Strasbourg est l’un des berceaux des échecs en France, avec un club régulièrement primé qui compte près de 500 membres et propose des rendez-vous réguliers.
Avec 498 joueurs et joueuses, le Cercle d’échecs de Strasbourg est le deuxième plus grand club de France après Châlons-en-Champagne. Il est l’héritier d’une tradition des échecs bien implantée dans la ville, qui a hébergé le premier open international d’ampleur avec 15 nations représentées au début des années 70. Le club lui-même aurait une centaine d’années : de nouvelles archives attestent de son existence dans la ville dès 1924. À partir des années 50, le club concourt à la Coupe de France et a obtenu à ce jour 15 victoires sur 25 finales jouées, selon Daniel Roos, maître International et enseignant d’échecs au sein du club.
Daniel Roos est le fils de Michel Roos, champion de France d’échecs en 1964 et de Jacqueline Roos, grande maîtresse internationale d’échecs par correspondance. Ses deux frères, Jean-Luc, Louis et sa soeur Céline sont également maîtres internationaux et tous sont passés par le club, qui compte en outre parmi ses adhérents Jean-Claude Letzelter, trois fois champion de France d’échecs.
Les locaux du Cercle d’échecs se trouvent au 7 rue des Glacières, près de la Petite-France et sont ouverts aux débutants et aux joueurs confirmés les mardis, mercredis et vendredis en fonction des groupes de niveau, tandis que les samedis sont réservés aux tournois. La licence adulte coûte 47 euros, celle pour les jeunes de 13 à 24 euros.
Une dizaine de « Simultanées » par an
Le Cercle organise une dizaine de fois par an les « Simultanées », des compétitions qui opposent un maître international, généralement Jean-Luc Roos, à une douzaine de joueurs placés en cercle autour de lui. Le maître international affronte alors les amateurs, formés aux échecs ou simples passants, en continu pendant toute l’après-midi… et gagne la plupart du temps. Ces « Simultanées » se déroulent place d’Austerlitz ou quai des Bateliers les week-ends d’avril à juin, puis en septembre.
Les simultanées Place d’Austerlitz Photo : Daniel Roos Les simultanées place Gutenberg Photo : Daniel Roos Les simultanées place Gutenberg Photo : Daniel Roos
Un festival en été
Mi-juillet, le Cercle organise au pavillon Joséphine du parc de l’Orangerie le « Festival d’été de Strasbourg » depuis 2010. Durant trois jours, des amateurs de clubs français et internationaux viennent se défier dans trois tournois selon leur classement pour un premier prix de 1 000€.
Le Festival d’été d’échecs au pavillon Joséphine. Photo : Daniel Roos
En outre, le Cercle participe aux dispositifs proposés aux familles pendant les vacances scolaires, comme la caravane « Passion sports » qui s’installe dans les parcs de Strasbourg. Les parcs de l’Orangerie et de la Citadelle proposent des tables publiques avec des échiquiers dessus.
Dispositif « passion sport » parc de l’Orangerie Photo : Daniel Roos
« Avant, le monde des échecs, c’était dans les cafés »
Daniel Roos
À Strasbourg, quelques bars accueillent les joueurs et les joueuses d’échecs :
La Taverne Française (av de la Marseillaise dans la Neustadt) accueille un groupe d’échecs qui se réunit souvent les jeudis soirs pour des tournois et le reste de la semaine de manière informelle.
La Perestroïka (rue Thiergarten à la Gare), des joueurs d’échecs s’y rejoignent autour d’un verre les mardi soirs à partir de 18h, et se mettent à jouer vers 20h30.
Les bars à jeux (la Barakajeux, le Philibar, le Schluck n’Spiel, les Tricheurs) disposent aussi de plateaux d’échecs.
Pour les étudiants, le Crous organise quelques tournois au cours de l’année en partenariat avec le Cercle d’échecs et ouverts aux débutants. Les étudiants peuvent également s’initier ou pratiquer au sein du Service universitaire des activités physiques et sportives (Suaps) avec des entraînements les mardis de 18h à 20h (Inscriptions sur le site du Suaps).
Pour son deuxième long-métrage de fiction, le réalisateur alsacien Clément Cogitore filme le quartier de la Goutte d’or à Paris, à travers le chemin de croix du solitaire Ramsès, médium de haute voltige, en proie aux rivalités des autres marabouts et à ses propres angoisses. L’artiste, fasciné par l’irrationnel, tente l’expérience de l’au-delà, un pari risqué.
La bande annonce de Goutte d’or
Ramsès, interprété par Karim Leklou (Le monde est à toi, Bac Nord et Pour la France), fait commerce de la peine de ceux qui ont perdu un proche : médium moderne, il surfe vers l’au-delà via internet et s’attire les foudres vengeresses de ses nombreux concurrents du quartier de la Goutte d’Or à Paris.
Son petit trafic commence à dérailler quand une bande d’enfants sauvages débarquant des rues de Tanger s’immiscent dans son appartement et que, lui-même, est en proie à une vision. Comme dans son premier long métrage, Ni le ciel ni la terre en 2015, où des soldats français disparaissaient mystérieusement en Afghanistan, Clément Cogitore mêle une réalité crue et violente, documentée et magistralement mise en scène, à un élément mystique qui fait basculer son personnage. Rencontre avec le jeune cinéaste alsacien et son principal comédien.
Clément Cogitore et Karim Leklou à Strasbourg le 21 février Photo : Pascal Bastien / Divergence
Rue89 Strasbourg: Récurrent dans votre travail, l’irrationnel vient perturber la réalité de vos récits. D’où vient votre intérêt pour le mystique ?
Clément Cogitore: (Moue dubitative) Je ne sais pas ! (Silence)
Karim Leklou : (Rires) Il va mieux répondre à la deuxième question!
Clément Cogitore: La croyance fait partie intégrante de l’expérience humaine. J’en ai besoin. Je trouve que l’irrationnel est trop vite évacué de nos vies mais il résiste : certaines énigmes demeurent. Mais d’où vient mon intérêt, vraiment je ne sais pas…
Karim Leklou: Tu veux rester mystérieux en fait…
Comment est arrivée cette idée que Ramsès, qui dit rentrer en contact avec les morts, ait une vision qui le mène jusqu’à retrouver un corps, ce qui va faire basculer l’histoire ?
Clément Cogitore: Le marabout joué par Karim joue avec l’irrationnel mais lui est plein de certitudes, c’est un bloc de maîtrise et de contrôle, notamment parce que le mysticisme de son père l’effraie. Il veut s’en éloigner. Je voulais qu’il soit secoué par un phénomène irrationnel et que cela endommage son système. Je voulais voir ce que cela dérègle chez lui, quel nouveau rythme cela donne à sa vie et donc au film. C’est un miracle et une malédiction. Pour moi, tout le monde est à la fois rationnel et mystique.
Clément Cogitore : « Tout le monde est à la fois rationnel et mystique. » Photo : Pascal Bastien / Divergence
Dans quel état voulez-vous mettre le spectateur?
Clément Cogitore: J’aime bien que les films en général nous placent dans un état d’inconfort, qu’on ne sache pas sur quel pied danser. Comme Ramsès, à la fin du film, on se demande ce qu’il vient de se passer : est-ce que ça finit bien ou mal ? Comme lorsque nous traversons un choc dans la vie, nous ne savons pas s’il nous a construit ou abimé. Cet endroit instable me passionne. Ce n’est ni facile à faire, ni facile à vendre, mais c’est ce que j’ai ressenti à la fin du montage : j’étais dérangé. Je n’ai pas envie non plus d’essayer de convaincre de quoique ce soit, je voudrais que le spectateur vive une expérience. J’ai envie que le film continue de nous hanter, qu’il nous réveille un peu la nuit.
Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ?
Karim Leklou: Par la directrice de casting Tatiana Vialle, elle m’a demandé de faire une improvisation, chose que je n’avais jamais faite en casting, autour d’une photo et d’un être perdu. Puis j’ai passé des essais avec Clément et ensuite, j’ai accédé au scénario, qui m’a fortement marqué.
Est-ce qu’il vous a déstabilisé ?
J’étais absolument émerveillé d’avoir un tel objet scénaristique entre les mains : profond, puissant, avec une galerie de caractères dingues ! Ramsès était un personnage incroyable à défendre. Et puis, je connaissais le travail de Clément et sa façon de mettre en scène.
Karim Leklou : « Le personnage de Ramsès s’est construit pendant des mois » Photo : Pascal Bastien / Divergence
Est-ce que vous avez « trouvé » Ramsès dès la lecture du scénario ? Comment avez-vous travaillé la cohérence de personnage qui tient tout le film ?
Karim Leklou : C’est un personnage qui s’est construit pendant un mois de répétition, avec l’ensemble des acteurs. On a travaillé sur cette idée de transmission avec le père (interprété par Ahmed Benaïssa), avec en même temps cette peur de tomber dans ses travers. Il fallait trouver la faille affective du personnage. C’était aussi un plaisir immense de travailler avec Cécile Rodolakis, qui est une des meilleures scriptes de France. Elle est aussi garante de cette cohérence.
Si je vous dis que j’ai trouvé votre interprétation christique ?
Karim Leklou : (Il se tourne vers Clément Cogitore) Pourquoi pas ? Je pense que Clément a voulu aller à l’universel, intégrer toutes les croyances et il fallait un personnage qui puisse incarner cela.
Une réunion d’information et de soutien à la Maison Mimir est prévue mardi 28 février à Strasbourg. L’association en charge de l’espace autogéré en grande partie incendié début février présentera les pistes pour le futur du projet solidaire et festif.
La Maison Mimir invite ses sympathisants et le public général à une réunion mardi 28 février à 19h au centre Ithaque, 12 rue Kuhn dans le quartier Gare. Après l’incendie qui a détruit la bâtisse alsacienne du XVIe siècle qu’occupait l’association le 9 février, une plainte a été déposée afin de suivre l’enquête de police et les Mimiriens espèrent rester à rue Prechter, puisqu’une partie des espaces sont restés intacts.
La réunion aura pour but dans un premier temps d’informer « Mimiriens et Mimirophiles » de la situation de l’association et des activités depuis l’incendie, et d’examiner les suites de la plainte déposée pour « destruction involontaire du bien d’autrui, dû à la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ».
La maison Mimir a été entièrement détruite par un incendie au matin du 9 février (doc remis)Photo : Document remis
Il s’agira également de discuter de la possibilité ou non de rester dans les anciens bâtiments. Une décision qui pose selon Guillaume Libsig, adjoint à la maire en charge de la vie associative, « des questions techniques, de sécurité et de police du bâtiment. » Certaines pistes évoquent un déménagement des activités à Koenigshoffen, où la Ville a ouvert un espace de solidarité (La T’Rêve) mais une partie des Mimiriens y sont opposés, évoquant des proximités nécessaires avec les douches publiques des Bains municipaux et le foyer d’accueil rue Fritz-Kiener.
« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Onzième épisode avec Marie-Thérèse Freno, militante syndicale et Gilet jaune.
Du cœur industriel de la Moselle aux manifestations des Gilets jaunes à Strasbourg, Marie-Thérèse Freno aura traversé près d’un demi-siècle de mobilisations sociales le poing levé. Trop jeune pour avoir participé aux événements de mai 1968, elle commence à travailler dans les années 70 alors que les conflits sociaux agitent toujours les hauts-fourneaux de la vallée de la Fensch.
Au cours de l’un d’eux, elle fait la rencontre de militants syndicaux et adhère à la CGT. Quelques mois plus tard, âgée de seulement 17 ans, elle crée une section syndicale dans son entreprise et porte les revendications de la cinquantaine d’ouvrières du site. Au tournant des années 80, les grandes industries mosellanes commencent à fermer et la militante s’installe en Alsace. Tout juste embauchée à la brasserie Fischer, elle se fait remarquer en portant des revendications salariales et devient représentante du personnel. À ce poste, elle croisera le fer avec le géant Heineken jusqu’à la fermeture du site en 2009.
Marie-Thérèse Freno lors de la manifestation contre la réforme des retraites, le 7 février 2023 à Strasbourg. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc
Licenciée, Marie-Thérèse Freno enchaîne les petits boulots quand éclate la révolte des Gilets jaunes. Cette infatigable de la lutte y trouve un second souffle au sein du « QG Strasbourg République ». « Ça reflétait un peu ce que j’avais connu dans mes entreprises. » Elle manifeste, prend la parole, scande les slogans. Toujours active avec ceux qu’elle considère comme une famille, Marie-Thérèse continue le combat :
« Je n’ai pas envie de m’arrêter maintenant, à 65 ans. Même si je suis à la retraite, j’ai des enfants qui sont encore jeunes et des petits-enfants. Je n’ai pas envie qu’ils aient toute cette merde qu’on a sur le dos. »
Marie-Thérès Freno, militante syndicale et gilet jaune. Photo : AL / Rue89 Strasbourg
La Fédération Alsace des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs appelle à une grève ce jeudi 23 février. Intervenant en soutien de personnes vulnérables, ils demandent une revalorisation de leurs commissions.
« Pas d’appel, pas de visite, pas d’audition ». Le mot d’ordre de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs (MJIPM) est suivi en Alsace comme ailleurs ce jeudi 23 février. Dans un communiqué, les mandataires alsaciens mobilisés annoncent vouloir afficher « l’inaction de l’État, qui témoigne d’un désintérêt de [leur] travail » par la tenue d’une journée de grève.
Profession méconnue du système judiciaire, les MJIPM font office de curateurs, à la place d’un membre de la famille, pour des personnes majeures placées sous une mesure de protection juridique, en raison de leur condition physique ou mentale. Pour eux, les MJIPM remplissent un rôle d’aidant, en faisant de l’accompagnement social, financier ou juridique.
La FMJI Alsace dénonce également l’absence de concertation avec les services de l’État sur leurs pratiques. (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg
« Quelle profession accepterait cela ? »
Parmi ses revendications, le mouvement insiste particulièrement sur le gel des rémunérations des MJIPM, établie sur la base du salaire minimum de 2014 tandis que leur temps de travail croît en raison « du désengagement des services sociaux et médico-sociaux » ou des « aléas » entourant le versement de leurs émoluments. La présidente de FMJI Alsace, Julie Picard, explique :
« Les conventions de financement ne cessent de vouloir imposer aux MJPMI des clauses conditionnant le versement de notre rémunération à l’octroi de subventions étatiques, c’est-à-dire qu’en l’absence de subventions de l’État, ne nous sommes pas payé même si le travail a été effectué. Quelle profession accepterait cela ? »
En plus de leur mobilisation, la fédération a écrit aux députés et sénateurs alsaciens, espérant les alerter sur leurs conditions de travail.
Dans ses décisions rendues ce jeudi 23 février, les juges considèrent que la préfecture du Bas-Rhin a régularisé les textes autorisant le Grand contournement ouest (GCO). L’association Alsace Nature, qui demandait la « déconstruction du GCO », est déboutée.
