Dans la matinée du 6 mars, les conseillers départementaux d’opposition à la Collectivité européenne d’Alsace ont dénoncé le budget alloué à la cérémonie du guide Michelin. Ils estiment que de nombreuses mesures sociales sont plus urgentes.
Quelques manifestants sont venus ce lundi 6 mars devant le Palais de la musique et des congrès, occupé par la cérémonie annuelle du guide Michelin. Les conseillers d’opposition de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) sont là, ainsi que des militants écologistes et quelques parents d’élèves. Ils sont venus dénoncer les 390 000 euros dépensés par la CEA pour accueillir cet événement phare de la gastronomie française. Des financements utilisés pour la communication de l’événement ainsi que le déplacement et l’hébergement de chefs étoilés et d’influenceurs présents sur place pour en faire la promotion.
De gauche à droite : les conseillers départementaux écologistes Florian Kobryn et Ludivine Quintallet. Au centre, le militant écologiste Bruno Dalpra. Puis la conseillère départementale communiste Fleur Laronze et le militant communiste Antoine Mezy. Photo : Carol Burel / Rue89 Strasbourg / cc
« Un investissement à géométrie variable »
« Nous n’avons rien contre la gastronomie, ni contre les chefs », soulignent les manifestants. Ces derniers se disent opposés aux « investissements à géométrie variable » de la part de la CEA. Car la collectivité a récemment rejeté plusieurs projets sociaux. Début mars, Rue89 Strasbourg se faisait l’écho du blocage par la CEA de deux projets d’insertion dans le cadre du dispositif territoire zéro chômeur de longue durée.
Conseillère départementale communiste, Fleur Laronze dénonce aussi l’absence de cantine scolaire dans le futur collège Lyautey qui doit ouvrir ses portes dans le quartier du Neuhof en septembre 2026. Une attaque à laquelle la CEA a répondu par communiqué le 2 mars 2023 : « Le projet de demi-pension n’est toutefois pas encore définitivement modélisé : la Collectivité d’Alsace étudie seulement les mutualisations d’accueil possibles. » Selon Fleur Laronze, le département refuse également de proposer une tarification spéciale des cantines pour les foyers en difficultés. Elle conclut :
« La cérémonie du guide Michelin n’est pas la mission initiale de la Collectivité européenne d’Alsace. Les dirigeants de la CEA délaissent leur prérogatives sociales au profit du rayonnement territorial… »
Fleur Laronze, conseillère communiste de la CeA
Certains parents d’élèves sont aussi venus manifester leur mécontentement. Noureddine, travailleur social et parent d’un enfant en situation de handicap, s’insurge contre un engagement plus timide du Département quand il s’agit de « s’occuper des plus fragiles ». Proposant le slogan « des étoiles pour tous nos collèges », il dénonce des « économies réalisées au mauvais endroit » et au détriment des « quartiers populaires strasbourgeois ».
Un gros coup de pub ?
Le projet avait pour but selon Fréderic Bierry, président de la CEA, de « reconnaître et célébrer » l’excellence gastronomique de l’Alsace à travers la France et dans le monde. Le rapport de délibération publié en janvier souligne la grande « renommée internationale » du Guide Michelin et sa médiatisation très forte : « 2 600 articles de presse et 2,5 millions de pages vues sur internet ». Des chiffres qui offrent selon le président « une opportunité unique tant dans le domaine touristique que culturel et économique ».
La cour d’assises du Bas-Rhin va se pencher à partir de jeudi sur le cas d’un homme de 50 ans accusé d’avoir tué sa mère à Hoerdt après une dispute sur le partage successoral. Le meurtre, à coups de couteau, a été commis en présence de deux jeunes filles.
À 64 ans, Denise supporte son fils depuis cinquante ans déjà. Mère au foyer, elle s’occupe de Christophe, depuis qu’il est né prématuré avec une infirmité l’empêchant de se déplacer normalement, lui préparant à manger et s’occupant de son linge. Ils occupent une petite maison dans un lotissement de Hoerdt, lui ne descendant de sa chambre guère que pour les repas.
Mais ce mercredi 11 mars 2020 vers 10h, il en descend en trombe alors que Denise est au téléphone avec son frère Yannick, de sept ans son cadet. Ce dernier est chez le notaire et Denise lui confirme qu’elle souhaite bien lui confier une maison issue d’un héritage, tandis que celle où elle vit irait à Christophe. Un partage qui ne convenait pas du tout à Christophe, lequel pensait plutôt aller vivre avec son frère et sa famille dans la seconde maison après avoir vendu la première.
Le drame s’est déroulé dans un lotissement de Hoerdt Photo : Google Earth
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Strasbourg a tapé dans l’œil du milliardaire Jean-Claude Gandur. Plusieurs villes se disputent les faveurs du magnat du pétrole qui souhaite ouvrir un musée exposant sa collection d’art privée. Portrait d’un mécène à la personnalité contrastée.
La Fondation Gandur envisage l’ouverture prochaine d’un musée à Strasbourg pour exposer la collection privée de Jean-Claude Gandur. Le milliardaire suisse hésite entre plusieurs villes pour accueillir son patrimoine. Il était déjà venu faire un repérage dans la capitale alsacienne en 2019 et avait envisagé plusieurs quartiers du secteur des Deux Rives (Pointe de la Citadelle, Port du Rhin, Coop, Starlette).
Le projet était porté à l’époque par Thierry Roos (LR), ancien conseiller municipal d’opposition. Avec la participation de l’ancien maire Roland Ries, et Alain Fontanel, son ex-adjoint à la culture, les acteurs locaux avaient montré leur enthousiasme par un accueil en grande pompe de Jean-Claude Gandur, désireux de mettre toutes les chances du côté de la ville. La décision a été ajournée par la crise du Covid en 2020, mais le projet redevient d’actualité. Contacté début mars, Thierry Roos considère qu’une véritable « compétition » se joue toujours entre les villes, dans laquelle « Strasbourg a tous les points pour gagner ».
Le processus de décision en cours
Selon Anne Mistler, ajointe à la maire chargée de la culture, en juillet 2022, un dossier de candidature a été déposé par la capitale alsacienne. Il est en ce moment analysé par le cabinet de conseil suisse Thématis, spécialiste de l’ingénierie culturelle, chargé de départager les villes potentielles. Anne Mistler a reçu vendredi 3 mars la visite de Thématis. « Le processus est toujours en cours » selon l’adjointe, et le mécène devrait rendre sa décision finale début avril. Mais qui est donc ce milliardaire qui suscite toutes les convoitises ?
Né à Grasse dans les Alpes-Maritimes, l’entrepreneur suisse fonde le complexe pétrolier Addax and Oryx Group (AOG) en 1987. La société se spécialise dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz en Afrique et au Proche-Orient. Vingt-deux années plus tard, il la revend pour 7 milliards de dollars au groupe chinois Sinopec, se plaçant ainsi parmi les plus grandes fortunes suisses, avec 2,1 milliards de Francs suisses en 2015 selon Forbes.
Un « homme simple, abordable » selon Thierry Roos
Sur son temps libre, l’homme d’affaires vaudois se consacre à la collection d’œuvres d’arts et crée en 2010 la Fondation Gandur pour l’art. De l’antiquité gréco-romaine à l’Europe d’après-guerre, en passant par des œuvres contemporaines africaines, elle constitue l’une des plus larges collections privées d’œuvres du monde.
Décrit par Thierry Roos comme un « homme simple, abordable, passionné par l’art et doté d’une véritable âme de collectionneur », Jean-Claude Gandur serait aussi « un homme qui veut laisser une trace dans l’histoire », issu de « cette longue tradition de mécènes qui ont permis à l’art de se déployer en France » citant notamment Bernard Arnault, Guggenheim, ou Ernst Beyeler.
