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La lutte pour la pose des Stolpersteine face aux réticences

La lutte pour la pose des Stolpersteine face aux réticences

Série « Des pavés dans les mémoires » (2/3). Les poses des Stolpersteine ou pavés de mémoire sont de plus en plus nombreuses en France, mais ces commémorations sont parfois critiquées. Plusieurs villes comme Mulhouse ou Paris y sont même opposées. Si certains évoquent le respect des victimes, d’autres raisons s’apparentent plus à un refus de regarder en face un passé qui dérange.

Les gestes sont assurés et précis : le pavé est inséré dans le macadam de la rue Herder, près de l’Orangerie. Un coup de maillet pour bien l’enfoncer, puis une brosse pour enlever terre et poussière. Dans un silence pesant d’émotion, l’assemblée suit cette opération non autorisée dans certaines communes en France. Un coup de chiffon ensuite. La plaque de laiton brille, faisant ressortir un nom, « Marc Blum ». Des larmes sont essuyées sur les visages graves.

Nicole, 97 ans, est aujourd’hui entourée de ses enfants, petits enfants et arrières petits-enfants. Elle a vécu dans cette maison et n’a pas oublié les années heureuses, avant la fuite pour échapper aux nazis. Marc Blum était son grand frère, jeune étudiant en chimie, mort en déportation en 1944 à l’âge de 23 ans. Une des nièces de Nicole prend la parole :

« La vraie mort c’est l’oubli. Nous, on n’a jamais oublié. Désormais, les gens de la rue Herder, et tous les Strasbourgeois, ne pourront plus oublier que Marc Blum a vécu ici. »

100 000 pavés posés en Europe

Chemise en jean, chapeau marron aux larges bords, c’est Gunther Demnig lui-même qui a planté le pavé ce mardi 25 avril. L’artiste allemand a lancé ce projet des pavés de mémoire, ou Stolpersteine, dans les années 90. L’idée est de commémorer le souvenir des victimes du nazisme en marquant leur ancien domicile, lieu de travail ou d’études par des cubes de béton recouverts d’une plaque de laiton, avec une inscription qui honore leur mémoire.

En tout, environ 100 000 pavés ont été posés à travers l’Europe. Gunther Demnig ne les a pas installés tous, mais il aime à faire le déplacement parfois pour faire grandir « le mémorial décentralisé le plus important d’Europe ». En plus de la famille ce jour là, des membres de l’association Stolpersteine 67 sont présents, ainsi qu’un étudiant en histoire qui a retracé le parcours de Marc Blum et pris contact avec sa famille, et enfin des habitants actuels de l’immeuble, associés aussi à la cérémonie et heureux d’y prendre part.

L’artiste allemand Gunter Demnig pose le pavé en mémoire de Marc Blum, strasbourgeois juif déporté et assassiné en 1943 à l’âge de 23 ans. Photo : SW / Rue89 Strasbourg

Oppositions diverses

Si les pavés de mémoire sont de plus en plus nombreux, le projet ne fait pas toujours l’unanimité. Les résistances peuvent être diverses et ne s’expriment pas toujours frontalement. En Alsace et ailleurs, Stolpersteine 67 et Stolpersteine France, les deux associations qui ont repris le flambeau en France, ont été confrontées à toutes sortes de réactions. Richard Aboaf, membre de Stolpersteine 67, se souvient :

« À Barr, au départ, deux conseillers municipaux d’extrême droite se sont opposés à l’installation, avant de se rétracter. Il arrive aussi que les maisons devant lesquelles les pavés sont installés aient été spoliées à des Juifs, et ceux qui y habitent ne veulent pas se confronter à cette histoire, cela a été le cas à Stuttgart par exemple. Enfin, parfois il y a d’abord un refus, comme un Allemand qui habite au quartier des XV dans une maison devant laquelle nous souhaitons installer un pavé de mémoire… Mais en parlementant, on arrive à convaincre. La pose devrait avoir lieu en juin. »

Normalement, l’avis des résidents n’est pas requis. Contrairement à celui de la municipalité, car le pavé s’implante dans le domaine public. Christophe Woerlé, de l’association Stolpersteine France, soupire en faisant la revue des arguments qu’on a pu lui opposer : 

« On m’a objecté à La Baule que poser des plaques pour des Juifs serait inconstitutionnel et une  rupture du principe de laïcité. Dans une mairie parisienne j’ai entendu “encore les Juifs?” , qu’il fallait passer autre chose, et qu’on parlait assez de la Shoah comme ça. »

« Les Juifs n’ont pas disparu de France »

L’enseignant poursuit : « C’est bien la preuve que ces pavés font encore “stolpre” (trébucher en alsacien, qui se dit stolpern en allemand, NDLR). » En France, l’exemple le plus marquant est celui de Paris. Le professeur d’histoire de 54 ans fait partie du groupe à l’origine d’une pétition demandant à la capitale française d’accepter ce mode de commémoration. La réponse par mail de la municipalité reçue par l’association en septembre 2020 lui paraît « lunaire » :