Le Grand contournement ouest (GCO) ne sera pas déconstruit, afin d’y réinstaller les champs et les forêts qui existaient en lieu et place de ces 24 km d’autoroute avant 2020. Le tribunal administratif de Strasbourg valide, ce jeudi 23 février, les autorisations accordées pour construire le GCO, considérant que les vices relevés par l’association Alsace Nature ont été régularisés par la préfecture du Bas-Rhin.
En juin 2022, près de 7 000 camions circulaient tous les jours sur le GCO. (photo JFG / Rue89 Strasbourg) Photo : Jean-François Gérard / Rue89 Strasbourg
Le tribunal avait notamment estimé que « l’étude d’impact et les dossiers de demande de dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats étaient entachés d’insuffisances. Il avait en outre relevé des manquements concernant des mesures d’évitement et de réduction des atteintes à l’environnement », selon un communiqué.
Finalement, le délai accordé par le tribunal a été de facto étendu jusqu’à l’été 2022. Des arrêtés complémentaires ont été pris la préfecture du Bas-Rhin en juillet après de nouveaux éléments produits par la Sanef et Vinci. Lors d’une audience en janvier 2023, la rapporteure publique avait fait le constat des régularisations demandées et elle avait recommandé au tribunal de débouter l’association Alsace Nature (voir notre article).
Intérêt public majeur reconnu
Dans un communiqué, le tribunal administratif considère que « l’étude d’impact est désormais suffisante » et que « les mesures destinées à compenser les atteintes à l’environnement ont été suffisamment renforcées ». Il accorde en outre « l’intérêt public majeur » au GCO et notamment dans un « objectif de santé publique. »
À noter que, bien qu’Alsace Nature ait été déboutée de ses demandes, le tribunal a accordé dans ses trois décisions des indemnités de 2 000€ à l’association, reconnaissant par là son rôle de vigie environnementale et citoyenne « à l’origine des régularisations ». L’association étudie la possibilité de faire appel et a réagi aux décisions dans un communiqué :
« Le passage en force de l’Etat et la lenteur de la justice administrative ont conduit, quoi qu’on en dise, à un déni de justice indigne d’un État de droit. La non suspension des travaux en septembre 2018 “à titre exceptionnel”, ainsi que le jugement qui intervient ce jeudi alors que le GCO est en service depuis plus d’un an, illustrent parfaitement ce constat. »
Me François Zind, l’avocat d’Alsace Nature, rappelle en outre qu’il s’agira d’être vigilant quant à la réalité des mesures compensatoires obtenues :
« Nous savons déjà que certaines d’entre elles ne sont toujours pas effectives alors qu’elles auraient dû l’être avant le démarrage des travaux. Les aménageurs ont tendance à se désintéresser des mesures compensatoires une fois l’autorisation accordée… »
Inadaptation de la justice aux enjeux climatiques
Mais l’avocat engagé dénonce surtout « l’inadaptation de la justice au regard des enjeux climatiques et de pertes de biodiversité » :
« La décision intervient après la commission des dommages écologiques et tente de justifier a posteriori ce qu’elle devait analyser avant. En outre, le principe constitutionnel de la participation du public aux aménagements d’intérêts publics n’a pas été respecté : l’avis des experts du Conseil national de protection de la nature (CNPN), de la Commission locale de l’eau, de l’Autorité environnementale, et des trois commissions d’enquêtes publiques ont été purement et simplement niés. »
De son côté, le collectif GCO – Non merci conteste toujours l’utilité publique de cette autoroute, en rappelant qu’à peine « 3% du trafic routier sur la M35 » s’est reporté sur le GCO et qu’aucune amélioration significative de la qualité de l’air à Strasbourg n’avait pu être détectée (voir notre article). Le collectif appelle à un rassemblement public ce jeudi soir.
L’ouverture d’une enquête pour agression sexuelle ciblant le conseiller régional Christian Debève plonge le Conseil régional du Grand Est dans un malaise profond. Au sein de la majorité, le silence est requis.
« Potache », « lourd », « pas subtil ». Derrière une cascade d’euphémismes, les propos évasifs d’élus se ressemblent, lorsqu’il s’agit de décrire l’attitude de Christian Debève (UDI). Le conseiller régional est soupçonné de s’être introduit au domicile d’une collègue et de l’avoir agressée sexuellement. Une enquête préliminaire est ouverte. Dans les rangs de la majorité, on reste frileux sur l’affaire.
Dès la parution d’un article évoquant cette affaire dans les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA), Franck Leroy donne le ton. Par communiqué, le président de la Région Grand Est, explique qu’il ne lui « appartient pas, à l’instant où la justice est saisie, de commenter une affaire intervenue dans un cadre privé dont il ne détient pas l’ensemble des éléments. » Bien qu’il précise que ces faits, « s’ils étaient avérés », sont « incompatibles avec la poursuite de tout mandat électif », cette courte réaction restera l’une de ses seules prises de parole publique sur le sujet.
« Sans plus de commentaires »
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Une dizaine de salariés de Castorama ont passé la nuit de mardi 21 à mercredi 22 février dans le magasin de Lampertheim, avec leurs sacs de couchages et leur gilets CGT. L’objectif est d’obtenir une hausse des salaires.
« Dormir, c’est un bien grand mot. La direction a laissé la musique d’ambiance dans le magasin toute la nuit. » Xavier Gaspard, vendeur du magasin Castorama de Lampertheim et délégué syndical CGT, a installé son sac de couchage dans l’établissement durant la nuit du mardi 21 au mercredi 22 février avec huit de ses collègues, venus d’autres magasins de France. L’objectif de cette action syndicale est d’obtenir 200€ nets d’augmentation pour les salariés.
Une dizaine de délégués syndicaux se sont installés à Lampertheim Photo : doc remis
« Je gagne 1 400 euros par mois après 13 ans d’ancienneté, » s’afflige Xavier Gaspard. « Comment vivre avec ce salaire alors que tout augmente ? » Pour le syndicaliste, cette occupation vise à répondre à « l’urgence vitale » de la situation des salariés de Castorama. La section CGT de l’enseigne spécialisée dans les articles de bricolage réclame de nouvelles négociations sur les salaires. En 2022, les salariés avaient obtenu une une augmentation « de rattrapage de l’inflation », limitée à 50 euros bruts par mois.
Les salariés se sont installés où ils pouvaient dans le magasin Photo : doc remis
D’autres occupations à venir
C’est la deuxième occupation d’un magasin Castorama en France depuis 2019, la précédente avait eu lieu dans le premier magasin historique de Castorama, à Englos près de Lille.
Xavier Gaspard justifie ces occupations par un « contexte différent » :
« L’occupation de 2019 avait permis d’obtenir une “prime Macron » de 200 à 300€ selon les cas. Mais ce ne sont que des mesures pansements. Ce qu’on demande, c’est une hausse pérenne de nos salaires. »
Les grévistes attendent toujours une réponse de leur direction quant à leurs demandes, faute de quoi ils prévoient d’occuper d’autres magasins. Dans la nuit de mercredi à jeudi, ils devraient s’installer dans le magasin de Colmar.
Contactée, la direction de Castorama Lampertheim n’a pas répondu à nos sollicitations. La direction de Castorama a réagi par un communiqué qui « condamne toute action illégale » :
« L’occupation nocturne d’un magasin n’est ni un moyen ni un lieu de dialogue social. Par ailleurs, nous avons à cœur d’offrir une rémunération attractive à nos équipes, intégrant à la fois le salaire de base et des dispositifs qui les associent aux performances de l’entreprise. En 2022, nos collègues ont touché en moyenne plus de 15 mois de salaire. Dans le cadre des NAO 2022, une revalorisation de la grille salariale permettra une évolution de 7,3% entre mars 2022 et mars 2023, avec au minimum de 70€. (…) »
Mercredi 22 février, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé l’interdiction du festival de black metal national socialiste programmé le samedi 25 février dans les environs de Saint-Dié des Vosges. Jeudi, la préfecture des Vosges annonce avoir pris un arrêté d’interdiction.
