline. (Photo remise)
Dénoncer les violences policières
Bruno Dalpra, militant présent au rassemblement de Sainte-Soline, indique que la manifestation à venir est « un rassemblement spontané, car nous sommes hors délai pour le déclarer aux autorités, mais les autorités n’auront aucun intérêt à faire une quelconque répression. C’est un rassemblement pacifiste, on est solidaire avec les copains et copines blessé·es samedi. On va aussi dénoncer les violences policières, même au delà de l’évènement de Sainte-Soline. »
En deux heures, plus de 5 000 grenades (lacrymogènes, GM2L…) ont été tirées sur les opposants aux mégabassines réunies samedi 25 mars à Sainte-Soline, dans le département des Deux-Sèvres. Cette action a causé de nombreuses blessures parmi les manifestant·es, avec une prise en charge retardée par les forces de l’ordre d’après une enquête de Médiapart.
Selon le communiqué des organisateurs du rassemblement, 200 personnes ont reçu des éclats de grenades dans leur chair, dont 40 qui en ont été gravement blessées. Une personne aurait perdu un oeil, et d’autres ont eu la mâchoire arrachée ou risquent de perdre un pied. Deux personnes sont actuellement toujours dans le coma avec un prognostic vital engagé.
Accédez à nos enquêtes et révélations exclusivesSoutenez une rédaction locale qui appartient à ses journalistesMaintenez une vigie citoyenne sur les pouvoirs locaux
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Pour la dixième journée de grèves et de manifestation contre la réforme des retraites, la rédaction de Rue89 Strasbourg a rendu compte en direct des actions, défilés et blocages organisés.
⋅
28 mars 2023, 19h51
C’est la fin de ce direct, merci à vous de l’avoir suivi. Voici les informations principales à connaître sur cette 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites :
Selon nos estimations, près de 12 000 personnes ont manifesté mardi 28 mars à Strasbourg. La préfecture du Bas-Rhin avance le chiffre de 6 500 participants, l’intersyndicale en a compté 20 000.
Au contraire des précédentes journées de mobilisation, aucun bâtiment universitaire n’a été bloqué ce matin. Dans la matinée du 27 mars, le Palais universitaire était fermé du fait de la mobilisation étudiante.
Une manifestation contre la réforme des retraites a rassemblé une cinquantaine de personnes dès 8 heures à Wissembourg. Ces dernières ont mis en place un barrage filtrant au niveau du rond-point de la rue Bannacker.
Suite à la manifestation déclarée à Strasbourg, plusieurs centaines de manifestants, dont de nombreux lycéens, ont continué de sillonner la ville, de Gallia à République, puis vers le campus central. À nouveau, des dégradations ciblées ont touché les panneaux publicitaires, les abribus et les banques.
Mediapart a révélé que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré la « guerre des images » et demandé aux préfets de filmer l’action des forces de l’ordre. L’objectif : contrer les nombreuses violences policières filmées lors des dernières manifestations contre la réforme des retraites ou lors de la manifestation contre le projet de mégabassine de Sainte-Soline. À Strasbourg aussi, Rue89 Strasbourg a constaté qu’un policier était muni d’une caméra.
Plusieurs interpellations ont eu lieu dans la soirée, dans le quartier de l’Orangerie et autour du campus central.
À quelques heures de la 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a proposé de mettre en place « un processus de médiation » et un temps de « pause » de la réforme. Les réactions syndicales locales sont plus que mitigées. Reportage de Maud de Carpentier à lire demain matin sur le sujet !
Policier muni d’une caméra lors de la manifestation du mardi 28 mars, une instruction de Gérald Darmanin aux préfets. Photo : Roni Gocer
Maud de Carpentier, Camille Gantzer, Roni Gocer et Thibault Vetter étaient sur le terrain cet après-midi jusqu’au début de la soirée pour vous rendre compte de la manifestation.
Pour nous permettre de continuer ce travail, une seule solution : l’abonnement. C’est cinq euros par mois, cinquante euros par an.
Vous vous donnez ainsi le pouvoir de lire une information indépendante et locale. Pour donner de la voix à la colère qui s’exprime dans la rue, n’hésitez pas à cliquer sur l’image ci-dessous.
⋅
28 mars 2023, 19h33
Au moins quatre interpellations ont eu lieu dans le quartier Orangerie.
(Vidéo Thibault Vetter)
⋅
28 mars 2023, 19h17
Les forces de l’ordre restent déployées sur l’avenue de la Victoire et avancent en direction du campus central :
(Vidéo Thibault Vetter)
⋅
28 mars 2023, 18h53
Un groupe de manifestants se trouve toujours sur le campus central de l’Université de Strasbourg. Il vient d’essuyer des tirs de grenades lacrymogènes par des policiers positionnés dans les rues autour.
Photo : Thibault Vetter
⋅
28 mars 2023, 18h29
Suite à la scission de la « manifestation sauvage », l’une d’entre elles a pris fin après dispersion par les forces de l’ordre selon les Dernières Nouvelles d’Alsace. Notre reporter sur place indique qu’un autre cortège est toujours mobilisé sur le campus central. Il essuie actuellement des tirs de grenades lacrymogènes.
Photo : Thibault Vetter
⋅
28 mars 2023, 18h08
Le cortège de la « manifestation sauvage » a été scindé suite à l’utilisation de gaz lacrymogène en grande quantité.