L’homme d’affaires semble tenir à son image d’esthète désintéressé, animé par « le goût de l’art, l’envie de développer des collections et le désir de les partager » (voir son portrait sur son site). Une image qu’il n’hésite pas à défendre devant la justice.
À l’occasion du projet d’association entre le Musée d’art et d’Histoire de Genève et la collection personnelle de Jean-Claude Gandur, le journal genevois Le Courrier publie en mai 2015 un portrait de l’homme d’affaire intitulé « Mécène en eaux troubles ». Celui-ci met en lumière le parcours du milliardaire et l’origine de sa fortune, soulignant notamment les activités de son entreprise pétrolière qui avait été mêlée à une affaire de corruption au Nigéria à la fin des années 90, à son insu selon l’un de ses avocats, Nicolas Capt. En 2021, la justice genevoise a reconnu que la direction du groupe Addax était hors de cause, selon Le Temps.
Joint par téléphone, le rédacteur en chef du quotidien, Phillipe Bach, estime que le journal était pourtant « dans les clous ». « Nous n’avons mentionné que des faits avérés ». Il se voit tout de même obligé de retirer l’article en question. Le quotidien déplore une « lecture restrictive de la liberté de la presse » de la part de la justice suisse, et est toujours en attente du dernier jugement de l’affaire, maintenant portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg.
« Ce qui est sorti, est sorti »
« Alors, boulimique, Jean-Claude Gandur ? – Pourquoi vous me trouvez gros ? » dans une interview donnée à la RTS en mai 2011 faisant référence à son immense collection d’art qui continue de s’étoffer, l’homme d’affaire élude la question sur un ton taquin. Pourtant, avec une collection de plus de 3 500 œuvres, et à la lumière des débats contemporains sur les questions de restitution, l’appropriation d’œuvres dans les mains d’un seul homme interroge.
« Faudra-t-il que les États-Unis et la Russie rendent à la France tous les tableaux des impressionnistes parce que “chacun son patrimoine” ? Non, je pense que le patrimoine doit être partagé. Il faut respecter aujourd’hui le patrimoine qui existe dans les pays sources, mais ce qui est sorti est sorti. »
Jean-Claude Gandur pour la RTS, dans l’émission Vacarme en 2019
Une collection estimée à près de 600 millions d’euros
Si pour le collectionneur « le passé, c’est le passé », il se dit cependant très attentif à la provenance de ses œuvres : « On ne peut plus collectionner en pirate, aujourd’hui il faut avoir un respect des objets, un respect des civilisations des autres, » ajoute t’il à l’antenne.
Quand le journaliste de la RTS lui demande s’il serait prêt, par exemple, à se séparer de ses collections égyptiennes au nom du patrimoine du pays, Jean-Claude Gandur rétorque : « Comment voulez-vous qu’un pays comme l’Égypte puisse réclamer son patrimoine, quand elle-même vendait officiellement ses objets ? », rappelant ce qu’il considère comme une « réalité historique » longtemps ignorée. Le milliardaire suisse se dit toutefois prêt à retourner certaines de ses œuvres, si la preuve de leur pillage était avérée. Ce dernier n’a pas fait suite à la demande d’entretien de Rue89 Strasbourg.
Estimé à près de 600 millions d’euros, le trésor vaudois de Jean-Claude Gandur est encore en quête d’un sanctuaire français. Les musées de Strasbourg ont proposé d’héberger dès 2025 une partie de cette collection dans une exposition temporaire.
À l’occasion de la journée d’action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l’égalité et la justice, différentes associations et collectifs se donnent rendez-vous mercredi 8 mars, à Strasbourg. Tour d’horizon des mobilisations.
Associations de quartier, mairie, ou encore organisations syndicales : les mobilisations seront nombreuses mercredi 8 mars (mais pas seulement), à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Liste (non exhaustive) des rendez-vous proposés à Strasbourg.
L’appel à la grève féministe par tous les syndicats
Le mercredi 8 mars, 14h, Place Kléber : l’appel à la grève féministe et à marcher contre le patriarcat et le capitalisme est lancé par plusieurs syndicats dont la FSU et la CGT. Le cortège de tête de la manifestation se fera en « mixité choisie » (c’est à dire sans homme), puis différents évènements sont à suivre tout au long de la journée.
à 18h, atelier « pimp my ride » puis « ride » de nuit à vélo, en « mixité choisie », départ 19 rue du Ban-de-La-Roche.
dès 19h, soirée au Molodoï, scène ouverte, musique et repas (prix libre).
Manifestation du 8 mars 2021, avec la CGT dans le cortège, réclamant l’égalité professionnelle femmes-hommes. Photo JFG / Rue89 Strasbourg.
Divers évènements tout au long du mois de mars, organisés par la Ville de Strasbourg
Le samedi 4 mars, de 17h à 22h, au Théâtre de Hautepierre : la Ville de Strasbourg organise sa propre mobilisation, avec un spectacle gratuit « Toutes en scènes », basé sur une programmation 100% féminine. Se succèderont lectures, slam, chants et danses.
Le mercredi 8 mars, 18h30, « Marche festive pour l’égalité » : défilé en centre ville (point du départ de la manifestation encore inconnu) avec arrivée place Broglie.
Les samedi 18 et dimanche 19 mars, à l’Aubette, conférences « Le temps des féminismes » : dans le cadre du Off des Bibliothèques idéales, deux jours d’échanges et de conférences sont organisés avec l’intervention d’autrices, d’artistes et de personnalités comme l’historienne Michelle Perrot ou la journaliste grand reporter au Monde, Annick Cojean, qui débattront de la vieillesse, du féminisme ou encore de l’écologie radicale.
Tout le programme détaillé des évènements organisés par la Ville de Strasbourg sont à retrouver ici.
« Koenigs se mobilise pour le droit des femmes »
Les habitantes du quartier de Koenigshoffen travaillent depuis deux mois sur cette journée du 8 mars. Elles organisent un événement à la Maison des projets au 91 route des Romains, entre 15h et 21h. À travers des enjeux féministes qui les traversent dans leur quotidien, comme la place de la femme dans la sphère domestique, ou dans la ville (avec notamment les questions de sécurité), une trentaine d’habitantes ont élaboré un programme de festivités très varié.
Il y aura notamment des ateliers en non-mixité pour réparer son vélo avec la perm’des Romaines, un conte féministe co-construit par les habitantes avec la conteuse Fatou Ba de La Compagnie 12:21, ou encore un atelier pour participer à l’hommage artistique aux 147 victimes de féminicides en 2022.
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Toucher une prime de l’État si le réfugié que vous accueillez se suicide proprement ? C’est possible, du moins dans le présent pas si lointain imaginé par l’auteur et metteur en scène Pierre Notte. Une comédie macabre à découvrir au Point d’Eau à Ostwald vendredi 17 mars.
L’homme qui dormait sous mon lit, est une fable à peine dystopique qui pousse les comportements hypocrites de notre société à l’absurde dans une écriture incisive et rythmée. Une femme, interprétée par Muriel Gaudin, accueille, dans son minuscule appartement, un réfugié joué par Clyde Yeguete. S’il se suicide, elle recevra une prime de la part de l’État. Le spectacle d’un peu plus d’une heure sera présenté vendredi 17 mars au Point d’Eau à Ostwald. Pierre Notte, lauréat du prix Beaumarchais, est l’auteur et metteur en scène du spectacle. Il sait faire rire jaune ou aux éclats, mais surtout faire grincer des dents.