La « nuit pour le sang » sera-t-elle annulée ? C’est un jeu du chat et de la souris qui commence entre les organisateurs du festival de black metal national socialiste et les préfectures. La localisation des concerts de ces groupes de la mouvance néonazie n’est pas encore connue. C’est pour cette raison que le ministre de l’Intérieur a demandé mercredi 22 février aux six préfectures potentiellement concernées d’interdire l’événement. Selon France Bleu, Gérald Darmanin a « mis à disposition des moyens pour faire respecter cette interdiction ».
Le groupe de rock néonazi Match Retour était en concert ce samedi 14 mai à Sainte-Croix-aux-Mines. Il avait déjà joué en avril 2019 en Meurthe et Moselle pour célébrer l’anniversaire d’Hitler.
Dans un communiqué publié jeudi 23 février, la préfète des Vosges, Valérie Michel-Moreaux, annonce avoir interdit la tenue de ce concert au nom de la préservation de l’ordre public :
« La dénomination des groupes de musique devant se produire à ce festival s’inscrit dans une lignée symbolique nazie. Au regard de ces éléments, ce festival est susceptible de donner lieu à des propos et des gestes incitant à la haine raciale, à la violence et à l’apologie des crimes commis par les nazis durant la Seconde guerre mondiale, propos et gestes répréhensibles au plan pénal. Cet événement constitue, par l’idéologie qu’il promeut, un trouble majeur à l’ordre public en raison de l’atteinte qu’il porte à la dignité humaine. »
Le communiqué précise en outre que « les forces de sécurité intérieure, renforcées durant tout le week-end, seront mobilisées pour faire respecter cette interdiction ».
De son côté, la préfecture du Bas-Rhin a pris un arrêté interdisant tout rassemblement festif à caractère musical de type « Rave party », « Free party » ou « Teknival » du vendredi 24 au lundi 27 février.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Une série de manifestations, conférences, débats et projections commémorent à Strasbourg le 24 février 2022, lorsque les forces armées russes ont envahi l’Ukraine, plongeant l’Europe et l’occident dans une guerre conventionnelle.
Il y a un an, malgré les alertes, personne ne pouvait croire qu’une guerre conventionnelle se déroulerait à nouveau sur le continent européen. Un an plus tard, l’Ukraine résiste toujours aux assauts des forces armées russes. Depuis Strasbourg, un réseau de solidarité s’est formé à partir de l’association de la diaspora Promo Ukraïna, qui coordonne, à l’occasion de cette date anniversaire, une série d’événements.
Jeudi 23 février
Les associations Mouvement européen d’Alsace et PromoUkraïna organisent jeudi 23 février une conférence « Unis pour l’Ukraine » au Studium, sur le campus de l’Université de Strasbourg. Cette conférence vise à faire le point sur les actions de solidarité en place entre Strasbourg et l’Ukraine avec :
Mathieu Schneider, vice-président de l’Université de Strasbourg, chargé des actions de solidarité,
Alexis Vahlas, conseiller politique des missions civiles de l’Union européenne,
Philippe Breton, administrateur de la Croix-Rouge française,
Günter Schirmer, chef du Secrétariat de la Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Vendredi 24 février
Vendredi 24 février à 9 heures, une cérémonie commémorative des victimes du conflit se tiendra près du palais du Conseil de l’Europe (CoE), en présence de la représentation permanente d’Ukraine auprès du CoE, du vice-ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine et des responsables du CoE. L’hymne ukrainien sera chanté par Iryna Duvarry.
Toujours dans les locaux du Conseil de l’Europe, une exposition d’une cinquantaine de photos, intitulée « L’année de la résilience », est inaugurée à partir de 9h45 dans le foyer du comité des ministres du Conseil de l’Europe. Jusqu’à 15h, une vente caritative est organisée au profit de l’Ukraine et à 14h, une projection du documentaire « Surmonter les ténèbres » du collectif Kinodopomoga est proposée. Ces événements nécessitent une autorisation d’accès aux locaux du Conseil de l’Europe, qui seront illuminés aux couleurs de l’Ukraine durant ces deux journées.
À 13h dans le hall de l’hôtel de la Collectivité d’Alsace, un concert en soutien au peuple ukrainien est proposé, ainsi qu’une présentation de la composition picturale « Le Semeur » par Christophe Hohler. À 13h45, un convoi d’aide humanitaire partira du parvis de la Collectivité d’Alsace en direction de l’Ukraine.
Il y a un an, une manifestation spontanée s’était rassemblée devant le consulat de Russie Photo : Rue89 Strasbourg / cc
À 16h50, les associations PromoUkraïna et Mouvement européen d’Alsace appellent à une manifestation de soutien à l’Ukraine sur la place du Château près de la Cathédrale. Les organisateurs proposent aux participants de porter les couleurs bleu et jaune de l’Ukraine lors de cet événement. La manifestation sera inaugurée par un discours du représentant permanent d’Ukraine auprès du Conseil de l’Europe et ancien ministre des Affaires étrangères d’Ukraine, Borys Tarasyuk.
À 18h, une messe est prévue dans la Cathédrale de Strasbourg, co-célébrée par l’aumônier ukrainien et l’évêque de Strasbourg, Mgr Luc Ravel.
Samedi 25 février
Le lendemain à 14h, des Russes opposés à la guerre organisent un rassemblement devant le consulat de Russie à Strasbourg pour exprimer à nouveau leur protestation « contre l’effusion de sang, qui dure depuis une longue et terrible année, » annonce l’association CommePasse dans un communiqué. Cette manifestation se veut également un soutien à tous les Russes qui sont pourchassés et persécutés dans leur pays pour s’être prononcés contre la guerre.
La France doit « être méchante avec les méchants et gentille avec les gentils », selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à propos de son projet de loi pour l’asile et l’immigration. Telle n’est pourtant pas l’expérience de deux ados scolarisés à Strasbourg depuis 2017 et qui espèrent depuis six ans être régularisés.
Ils sont en France depuis 2017. De prime abord, Greg et Nicole (les prénoms ont été modifiés) sont des lycéens comme les autres. Parfaitement francophones, vêtus de doudounes noires, vissés à leurs téléphones. Sont-ils suffisamment « gentils » pour plaire au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui semble préparer une nouvelle loi sur l’immigration avec des critères de sélection étonnants ?
L’un rêve de devenir avocat, l’autre, comédienne. Mais Greg et Nicole ne rentrent pas tous les soirs dans un appartement où ils peuvent réviser confortablement. Sans papiers, les deux jeunes errent dans des hébergements d’urgence, chez des proches ou voire dans une voiture. « Ce n’est pas toujours facile mais je me débrouille pour faire au mieux les devoirs qui sont notés », explique Greg, qui passe son bac de français à la fin de l’année.
Lycéens et engagés
Parmi les lectures obligatoires pour préparer l’épreuve anticipée, il affectionne particulièrement l’ouvrage intitulé Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouge, guillotinée en 1793. « Elle se battait pour l’égalité après la Révolution française mais n’était pas prise au sérieux. C’est un exemple pour moi car avec notre collectif, on se bat pour notre égalité. »
« Ce truc d’être gentil avec les gentils, on voit bien que ce n’est pas vrai, on nous traite comme des méchants, c’est pour ça qu’on manifeste », explique-t-il. « Parmi les demandeurs d’asile il y a des individus qui sont irréprochables, respectables et qui n’ont jamais enfreint de lois », abonde Nicole.