Policier équipé d’une caméra, place Kléber, mardi 28 mars. Photo : Roni Gocer
⋅
28 mars 2023, 17h45
Plus d’une heure avant la fin de la manifestation déclarée, un important cortège de jeunes continue de sillonner la ville en reprenant ici le slogan des Gilets jaunes : « On est là, on est là, même si Macron le veut pas nous on est là ».
(Vidéo Thibault Vetter)
Sur l’itinéraire de cette manifestation non-déclarée, de multiples dégradations sont commises. Elles visent quasi-exclusivement les banques, les abribus et les panneaux publicitaires JC Decaux.
Photo : Thibault Vetter
⋅
28 mars 2023, 17h31
Notre reporter sur place souligne le grand nombre de manifestants présents au-delà de l’itinéraire déclaré. Il affirme aussi que le cortège est « très jeune, avec beaucoup de lycéens ».
Photo : Thibault Vetter
Selon notre partenaire Mediapart, le ministre de l’Intérieur a envoyé un SMS ce matin à tous les préfets de France. Ce dernier contient notamment le passage suivant :
« Merci de faire très attention en fin de manif : ne touchez en aucun cas au carré syndical. Ils s’en plaignent fortement (gaz lacrymo, intervention de la police…).
Attention aux jeunes bien sûr également. »
La veille de la manifestation, une information des renseignements territoriaux avait fuité. Elle était reprise par BFM-TV qui évoquait un bond de la participation des jeunes à la 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
⋅
28 mars 2023, 17h16
Deux cortèges de la « manifestation sauvage » se rejoignent en criant l’un après l’autre « ACAB (All Cops Are Bastards) »
(Vidéo Thibault Vetter)
⋅
28 mars 2023, 17h01
Le cortège de la « manifestation sauvage » détruit les abribus et panneaux publicitaires JC Decaux sur son passage.
Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 16h37
Les forces de l’ordre se déploient sur la place de la République.
(Vidéo Camille Gantzer)
⋅
28 mars 2023, 16h31
Fin de la manifestation déclarée. Plusieurs centaines de personnes continuent de manifester et se dirigent vers la place de la République en passant par la station de tram Gallia.
(Vidéo Roni Gocer)
⋅
28 mars 2023, 16h24
Suite au départ d’un cortège hors de l’itinéraire déclaré auprès de la préfecture, les forces de l’ordre font usage de gaz lacrymogène.
(Vidéo Camille Gantzer)
⋅
28 mars 2023, 16h13
Alexandre Welsch, secrétaire régional du syndicat Sud rail Alsace, exprime une détermination sans faille :
« Cette réforme ne mérite aucune suspension (référence à la pause de manifestation demandée par le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger pour entamer des négociations avec le gouvernement, NDLR). Le gouvernement ne donne aucun répit, donc il faut nous aussi aller jusqu’au bout. La violence policière s’accroît. On a un camarade à Paris qui a perdu un œil. Il faut aller jusqu’au bout et jusqu’au retrait : hors de question de faire une pause. »
Alexandre Welsch, secrétaire régional du syndicat Sud rail Alsace, exprime une détermination sans faille. Photo : Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 15h52
L’ambiance musicale toujours assurée par la CGT sur sa camionnette.
(Vidéo Roni Gocer)
⋅
28 mars 2023, 15h41
La thématique de la répression et des violences policières se fait plus présente dans le cortège en cette dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Au départ de la manifestation, des syndicalistes de la fédération Solidaires, qui réunit les syndicats Sud, portait le message suivant inscrit sur une banderole : « La police mutile, on pardonne pas ! »
Photo : Maud de Carpentier
La manifestation du 28 mars avait une autre particularité concernant le rapport aux forces de l’ordre : un cordon constitué de membres de syndicats a constamment séparé les manifestants des policiers et autres CRS.
Photo : Camille Gantzer
⋅
28 mars 2023, 15h26
Le cortège de cette dixième manifestation intersyndicale contre la réforme des retraites s’étend à 15h du pont du Théâtre jusqu’aux galeries Lafayette. Il mesure un peu plus de 900 mètres. C’est deux fois moins que lors de la mobilisation record du jeudi 23 mars.
Taille du cortège du mardi 28 mars : 900 mètres.
Selon nos estimations, réalisées à partir du logiciel Mapchecking, plus de 12 000 personnes manifestent à Strasbourg ce mardi 28 mars.
A partir d’une estimation de la surface et de la densité de la manifestation, le logiciel MapChecking indique plus de 12 000 manifestants.