« Les Stolpersteine ne sont pas adaptés au travail de mémoire parisien. Les Juifs n’ont pas disparu de France, ils sont encore présents. Les Stolpersteine renvoient une image qui ne convient pas à la France, où 75% des Juifs ont survécu. »

Le nom de Marc Blum est désormais inscrit dans la rue où il a vécu avant d’être déporté. Photo : SW / Rue89 Strasbourg

Des arguments chiffrés auxquels certains opposent les plus de 37 000 Juifs, Français ou non, arrêtés et déportés dans la capitale, recensés par Serge Klarsfeld, soit environ la moitié des déportations sur l’ensemble du territoire. Le nombre de pavés pourrait donc être très important.

Un passé dur à confronter

Régis Schlagdenhauffen est chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a beaucoup travaillé sur la mémoire de l’Holocauste, notamment en Alsace et en Allemagne, et s’énerve de cette hypocrisie : 

« En effet, il y a énormément de victimes en France car le régime de Vichy a non seulement collaboré mais a fait encore plus que ce que demandaient les nazis. Il y a quelquefois encore des problèmes à se confronter à cette histoire. Cet argument serait valable en Allemagne, pourtant c’est là que les pavés sont les plus nombreux. »

L’héritage de l’Alsace en la matière, annexée, n’est pas des plus simples à confronter, il a longtemps été délicat de regarder cette histoire en face, et le travail des historiens se poursuit. À noter que les deux associations pionnières en France dans la pose des Stolpersteine sont toutes les deux alsaciennes. Même si le passage de flambeau est tardif, est-ce la proximité de l’Allemagne qui l’explique ?  

Ne pas marcher sur les morts

Parfois, les réticences émanent aussi des communautés dont sont issues les victimes. Par exemple, le consistoire juif du Bas Rhin s’opposait avant 2017 à ces poses. Selon l’actuel grand rabbin de Strasbourg, Harold Abraham Weill, le consistoire y voyait une commémoration inappropriée : le fait de planter ses pavés par terre, d’avoir des noms de déportés au niveau du sol peut heurter. Les plaques commémoratives sont susceptibles d’être piétinées, par inattention ou à dessein, voire souillées. La municipalité de Roland Ries ne voulait pas aller à l’encontre des représentants de la communauté.

Le rabbin Harold Abraham Weill a pris la parole pendant la cérémonie de pose d’un pavé en mémoire d’Alfred Thimmesh, mort à Mauthausen en 1944. Photo : SW / Rue89 Strasbourg

Harold Abraham Weill a pour sa part été tout de suite intéressé par le projet lorsqu’il lui a été présenté. La voix est ouverte à la pose de Stolpersteine depuis sa nomination en 2017. Le jeune rabbin a d’abord tenu à se prononcer d’un point de vue religieux :

« Ce pavé n’est ni une pierre tombale, ni une sépulture, donc le fait qu’il soit au sol ne pose pas de problème du point de vue rabbinique. D’ailleurs, le symbole, de taille modeste, me paraît plutôt en phase avec nos traditions qui sont dans la sobriété quand il s’agit de cimetières. Beaucoup des victimes des nazis n’ont pas du tout de sépulture, d’un point de vue personnel, le fait d’inscrire leur nom dans le sol, qui touche au patrimoine intime de la ville, ça me parle. »

Harold Abraham Weill ne prétend pas s’exprimer au nom de tous les fidèles : « Il n’y a pas d’objet parfait pour exprimer la mémoire. » Le grand rabbin de Strasbourg comprend ceux qui pensent que la pose au sol n’est pas appropriée, ou que les dimensions de l’objet ne sont pas à la hauteur du souvenir dû : « Mais les oppositions qui invoquent des raisons religieuses n’ont pas lieu d’être. » 

Pas de pavés à Mulhouse

À Mulhouse, l’autre grande ville alsacienne, les Stolpersteine n’ont pas droit de cité. Paul Quin, adjoint chargé des cultes et du devoir de mémoire explique que la ville préfère d’autres formes de commémoration : 

Les pavés sont dispersés, de plus il ne nous apparaît pas respectueux et approprié que l’on puisse marcher sur les noms de ces victimes. Nous nous sommes renseignés auprès de la communauté juive et du consistoire et nous avons voulu tenir compte de leurs objections. »

Le fait que Gunter Demnig soit allemand, que son père ait été membre du parti national socialiste, et ait sauté en parachute sur Guernica, laisse aussi circonspects certains. Le grand rabbin Harold Weill balaie cet argument :

« Je ne m’intéresse pas à son histoire personnelle, est ce que c’est une forme de thérapie pour lui de sillonner l’Europe avec cette démarche ? Ça ne me concerne pas. Je ne veux pas rentrer là dedans, sinon c’est sans fin… »

Des élèves en visite au camp du Struthof. Photo : SW / Rue 89 Strasbourg

Concurrence de la mémoire

À Strasbourg, les premiers pavés ont été posés pour des Juifs déportés qui n’avaient pas de descendants. Autrement, les familles sont systématiquement consultées et associées. Le rabbin Weill a appris que son père avait entamé des démarches pour la pose de Stolpersteine à Mackenheim pour sa tante, son mari et leur fille, déportés à Auschwitz. 