Son téléphone n’est jamais loin. Entre les cours, Greg s’implique avec son collectif pour manifester contre le refus des demandes d’asile prononcés contre des personnes intégrées à la société française comme lui. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Les parcours migratoires des deux lycéens sont similaires. Après plusieurs mois en Allemagne, les deux familles viennent demander l’asile en France en 2017, comme le permet le premier article de la convention de Genèveratifiée en 1954. Greg avec ses deux parents, son frère et sa sœur, Nicole avec sa mère, ses quatre sœurs et son frère. L’asile leur est refusé à plusieurs reprises (voir notre article sur le parcours de demande d’asile).
Mais Greg et Nicole ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine. « Si on rentre en Albanie, on est en danger, mes sœurs et moi », explique Nicole. Ils restent donc en France où ils sont scolarisés et demandent des réexamens de leurs demandes. En Arménie, d’où est originaire Greg, l’Azerbaïdjan bloque l’accès à la région du Haut-Karabakh depuis décembre 2022, laissant des milliers d’Arméniens dans la faim et l’incertitude.
Pluie d’OQTF, toujours annulées ou caduques
Ils reçoivent en outre des obligations de quitter le territoire français (OQTF), parfois annulées car la famille est encore en demande d’asile, parfois devenues caduques car non appliquées pendant plus d’un an. « Au début ça me faisait peur, je pensais qu’ils allaient nous renvoyer dans notre pays, mais en fait, c’est ici chez moi », explique Greg. Parti d’Arménie à neuf ans, il n’y est jamais retourné.
En dernier recours, les deux jeunes et leurs familles ont demandé à la préfecture des « admissions au séjour exceptionnelles ». Ces demandes ont été refusées : « rien ne s’oppose à ce que [les enfants] accompagnent leur mère dans le pays de destination [l’Albanie, NDLR] où il n’est ni établi ni allégué qu’ils ne pourront s’adapter facilement », lit-on sur le refus opposé à la mère de Nicole.
Pourtant, la circulaire Valls de 2012 précise aux responsables de l’État comment interpréter les dispositions du Code d’entée et de séjour des étrangers arrivants (Ceseda). Elle explique que pour caractériser la vie familiale, les enfants doivent être scolarisés depuis au moins trois ans et la famille établie en France depuis cinq années. Deux conditionsque remplissent les familles de Greg et de Nicole.
Dans des pochettes colorées, Nicole conserve les précieux documents qui viendront appuyer leur demande de régularisation devant le tribunal administratif. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
C’est les mains occupées par deux pochettes en carton que Nicole s’installe à la table du café pour raconter son histoire. Elle profite de ses deux semaines de vacances pour faire le point sur les documents demandés par la préfecture, par son avocat et par l’assistante sociale. Mais surtout, elle a plus de temps pour apprendre son texte. « Depuis février 2022 je fais partie d’une troupe de théâtre », explique-t-elle, des étoiles dans les yeux. « Quand je suis sur scène, je me sens bien, je ne pense plus aux problèmes de bagarres à l’hôtel où nous sommes logés ni au fait que je n’ai pas de papiers ».
Rêver de papiers et de projecteurs
Deux fois par semaine, elle répète sur les planches et affine son interprétation de la Toinette de Molière. La représentation du Malade Imaginaire qu’elle travaille depuis un an approche :
« Un mois après avoir commencé le théâtre, j’étais déjà sur scène, j’ai pris confiance : c’est l’effet des personnes qui sont gentilles et qui t’encouragent ».
Parmi ces personnes, Jean-Pierre met en scène le spectacle. Il a été surpris à la découverte de la situation de la comédienne. « Au début elle n’en parlait pas, c’est quand on la ramenait chez elle après les répétitions que je me suis rendu compte qu’elle vivait dans un hôtel », se souvient-il. S’il vient titiller sa timidité lorsqu’elle est en scène, Jean-Pierre respecte la pudeur de Nicole quand vient le temps de parler de sa vie personnelle. « Je ne veux pas que tout le monde sache, après ça parle, au lycée », élude la jeune femme, qui n’invite jamais ses amis chez elle.
Partie à six ans et demi de son village d’Albanie où elle gardait des moutons et n’allait en ville que « deux ou trois fois par an », Nicole a déjà eu plusieurs vies. « En arrivant en Allemagne, je passais mes journées à jouer au ping-pong car on n’avait pas école », explique-t-elle. À son arrivée en France, elle doit apprendre la langue pour pouvoir suivre les cours au collège. Admise au lycée, elle étudie aujourd’hui les métiers de l’accueil.
Pudeur au lycée
Chaque début d’année, Claire-Marie Blandin contacte les parents de ses élèves pour faire connaissance. C’est comme ça qu’elle découvre que Greg n’a pas de papiers et dort parfois dans une voiture. L’enseignante met tout de suite en place une aide pour qu’il ait accès à des fournitures scolaires et à la cantine. « Je lui ai proposé de mettre au courant ses camarades, mais il a refusé ». « Ça ne les regarde pas, s’ils ne savent pas, je peux être qui je veux », précise Greg, préférant lui aussi être un élève comme les autres. En section internationale allemand, il a obtenu les félicitations du conseil de classe au premier trimestre.
Nicole passe une bonne partie de ses vacances entre les rendez-vous administratifs et les répétitions de théâtre. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
Dans le lycée de Greg, après la dernière OQTF reçue par la famille, les lettres de soutien se sont multipliées de la part de ses professeurs. Toutes « à titre personnel », précise son enseignante principale, et non au nom de l’établissement. On y découvre un élève « remarquable », « curieux », « investi », « soucieux des autres », « manifestant une envie de réussir », fournissant un travail « régulier et approfondi ». Une pétition a également circulé entre les enseignants du lycée et réuni des dizaines de signatures.
Nicole voit son futur en France. Et si ses deux grandes sœurs commencent à fonder des familles, elle reste concentrée sur ses études et ses ambitions. « D’abord, je veux arriver à avoir des papiers, pour le reste, on verra », sourit-elle, lucide.
Les deux adolescents doivent se présenter en février et mars devant le tribunal administratif de Strasbourg pour tenter d’obtenir, malgré le refus de la préfecture, de nouvelles autorisations exceptionnelles de séjour.
Pour assouvir l’appétit de la Chine en chênes français, des négociants asiatiques ont mis en place un système de blanchiment du bois reposant sur une myriade de sociétés écrans et la complicité de revendeurs peu scrupuleux, comme le révèle une infiltration de Disclose au cœur d’un réseau de trafiquants franco-chinois.
« Contactez-moi si vous avez du bois à charger en containers ». Des messages comme celui-ci fleurissent depuis plusieurs années sur le réseau social Facebook. À la manœuvre, des dizaines de traders chinois à la recherche de plusieurs essences de bois, dont l’or vert : le chêne français.
Le précieux feuillu, qui représente plus de 40 % des essences forestières du pays, est devenu une ressource très convoitée par l’industrie du bois chinoise. Des centaines de milliers de mètres cubes de chênes quittent ainsi le territoire français chaque année en direction des ports de Qingdao, Dalian ou de Shanghaï. Pour faire face à cet appétit vorace, le gouvernement français a mis en place un label baptisé « Transformation UE ». Celui-ci interdit que les chênes issus des forêts publiques du pays soient exportés hors de l’Union européenne sans avoir été préalablement transformés — plus de 80 % des chênes vendus par l’Office national des forêts (ONF) sont protégés.