⋅
28 mars 2023, 15h22
Ethan trouve ça beau mais n’a pas la culture des manifs… Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
Ethan, 22 ans, vendeur en stage :
« Je ne participerai pas, mais je ne peux pas être contre ce qu’ils font. Je trouve ça beau et cool qu’un peuple soit révolté contre la situation actuelle. Je n’ai juste pas la culture des manifs, pas assez pour participer. »
⋅
28 mars 2023, 15h18
La manifestation a atteint la rue des Francs-Bourgeois (vidéo Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg / cc)
La détermination n’empêche pas la bonne ambiance dans le cortège (vidéo MdC / Rue89 Strasbourg / cc)
⋅
28 mars 2023, 15h16
Jean-Claude et Jean-Paul sont déterminés Photo : MdC / Rue89 Strasbourg / cc
Jean-Claude et Jean-Paul, 74 et 60 ans, policier et cheminot à la retraite :
« On ne lâche rien, on ira jusqu’au bout. J.-C. se bat pour ses collègues policiers, qui ne peuvent pas bosser jusqu’à 64 ans. Quant aux violences policières : le responsable c’est Macron et lui seul. »
⋅
28 mars 2023, 15h10
Mireille n’a pas l’intention de céder avant le grand chef. Photo : MdC / Rue89 Strasbourg / cc
Mireille, 78 ans, syndicaliste depuis 38 ans à la CFTC Santé Sociaux et toujours en forme pour aller manifester :
« Même dans notre syndicat, on n’est pas particulièrement virulents mais le 49-3 nous fait bouillir. Moi ça me donne envie de continuer, pour toutes les manifestations à venir, jusqu’à ce que le grand chef cède. »
⋅
28 mars 2023, 15h01
« Et la réforme ? On en veut pas ! Et de Macron ? On en veut pas ! » Puis un autre slogan : « Police nationale, milice du capital ! »
(Vidéo Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg / cc)
⋅
28 mars 2023, 14h52
Marie-Agnès, 53 ans, éducatrice :
« C’est ma 9e manif. On sent plus d’agitation et plus d’émulation aussi. Ma motivation est toujours là, surtout face au mépris du gouvernement pour les gens qui sont dans la rue, qui sont là pacifiquement pour faire passer un message. »
Marie-Agnès, 53 ans, éducatrice : « Ma motivation est toujours là, surtout face au mépris du gouvernement pour les gens qui sont dans la rue. » Photo : Maud de Carpentier / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 14h46
Le cortège avance place Broglie.
(Vidéo Camille Gantzer)
⋅
28 mars 2023, 14h41
Emma, 59 ans, fonctionnaire :
« Je ne lâche rien. Je suis mobilisée comme jamais. J’étais là en 1995 contre Juppé, en 2010 contre Sarko, et en 2023 contre Macron qui n’écoute pas le peuple. Cette réforme est contre le peuple. J’espère que le Conseil constitutionnel invalidera la réforme. »
Emma, 59 ans, fonctionnaire. » Je ne lâche rien, je suis mobilisée comme jamais. » Photo : Maud de Carpentier / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 14h34
Un petit « Bookblock » s’est constitué près de la Bibliothèque Nationale Universitaire (BNU). Des salariés venant des différentes bibliothèques de la ville se sont réunis avec des premières de couverture sur leurs pancartes. Petits conseils de lectures pour continuer la lutte !
Un petit « Bookblock » s’est constitué près de la Bibliothèque Nationale Universitaire (BNU). Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 14h31
Floriane, Lise, Marvin et Lily, étudiantes en première année de graphisme. Pour la plupart d’entre elles, c’est la première ou deuxième manifestation de leur vie. L’une d’elle dit se mobiliser depuis le recours au 49-3 pour adopter la réforme des retraites : « Les manifestations nous ont motivées. Et puis les neuf voix manquantes pour dissoudre le gouvernement nous ont révoltées. Il n’y a plus de démocratie à notre goût. »
Floriane, Lise, Marvin et Lily, étudiantes en première année de graphisme. Photo : Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 14h25
Le cortège quitte la place de la République.
Photo : Maud de Carpentier / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 14h19
Angèle, étudiante en première année de licence en psychologie :
« J’ai raté les trois premières manifestations. Depuis début mars, je vais à presque tous les rassemblements. J’ai beaucoup pleuré après les premiers gazages, ça m’a marqué. Mais après, j’ai transformé ça en rage. C’est devenu un moteur. Ils nous ont gazé. On ne va pas reculer. Je tiens surtout grâce au soutien des autres, c’est grâce à ça que j’ai pu surmonter mon anxiété. J’ai l’impression que quelque chose avance. Je vais continuer. Je me sens plus motivée qu’au début. Je suis prête à me mobiliser plus encore. Le 49-3 et le massacre de Sainte-Soline, ce sont des raisons qui s’additionnent, qui montrent l’urgence de changer de système. C’est impossible de s’arrêter à ce stade. »
Angèle, étudiante en L1 de psychologie : « C’est impossible de s’arrêter à ce stade. » Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
⋅
28 mars 2023, 13h48
Bienvenue sur ce compte-rendu en direct de la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
Ce nouvel appel intersyndical à manifester contre la réforme des retraites fait suite à une mobilisation record le jeudi 23 mars à Strasbourg, avec plus de 20 000 manifestants selon nos estimations. À Strasbourg, c’est le niveau de participation le plus élevé depuis le début du mouvement social entamé en janvier. Selon l’historien strasbourgeois et spécialiste des mouvements sociaux en Alsace, Jean-Claude Richez, « depuis 1933, Strasbourg n’a jamais connu une telle explosion de colère ». Rien que ça.
De nombreuses dégradations ont été commises après la fin de la manifestation déclarée jeudi 23 mars. Dans les quartiers Krutenau et Conseil des XV en particulier, des banques et des panneaux publicitaires ont été tagués et leurs vitrines brisées (voir notre diaporama).
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
Une centaine d’Alsaciens ont participé à la mobilisation contre les mégabassines à Sainte-Soline samedi 25 mars. Certains d’entre eux sont traumatisés par la répression policière. David, étudiant, est revenu avec une fracture ouverte de la main.