Moins dicible, pointe aussi une forme de compétition quand il s’agit d’évoquer cette mémoire de l’Holocauste. Plusieurs témoignages recueillis regrettent l’opposition ferme de la fondation Klarsfeld. Cette structure fondée en 2000, poursuite du combat de Beate et Serge Klarsfeld, est à l’origine des mémoriaux de Paris et Drancy. Elle appuie beaucoup de projets, mais rejette les Stolpersteine, et dicte l’attitude de certaines municipalités, regrette Christophe Woehrlé :

À Paris la mairie suit ce que veut la Fondation. Les seules poses de pavés ont eu lieu sur le domaine privé. Le mémorial au centre de Paris est invoqué comme lieu de mémoire suffisant. Nice et Lyon refusent également au prétexte qu’il existe déjà des monuments… Mais les pavés viennent en complément et pas en concurrence d’autres monuments. »

Dans le troisième épisode, Rue89 Strasbourg racontera que les Stolpersteine entendent aussi rappeler le souvenir des Yéniches, des handicapés, ou encore des homosexuels, aussi victimes de la barbarie nazie.

« J’aime beaucoup Monet et PNL » : à 20 ans, l’artiste Artemile expose pour la première fois à la galerie M5

« J’aime beaucoup Monet et PNL » : à 20 ans, l’artiste Artemile expose pour la première fois à la galerie M5

Pendant trois jours, le jeune artiste strasbourgeois Artemile expose ses tableaux entre impressionnisme et culture urbaine à la galerie M5 à Strasbourg. Un vernissage est programmé le vendredi 19 mai à 18 heures.

Dans son petit appartement du quartier des Contades, Artemile accueille chaleureusement. Aux murs, ses peintures imposantes créent une ambiance sombre. « C’est ici que je peins », explique-t-il en désignant un chevalet simple. À 20 ans, l’étudiant en licence d’arts plastiques est suivi par plus de 17 000 personnes sur Instagram. Les 19, 20 et 21 mai, l’artiste originaire de Colmar expose une sélection de tableaux à la galerie M5 à Strasbourg.

« Je n’ai pas envie de me limiter »

Peinture à l’huile, acrylique, gouache, bombe aérosol, photographie… Artemile touche à tous les supports artistiques :

« Je me cherche encore. Je suis jeune et que je n’ai pas envie de me limiter. Même si on commence à reconnaître mon travail, je sais que c’est encore très varié. J’expérimente. »

Lorsqu’Artemile peint, c’est debout et en musique. Il écoute de tout et aussi du rap français, qu’il traduit en dessin. Sur ses tableaux, les paysages côtoient ses rappeurs préférés dans un style emprunté aux impressionnistes. « J’aime beaucoup Monet et PNL », sourit le jeune homme.

L’étudiant peint dans son appartement et stock ses toiles dans un petit coin. « Je ne peux pas faire de tableaux trop grands car je ne saurais pas où les mettre », avoue-t-il. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Il a déjà composé des pochettes d’albums pour Dosseh ou La Pépite :

« Quand j’écoute de la musique, c’est comme si j’imaginais des couleurs dans sa tête. C’est exactement ce que j’essaie de retranscrire lorsque je fais une pochette. Et surtout, je veux que mon image parle à tout le monde. »

Symboles du rap, technique de Van Gogh

À la croisée des mondes et des époques, Artemile utilise les visages du rap et les techniques de Van Gogh. Il mélange ses couleurs à même la toile et joue avec la peinture, sa texture, sa transparence, son mouvement. Une vraie matérialité qu’il ne retrouve pas dans le numérique ou la photo.

Sur ce tableau, le rappeur Zamdane est représenté sur une barque accompagné d’une silhouette symbolisant les migrants qui décèdent dans la mer Méditerranée, anonymes. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Artemile a appris à dessiner avant de savoir écrire. Pourtant, ses parents ne sont « pas doués » en art. Au fil de visites au musée et de croquis de dinosaures sur les bancs de l’école, le Colmarien s’initie aux arts plastiques en autodidacte jusqu’à prendre une option au lycée. Dès lors, il sait qu’il veut travailler avec sa passion. Mais pas forcément en tant qu’artiste. Peut-être en tant que prof :

« Je veux pouvoir garder ma liberté de créer quand j’en ai envie, de travailler seulement sur les projets qui m’intéressent. C’est très étrange la créativité, parfois je passe toute la journée à peindre et d’autres fois je n’ai aucune inspiration pendant six mois. Si ça reste ma passion ça ne posera pas de problème. Alors que si je cherche à en vivre, j’ai peur de devoir faire des choses qui ne m’intéressent pas. »