Le précieux feuillu, qui représente plus de 40 % des essences forestières du pays, est devenu une ressource très convoitée par l’industrie du bois chinoise. Photo : Document remis
Pour contourner le label et mettre la main sur les troncs vendus par l’établissement public, des traders chinois ont mis en place un vaste système de blanchiment du bois, avec le concours de revendeurs français peu scrupuleux, comme le dévoile une infiltration de Disclose au cœur de ce milieu fermé.
Infiltration
Pour accéder à ce réseau de trafiquants, nous nous sommes fait passer pour un négociant en bois de l’est de la France, prêt à vendre des chênes labellisés « Transformation UE ». Il nous a suffi de créer un faux profil Facebook et de contacter des traders revendiqués en leur demandant s’ils étaient intéressés par du chêne français. En l’espace de trois mois, une vingtaine d’intermédiaires asiatiques sont entrés en discussion avec nous. Certains d’entre eux souhaitent acheter rapidement des troncs. Avec, à chaque fois, une astuce clé en main pour blanchir l’origine du bois pourtant labellisé par l’ONF et donc interdit à l’exportation vers la Chine avant transformation.
L’un d’entre eux, qui se fait appeler Alan, propose de contourner le label UE en vendant nos chênes à une entreprise de transport lituanienne avec laquelle il travaille. « Elle fait le contrat avec vous, ensuite ils envoient vos grumes en Chine depuis un port français », explique-t-il.
Aucun risque d’être confondu par les autorités, promet notre interlocuteur : « L’expéditeur sur la facture sera l’entreprise lituanienne ». Un risque d’autant plus faible que les Douanes françaises sont à la peine : « Les effectifs étant insuffisants en douane, la politique des contrôles de notre administration est quasiment réservée à l’importation des marchandises », regrette un responsable régional des douanes du Havre joint par Disclose. En l’absence de contrôle, le bois se retrouvera donc quelques semaines plus tard en Chine.
Aucun risque d’être confondu par les autorités, promet notre interlocuteur : « L’expéditeur sur la facture sera l’entreprise lituanienne. » Photo : Document remis
Une scierie en Bosnie
Un autre intermédiaire, Anna, propose une voie différente. Basée en Serbie, celle qui se présente comme une « acheteuse à son compte de chênes, d’épicéas, de tilleuls et de hêtres » propose de brouiller les pistes en transformant notre marchandise depuis des scieries basées en Bosnie et en Serbie, deux pays candidats mais non-membres de l’Union européenne. « Nous produirons des planches là-bas puis nous les exporterons en Chine », détaille la tradeuse. Elle l’assure : une fois vendus à sa société, les chênes ne seront plus traçables par les autorités françaises, alors même que la transformation du bois aura lieu hors du territoire de l’UE, ce que le label interdit.
Un courtier résidant à proximité du port de Shanghaï propose de voir avec « un ami en Belgique » pour que celui-ci établisse un contrat entre son entreprise et nous. Une façon de brouiller les pistes, car, après vérification, l’ami belge n’est autre qu’un négociant spécialisé dans l’export de bois vers la Chine, le Vietnam et l’Inde.
Le business des sociétés écrans
Parfois, les traders recourent à des sociétés écrans domiciliées en France. C’est le cas de Warren, un intermédiaire d’origine chinoise opérant depuis Paris, qui nous propose de vendre nos chênes labellisés à une société française immatriculée dans la capitale, dans le 14e arrondissement. L’entreprise, spécialisée dans « la transformation du bois », selon ses statuts, a été créée en octobre 2021 par une certaine Yi D., une citoyenne chinoise résidant en région parisienne, avant d’être reprise par Peng Y., un Chinois de Qingdao, l’un des principaux ports chinois impliqués dans l’import de bois.
Pour accéder à ce réseau de trafiquants, nous nous sommes fait passer pour un négociant en bois de l’est de la France, prêt à vendre des chênes labellisés « Transformation UE ».
Après vérification, la société n’a pas de locaux à Paris, mais une simple boîte aux lettres créée par une agence de domiciliation d’entreprises qui propose, à partir de 10 euros par mois, d’installer le siège social d’une société « sur un site autre que de lieu de travail ou de résidence » du propriétaire. Le but : maquiller l’origine de l’acheteur afin d’expédier la précieuse matière première directement vers la Chine. Un système illégal et bien huilé. « La demande d’import vers la Chine est très forte, n’ayez pas d’inquiétude par rapport au label », souligne le trader.
Itinéraire d’une cargaison illégale de chênes
Désormais, les traders ne sont plus les seuls sur le coup. Avec l’explosion des prix et la baisse des ressources disponibles, des sociétés chinoises ont commencé à investir le marché via des filiales opaques. Objectif : écarter les courtiers en achetant directement aux scieries et aux exploitants français du bois public.
Une entreprise dirigée par des Chinois et établie en France a attiré l’attention de Disclose. En 2021, cette société basée dans la Marne a réalisé l’intégralité de son chiffre d’affaires à l’export. D’après nos informations, elle exporte des containers remplis de chênes bruts issus de forêts publiques protégées. Comme ce fut le cas en février 2022. Dans une vidéo tournée clandestinement dans une scierie de l’est de la France et que Disclose s’est procurée, on peut voir des troncs issus de ventes de l’Office national des forêts chargées dans des containers destinés à être expédiés vers la Chine.
Pour déjouer les contrôles, les plaques collées sur les troncs par l’ONF ont préalablement été retirées avant leur chargement dans les containers installés sur des camions immatriculés en Belgique et en Bulgarie. En traquant les containers, Disclose a découvert qu’ils ont été embarqués au port d’Anvers, le 10 mars 2022, sur un cargo de la compagnie Cosco Shipping, battant pavillon hongkongais. Les troncs ont ensuite parcouru 25 600 kilomètres en passant par le canal de Suez pour atteindre, quatre semaines plus tard, le port de Shanghaï, sur les côtes chinoises. Ni vu ni connu.
Le bois de chêne coupé puis vendu par l’Office national des forêts (ONF) est au cœur d’un vaste commerce illégal entre la France et la Chine. Disclose dévoile comment des traders asiatiques et des exploitants français contournent l’interdiction d’exporter le bois brut hors de l’Union européenne.
Un SUV blanc rutilant dévie de la route, s’engage sur un chemin boueux. « C’est eux », glisse Étienne (le prénom a été modifié), propriétaire d’une scierie de chênes nichée près de la frontière belge, aux confins des Ardennes. Deux hommes descendent de la voiture et se dirigent vers les dizaines de troncs empilés les uns sur les autres sur une trentaine de mètres. Des chênes qui, pour certains, ont été coupés dans les forêts publiques françaises.
Les deux hommes, d’origine chinoise, sont des négociants en bois. Des traders chargés de fournir des hommes d’affaires chinois en chênes achetés auprès de grossistes français souhaitant vendre leur marchandise au plus offrant. Smartphone en main, ils photographient les grumes, les troncs bruts, sous tous les angles. « Dans cinq minutes, ces photos sont chez quatre sociétés chinoises à Shanghaï. Si l’on a un feu vert, ça peut partir en containers dans deux semaines », détaille Étienne, un brin admiratif. Pour lui, l’enjeu est de taille. « J’ai ici l’équivalent de dix containers de chênes, soit 250 m3, explique-t-il. Si je les transforme sur place, cela fait une perte de 40 000 euros pour l’entreprise. S’ils partent en Chine, cela fait un gain de 15 000 euros. » Les trois hommes s’éloignent pour régler les derniers détails. En toute discrétion. Et pour cause : la transaction est illégale.