Une comédie noire et dystopique
Le postulat de la pièce rappelle celui de L’hiver sous la table, une pièce de Roland Topor écrite en 1994, où une traductrice parisienne accueille dans son minuscule appartement parisien un réfugié qui vit sous sa table jusqu’à nouer entre eux une relation de complicité.
Extrait de L’homme qui dormait sous mon lit, Pierre Notte Photos : Giovanni Cittadini Cesi / doc remis
Dans la pièce de Pierre Notte, l’accueil d’un réfugié est encouragé et subventionné par l’État pour service rendu à la patrie. L’hôte a la possibilité de toucher une prime supplémentaire à une condition : le suicide du réfugié. Un problème de moins et un soulagement pour l’Europe toute entière. Ainsi, tout est mis à la disposition de celui-ci ; lames de rasoirs, sacs poubelles pour y enfouir sa tête jusqu’à l’asphyxie, morts aux rats. Si ça ne suffit pas, il y a toujours une fenêtre par laquelle se jeter.
Le troisième personnage joué par Sylvie Laguna est une modératrice. Elle incarne la neutralité, pour ne pas dire la Suisse. Sa présence permet d’apaiser les tensions et tisser des liens. Par ses rappels à la loi et aux droits de l’Homme, elle amène une forme de burlesque sur la scène et casse par moment le quatrième mur en s’adressant directement au spectateur.
Minimalisme au service du surréalisme
Un plateau plutôt dépouillé. Seul un chic tabouret de piano se trouve au centre de la scène. Il donne une assise à celui qui dicte les règles et un lieu de trêve pour celui qui a été trop éprouvé. Le tabouret trône au milieu de découpes de lumières symbolisant les différents éléments de l’appartement : un lit sous lequel le réfugié cultive son potager, un évier et des « merdouilles » chères aux yeux de l’accueillante.
Extrait de L’homme qui dormait sous mon lit, Pierre Notte Photos : Giovanni Cittadini Cesi / doc remis
Tout comme la mise en scène, le jeu des comédiens ne laisse pas de place au naturalisme. Ils interprètent des entités plus que des personnages, caractérisés par leur gestuelle surréaliste et des déplacements chorégraphiques, parfois clownesque. De plus, la musique composée par Pierre Notte est très présente durant le spectacle, menant à une dernière scène de danse et de fête entre les comédiens.
Une fable tirée d’une sombre réalité
Pour Pierre Notte, la pièce est née de sa honte, de notre honte, de celle de l’Europe : « Devant l’immensité du drame qui se joue, chacun y va de ses excuses, de ses justifications. Chacun se positionne, comme il peut où il peut. » Pierre Notte écrit pour sortir de cette inertie, comme il le raconte dans un entretien avec le théâtre du Rond Point :
« C’est encore écrire contre, jamais pour. Contre l’impuissance et l’inaction. Ou en réponse, en écho. Faute de mieux, faute d’agir. Ici, faute d’une parole politique, d’un geste engagé, il reste l’invention possible d’un dialogue entre les parties… On ne fait rien, on fait semblant, mais c’est déjà ça. Et on en rit, aussi. C’est la moindre des choses, par souci de décence… »
Extrait de L’homme qui dormait sous mon lit, Pierre Notte Photos : Giovanni Cittadini Cesi / doc remis
L’auteur ne cache pas ses propres travers. Il raconte avoir un jour demandé à un migrant qui campait sous ses fenêtres de baisser sa musique pour qu’il puisse écrire paisiblement.
Dans cette fable très noire, il est difficile de ne pas reconnaître nos propres hypocrisies et lâchetés. Cependant, Pierre Notte ne se souhaite pas moralisateur ou défaitiste, la fin du spectacle esquisse une possibilité d’amélioration si l’on sait s’écouter et si on trouve la volonté de se comprendre.
En Alsace, les syndicats de nombreux secteurs professionnels prévoient une grève d’ampleur mardi 7 mars, avec de nombreux impacts : fermetures des cantines scolaires, perturbations des réseaux SNCF, CTS et du ramassage des déchets… Le point sur cette journée de mobilisation sociale à Strasbourg.
La 6ème journée de mobilisation contre la réforme des retraites aura lieu mardi 7 mars. Après 2 semaines de débats houleux à l’assemblée nationale, l’hémicycle n’est pas parvenu à trouver un accord. L’examen au Sénat de la mesure a débuté ce 2 mars. Dans ce contexte, l’intersyndicale, déterminée à se faire entendre, appelle à « mettre la France à l’arrêt ». La CGT demande « des rues noires de monde, des rideaux baissés, des grèves aux formes multiples reconduites, une désorganisation organisée… » :
« Il faut montrer que sans travail, pas de richesses et que cette fois on ne veut pas payer l’addition ! Et le 8 on remets ça ! »
La manifestation strasbourgeoise partira à 14h de l’avenue de la Liberté. Le cortège poursuivra le trajet habituel en passant par la Place République, pour rejoindre la Place Broglie et suivra la ligne de tram jusqu’à la place Homme de Fer. Il se dirigera ensuite vers le quartier de la Krutenau via la rue de la Division Leclerc, rue de la Première-Armée, rue des Orphelins puis tournera vers la place de Zurich pour rejoindre les quais et finira avenue de la Liberté.
La dernière manifestation du samedi 11 février, avait réuni dans la capitale alsacienne entre 3 200 (selon la police) et 10 000 manifestants selon la CGT. Les opposants espèrent mobiliser un maximum de personnes pour cette journée jugée cruciale, notamment grâce à « de grandes distributions de tracts le 6 mars à Haguenau et Strasbourg pour demander aux salariés de rejoindre le mouvement de grève ».
Les cantines scolaires en grève
Dans un communiqué adressé aux parents, la municipalité annonce que toutes les cantines des écoles de Strasbourg seront fermées. Les services périscolaires, quant à eux, devraient fonctionner « dans la mesure du possible ». « Aucune démarche n’est à effectuer par les parents pour l’annulation des réservations, les repas ne seront pas facturés », indique la Ville de Strasbourg.
Le 19 janvier 2023, la première manifestation contre la réforme des retraites a rassemblé près de 20 000 personnes. Photo : Pascal Bastien / Rue89 Strasbourg
Elle annonce également la mise en place d’un service d’accueil minimum si au moins 25% des enseignants de l’école, dont l’enseignant de l’enfant concerné, sont grévistes. Les enfants en bénéficiant pourront être accueillis de 8h30 à 12h et de 14h à 16h30 dans une des 6 écoles désignées pour ce dispositif. Les modalités de ces SMA seront précisées sur des affiches devant l’entrée de chaque école.
Liste des établissements des services minimum d’accueil :
Quartier Hautepierre et Cronenbourg : Accueil sur l’école maternelle Catherine, 1 place de la Comtesse de Ségur
Quartier Neudorf et Port du Rhin : accueil sur l’école maternelle Neufeld, 1 rue de Sundgau
Quartier Robertsau, Esplanade et conseil des XV : accueil sur le site de l’accueil des loisirs Schwilgué, 45-47 rue de la Doller
Quartier Gare, Centre-Ville et Krutenau : acceuil sur l’école St Jean, 13 rue des Bonnes Gens,
Quartier Elsau, Montagne Verte, Koenigshoffen et Poteries : accueil sur l’école maternelle Gliesberg, 10 chemin du Gliesberg
Quartiers Meinau et Neuhof : accueil sur l’école Guynemer, 11 rue d’Argenton, Annexe
« Laissez les ordures s’entasser »
Les syndicats territoriaux de l’Eurométropole appellent les éboueurs à se mobiliser :
« Laissez les camions au parc, laissez les ordures s’entasser […] Vous êtes concerné-e-s au 1er plan car vous faites partie de ces métiers pénibles dont l’espérance de vie est réduite. Et malgré cela, le gouvernement veut vous faire travailler plus longtemps. »
Contacté par Rue89 Strasbourg, Mike Paul, éboueur et délégué syndical de Force Ouvrière, estime qu’il n’y aura pas de « blocage total » :
« Les collègues me disent que pour eux, une seule journée ne fera pas plier le gouvernement et qu’il faudrait complètement s’arrêter pendant une semaine. Il faut qu’ils aient l’impression qu’il y aura un vrai impact à la fin, car là, pour eux, la perte de salaire est trop importante par rapport à la possibilité que le gouvernement recule à cause d’un service impacté. C’est ce calcul que beaucoup de gens font en général. La majorité des équipes feront leur tournée, y compris la mienne. Certains feront grève, mais cela représentera quelques camions. »
Pas de TER en Alsace
L’ensemble des syndicats de la SNCF ont appelé à une mobilisation qui « s’inscrit sur la durée ». Selon nos informations, aucun TER ne sera en circulation en Alsace le 7 mars.