Sur les réseaux sociaux ou dans sa communication, Artemile tient à son anonymat et insiste pour que son visage n’apparaisse pas. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Faire cohabiter les imaginaires

Artemile dit ne pas avoir d’idole. « J’aime les oeuvres, pas forcément les gens derrière », précise-t-il. Sur les réseaux sociaux où il partage son travail, son visage n’apparaît jamais pour que le public se concentre sur ce qu’il peint :

« Pour moi, la peinture, c’est personnel. Je ne pense jamais aux gens qui vont voir ce que je fais. Mon seul but est de faire se rencontrer les mondes. Celui de la peinture peut être un peu élitiste et le rap reste une sous-culture. Les imaginaires sont différents et j’aime les faire cohabiter. »

Pour sa première exposition strasbourgeoise, Artemile tient à attirer un public jeune à travers les réseaux sociaux tout autant qu’un public plus habitué aux galeries d’art.

À Strasbourg, les premiers drones autorisés par la préfecture dans des opérations contre les « rodéos urbains »

À Strasbourg, les premiers drones autorisés par la préfecture dans des opérations contre les « rodéos urbains »

Pour la deuxième fois lundi 15 mai, la gendarmerie du Bas-Rhin a pu utiliser un drone lors d’une opération de contrôle routier contre les « rodéos urbains », à Strasbourg et Geispolsheim. Un nouvel outil de répression permis par la loi mais déjà contesté dans d’autres départements.

Par deux arrêtés, les 2 et 12 mai 2023, la préfecture du Bas-Rhin a autorisé la gendarmerie à utiliser des drones lors d’opérations de contrôles routiers ciblant les « rodéos urbains », à Geispolsheim et à Strasbourg. Si cet outil de surveillance est autorisé depuis un décret d’application du ministère de l’Intérieur du 19 avril 2023, plusieurs collectifs contestent depuis mai sa légalité devant le Conseil d’État.

Des drones pour « la sécurité des personnes »

Pour justifier le recours au drone, la préfète invoque à chaque fois la « sécurité de l’opération de lutte contre les rodéos urbains […] afin de prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ». Elle précise dans ses arrêtés le périmètre concerné par la surveillance ainsi que la plage horaire sur laquelle le drone sera déployé.

La loi du 24 janvier 2022 fixant l’usage des drones – appelés « aéronefs » – liste plusieurs motifs pouvant justifier l’emploi de ces appareils par les forces de l’ordre : prévention d’actes terroristes, « maintien » de l’ordre public en contexte de manifestation, régulation des flux de transport, ou la surveillance des frontières.

Sur le site du constructeur, les spécificités techniques des drones déployés sont bien détaillées. On y trouve une multitude d’informations, allant de la précision des prises de vues (au centimètre près, avec un zoom x32) jusqu’à leur autonomie de vol.

strasbourg vu du ciel + pigeon
Les drones permettent facilement d’identifier les personnes présentes dans les cortèges Photo : Clara Sapienza / FlickR / cc

« C’est comme s’ils ne savaient plus maintenir l’ordre sans drone »

Me Vincent Souty, avocat au barreau de Rouen, a plaidé deux recours contre des arrêtés préfectoraux similaires. L’un permettant l’utilisation de drones pour la manifestation du 1er mai, l’autre pour un rassemblement contre un projet autoroutier du 5 au 8 mai, dans l’Eure :

« L’usage par les forces de l’ordre de ces moyens doit être en dernier recours. Comme l’a dit le Conseil constitutionnel, il faut que leur utilisation soit une nécessité absolue pour atteindre le but poursuivi. C’est à l’administration de démontrer qu’il n’y a aucun autre moyen d’assurer la sécurité publique. »

Le juge administratif déclare illégal l’arrêté pris pour la manifestation des 5 au 8 mai. En rappelant que l’usage des drones porte atteinte à la vie privée et peut enregistrer des images à l’insu des personnes. Il précise que son usage doit être « justifié et strictement nécessaire à la finalité poursuivie », c’est-à-dire, au maintien de l’ordre.

Pour Me Souty, les drones ont plutôt tendance à être utilisés par défaut :

« Depuis fin avril, c’est la folie. Tous les départements qui possèdent des drones y ont massivement recours. C’est comme si les préfectures ne savaient plus faire du maintien de l’ordre sans utiliser ces outils. »

Selon un décompte du journal Le Monde, plus de 50 opérations en France ont été surveillées par drone depuis le 19 avril 2023, détaillées dans ce tableau.

Une loi partiellement censurée par le Conseil constitutionnel

En janvier 2022, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la loi votée par l’Assemblée nationale. Comme le résume ici Amnesty international, il interdit l’utilisation d’aéronef par la police municipale, la soumet à autorisation systématique du préfet et réitère l’obligation pour ce dernier de s’assurer qu’aucun moyen moins « intrusif » ne peut remplir le même but que les drones.