Disclose a enquêté sur le trafic de chênes entre la Chine et la France, troisième producteur mondial de cette essence qui couvre 41% de la surface forestière du pays. De Paris, aux Ardennes en passant par la Haute-Marne ou la Meurthe-et-Moselle, nous avons découvert un vaste réseau de blanchiment du précieux feuillu impliquant des traders chinois, des revendeurs français et une myriade de sociétés écrans. Le tout, dans l’indifférence de l’État et l’absence quasi-totale de contrôle des douanes.
Pillage organisé
Pour comprendre l’origine de cette opération de pillage organisé au détriment d’une exploitation raisonnée des forêts et de la défense de l’industrie française du bois, il faut remonter à l’année 2015. À l’époque, afin de protéger les chênes issus du domaine public de toute exportation sauvage, l’Etat crée un label baptisé « Transformation UE ». Pour l’obtenir, les exploitants forestiers doivent « transformer ou s’assurer de la transformation » des chênes en France, ou dans un pays membre de l’Union européenne. En échange de quoi, elles disposent d’un accès « prioritaire » aux ventes de l’Office national des forêts (ONF), qui commercialise 50 % des chênes mis sur le marché par an dans le pays — plus de deux millions de mètres cubes ont été récoltés en 2021. Mais très vite, le détournement se met en place.
Coupe rase d’épicéas atteints par les scolytes dans les Vosges du Nord Photo : d’illustration / JC Génot / doc remis
Étienne, le scieur ardennais, se souvient :
« Quand j’ai participé à ma première vente réglementée de l’ONF, en 2016, une société a raflé 80 % de la vente. C’était un scieur qui venait de créer une nouvelle société pour continuer à vendre en Asie parce que les marges sont bien supérieures. J’ai découvert à ce moment-là que certains dopaient leurs ventes en créant des sociétés écrans ».
L’entrepreneur ne tarde pas à prendre le pli afin de tromper, lui aussi, les autorités françaises en dissimulant ses exportations illégales, et bien plus lucratives, vers la Chine.
Montages de sociétés écrans
Pour échapper aux contrôles, il crée deux sociétés. La première est une société écran officiellement engagée dans la transformation du bois dans l’UE — elle a donc obtenu l’agrément pour acheter des chênes publics à l’ONF. La seconde est spécialisée dans le négoce avec l’Asie. La tromperie est simple : avec sa première entreprise, Étienne achète des chênes protégés par le label UE avant d’en mélanger une partie avec des chênes issus du marché privé puis de les revendre avec sa seconde entreprise. De cette manière, les comptes de sa société labellisée ne font état d’aucune transaction hors de l’Union européenne. Factures à l’appui, le négociant explique avoir expédié des centaines de mètres cubes de chênes protégés vers la Chine, sans jamais être inquiété :
« Le cabinet d’audit mandaté par l’APECF (l’association chargée de délivrer le label autorisant l’achat de chênes publics, NDLR) me demande chaque année de lui envoyer un tableau récapitulatif des factures de ma première société, mais il ne vérifie pas les stocks. »
Interrogée, l’APECF rappelle que « 100% des entreprises [labellisées] sont contrôlées tous les ans par contrôle documentaire (documents comptables) », plus « 10 à 20 investigations complémentaires sur site tous les ans ». Des procédures qui ne suffisent pas à décourager la fraude, comme en témoignent les propres chiffres de l’association : les radiations d’entreprises labellisées pour « faute constatée » ou « refus de contrôle » ont été multipliées par plus de 9 entre 2016 et 2022.
Rares sont ceux qui se font pincer. Comme ce fut par exemple le cas de Romain N., un exploitant forestier de Meurthe-et-Moselle. Entre septembre 2019 et janvier 2022, ce dernier a acheté 1 500 m3 de chênes bruts provenant de forêts publiques pour plus de 100 000€, d’après les données de vente de l’ONF que nous nous sommes procurées. Des troncs qu’il expédiait ensuite en Chine. « On l’a pris en flagrant délit en train de charger plusieurs dizaines de mètres-cubes de chênes labellisés », confirme un cadre de l’ONF, sous couvert d’anonymat. Romain N. a écopé d’une simple suspension des ventes de l’ONF. Sollicité à plusieurs reprises pour réagir à ces accusations, l’exploitant n’a pas donné suite.
Combien sont-ils, comme Étienne ou Romain N., à envoyer illégalement des chênes protégés vers la Chine ? En 2020, sur les 271 entreprises autorisées à acheter des troncs vendus par l’ONF, 21 ont été suspendues, selon un cadre de l’établissement, qui a demandé à garder l’anonymat. En réalité, le trafic serait bien plus massif, comme semble le confirmer Ludivine Ménétrier, une agente de l’ONF qui officie dans le département forestier de la Haute-Marne. « Deux à trois fois par mois, pendant les ventes de chênes labellisés, on voit des containers dans les forêts », admet celle qui se dit incapable de contrôler toutes les transactions, faute de personnel et de moyens. Pourtant, selon Ludivine Ménétrier et d’autres agents de l’ONF interrogés, les containers sont quasiment tous destinés au marché chinois.
La bonne affaire des tempêtes de 1999
Les premiers traders asiatiques sont arrivés sur le marché du bois français à la faveur des tempêtes de 1999. A l’époque, les rafales avaient fait tomber des millions d’arbres qu’il fallait vendre rapidement, mais les débouchés locaux manquaient. Pour beaucoup d’exploitants, la Chine offrait alors une issue idéale. Depuis, le phénomène s’est dangereusement amplifié, poussé notamment par la décision du gouvernement chinois, en 2017, d’arrêter l’exploitation intensive et l’abattage commercial de ses forêts naturelles. Mais aussi par l’annonce récente de la Russie, deuxième producteur de chênes au monde, de cesser les exportations dans le pays. Moins regardante et moins protectrice de ses ressources forestières, la France est donc devenue un producteur de premier choix. D’après les dernières données douanières, près de 294 000 m3 de chênes bruts ont été exportés vers le géant asiatique en 2022, faisant du pays le principal destinataire de ce marché qui concerne les forêts privées, mais aussi, donc, le domaine public.
L’ONF dilapide des milliers de chênes
Le pillage des forêts publiques n’est pas le seul fait de scieurs peu scrupuleux. D’après notre enquête, l’ONF dilapide lui-même des milliers de mètres-cubes de chênes. En analysant les comptes rendus des ventes en ligne de l’établissement public entre septembre 2019 et janvier 2022, soit plusieurs dizaines de milliers de transactions impliquant plus de 1 200 sociétés (scieries, négociants, exploitants, transporteurs), Disclose a découvert que des lots dont l’essence dominante est le chêne ont été vendus sans le label UE. En clair, ces dernières années, l’ONF a vendu des centaines de milliers de mètres-cubes de chênes non protégés de l’export direct vers la Chine.
Sollicité, l’ONF, par l’intermédiaire d’Aymeric Albert, directeur commercial bois, confirme la vente de chênes publics sans label. Il avance le chiffre de 16% du volume total des troncs mis aux enchères. Un volume qui proviendrait « majoritairement des articles restés invendus lors de leur première présentation en vente et des peuplements où le chêne est très minoritaire », justifie l’établissement. Interrogé à son tour sur cette fuite de bois protégé, le ministère de l’Agriculture est resté silencieux.