« Je suis père de famille, je ne veux pas mourir en manifestation », souffle Bruno. Comme une centaine d’Alsaciens, il s’est rendu dans le département des Deux-Sèvres samedi 25 mars pour une mobilisation contre un projet de mégabassine à Sainte-Soline. L’association Héron a organisé un convoi de 37 personnes en bus au départ de Strasbourg. D’autres militants écologistes sans étiquette, ainsi que des membres des sections locales d’Extinction Rebellion, d’Alternatiba, de Greenpeace, du parti EE-LV et de la Confédération paysanne ont fait le déplacement en train ou en covoiturage.
David, étudiant à Strasbourg, a dû être opéré dimanche 26 mars d’une fracture ouverte de la main à cause d’une grenade :
« Je ne sais même pas si c’était une grenade assourdissante ou de désencerclement. Je n’y connais rien. C’est la première fois que je participais à une action de ce type. J’étais simplement dans la manifestation, comme beaucoup d’autres. Je tentais de m’approcher de la bassine. Je n’ai rien vu. La grenade a explosé près de moi je crois. J’ai entendu un sifflement. Si elle était tombée plus près de ma tête, je serais peut-être mort, ou défiguré.
Des gens m’ont immédiatement aidé en appelant les médics (soignants dans les manifestations, NDLR). J’étais sonné. La douleur venait progressivement. Ils m’ont guidé vers un endroit pour me désinfecter. Ensuite, on m’a emmené à l’hôpital de Niort. Puis à Angoulême où j’ai été opéré. Et on m’a ramené en Alsace. Il y avait une organisation et une solidarité incroyable. »
La main de David doit rester immobilisée pendant un mois et demi. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« On lutte pour quelque-chose d’essentiel »
Rue89 Strasbourg a pu interroger une dizaine de Strasbourgeois qui étaient sur place. Ils se disent traumatisés par les pratiques des forces de l’ordre déployées à Sainte-Soline. Bruno, militant historique contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO), est particulièrement marqué :
« Gérald Darmanin (le ministre de l’Intérieur, NDLR) a dit qu’on y allait avec l’intention de tuer des gendarmes. Il voulait justifier la violence de la répression contre nous. Mais la réalité, c’est qu’on lutte pour quelque-chose d’essentiel : l’accès à l’eau potable. »
Manifestation du samedi 25 mars contre le projet de mégabassine à Sainte-Soline. Photo : remise
Les mégabassines visent à pomper de l’eau potable dans les nappes phréatiques pour la garder en réserve et irriguer les champs lorsque la pluie manque. Les écologistes analysent que cette pratique accapare l’eau pour quelques grands exploitants en modèle agricole industriel alors que les sécheresses sont de plus en plus intenses. La préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, avait interdit la manifestation.
Arrivés sur place dans la soirée du vendredi 24 mars ou le samedi à l’aube, les activistes témoignent avoir été immédiatement étonnés par le dispositif policier. « Il y avait des barrages filtrants qui contrôlaient les véhicules et les identités partout, à des kilomètres à la ronde autour de la bassine », indique une membre d’Extinction Rebellion :
« Je suis arrivée en train à Poitiers, à 45 minutes en voiture du campement où on avait rendez-vous. J’ai tout de suite été contrôlée par des policiers à la gare, comme tous les jeunes qui ressemblaient à des écolos et qui avaient des sacs-à-dos. Les organisateurs nous envoyaient la position des barrages pour qu’on les évite et qu’on atteigne le site. On a vraiment cru qu’on n’y arriverait pas, mais on a finalement réussi. »
Bruno Dalpra : « Je suis père de famille, je ne veux pas mourir en manifestation » Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Une scène de guerre »
Le lendemain, trois cortèges de 5 à 10 000 personnes ont pris la direction d’une mégabassine en construction depuis l’automne. Le but de la manœuvre : encercler le site et stopper les premiers travaux réalisés. « Dans une ambiance festive », les activistes ont d’abord parcouru huit kilomètres pour arriver à 500 mètres de leur cible. « Les cortèges ont dès lors fait l’objet de tirs massifs et indiscriminés au gaz lacrymogène, créant une mise en tension importante », rapporte la Ligue des droits de l’Homme (LDH). L’association a observé des tirs de Lanceurs de balles de défense (LBD 40), notamment effectués depuis des quads en mouvement, et l’utilisation de grenades assourdissantes et explosives, dont la GENL et la GM2L. Considérées comme des armes de guerre, elles peuvent causer de graves lésions auditives, musculaires et osseuses.