Dans un avis du 23 avril 2023, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) préconise de mettre en place une « doctrine d’emploi » des aéronefs et du traitement des images qu’ils enregistreront. Me Souty précise :

« Les drones ne sont pas obligés d’enregistrer tout au long de leur utilisation. Les images peuvent a priori être conservées sept jours. Si une infraction est constatée, on ne sait pas exactement combien de temps elles seront conservées, car elles peuvent basculer dans d’autres fichiers de police. »

« On a l’impression que les préfectures autorisent les drones pour le tout-venant »

Mercredi 17 mai, plusieurs organisations parmi lesquelles la Quadrature du net, l’Association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO) et le Syndicat des avocats de France ont été entendues par le Conseil d’État. Elles contestent la validité du décret d’application du ministère de l’Intérieur.

Jean-Baptiste Soufron est l’un des avocats qui portent la démarche :

« Ce ne sont pas les drones que nous contestons, mais les conditions légales d’application dont semble se passer le ministère de l’Intérieur. On a l’impression que les préfectures autorisent les drones pour le tout venant. Ce n’est pas ce que prévoit la loi. De même, nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’ils font des images. »

Dans la requête publiée par la Quadrature du net, l’organisation conteste la légalité du décret et argue qu’il contrevient aux normes européennes en matière de protection des données personnelles « sensibles ».

Le Conseil d’État a été saisi en référé, et sa décision pourrait prendre « plusieurs mois », explique Me Soufron.

Nappe phréatique d’Alsace menacée : 20 ans d’inaction coupable de l’État à Stocamine

Nappe phréatique d’Alsace menacée : 20 ans d’inaction coupable de l’État à Stocamine

Depuis 2002, des déchets ultimes sont stockés sous la nappe phréatique alsacienne. Malgré sa promesse initiale, l’État français ne les a pas remontés à la surface pendant 20 ans alors que la mine se dégradait. Il a ainsi créé tout seul son argument principal pour l’enfouissement définitif : le site est détérioré, ce qui rend un déstockage dangereux.

Les déchets devaient ressortir de la mine. C’était l’engagement initial de l’État, pris dans l’arrêté préfectoral du 3 février 1997, autorisant Stocamine, une filiale de la société publique des Mines de potasse d’Alsace (MDPA), à stocker de manière réversible des déchets industriels ultimes à Wittelsheim, au nord de Mulhouse. Il s’agit du seul site en France qui a été autorisé à accueillir des déchets de « classe 0 », soit des éléments considérés comme « particulièrement dangereux ». L’État promettait alors, à la population locale, un système de stockage moderne et sécurisé.

44 000 tonnes de déchets et un incendie

Entre 1999 et 2002, 44 000 tonnes de déchets contaminés au mercure, au cyanure, à l’amiante ou encore au chrome, ont été placées dans des galeries minières creusées à 550 mètres de profondeur. Cette poubelle industrielle se situe sous la nappe phréatique d’Alsace, l’une des plus importantes réserves d’eau potable en Europe. Le 10 septembre 2002, un incendie a mis fin à l’activité de Stocamine. Ce feu maitrisé en deux mois a été initié par des déchets thermiquement instables, inflammables, notamment des produits phytosanitaires organiques, qui n’étaient pas censés être stockés dans ce centre selon l’arrêté préfectoral d’autorisation.

Depuis, des élus locaux et de nombreuses associations comme Alsace Nature ou la CLCV 68 demandent à l’État de remonter ces déchets à la surface afin d’éviter une pollution de la nappe phréatique. « À l’époque, on aurait pu tout ressortir bien plus facilement, la mine était encore en bon état, je ne m’explique pas cette longue inaction, c’est irrationnel », regrette Bruno Fuchs, député Modem du Haut-Rhin.

Exemple de fûts déformés par la convergence des terrains. Photo : MDPA / Enquête publique

Une longue période d’indécision a suivi l’incendie de 2002. Les MDPA et les gouvernements successifs ont commandité des dizaines d’expertises sur la faisabilité d’un déstockage ou sur les effets d’un confinement définitif des déchets. Malgré plusieurs études montrant la possibilité de les déstocker, une autre solution est désormais plébiscitée par le gouvernement : l’enfouissement irréversible des déchets grâce à la réalisation de barrages de béton pour éviter au maximum les contacts entre la nappe phréatique et les polluants.

Une grande inertie administrative

Face aux demandes des locaux de sortir ces éléments dangereux de la mine, l’État a temporisé pendant 20 ans. D’abord, entre 2004 et 2006, les MDPA ont prescrit de premières études qui ont conclu que le déstockage serait complexe à mettre en œuvre, comme l’indique un rapport d’information parlementaire sur Stocamine publié en 2018. Ce même rapport expose qu’en 2008, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Écologie, a créé une « mission d’expertise conjointe du Conseil général des mines, du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ainsi que de l’Inspection générale des finances. Le rapport n’a été remis que deux ans plus tard, en 2010, proposant de sortir les déchets les plus dangereux et de confiner les autres.