Pourquoi l’ONF ne protège pas tous ses chênes ? Pour Aymeric Albert, la faute reviendrait aux maires des communes rurales propriétaires de forêts et parfois peu enclins à trier les différentes essences de bois qu’ils vendent : « Nous portons la politique [de labellisation des chênes] mais après ce sont eux qui décident. » Dont acte. Il omet néanmoins de mentionner que la mise en vente des lots mélangés prend beaucoup moins de temps et coûte nettement moins cher. Une aubaine pour les trafiquants.
Après cinq journées de fortes mobilisations contre la réforme des retraites, les syndicats font le plein de nouvelles adhésions. Mais c’est le signe d’un sentiment croissant d’inquiétude dans la population…
« Force ouvrière, Isabelle, bonjour. » Dans son bureau du quatrième étage de la maison des syndicats, Isabelle Dupont assure l’accueil de l’union départementale Force Ouvrière du Bas-Rhin. « Une manifestation prévue à Haguenau ? Non madame, jeudi, c’est seulement à Strasbourg. » Salariée du syndicat depuis sept ans, Isabelle constate une augmentation de l’activité depuis le début du mouvement social. Plus de coups de téléphone, plus de monde à la permanence juridique du mardi après-midi, plus d’adhésions aussi :
« Je m’occupe des adhésions de personnes isolées, celles qui ne sont pas dans une entreprise où il existe déjà une section syndicale. J’en reçois en moyenne une quinzaine par semaine en ce moment contre une ou deux d’habitude. C’est beaucoup et c’est sans compter celles qui se font dans les sections. »
La secrétaire sort de son bureau une pochette pleine de bulletins d’adhésion siglés FO. « Il y a un militant qui m’en a ramené. Depuis hier, avec celles que j’ai faites, il y a eu 16 adhésions en tout. »
Isabelle Dupont, salariée du syndicat Force Ouvrière, compte les bulletins d’adhésion reçus depuis la veille. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc
« Les gens se syndiquent parce qu’ils ont peur »
Dans le couloir, quatre personnes patientent pour des conseils juridiques. Isabelle constate l’effet du mouvement social, y compris sur la fréquentation de la permanence :
« Les gens sont inquiets pour leurs retraites. Donc quand ils ont des problèmes avec leurs employeurs, ils pensent peut-être plus à l’avenir. Je pense qu’ils viennent plus facilement se renseigner quand il y a litige. »
De son bureau, la salariée observe aussi l’arrivée de personnes parfois très éloignées des syndicats :
« Au niveau des adhésions, j’ai eu des personnes qui n’auraient jamais pensé adhérer à un syndicat, mais veulent se protéger. Les gens se syndiquent parce qu’ils ont peur de l’avenir. »
Depuis le début du mois de février, ce renouveau des adhésions s’étale dans la presse nationale. Plus 7 000 adhérents par semaine selon Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT. À la CGT : plus 50% d’adhésions par rapport à l’année dernière à la même période. Force Ouvrière déclare de son côté 2 800 nouvelles adhésions par internet en janvier.
« Quand tout va mal, on a besoin de syndicats qui se battent »
Au niveau local, Éric Borzic, le secrétaire général de l’union départementale FO du Bas-Rhin se montre prudent avec les chiffres : « On a le nez dans le guidon avec les manifs, les intersyndicales… On a aussi une activité forte par rapport aux élections professionnelles. Je ne peux pas tirer de conclusions à ce stade. »
Installé à son bureau, il rentre tout juste de la manifestation des salariés de Heineken à Schiltigheim. Sur son téléphone, les notifications d’appels et de messages s’accumulent : « Tiens, qu’est-ce qu’ils veulent les renseignements territoriaux ? » Puis le syndicaliste reprend :
« Les adhésions : ce sont des cycles. Pendant longtemps les choses se mettent en sommeil. Puis les gens viennent parce qu’il y a un problème dans leur entreprise. Ce sont parfois des demandes individuelles pour des défenses devant les prud’hommes… Et puis il y a les grands rendez-vous sociaux. Cette réforme des retraites, elle touche tout le monde. Les gens se mobilisent, viennent nous voir spontanément et une partie d’entre eux prennent la carte. Quand tout va mal, on a besoin de syndicats qui se battent. »
Éric Borzic, secrétaire général de l’Union Départemental Force Ouvrière du Bas-Rhin. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc
“On n’a pas vu ça depuis longtemps”
Sabine Gies, secrétaire générale de la CFDT Alsace, pose le même constat :
« Ce qui se passe sur les adhésions en ce moment est très exceptionnel. C’est lié au fait que la majorité de la population soutient le mouvement. Je n’ai jamais connu ça pendant une période aussi longue. »
Ce soutien, les militants syndicaux le constatent aussi dans les cortèges. Au-delà de l’affluence, c’est l’intérêt de nombreux manifestants pour les syndicats qui surprend bien des vieux routiers des luttes. Secrétaire général de l’union départementale CFTC du Bas-Rhin depuis neuf ans, Laurent Walter raconte :
« À chaque manifestation, on voit des gens qui nous rejoignent, qu’on ne connait pas, qui n’ont pas de carte d’adhérent. Ils nous demandent un drapeau ou une chasuble et manifestent avec nous. »
Dans le couloir de la permanence FO, impossible d’ignorer le mouvement social en cours. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc
La preuve par l’exemple
Depuis l’émergence de mouvements spontanés comme celui des Gilets jaunes, les syndicats ont parfois été dépassés par d’autres formes de contestation, plus spontanées, comme lors du mouvement de grève des contrôleurs SNCF en décembre 2022. Mais avec la réforme des retraites, les syndicats démontrent qu’ils sont toujours capables de porter la contestation sociale. De quoi redonner du baume au cœur des militants syndicaux. « Il est arrivé que les distributions de chasubles ou de drapeaux dans les manifs soient laborieuses, explique Sabine Gies. Aujourd’hui, nos adhérents sont fiers de les porter. » Si Éric Borzic espère faire reculer le gouvernement au plus vite, il se réjouit : « les gens voient que les syndicats servent toujours à quelque chose. »
Le mardi après midi, l’Union Départemental FO accueille une permanence juridique. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc
Les nouveaux venus auront accès aux publications syndicales, à des conseils personnalisés. Ils pourront participer aux réunions et s’investir dans les sections. « Dès qu’on touche un premier salarié dans une entreprise, il devient intéressant car il peut en pousser d’autres à se syndiquer, » indique Sabine Gies qui reste prudente, tout comme Éric Borzic de FO : « Il y a un engouement. Mais est-ce que c’est un effet ponctuel ? On verra. »
Dans une décision du lundi 20 février, le tribunal administratif de Strasbourg ordonne aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de mettre en place un système fiable pour décompter les heures de travail des médecins.
Fin 2022, le syndicat des jeunes médecins du Grand Est avait alerté la direction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) que leur système de comptage du temps de travail des médecins, par tranches de demi-journées, masquait de nombreuses heures de travail supplémentaires non payées ou non rattrapées. La direction des HUS avait ignoré cette demande. Le syndicat a attaqué devant le tribunal administratif, saisi en référé le 13 février, ce « rejet implicite »
« Il s’agit ici d’assurer le respect effectif de la durée légale de travail »
Le décompte actuel du travail quotidien aux HUS se fait sur la base de demi-journées, de cinq heures le jour et de sept heures la nuit. Un système déconnecté de la réalité d’un terrain où les urgences et autres imprévus poussent les médecins à dépasser ce nombre d’heures. Lors de l’audience au tribunal administratif mercredi 15 février, l’avocate du syndicat des jeunes médecins du Grand Est Me Cornélie Durrleman a défendu cette procédure en rappelant l’obligation de l’employeur vis-à-vis du temps de travail de ses salariés :
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Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.