Pendant un peu plus d’une heure, une confrontation d’une très grande intensité a eu lieu aux abords de la bassine. Photo : remise
Pendant un peu plus d’une heure, une confrontation d’une très grande intensité a eu lieu aux abords de la bassine. Les militants tentaient d’approcher le site qui était entièrement entouré, « comme une forteresse », par des barrières et des véhicules des forces de l’ordre. Quelques militants se sont approchés du chantier. Deux véhicules de la gendarmerie ont été incendiés. Au moins 200 manifestants et 45 gendarmes ont été blessés. Laura raconte :
« Il y avait des détonations en permanence. C’était une vraie scène de guerre. On ne faisait même plus attention aux grenades lacrymogènes qui tombaient partout. Ceux qui étaient devant, je ne sais pas comment ils ont fait. On avait des cailloux, les gendarmes avaient de vraies armes. Si quelqu’un était blessé, il fallait crier “médics”. J’ai vu des dizaines de personnes avec des fractures ouvertes, certains étaient inconscients. Si on s’est arrêté au bout d’une heure, c’est parce qu’il n’y avait plus de matériel pour soigner les blessés. »
Alexis, étudiant en sciences humaines âgé de 18 ans, était présent mais éloigné du front. « Nous aussi, on a subi de très nombreuses grenades lacrymogènes et explosives. Ils tiraient partout. On était tous en danger, même si c’était plus concentré dans les zones proches de la bassine », explique t-il. Bruno, également en retrait, abonde : « Ils ont même gazé une zone qui accueillait les blessés. »
Alexis. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Rencontré lundi 27 mars, David, la main bandée, se demande comment les policiers et les gendarmes « légitiment leur action dans leur tête, quand ils balancent des grenades mortelles sur des activistes ». Pour les personnes interrogées, cela ne fait aucun doute : elles ont risqué leur vie ce samedi. Marie (prénom modifié) est partagée entre « la colère et l’incompréhension » :
« Je me suis réveillée avec une boule au ventre ce matin, en repensant aux manifestants qui sont dans le coma. Clairement, j’ai compris que l’État est prêt à nous tuer pour défendre le capitalisme, en l’occurrence ces bassines de l’agro-industrie. Il faut replacer les choses dans leur contexte. Ce qui nous motive, c’est quand-même de sauver l’environnement et notre avenir. Je suis jeune, mais je me dis de plus en plus que je n’ai rien à perdre. »
La majorité des activistes rencontrés ont préféré garder l’anonymat, « par peur de la répression ». Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« En face, ils ont une pensée militaire »
Les militants strasbourgeois s’interrogent sur l’impact de leur engagement. David reste optimiste :
« Il y a plein de moyens d’action qui se complètent et je pense que ce qu’on a fait à Sainte-Soline n’a pas servi à rien. Nous avons montré notre détermination et offert une tribune à cette cause. Je suis sûr que cela infuse dans la société, et cela atteindra même des élus. »
Pour Léo (prénom modifié), il y a un rapport de force qui risque de perdurer et pour l’instant, il n’est pas en faveur des écologistes :
« Là, on n’avait juste aucune chance d’y arriver. Nous on est des pious-pious. En face, ils ont une pensée militaire, des stratégies bien rôdées. Mais alors on fait quoi nous ? On doit se militariser pour sauver notre avenir ? Venir avec des armes ? En tout cas, là tout de suite, je ne suis plus pour faire des manifestations de ce type, parce qu’on a risqué nos vies pour une bassine. Même si je trouve ça scandaleux, je veux concentrer mes efforts sur des actions qui sont plus susceptibles d’avoir de gros impacts sur la société. »
Léo (prénom modifié) : « Mais alors on fait quoi nous ? On doit se militariser pour sauver notre avenir ? Venir avec des armes ? » Photo : remise
Lucie (prénom modifié) considère qu’un plus grand nombre de participants à la manifestation n’aurait rien changé :
« Même si on avait été 80 000, ils nous auraient écrasés dans ces conditions. Le pacifisme et l’opinion publique, on voit bien qu’ils s’en fichent avec la réforme des retraites. Peut-être qu’il faut faire des actions ciblées et discrètes, des manifestations plus surprenantes, stratégiques, moins attendues. »
Plusieurs collectifs et syndicats ont créé des caisses de grève pour soutenir les plus précaires. Voici une liste d’initiatives visant à permettre au mouvement social de tenir dans la durée.
Le collectif Nos retraites nous rassemblent
Le collectif « Nos retraites nous rassemblent » a créé une caisse de grève le 9 février, afin de soutenir « les grévistes et celles et ceux qui combattent la réforme des retraites, mais qui ne peuvent pas recourir à l’aide d’un syndicat ». Le 27 mars, le collectif avait collecté près de 1 400 euros. Soutenir sur Cotyzup.
Manifestation contre la réforme des retraites le 19 janvier 2023 à Strasbourg. Une banderole appelant à la grève générale a été accrochée sur un pont à côté de la place de l’Étoile. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
L’Assemblée féministe de Strasbourg
Créée en décembre 2022, l’Assemblée féministe de Strasbourg a organisé une caisse de grève autonome pour les actions contre la réforme des retraites, dès le mois de janvier. Dans un communiqué, l’organisation exprime son objectif :
« Le but de cette caisse est de limiter le frein financier à faire grève, notamment pour les personnes à charge familiale ou médicale, ou encore celles qui vivent au quotidien les discriminations. Il est parfois difficile de se dire que l’on est soi-même précaire et que l’on peut demander : dès lors que tu te questionnes sur le fait de pouvoir faire grève pour des raisons financières, alors cela suffit à être concernée par la caisse, que l’on soit chômeuse, travailleuse précaire, étudiante, syndiquée ou non. »
L’Assemblée féministe indique qu’une vingtaine de personnes a déjà pu bénéficier de cette aide, « pour un total d’environ 2 000€, afin de compenser les revenus d’un à quatre jours de grève ». Pour bénéficier de cette caisse, ou y participer, il est nécessaire de contacter l’Assemblée féministe par mail : greveautonomesxb@riseup.net.
Illustration de la caisse de grève de l’Assemblée féministe de Strasbourg / document remis.