Dans la foulée, Jean-Louis Borloo a ordonné la constitution d’un comité de pilotage de Stocamine, composé de 13 membres, principalement des ingénieurs et des géologues. Dans son avis rendu en 2011, le comité a « préconisé le retrait partiel des déchets contenant du mercure (très dangereux pour la nappe phréatique car très solubles, NDLR) et le confinement au fond du reste », établissant à nouveau que « le retrait des colis de Stocamine est techniquement possible mais qu’il s’agirait d’un chantier complexe ».

Selon le rapport d’information parlementaire, « en décembre 2011, la ministre de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a adressé un courrier au ministre de l’Industrie François Baroin, chargé de la tutelle des MDPA, afin qu’il prenne une décision. Aucune réponse n’a cependant été apportée à la ministre de l’Écologie ».

Un déstockage partiel entre 2014 et 2017

Sous la présidence de François Hollande, les ministres de l’Écologie Delphine Batho et Ségolène Royal ont décidé d’un déstockage partiel de plus de 2 000 tonnes de déchets contaminés au mercure, considérés comme la plus grande menace pour l’eau potable. L’entreprise allemande SaarMontan a réalisé cette opération entre 2014 et 2017, plus de dix ans après l’incendie. À cette occasion, les mineurs ont dû déplacer près de 10 000 tonnes de déchets pour atteindre les colis contenant du mercure. Pour les partisans du déstockage, déplacer autant de big-bags sans les remonter à la surface était absurde.

Suite à cette opération de déstockage, à l’été 2017, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a annoncé sa volonté de procéder au confinement définitif. Puis il a reculé en demandant une étude sur la faisabilité du déstockage intégral des colis, en dehors de ceux qui ont brûlé en 2002. C’est le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui s’est chargé de réaliser l’expertise et qui a conclu qu’extraire les déchets était possible mais difficile techniquement, encore une fois.

Malgré cette étude, en janvier 2019, un nouveau ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a annoncé sa volonté de lancer l’enfouissement définitif. Puis il a également reculé en demandant, en février 2019, une nouvelle étude sur un déstockage partiel des déchets.

« J’ai repris le dossier à une étape trop avancée »

Cette expertise commandée par François de Rugy a été menée par le cabinet Antea-Tractebel, qui a comparé les coûts, les délais, les risques d’accidents et les impacts environnementaux de plusieurs scénarios allant du déstockage total au confinement de tous les colis. En 2020, Antea-Tractebel a conclu que le plus pertinent était l’enfouissement définitif sans ressortir d’autres big-bags, vu l’état du site.

Ces tergiversations ont duré deux décennies. Avec le temps pris pour réaliser ces nombreuses études, la mine s’est détériorée : les galeries se referment sur elles même bien plus vite que prévu sous l’effet de la pression des couches géologiques. Par endroits, les parois compressent les colis de déchets.

En janvier 2021, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a donc décidé une nouvelle fois d’enfouir définitivement les déchets. Contactée, elle estime avoir pris la « moins mauvaise décision » :

« J’ai repris le dossier à une étape malheureusement trop avancée. Le déstockage aurait dû être fait beaucoup plus tôt mais je ne pouvais pas changer le passé. Au départ, ces déchets n’auraient pas dû être stockés à 550 mètres de profondeur, dans un environnement instable, sous la nappe phréatique, c’était risqué. Cette situation est lamentable. Aujourd’hui, vu la dégradation avancée de la mine, même si on décide de réaliser un déstockage partiel, on ne peut retirer que 15 ou 20% des déchets, et on risque de ne pas parvenir à réaliser les barrages de béton pour protéger la nappe. »

L’entrée du site de Stocamine se trouve à Wittelsheim, près de Mulhouse. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Des liens entre Stocamine et Cigéo

Contactés pour évoquer les motivations de leurs différentes prises de position, les anciens ministres Delphine Batho, François de Rugy, Nicolas Hulot et Jean-Louis Borloo n’ont pas donné suite aux sollicitations de Rue89 Strasbourg. Ségolène Royal a conseillé de se diriger vers Alain Rollet, qui était directeur des MDPA : « C’est lui qui nous transmettait les éléments. »

L’intéressé a affirmé que « les déchets confinés à 550m de profondeur n’auront aucun impact sur la potabilité de la nappe d’Alsace ». Il est aujourd’hui membre du comité technique souterrains de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), chargé d’apporter une expertise pour la construction de Cigéo, un projet de confinement de déchets nucléaires ultimes à Bure.