Perturbations sur le réseau CTS
Dimanche soir, la CTS estime que la cadencement des tramways des lignes A, B, C et D ne seront plus que de 13 à 16 minutes, voire 20 à 30 minutes pour les lignes E et F. La ligne de bus G circulera toutes les 10 à 15 minutes environ, la ligne H toutes les 13 à 20 minutes. La ligne de bus L1 circulera mais toutes les 9 à 15 minutes environ, la ligne L3 toutes les 14 à 26 minutes et la ligne L6 toutes les 15 à 20 minutes entre Pont Phario et Fort Desaix.
La Compagnie des transports du Bas-Rhin (CTBR), qui exploite 80% des lignes de car Fluo dans le département, annonce une baisse de 40% de son trafic. Les lignes 201, 209, 231, 233, 234, 235, 236, 262, 263, 404,405, 420, 903, 904, 905, 906, 907, 908, 909, 910, 911, 912 devraient circuler normalement, les autres devraient subir des perturbations toute la journée.
Autour de Strasbourg
L’union locale de la CGT de Schiltigheim appelle les salariés des entreprises de la commune (Heineken notamment) à se rassembler à 12h30 place de la Mairie pour rejoindre le départ de la manifestation avenue de la Liberté en cortège.
À Haguenau, les opposants à la réforme sont invités à se réunir le matin à 7h, au rond point situé route de Bitche (devant l’entreprise Schaeffler), pour du tractage avant de partir à 9 heures vers Strasbourg.
Dix-huit communes alsaciennes sont sérieusement contaminées par des substances chimiques utilisées dans l’industrie. Une enquête d’un consortium de médias, dont Le Monde en France, a révélé cette pollution à l’échelle du continent.
Surnommées les « polluants éternels », les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont des composés chimiques de synthèse ultra-toxiques. Invisibles à l’œil nu, ces molécules sont persistantes dans l’environnement et s’accumulent dans les organismes. Des vestes imperméables aux poêles anti-adhésives en passant par les emballages de fast-food, les PFAS relèvent autant d’usages quotidiens que de secteurs plus confidentiels comme la fabrication de mousses anti-incendie. Couramment utilisés par le secteur industriel depuis les années 50, ils sont à l’origine d’une pollution qui durera des centaines… voire des milliers d’années.
Les données concernant la présence de 17 000 sites contaminés par ces polluants éternels en Europe ont été rassemblées dans une base de données par les journalistes du Forever Pollution Project, un consortium international incluant 18 médias dont Le Monde. En France, les bords du Rhin et le bassin du Rhône sont particulièrement touchés par la pollution aux PFAS.
La concentration de pollutions détectées aux PFAS en Alsace sur la carte publiée par Le Monde. (Capture d’écran / Forever Pollution Project)
Sur plus de 900 sites contaminés identifiés en France, environ 200 se trouvent en Alsace, répartis dans 111 communes. Parmi eux, 30 prélèvements font état d’une concentration de PFAS supérieure à 100 nanogrammes par litre (ng/l) — une concentration considérée comme dangereuse pour la santé. Ces sites contaminés sont désignés comme des « hot spots ».
La contamination aux PFAS en Alsace
Sur la carte ci-dessus, chaque point correspond au résultat d’un prélèvement effectué par de multiples sources rassemblées par le Forever Pollution Project. Concernant les mesures alsaciennes, une grande partie des données ont été fournies par l’Association pour la protection de la nappe phréatique de la plaine d’Alsace (Aprona), dans le cadre du projet Ermes-Rhin. Cette étude, menée entre 2016 et 2018 à l’échelle de la nappe phréatique d’Alsace et des aquifères du Sundgau, considère qu’un site est contaminé lorsque la concentration de PFAS est supérieure à 1 ng/l.
4 échantillons positifs sur 5 testés
Victor Haumesser, chargé de la communication de l’Aprona, précise :
« Sur l’ensemble des prélèvements analysés, 80% révèlent une contamination par les PFAS. S’il n’y a pas de point sur la carte, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de contamination, cela veut juste dire qu’il n’y a pas eu de mesure. »
La nappe phréatique d’Alsace alimente près de 80% de la population alsacienne en eau potable, ce qui revient à dire que « toute la population est exposée à des niveaux variables » selon l’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand Est qui rappelle qu’une étude de Santé Publique France l’a confirmé en 2019.
Dans la commune du Vieux-Thann dans le Haut-Rhin, les données font état d’une concentration de PFAS atteignant les 941 ng/l. Les communes de Strasbourg, Colmar, Ingersheim, Ribeauvillé, Berrwiller, Bartenheim, Rosheim, Mundolsheim, Village-Neuf, Lauterbourg, La Wantzenau, Sélestat, Seppois-le-Bas, Obernai, Saint-Louis, Chalampé et Burnhaupt-Le-Bas présentent des sites avec une concentration de PFAS allant de 110 ng/l à 525 ng/l.
Daniel Reininger, ancien président d’Alsace Nature, réagit :
« La pollution des eaux aux PFAS, on en parle depuis longtemps mais le sujet n’avait jamais été creusé avant ces enquêtes journalistiques. La qualité de l’eau est dégradée à la fois par l’agriculture et par l’industrie. On a besoin en Europe d’une cellule d’expertise qui régule la mise sur le marché unique de ces produits chimiques. »
Omniprésents malgré leur toxicité pour la santé
Contactée par Rue89 Strasbourg, l’ARS Grand Est précise par écrit les dangers sanitaires d’une présence de PFAS en forte quantité dans l’environnement :
« Il s’agit généralement de risques chroniques, c’est-à-dire liés à une exposition répétée et à long terme. Les principales sources d’exposition sont l’alimentation et l’eau consommée. L’air intérieur et extérieur est aussi une voie d’exposition possible, mais moins importante, ainsi que l’ingestion de poussières contaminées. »
Quant à leur toxicité, elle est largement établie selon l’ARS, qui indique :
« Les PFAS provoquent une augmentation du taux de cholestérol, peuvent entraîner des cancers, causer des effets sur la fertilité et le développement du fœtus. Elles sont suspectées d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire. Cet effet des PFAS sur le système immunitaire a récemment été mis en exergue par l’EFSA [Autorité européenne de sécurité des aliments, NDLR] qui considère que la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination constitue l’effet le plus critique pour la santé humaine. »
Contactée la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement du Grand Est (Dreal), notamment chargée de prévenir « les risques à fort impact humain » et d’œuvrer à la « préservation des ressources naturelles » n’a pas été autorisée à répondre à nos questions par la préfecture du Bas-Rhin.