Sud Éducation Alsace et Solidaire Alsace
Le syndicat Sud Éducation a créé une caisse pour les personnels de l’Éducation nationale non syndiqués et une caisse de grève pour tous les adhérents de Solidaire Alsace, mais ceux qui ne sont pas syndiqués peuvent également en bénéficier. Ces deux caisses ont pour l’instant collecté environ 900 euros chacune. Esther Bauer, co-secrétaire du syndicat Solidaire Alsace, explique le fonctionnement :
« D’abord, on remplit la caisse. Puis, nous allons recueillir toutes les demandes, et on définira ensuite une règle de répartition, en fonction du montant dont on dispose. On donnera la priorité au personnel précaire évidemment. »
AG de l’Université de Strasbourg : une caisse pour le personnel et les étudiants
L’Assemblée générale (AG) des étudiants et personnels de l’Université de Strasbourg du 31 janvier a voté pour l’ouverture d’une caisse de grève à destination des personnels de l’Enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi des étudiants, particulièrement touchés par la précarité.
C’est Nicolas Poulin, co-secrétaire du syndicat Sud Éducation Alsace, mais ici mandaté par l’AG, qui a créé cette caisse spécifique. « Elle est à destination des enseignants, des vacataires, et des étudiants qui sont salariés en dehors de l’Université pour financer leurs études. » Les critères pour fixer qui pourra, et comment, bénéficier de cette caisse, seront établis lors d’une prochaine AG, comme l’explique Nicolas Poulin :
« En général, on propose des fourchettes de salaire. Ceux qui touchent le Smic doivent être remboursés à 100% pour leur jour de grève. Ceux qui gagnent plus obtiennent un remboursement moindre. »
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Historien strasbourgeois, spécialiste des mouvements sociaux en Alsace, Jean-Claude Richez a participé à chacune des manifestations contre la réforme des retraites. Selon lui, Strasbourg n’a pas connu pareille mobilisation depuis près d’un siècle.
Historien, Jean-Claude Richez a publié plusieurs ouvrages et articles sur les mouvements sociaux en Alsace. Il s’est intéressé aux conseils de soldats et d’ouvriers créés en novembre 1918 en Allemagne, à la mobilisation strasbourgeoise autour du Front Populaire ainsi qu’aux révoltes de mai 68 en Alsace. Ancien adjoint à la jeunesse de la maire socialiste Catherine Trautmann, cet acteur de l’éducation populaire a notamment travaillé pour l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) de 2002 à 2016. Présent à toutes les manifestations contre la réforme des retraites depuis le début de l’année, il a accepté de livrer à Rue89 Strasbourg son analyse de la journée de mobilisation du 23 mars.
Rue89 Strasbourg : comment décririez-vous Strasbourg dans l’histoire française des mouvements sociaux ?
Jean-Claude Richez : On peut dire que la proximité avec la frontière allemande a toujours eu un effet extrêmement déstructurant pour le mouvement social alsacien. En 1918, un puissant mouvement ouvrier existe formé dans le cadre du parti social-démocrate allemand. Au lendemain du retour de l’Alsace à la France, les fédérations syndicales d’Alsace et de Moselle sont parmi les plus importantes de France. Mais ce mouvement ouvrier a été forgé dans un cadre allemand, sur la base d’un lien fort entre le parti socialiste, les syndicats et les associations. Ce n’est pas le modèle français où les syndicats sont théoriquement indépendants des partis depuis la Charte d’Amiens (adoptée en octobre 1906 par le 9e congrès de la CGT, NDLR).
Les manifestants ont érigé de nombreuses barricades jeudi 23 mars. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
« Le mouvement social en Alsace connait une apogée en 1920 »
Et puis il y a aussi la difficulté à s’intégrer du point de vue culturel et linguistique pour les Alsaciens. Les dirigeants syndicaux alsaciens ne maitrisent pas forcément la langue française. Des syndicalistes comme Charles Hueber ou Eugène Imbs sont de piètres orateurs en français, ils maîtrisent mal la langue et ne trouvent pas leur place à Paris. Cela provoque un certain isolement.
Enfin, il faut ajouter qu’en Alsace, le mouvement ouvrier est plus divisé qu’au niveau national. En plus de la division entre chrétiens et socialistes, puis très vite avec les communistes, il y a une division alsacienne entre les communistes nationaux et les communistes autonomistes.
Est-ce que cela veut dire que les mouvements sociaux sont quasi-inexistants en Alsace au début du XXe siècle ?
Pas du tout ! Le mouvement social en Alsace connait une apogée fin avril 1920, avec une grève générale pour la défense des « Heimatrechte », des droits propres à la région. Cette mobilisation permet de consolider les droits sociaux des Alsaciens, qui bénéficient depuis la fin du XIXe siècle d’un système d’assurance maladie et de retraites qui n’existe pas en France et qui ne s’y imposera qu’en 1945 avec la création de la sécurité sociale et la mise en place de notre système de retraite. En Alsace, le système de retraites par répartition et l’assurance maladie est un acquis depuis 1889. C’est toute l’habilité politique du commissaire général de la République à Strasbourg Alexandre Millerand, qui administre le rattachement de l’Alsace-Lorraine à la France. Il obtient le maintien de ces avantages pour l’Alsace et la Moselle. Les négociations avec le gouvernement français aboutissent à la formation d’un droit local ouvrier.