« Ils n’ont jamais vraiment eu la volonté de tout ressortir », balaye Marcos Buser. Ce géologue suisse a participé au comité de pilotage de Stocamine. Il avait présidé, dans les années 90, le groupe d’expert en charge d’un déstockage de déchets réalisé avec succès en Suisse, à Sainte-Ursanne :

« Le comité d’experts de Stocamine était composé majoritairement de géologues et d’ingénieurs qui n’étaient pas compétents concernant la faisabilité d’un déstockage, ils n’étaient jamais intervenus sur une opération de ce type car c’est très rare. Pierre Berest, le président du comité, défendait le confinement dès le départ, il essayait de me convaincre. Il a ensuite travaillé sur le projet Cigéo de Bure. »

Un déstockage toujours possible pour certains experts

Effectivement, Pierre Berest et Emmanuel Ledoux, anciens experts du comité de pilotage de Stocamine, sont tous les deux devenus membres du groupe permanent d’experts pour les déchets de l’Autorité de sureté nucléaire, où ils ont travaillé sur le stockage souterrain définitif des déchets radioactifs.

On peut aussi interroger la fiabilité de l’avis rendu par le comité de pilotage de Stocamine vu que Emmanuel Ledoux et Gérard Vouille, qui en étaient membres, sont aussi les auteurs des études de sureté qui ont permis à Stocamine de commencer son activité 20 ans plus tôt… avec le résultat qu’on connait.

Pour Marcos Buser, ressortir les déchets est toujours possible en 2023. De concert, l’ingénieur de l’entreprise SaarMontan, qui était responsable de l’opération de déstockage entre 2014 et 2017, estime que les risques sont « tout à fait maîtrisables » aujourd’hui.

Une pollution inéluctable

En cas de confinement des déchets, la pollution de la nappe phréatique sera inéluctable. Les galeries contenant les big-bags se rempliront d’eau, puis cette saumure polluée remontera vers la nappe phréatique. D’après des études basées sur des modélisations mathématiques de l’Ineris et du cabinet Itasca, la pollution de la nappe phréatique sera négligeable et ne menacera pas, à terme, la potabilité de l’eau. Le processus devrait durer pendant des siècles.

Ces projections sont loin de rendre la solution du confinement acceptable et sans risque pour les partisans du déstockage, comme l’explique Daniel Reininger, chargé des problématiques liées à l’eau chez Alsace Nature :

« Et si ils se trompent, on fait comment ? À l’origine de Stocamine, l’État garantissait qu’on pourrait déstocker les déchets et que le site serait bien contrôlé. Finalement, il y a eu un incendie dans la mine à cause de déchets irréguliers et ils nous disent aujourd’hui qu’un déstockage n’est plus possible. Il est donc difficile de leur accorder de la confiance.

Leurs études sont des projections qui dépendent de nombreux facteurs. Il peut se passer des choses en souterrain qu’on n’est pas capables d’évaluer aujourd’hui, nous ne sommes pas au summum des connaissances. Et nous sommes dans une zone sismique. Le seul moyen d’être tranquilles serait de tout sortir de la mine. Donc nous devons déstocker au maximum. Confiner les déchets, c’est accepter de prendre un risque important pour les générations futures. »

L’État et les MDPA se sont aussi illustrés par des manœuvres douteuses pour précipiter le confinement des déchets. Après des recours d’Alsace Nature, en octobre 2021, la justice a annulé l’autorisation de l’enfouissement en établissant qu’il n’y avait pas de garanties financières pour la prise en charge de la surveillance illimitée du site. Quelques semaines plus tard, le gouvernement a tenté un « cavalier législatif », soit un amendement de la Loi de finances qui promettait des ressources jusqu’en 2030 à la Société des mines de potasses d’Alsace (MDPA) pour garantir finalement les capacités financières. L’acrobatie a été retoquée par le Conseil constitutionnel en décembre 2021.

Une expertise annulée

L’enquête publique pour confiner définitivement les déchets s’est terminée le 10 mai. La préfecture du Haut-Rhin a publié un arrêté autorisant les travaux en octobre. Contacté, le cabinet du nouveau ministre de la Transition écologique Christophe Béchu affirme que le confinement est aujourd’hui « la seule solution technique qui permette de garantir la qualité à très long terme de l’eau de la nappe d’Alsace ». Il ajoute avoir discuté avec France Nature Environnement et des élus locaux, qui se seraient « accordés sur la nécessité d’un confinement, qui devra être réalisé avant que la mine soit inaccessible en 2027 ». Alsace Nature nie être favorable à un enfouissement et assure continuer à demander l’extraction des déchets à l’État.

L’association dénonce aussi l’annulation par le ministère de la Transition écologique d’une étude sur la faisabilité du déstockage pendant l’été 2023, car les experts étaient favorables à la sortie des déchets. Mardi 19 septembre, Christophe Béchu a annoncé officiellement aux élus alsaciens l’imminence du début des travaux de confinement, désormais urgents selon lui pour préserver la nappe phréatique. « C’est paradoxal parce que l’argument principal de l’État, c’est de dire que le déstockage est devenu impossible. Mais il a tout fait pour procrastiner pendant 20 ans, et refuse encore aujourd’hui de voir si une extraction des déchets est possible », résume Daniel Reininger.