De graves risques sanitaires, une réaction tardive de l’État
En France, l’intégralité de la population, adultes et enfants, présente des traces de PFAS dans le sang, selon le programme de biosurveillance Esteban publié en 2020 par Santé Publique France. En particulier les PFOS et les PFOA, des PFAS « historiques », interdits depuis 2009 pour le premier et 2019 pour le second. À Vieux-Thann dans le Haut-Rhin, c’est justement ces substances que l’on retrouve en grande quantité — 444 ng/l selon un prélèvement de l’Aprona effectué en 2016.
Le 17 janvier, le ministère de la Transition écologique a publié un « plan d’actions ministériel sur les PFAS ». Développé en six axes, l’un des objectifs du plan est d’encadrer l’utilisation des PFAS et de fixer des objectifs maximaux d’émissions industrielles. Mais le plan n’évoque pas de dépollution.
À l’heure actuelle, aucun PFAS n’est mesuré dans le cadre du contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation. Une directive européenne (2020/2184) intégrée au droit français en décembre 2022 prévoit de cibler 20 composés chimiques de la famille des PFAS dans les analyses sanitaires de l’eau potable d’ici 2026.
La maire de Strasbourg Jeanne Barseghian a opté pour une rénovation en profondeur du bâtiment principal de l’opéra, plutôt qu’un déménagement. Les travaux doivent débuter en 2026 et devraient durer au moins trois ans.
Les représentations publiques à l’opéra de Strasbourg, place Broglie, se déroulent malgré l’avis défavorable de la commission de sécurité depuis 1997. Systèmes d’évacuation des fumées, absence d’isolement entre la salle et la scène, accès pour les personnes handicapées… Tout est à revoir dans ce bâtiment du « théâtre municipal de Strasbourg » conçu et construit au début du XIXe siècle, et dont la façade est classée à l’inventaire des monuments historiques.
Seule la façade de l’opéra est classée à l’inventaire des monuments historiques (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc
Trois possibilités s’offraient aux municipalités : une mise aux normes, une rénovation ou la construction d’un nouvel opéra. Cette dernière solution était séduisante mais elle s’est heurtée à la brusque « sobriété » dont doivent faire preuve les collectivités locales désormais. Elle posait aussi un nouveau problème : que faire du bâtiment alors que Strasbourg ne sait déjà pas quoi faire du Palais des fêtes ?
Un opéra « à la hauteur de la capitale européenne »
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (EE-LV), a donc opté pour une rénovation en profondeur, comme elle l’a annoncé jeudi 2 mars devant la presse :
« Il s’agit d’un vaste chantier de restructuration qui transformera notre charmant théâtre municipal en opéra contemporain à la hauteur de notre capitale européenne. L’objectif est de mener les travaux tout en maintenant une programmation “hors les murs” de l’Opéra national du Rhin. »
Après des audits menés en 2003 et 2011, une inspection du ministère de la Culture en 2018 et finalement une mission d’information et d’évaluation en 2021, la municipalité a également annoncé le lancement… d’une étude, afin de définir les périmètres et les travaux nécessaires, qui devraient durer au moins trois ans et débuter en 2026.
Selon Jeanne Barseghian, cette vaste opération sera l’occasion de « repenser les missions de l’Opéra national du Rhin (ONR) ». Elle propose de mettre en place un « comité de pilotage politique » afin d’associer aux décisions futures les financeurs et les partenaires de l’ONR. Car la Ville de Strasbourg aimerait ne pas financer seule ces travaux, qui pourraient atteindre 60 à 70 millions d’euros (contre 25 pour une mise aux normes, 300 pour un nouvel équipement). La Région Grand Est étant déjà parmi les financeurs publics, Jeanne Barseghian a également pensé à la Collectivité d’Alsace comme nouveau partenaire possible. Toujours au chapitre financier, cette rénovation devrait bénéficier d’une partie des fonds du contrat triennal Strasbourg capitale européenne (2024-2026).
La grande salle de spectacle peut accueillir 1 200 personnes mais dans un confort relatif et dans des conditions de sécurité insuffisantes (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc
Crise de croissance
L’Opéra national du Rhin est doté d’un budget de 22 millions d’euros, subventionné à 75%, emploie 160 personnes pour 226 spectacles par an en 2018-2019, dont 152 à Strasbourg. La jauge actuelle de la grande salle permet d’accueillir 1 200 personnes mais dans des conditions précaires, avec une partie du public (400 sièges) ne pouvant voir l’ensemble de la scène. L’objectif de la rénovation est de garder une jauge d’au moins 1 100 personnes, tout en offrant un confort optimal et un accès visuel à toute la scène pour tous. Le bâtiment manque en outre de loges, de salles de répétition, d’espace dans le hall d’accueil, de lieux pour les rencontres entre les artistes et le public et d’une salle conviviale pour le personnel. Dans les coulisses, les éléments techniques de manipulation des décors ne sont pas motorisés, ce qui pose d’importantes contraintes au personnel.
La direction de l’opera s’est installée dans une extension préfabriquée Photo : PF / Rue89 Strasbourg /cc
Au vu des ajouts nécessaires, il sera délicat de maintenir l’opéra dans les limites actuelles du bâtiment. L’occupation d’une partie de la place du Petit-Broglie est évoquée pour y installer une extension permanente, à la place du bâtiment préfabriqué de 680 m² occupé depuis 20 ans par l’administration de l’ONR.
Directeur de l’ONR depuis 2020, Alain Perroux se félicite que le futur de son bâtiment amiral se dessine enfin :
« Ces annonces nous soulagent ! Ces trois années “hors les murs” seront l’occasion de rencontrer de nouveaux publics. On a besoin d’une grande scène avec une fosse pour l’orchestre mais seulement pour les opéras classiques. On a produit une fiche technique minimale, afin de s’adapter aux structures existantes dans l’Eurométropole et en Alsace. »
L’installation d’une gigantesque structure temporaire a été évoquée mais Jeanne Barseghian n’a pas souhaité s’engager plus avant, remettant l’ensemble des décisions opérationnelles au futur comité de pilotage qui doit se mettre en place.
Le samedi 4 mars à Koenigshoffen, les Gilets Jaunes du QG « Strasbourg République » organisent une réunion en amont de la grève du 7 mars pour s’organiser et échanger, en partenariat avec Le Canard réfractaire.
Trois jours avant la grève générale prévue mardi 7 mars, la Maison des projets, située au 91 route des Romains à Koenigshoffen, abrite une réunion publique samedi 4 mars à 14h, organisée par les membres du QG « Strasbourg République » des Gilets Jaunes et Yohan Pavec, du média indépendant Le Canard réfractaire.
L’objectif est selon Tom Baumert, membre du mouvement Alternatiba, « d’offrir un espace dans lequel construire la lutte en complémentarité avec le mouvement syndical ». Après plusieurs opérations de tractage des Gilets Jaunes en manifestation, les organisateurs remarquent au fil des discussions avec les manifestants qu’il manque un cadre pour échanger et discuter. « En général, quand la manifestation est finie chacun rentre chez soi, cet évènement est là pour le type de personne qui veulent aller plus loin, » précise le militant.
La réunion abordera la réforme des retraites et l’organisation de la journée du 7 mars, lors de laquelle les syndicats appellent à « bloquer le pays », mais d’autres thèmes seront abordés selon la description de l’événement comme « l’inflation, la précarité énergétique, les négociations annuelles dans les entreprises… »
Un média breton en Alsace
Le Canard Réfractaire, média en ligne, sera présent à la réunion. Né en Bretagne pendant le mouvement des Gilets jaunes (2017-2019), il s’est spécialisé dans le suivi de l’actualité des mouvements citoyens, à travers des vidéos sur sa chaîne Youtube et prévoit un tour de France des mouvements de contestation.