Jean-Claude Richez, historien du mouvement social alsacien. Photo : remise
Quels sont les grands épisodes de grève et de manifestation dans l’histoire alsacienne ?
En 1933, une grève des ouvriers du bâtiment et des conducteurs de tramway dure trois mois, de juin à août. Strasbourg sera alors le théâtre de violents affrontements de rue. Le 4 août 1933, les ouvriers seront violemment réprimés par des gardes mobiles à cheval, dont quelques uns finissent dans l’Ill. Mais parmi les 150 blessés, on trouve essentiellement des travailleurs. Cette grève est un échec puisque les ouvriers n’obtiennent presque rien.
30 000 personnes selon les organisateurs, le 14 juin 1936
En 1936, on observe encore un décalage de l’Alsace vis-à-vis du reste de la France. Pour la première fois, le mouvement social démarre plus tard et à moins d’ampleur que dans le reste du pays. De grandes manifestations de rue ont lieu le 1er mai, entre les deux tours des élections législatives. Ce scrutin ne donnera pas au Front populaire le triomphe qu’il a connu en France. Dans le Bas-Rhin, seul un candidat communiste est élu, c’est Alfred Daul. La grève ne démarre qu’après le 8 juin, après les accords Matignon, imposés par les ouvriers en grève dans le reste du pays.
Le 14 juin 1936, les manifestants alsaciens fêtent la victoire du Front populaire au niveau national. Ils demandent l’application des accords de Matignon par le patronat qui refuse de le faire dans la région. La mobilisation a lieu dans la rue, un dimanche, avec beaucoup de familles. Elle donne lieu à une image célèbre où l’on voit des manifestantes brandissant le poing et habillées en alsaciennes. Là, les chiffres de la participation sont comparables à la manifestation du 23 mars 2023. La police annonce 5 000 manifestants et les organisateurs évoquent 30 000 participants. Si l’on compare ce rassemblement avec les chiffres actuels, on n’a jamais eu de manifestations si importantes pour des droits sociaux en Alsace depuis 1920 et 1936. En tout état de cause, le nombre de manifestations était moins important qu’aujourd’hui.
Comment se déroule cette manifestation historique en 1936 ?
En 1936, c’est une manifestation bon enfant, avec des revendications pacifistes et une dimension antifasciste. Pour rappel, Hitler est au pouvoir en Allemagne. Il y a en Alsace une très grande peur. Car ici, on sait ce que c’est la guerre. Pendant quatre ans, les Alsaciens ont vécu directement à l’arrière du front. Forcément, il y a une inquiétude quand on entend Hitler revendiquer le retour d’une grande Allemagne. C’est aussi cette peur qui explique la lenteur à se mobiliser en Alsace, en 1936 en particulier. « Brot und Frieden (Du pain et la paix, NDLR) », c’est le mot d’ordre, le grand slogan des manifestations, aussi bien le 1er mai que le 14 juin 1936.
Et mai 68 en Alsace ?
La grève en Alsace n’est pas générale, à la différence du reste pays. On peut aussi ajouter que les mouvements de grève se développent surtout au début des années 70, notamment dans la vallée de la Bruche, et souvent à l’initiative de jeunes ouvriers et ouvrières. Cette nouvelle génération est beaucoup plus combative, parce que ce sont des gens qui n’ont pas connu la guerre, qui n’ont pas été mobilisés dans l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale.
Pas de grande manifestation à Strasbourg en 68
Mais globalement il n’y a pas de grande manifestation ouvrière à Strasbourg, à l’exception de celle du 13 mai, 10 000 manifestants certes, mais une majorité d’étudiants. Le 24 mai 1968, des étudiants dispersés par la police dans l’après-midi, sur le pont de l’Europe, dressent des barricades symboliques place Kléber et place du Corbeau et sont à nouveau repoussés, non sans violence. Il y a une mobilisation à Mulhouse avec quelques affrontements avec les CRS en 67. Mais ça n’a rien à voir avec les violences d’aujourd’hui, telles qu’on a pu voir mardi ou la semaine dernière.
Quel regard portez-vous sur les manifestations strasbourgeoises contre la réforme des retraites en 2023 ?
J’ai assisté à toutes les manifestations encadrées par les syndicats. Jeudi 23 mars, j’ai observé une chasse à tout ce qui pouvait ressembler à un manifestant après la dispersion. Ils étaient selon moi près de 6 000 jeunes manifestants en cortège de tête, devant celui de la CFDT et des différents syndicats qui suivaient.
Des vitrines taguées, jeudi 23 mars. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Cette mobilisation de la jeunesse me paraît sans commune mesure avec les précédentes manifestations. Étudiants, lycéens et jeunes travailleurs me paraissaient dix fois plus nombreux et très mobilisés, scandant des slogans engagés et portant des pancartes très politiques, notamment autour du 49-3.
Avec ce que les jeunes ont subi pendant la pandémie, avec la machine à broyer de Parcoursup, après des manifestations réprimées à coup de gaz lacrymogène, avec un groupe nassé en dehors de toute norme de maintien de l’ordre dans une ruelle étroite comme lundi 20 mars… La mobilisation du jeudi 23 mars à Strasbourg était de très grande ampleur. En tant qu’historien du mouvement social, je peux noter que depuis 1933, Strasbourg n’a jamais connu une telle explosion de colère. Même en mai 68, on a jamais eu d’explosion de ce type là à Strasbourg. Il y a eu certes celle contre le sommet de l’OTAN du 4 avril 2009, mais elle n’était pas d’initiative syndicale et répondait à un appel international.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Né dans l’esprit de deux étudiants de Sciences Po, le Forum de l’Environnement se tiendra du 31 mars au 2 avril à l’Hôtel d’Alsace, à Strasbourg. Pendant ces trois jours, des acteurs locaux et nationaux viendront animer des stands, des tables rondes et des ateliers.
Parler d’énergie avec un chercheur du CNRS, assister à la diffusion de la nouvelle série du réalisateur écologiste Cyril Dion, rencontrer des membres de l’ONG Sea Shepherd au détour d’un stand ou suivre une table ronde avec des médias écolos… C’est ce que propose le Forum de l’Environnement, porté par Alice Lévi et Valentin Meunier, deux étudiants de 20 ans, membres de l’association Sciences Po Forum, qui organise habituellement des conférences au sein de l’école.
Porté par Alice Lévi et Valentin Meunier, plus d’une dizaine d’étudiants de Sciences Po participent à l’organisation de ce forum. Photo : Margot Calisti DR
Pour Alice Lévi, sensibiliser les gens à l’écologie est la principale raison pour laquelle elle a intégré l’association. Elle a ensuite décidé de se lancer dans cet ambitieux projet :
« Si je me suis engagée dans l’association Forum, c’est avec l’objectif d’organiser des discussions sur l’écologie. En parlant avec Valentin, lors de notre prise de fonction, nous avons commencé à rêver plus grand et à réfléchir à un événement de plusieurs jours qui serait ouvert à tous, pas seulement aux étudiants de l’école qui sont déjà pas mal sensibilisés sur le sujet. »
Alice Lévi et Valentin Meunier, 20 ans, étudiants en deuxième année de Sciences Politiques, sont les porteurs de ce projet. Photo : DR
Un projet porté par des jeunes engagés pour l’environnement
Si l’idée a semblé trop ambitieuse pour certains au début, les deux étudiants ont persévéré jusqu’à convaincre un premier partenaire, la Collectivité Européenne d’Alsace (CeA), de les sponsoriser. « Ça nous a donné plus de poids, ensuite on a rapidement eu le soutien de Sciences po, du Crédit Agricole, de l’Université de Strasbourg, du CROUS, du Club de la Presse », raconte Alice Lévi.
Rejoints dans leur projet par d’autres étudiants, ils ont aussi été surpris par l’engouement des différents acteurs qu’ils ont contactés pour intervenir. « Ils nous ont tout de suite fait confiance, ont adhéré au projet et se sont rendus disponibles, alors qu’on n’avait parfois même pas encore de lieu », se remémore Valentin.
C’est la première fois qu’un forum de ce type est organisé à Strasbourg. Photo : Affiche de l’événement DR
Une inauguration avec François de Rugy
L’événement se décline en trois jours autour d’initiatives concrètes. Le vendredi sera dédié à l’inauguration, avec une première conférence donnée par François de Rugy, ancien président de l’Assemblée nationale et ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, décrié par certains militants écologistes.
À ce sujet, les organisateurs détaillent :
« Nos invités ne sont pas toujours d’accord entre eux, mais cela permet justement le débat, et avoir ainsi des éclairages différents que les visiteurs pourront s’approprier. »
La journée se poursuivra notamment avec une table-ronde des médias environnementaux, autour de laquelle se trouveront des membres du média en ligne Vert, du supplément des DNA « Ici, on agit ! », ou encore d’Arte.
Trois jours, six thèmes
Le samedi, intitulé « Changer notre quotidien », sera dédié à la manière dont nos pratiques peuvent évoluer de façon à diminuer leurs impacts sur l’environnement. Trois rencontres auront lieu autour des thèmes « se nourrir » (à 11h), « se chauffer » (à 13h), puis « se déplacer » (à 15h). À chaque fois, trois intervenants venus du monde associatif, institutionnel et entrepreneurial échangeront entre eux et avec le public.
À chaque table ronde, une personnalité du monde associatif, institutionnel et entrepreneurial seront présentes. Voici celles pour le rencontre autour du thème « se nourrir ». Photo : Capture site de Sciences Po Forum
Le dimanche sera dédié au thème « (re)penser nos espaces« , avec des discussions sur les manières de protéger, sauvegarder, valoriser et habiter de façon raisonnée les différents territoires. Nicolas Kremer, le responsable Grand-Est Environnement à l’Office National des Forêts ainsi que le chercheur Wolfgang Cramer, géographe, écologue, modélisateur de la dynamique des écosystèmes globaux viendront discuter des forêts et de la préservation des écosystèmes. Deux autres tables rondes aborderont les villes que nous pouvons imaginer pour le monde de demain, puis les espaces maritimes (et le Rhin de manière locale).
Pendant toute la durée de l’événement, des dizaines de stands accueilleront des associations locales telles qu’Octopus, ONG française basée à Strasbourg et engagée dans la préservation des océans, Les petites cantines, réseau non-lucratif de cantines de quartier, ou encore le réseau Sortir du nucléaire. À la fin de chaque journée, un nouvel épisode d’ »Un Monde Nouveau », la nouvelle série de Cyril Dion, sera projeté. Des quiz et des débats auront également lieu régulièrement dans le hall du bâtiment.