Selon Deborah Fisher du Canard Réfractaire, ces réunions veulent « proposer autre chose que la politique syndicale », des cadres d’organisation relevant directement des personnes mobilisées, dans l’objectif de « globaliser le mouvement ». Présent également, Yohan Pavec, fondateur du média indépendant, doit présenter un panorama des luttes internationales actuelles mises en lien avec les luttes françaises.
Interpellée par des associations, la maire de Schiltigheim Danielle Dambach a organisé une réunion publique mercredi 1er mars au sujet de l’installation d’une zone de maintenance des TER dans sa commune. Face à la colère des habitants, Thibaud Philipps, le vice-président du conseil régional a annoncé remettre en question le projet et vouloir attendre les études d’impact. Reportage.
Après plus de deux heures de réunion publique houleuse à la mairie de Schiltigheim mardi soir, au sujet de l’installation d’un pôle de maintenance des Trains express régionaux (TER) dans la commune, Thibaud Philipps (LR), vice-président de la Région Grand Est chargé des transports, déclare :
« Nous allons réévaluer les impacts pour les habitants. Si cela représente trop de contraintes, je ferai le nécessaire pour trouver un site alternatif qui représente moins de nuisances pour les riverains. »
Thibaud Philipps, vice-président de la Région Grand Est et maire d’Illkirch-Graffenstaden, a finalement indiqué que la Région allait étudier en profondeur les nuisances du projet. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Applaudissements de l’assemblée. La salle est saturée, de nombreuses personnes sont debout, faute de chaises disponibles. Consommation logement cadre de vie (CLCV 67), Mon train j’y tiens, la Cabane des créateurs… Le projet rencontre une ferme opposition de plusieurs associations locales.
De l’activité 24h/24
Censé répondre aux besoins du Réseau express métropolitain (Reme) – une nette augmentation du cadencement des TER autour de Strasbourg-, le pôle de maintenance doit accueillir un atelier, une machine à laver les trains ou encore une station service ferroviaire, avec une activité 24h/24, y compris le week-end. La SNCF estime que l’endroit le plus adapté pour accueillir ces équipements et permettre l’efficacité du réseau est une vaste zone à Schiltigheim, le long de la voie ferrée et rue de-Lattre-de-Tassigny.
La réunion publique a été organisée par Danielle Dambach, maire de Schiltigheim, après des interpellations de riverains. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Au début de l’événement, pendant une petite demie heure, des cadres de la Région et de la SNCF parviennent à présenter leur diaporama. « Vous pouvez aller plus vite ? C’est un fiasco votre truc », lance un homme, faisant référence aux suppressions et dysfonctionnements qui ont suivi le lancement du Reme en décembre. Très remonté, Deny Gass, de la CLCV, prend aussi la parole :
« C’est de l’enfumage. Nous voulons parler de ce qui va se passer pour nous. Le bruit la nuit, les moteurs qui tournent, les odeurs, l’éclairage permanent… »
« Vous êtes face à une opposition formidable »
Plusieurs personnes s’insurgent aussi de la nature de l’événement. « Vous décidez entre vous, et vous venez nous voir aujourd’hui, alors que le projet est déjà ficelé. Nous on peut juste choisir la couleur des portails », lance Raymond Ruck, du collectif Mon train j’y tiens, provoquant les acclamations des autres participants. Alors qu’un représentant de la SNCF tente de reprendre, Jean-Luc Delforge traverse la salle, saisit un micro et se tourne face au public :
« Je suis président du conseil syndical d’une copropriété rue de Sélestat, en lisière du projet. Aujourd’hui, j’entends les oiseaux chanter dans mon jardin. Il y a d’autres zones, par exemple à Cronenbourg, qui peuvent accueillir ce site et qui sont éloignées des habitations. »
Des habitants et membres de collectifs ou d’associations ont adressé une série d’interpellations à la SNCF et à la Région tout au long de la soirée. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Dans la foulée, un homme âgé sort une carte de Strasbourg en s’exclamant que le pôle maintenance pourrait aussi se faire à Reichstett. Quelques minutes plus tard, une femme se lève et souligne un manque d’information sur les nuisances sonores et visuelles concrètes ou les rejets d’effluents. La présentation a effectivement mentionné la nature de ces perturbations, mais pas leur intensité. « Ce soir, vous êtes face à une formidable opposition. Nous demandons à la Région qu’elle coopère avec les habitants, par l’intermédiaire des associations et des collectifs », considère Raymond Ruck.
« L’intérêt général doit primer »
C’est au bout d’une longue série d’interventions de ce type que Thibaud Philipps jette l’éponge. Il annonce que le conseil régional, maitre d’ouvrage du pôle maintenance, va réétudier le projet. Danielle Dambach (EELV), maire de Schiltigheim, se félicite de cette décision, qui a fait suite à la mobilisation des habitants :
« Nous n’avons pas tous les éléments, j’ai encore besoin de réponses, mais la Région va revenir devant nous avec des études nouvelles. »
La salle de l’Aquarium à la mairie de Schiltigheim était pleine pour l’occasion. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Reste à savoir comment la SNCF envisagera les autres emplacements du pôle maintenance, avec ses contraintes financières et logistiques, notamment pour faire fonctionner le Reme. « C’est l’intérêt général qui doit primer, surtout que cette installation coutera des millions d’euros d’argent public. On doit peser les avantages et les inconvénients, mais les nuisances pour les riverains doivent réellement être prises en compte », expose un quinquagénaire au fond de la salle. Danielle Dambach clôt en promettant une nouvelle réunion publique, dés que des informations plus précises sur les nuisances associées à ce projet seront connues.
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Alors que le projet de loi « Asile et immigration » a été présenté en conseil des ministres mercredi 2 février, la préfecture du Bas-Rhin délivre des OQTF assorties d’assignations à résidence dans le village de Bouxwiller, à 45 minutes en voiture de Strasbourg. Des restrictions de circulation parfois contestées par les familles devant le tribunal administratif, qui a déjà estimé pour l’une d’elle que l’État a agi dans la précipitation.
Des dizaines de familles sont à Strasbourg depuis plusieurs années et résident dans des hôtels d’hébergement d’urgence, orientées par le Service d’accueil et d’orientation, le 115. Ces familles, souvent en attente d’une décision quant à leur titre de séjour ou d’une audience pour contester un refus de régularisation ont pourtant reçu des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Et dans le même temps, des assignations à résidence à Bouxwiller, un village du Bas-Rhin de 4 000 habitants, abritant un centre d’aide pour le retour.
Assignés, mais pas logés
C’est le cas d’Adana (le prénom a été modifié) par exemple. Originaire du Kosovo, elle est en France depuis sept ans avec son conjoint et leur fils de 17 ans, scolarisé à Strasbourg. Lorsque la famille a reçu une OQTF en décembre 2022, c’est à Bouxwiller qu’ils ont été assignés à résidence alors qu’ils étaient logés dans un hôtel de l’Eurométropole tandis qu’aucune proposition de logement ne leur a été faite dans le village.
Comme le 4 février, des personnes du collectif « Familles exilées, insérées, engagées pour les papiers » manifestent régulièrement place de la République pour demander des papiers pour toutes et tous. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
En raison de cette assignation à résidence, le père de famille s’est rendu trois fois à Bouxwiller pour émarger auprès de la gendarmerie, avec des proches. Cette contrainte peut être exigée jusqu’à quatre fois par jour en fonction des situations. Un trajet coûteux pour une famille sans ressource – au moins six euros, en bus, pour un aller simple entre Strasbourg et Bouxwiller.
Puis la famille prend peur, quitte l’hôtel d’hébergement d’urgence et cesse de se rendre à la gendarmerie. « Ils se cachent depuis et craignent d’être renvoyés dans leur pays alors que ça fait sept ans qu’ils se construisent une vie en France », confie un proche, dépité, à Rue89 Strasbourg. Se soustraire à une assignation à résidence est passible de trois ans d’emprisonnement.
Des assignations en lot
Avocate à Strasbourg, Claude Berry représente plusieurs familles dans cette situation. Selon elle, ces assignations à résidence, même loin du lieu de vie des personnes, ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau en revanche, ce sont des décisions préfectorales prises le même jour, pour plusieurs familles en même temps, logées au même endroit.
Me Berry a obtenu l’annulation d’une assignation, parce que la préfecture n’avait pas suffisamment examiné la situation des personnes et avait agi dans la précipitation. Mais dans une autre affaire, les juges ont considéré que le « détournement de pouvoir » de la préfecture, l’obligation de quitter leur hôtel pour se rendre à Bouxwiller, n’était « pas caractérisé ».
« Ce ne sont pas les mêmes juges qui s’occupent de tous les dossiers » poursuit l’avocate qui constate qu’il n’y a pas de « vision d’ensemble » des magistrats administratifs sur ces dossiers. En outre, les demandes d’annulation de l’assignation à résidence s’accompagnent parfois d’une demande d’annulation d’OQTF, faisant varier les délais légaux d’examen des dossiers par la justice.
Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Selon une résidente de l’hôtel d’hébergement d’urgence géré par l’association Coallia à Geispolsheim, à deux reprises « avant les vacances » plusieurs familles logées au même endroit ont reçu, toutes en même temps, des OQTF et pour certaines des assignations à résidence à Bouxwiller. « On a l’impression que cet hôtel, c’est un piège : comme s’ils savaient où nous trouver pour nous renvoyer dans notre pays », théorise la demandeuse d’asile.
Un acharnement administratif sans effet concret
Malgré les OQTF, les assignations à résidence et les refus de titre de séjour, les familles « ne partiront jamais », estime Gabriel Cardoen, militant pour la liberté de circulation et d’installation. Il en suit certaines depuis plus de six mois :
« Ces familles sont arrivées en France il y a longtemps, ne parlent certes pas toutes un français parfait mais ont la ferme intention de ne jamais retourner dans leur pays d’origine où elles sont menacées malgré les difficultés administratives. »
Claude Berry avoue son incompréhension :
« Je ne sais pas quel est le but de la préfecture. Les décisions qu’elle prend ne sont jamais exécutées et [les demandes d’annulation] ajoutent une activité peu intéressante et chronophage au tribunal administratif ».
Certains de ses clients se rendent à la gendarmerie pendant le délai imparti (45 jours, renouvelable une fois), mais ne sont pas pour autant renvoyés dans leurs pays d’origine. D’autres prennent peur et se cachent, « sortent du circuit » pendant la durée de l’obligation.
Samedi 4 février, plusieurs femmes étrangères prises dans cet étau administratif depuis des années ont pris la parole lors d’une manifestation organisée à Strasbourg. « En France depuis quatre ans, je n’ai pas le droit de travailler » ont exposé ces mères de familles qui se maintiennent sur le territoire, déterminées à rester avec leurs enfants.
Quant au centre d’aide pour le retour de Bouxwiller, il sonne comme une menace aux oreilles des demandeurs d’asile à Strasbourg. « Je suis en contact avec un couple qui a accepté d’y aller et qui ne semble pas recevoir de pression pour rentrer dans leur pays », nuance Gabriel Cardoen. En revanche, les familles refusent d’y séjourner car elles « ne peuvent pas scolariser leurs enfants à l’école, » selon le militant.
La Région Grand Est, l’Eurométropole et la SNCF prévoient de s’expliquer sur le déploiement chaotique du Réseau express métropolitain européen (Reme), lors d’une réunion publique mercredi 1er mars à Schiltigheim.
Plus de deux mois après le lancement rocambolesque du Réseau express métropolitain européen (Reme), ses principaux instigateurs vont à la rencontre du public. Thibaud Philipps, vice-président Transports de la Région Grand Est, sera présent avec des représentants de l’Eurométropole et de la SNCF à une réunion publique avec la maire de Schiltigheim, Danielle Dambach (EE-LV) mercredi 1er mars à 18h30 à la mairie de Schiltigheim.
L’objectif de la réunion est d’évoquer les conséquences du Reme sur la gare de Schiltigheim – Bischheim et son impact sur le territoire communal. Mais compte-tenu du déploiement catastrophique du Reme en décembre 2022, et de son fonctionnement à 50% des promesses initiales, les questions risquent de dépasser ce cadre…
Financé par l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) et la Région Grand Est, le Reme devait ajouter 800 trains par semaine et de nouveaux cars express à l’offre de transports en commun reliant Strasbourg aux autres villes du Bas-Rhin. Mais un mois après son lancement, à peine plus de la moitié des nouveaux trains annoncés étaient en fonctionnement. Un échec qui a poussé la Région à prendre en charge 50% de l’abonnement des usagers du TER Grand Est jusqu’en avril 2023 ; pour les usagers ponctuels, plus de 1 500 000 billets à prix cassés ont été mis en vente, également jusqu’en avril.
La gare de Strasbourg est trop petite pour accueillir la cadence des trains du REME selon la CGT. Photo : Amélie Schaeffer / Rue89 Strasbourg / cc
Le fonctionnement optimal du Reme prévu pour août
Le nombre de trains du Reme — dont 40% des dépenses de fonctionnement seront assurées par l’Eurométropole — devrait progressivement augmenter pour atteindre sa cadence promiseen août. Lors d’une conférence de presse le 17 janvier, Thibaud Philipps faisait amende honorable :
« Je m’excuse que le Reme n’ait pas fonctionné comme il aurait dû. Maintenant, je veux que les choses soient fiables et progressives. Nous ne pouvons plus faire des annonces que nous ne sommes pas capables de tenir. »
L’unité Inserm U1113 – Irfac, spécialisée en cancérologie et basée au centre hospitalier de Hautepierre, fermera en décembre 2023. En cause : des accusations de violences sexistes et sexuelles à l’encontre du directeur de recherches, qui devait prendre la tête de l’unité.
L’affaire éclate en juin 2022. Une doctorante membre de l’unité Inserm U1113 – Irfac spécialisée en cancérologie, accuse son directeur de recherches de violences sexistes et sexuelles. Les deux tutelles de ce laboratoire, l’Inserm et l’Université de Strasbourg (Unistra), ont lancé en septembre 2022 une procédure spécifique pour enquêter sur les faits. Ses conclusions se répercutent directement sur l’avenir de l’unité, qui fermera à la fin de l’année 2023.
Un directeur de recherches accusé de violences sexistes et sexuelles
La jeune femme a été entendue par des membres de l’Université de Strasbourg, via le dispositif de lutte contre les violences sexistes, sexuelles ou homophobes (VSSH). « L’Unistra a réagi très rapidement », se félicite-t-on au sein de l’école doctorale des Sciences de la vie et de la santé, responsable des doctorants de l’unité :
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Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Les atermoiements de la Collectivité européenne d’Alsace mettent à l’arrêt deux projets d’expérimentation pour l’emploi « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Encore frileux sur le cadre des expérimentations, Frédéric Bierry temporise.
« Zéro chômage de longue durée ! Un objectif impossible ? » Inscrite sur une vieille affiche jaunie, la question reste sans réponse. Sept ans plus tôt, le prospectus annonçait avec entrain un débat sur le sujet au Foyer de l’Étudiant et réunissait, Frédéric Bierry, président du Conseil départemental du Bas-Rhin (devenu Collectivité européenne d’Alsace (CEA) entre temps), Thierry Kuhn, directeur Emmaüs Mundo, et Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoire zéro chômeur de longue durée.
Sept ans plus tard, le débat n’est toujours pas clos entre les trois hommes, mais la réponse devient urgente : deux projets d’expérimentations aboutis, dans des zones couplant les quartiers prioritaires de la Ville Port du Rhin / Ampère et Elsau / Montagne verte, n’attendent que l’accord de la Collectivité d’Alsace pour se lancer. En Alsace, trois autres projets sont en préparation, à Illkirch-Graffenstaden, Schiltigheim et Wittenheim.
« C’est surtout décevant pour les chômeurs, » souffle Marc Desplats d’un air abattu. Président de l’association bas-rhinoise des chômeurs et demandeurs d’emploi (ABCDE), il a suivi l’élaboration du dossier :
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Jeudi 2 mars sur France 3, Manon Aubel sort de l’ombre l’écrivaine et activiste Françoise d’Eaubonne. Née en 1920, elle a créé le concept d’écoféminisme, lutté contre le nucléaire, soutenu le combat des homosexuels… Un destin hors-norme enthousiasmant et méconnu.
Françoise d’Eaubonne (1920-2005) a mené un destin extraordinaire: autrice d’une cinquantaine de livres, elle est cofondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF) en 1968, et du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) en 1971. Elle est de tous les combats féministes, écologiques, libertaires, et malgré cela, elle demeure inconnue.
La réalisatrice Manon Aubel fait un travail salvateur en mettant en lumière cette personnalité qui a tout remis en question. Mère de deux enfants, elle déclare : « J’ai été un très bon père » car elle a choisi son indépendance et son travail. Dans son essai Le féminisme ou la mort, paru en 1974, elle dénonce la violence du patriarcat sur les femmes, les gays, la Terre et crée le concept d’écoféminisme : un humanisme dont l’objectif est la « gestion égalitaire d’un monde à renaître ». Idée qu’elle met en scène dans un roman, Les Bergères de l’apocalypse, qu’elle qualifie de « roman de science-fiction post-patriarcal ». En 1975, elle participe aux nombreuses manifestations anti-nucléaires en Alsace et à un attentat sur le chantier de la centrale de Fessenheim. Il s’agit, selon elle, de « visibiliser la violence de l’État et du capitalisme ».
Françoise d’Eaubonne dans les années 1970 Photo : document remis
Face à cette effervescence d’idées et d’actions, Manon Aubel livre un documentaire à l’image de Françoise d’Eaubonne : extrêmement riche car les archives sont foisonnantes et féministe, notamment grâce aux témoignages de son fils Vincent, de son petit-fils l’écrivain et réalisateur David Dufresne et au dialogue entre trois femmes passionnées par l’écrivaine : l’éditrice Isabelle Cambourakis, sa biographe Élise Thiébaut et l’historienne Caroline Goldblum.
La journaliste et vidéaste Manon Aubel, à Strasbourg le 23 février. Photo : MC / Rue89 Strasbourg / cc
Manon Aubel : En faisant un reportage chez son fils, Vincent d’Eaubonne, je tombe sur les livres de Françoise dans sa bibliothèque et je suis interpellée par les titres comme Le féminisme ou la mort. On est en plein contexte #Metoo et je suis en train de lire Sorcières de Mona Chollet donc forcément je suis intriguée par cette féministe que je ne connais pas. Il se trouve que Caroline Goldblum venait de sortir son livre Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme. Je le dévore et je fais des recherches : je me rends compte qu’il n’existe aucun documentaire sur elle. Dans le même temps, je me rends à Bure, en Meuse, auprès des opposants au centre d’enfouissement des déchets nucléaires et je participe pour la première fois à des réunions en non-mixité, cette force du collectif m’a énormément inspirée.
Qu’est-ce que qui vous plait le plus chez elle ?
Plein de choses ! Je suis impressionnée par le côté foisonnant de sa création, le fait qu’elle soit pionnière sur les questions de genre, mais aussi l’écrivaine de science-fiction, j’adore sa poésie… Elle est très libre et fertile, totalement fascinante ! Elle a questionné la maternité de façon très intéressante. Elle a des enfants mais choisi de les faire élever par d’autres membres de sa famille. Pour elle c’est une responsabilité collective. C’est difficile de créer et d’être mère. Comment fait-on pour travailler, gagner sa vie ? Moi même devant concilier ces contraintes, le mouvement féministe actuel m’a beaucoup aidé pour porter ce film, je me suis sentie soutenue. J’ai l’impression d’apporter une petite pierre à une construction collective intense, à un matrimoine. Nous avons besoin de modèles de femmes, diversifiés. Françoise d’Eaubonne a elle-même écrit beaucoup de biographies sur des femmes, dans cette idée de transmission. Son parcours est extrêmement inspirant. Je crois que ce qui me touche le plus, c’est son courage.
Pourquoi la connaît-on si mal ?
Parce qu’on vit dans le capitalisme patriarcal et que jusqu’à présent on n’a pas accordé aux femmes la place qu’elles méritent ! De plus, ses idées, qui dérangent toujours, dérangeaient encore plus à l’époque… Je suis tombée sur tant d’archives géniales qui n’ont jamais été montrées ! J’ai tenu à faire dialoguer ensemble des intellectuelles qui ne sont pas assez entendues non plus. Caroline Glodblum, Isabelle Cambourakis et Elise Thiébaut ne se connaissaient pas et leur rencontre a été très riche. David Dufresne a pris la parole pour la première fois publiquement sur sa grand-mère, Alain Lezongar, le fils adoptif de Françoise a retrouvé Vincent, etc.
Comment avez-vous rencontré la société de production strasbourgeoise Sancho & Compagnie pour monter le projet ?
J’ai fait une résidence d’écriture à Nantes et c’est quelqu’un sur place qui m’a donné le contact de plusieurs boîtes de production. Laurent Dené, producteur de Sancho & Compagnie, a tout de suite été partant, d’autant plus qu’il connaissait quelqu’un relié à Françoise. Il a l’habitude d’accompagner des premiers films, ce qui m’a rassurée.
Avez-vous eu des difficultés pour contacter des sources ou avoir recours aux archives ?
Les seules archives auxquelles je n’ai pas eu accès sont celles de la police, j’étais très intéressée par ce que les Renseignements généraux pouvaient savoir sur elle, mais ça n’a pas été possible. Je me suis appuyée sur le travail de Caroline Goldblum sur cet aspect. La fille de Françoise n’a pas souhaité témoigné directement, j’ai échangé par mail et par téléphone, mais elle a préféré garder ses distances, ce que je respecte. Le fait d’avoir eu le témoignage de David Dufresne, son fils, la relie quand même à Françoise.
Caroline Goldblum, Elise Thiébaut et Isabelle Cambourakis à l’Institut Mémoire de l’Edition contemporaine Photo : Doc. remis
À part cela, la documentation sur Françoise est incroyable, elle a légué ses archives à l’Institut mémoire de l’édition contemporaine (Imec). Bien sûr, c’est très réglementé et il a fallu âprement négocier pour créer la scène où les trois chercheuses donnent l’impression de fouiller librement dans les archives. Elles sortent des photos et des écrits de tout un tas de boîtes, qui représentent bien le personnage de Françoise qui a brassé tellement de domaines.
Y a-t-il des questions que vous continuez à vous poser sur Françoise d’Eaubonne ?
Je n’ai pas encore exploré le terrain de la spiritualité. Je sais que c’est une question qui lui importait, elle a quand même écrit l‘Évangile selon Véronique ! Dans son rapport à l’écriture aussi : quand on écrit, on entre dans une sorte de transe… Dans les mouvements écoféministes d’aujourd’hui, on interroge beaucoup les croyances et ce en quoi on peut croire pour construire un avenir souhaitable.