Alsace Nature a déposé un recours pour annuler l’arrêté préfectoral d’autorisation du confinement qui devrait passer en audience fin 2024. De son côté, Emmanuel Fernandes, député insoumis de Strasbourg, a demandé mardi 19 septembre l’ouverture d’une enquête parlementaire sur « l’attentisme des pouvoirs publics » qui laisse penser qu’ils ont « joué la montre en laissant les galeries se détériorer pour imposer » le confinement définitif.

Le ministre Christophe Béchu rouvre le débat sur l’avenir de Stocamine

Le ministre Christophe Béchu rouvre le débat sur l’avenir de Stocamine

Le ministre de la transition écologique Christophe Béchu a rencontré des élus alsaciens et des membres d’Alsace Nature pour rediscuter de l’avenir des déchets de Stocamine. S’il considère que le confinement définitif est indispensable, il a accepté de mener une nouvelle expertise sur la faisabilité d’un déstockage.

Christophe Béchu, le nouveau ministre de la Transition écologique, a réouvert la discussion sur l’avenir des déchets. Selon son cabinet, « le ministre veut pouvoir trouver une solution dans le dialogue avec les élus locaux et les associations environnementales. Le 9 mars dernier, il s’est entretenu à ce sujet avec les élus alsaciens concernés et Arnaud Schwartz, le président de France Nature Environnement (dont fait partie Alsace Nature, NDLR). Cela dans un esprit de concertation et de recherche d’un compromis local pour engager une décision qui rassemble ».

Ces négociations ont lieu alors qu’en janvier 2021, l’ancienne ministre de la Transition écologique Barbara Pompili avait pris la décision d’enfouir pour l’éternité, sous la nappe phréatique, l’intégralité des 42 000 tonnes de déchets ultimes de Stocamine. La pollution de la ressource en eau serait négligeable selon elle et procéder à un déstockage serait trop risqué pour les ouvriers chargés de sortir les déchets.

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Quatre tonnes de tabac, 200 sangsues et 68 kilos de cannabis : la douane du Bas-Rhin fait son bilan

Quatre tonnes de tabac, 200 sangsues et 68 kilos de cannabis : la douane du Bas-Rhin fait son bilan

Stupéfiants, tabac de contrebande, contrefaçons, espèces protégées et bien culturels… Les douaniers du Bas-Rhin ont présenté mardi 16 mai 2023 le bilan de leurs saisies pour l’année 2022.

Mardi 16 mai au matin, la Direction régionale des douanes de Strasbourg a présenté le bilan des saisies de 2022 dans le Bas-Rhin. Au total, pour les stupéfiants, 68,7 kg de cannabis, 3,6 kg de cocaïne et 5,5 kg d’héroïne ont été saisis par les douaniers. « Des quantités somme toute assez modestes à l’échelle nationale », estime Sonia Delaunay, Directrice régionale des douanes de Strasbourg. Selon elle le trafic est « soutenu » et les saisies « quotidiennes ». 

Une action centrée sur le tabac de contrebande

En 2022, plus de quatre tonnes de tabac de contrebande ont été saisies. « C’est l’action la plus forte de notre direction », souligne Sonia Delaunay. Les services de douanes ont notamment procédé au démantèlement d’un atelier de reconditionnement de tabac dans l’agglomération de Strasbourg en mars 2022.

Plus de trois tonnes de tabac ont alors été saisies et quatre personnes interpellées – le commanditaire, son frère et deux hommes de main. Des enquêtes sont toujours en cours sur d’autres ramifications du réseau de contrebande, selon Nha-Minh Nguyen-Thomas, cheffe de brigade à Saverne :

« Ce sont des ateliers qui se déplacent régulièrement. Ils peuvent être installés dans des hangars ou chez des particuliers, et les salariés sont souvent non déclarés ».

Vérifier la conformité des produits importés

En 2022, 13 657 articles ont été retirés du commerce pour « contrefaçon » ou « non-conformité ». Par exemple, 22 000 prises électriques d’une valeur de 50 500 euros ont fait l’objet d’un contrôle approfondi qui a révélé des risques de surtension et des problèmes de fixation.

Des défauts susceptibles de créer des départs de feu et donc des incendies. Ils ont été réexportés en Chine. En janvier 2023,  ces mêmes produits ont été envoyés en France. Cette fois-ci, les tests les ont déclaré conformes. 

La Direction régionale des douanes de Strasbourg expose un échantillon des saisies réalisées en 2022 dans le Bas-Rhin. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

200 sangsues trouvées « par hasard »

Les douaniers font parfois des découvertes étonnantes. Par exemple 200 sangsues, conditionnées dans des bouteilles d’eau enrobées de film plastique à bulles, elles-mêmes dans un carton. Envoyées depuis Strasbourg pour rejoindre le nord de la France à des fins médicinales, ces sangsues, classées espèces protégées, ont été interceptées par la douane de Strasbourg un peu par « hasard ». Ou plutôt grâce au « flaire du douanier », comme l’exprime la Directrice régionale. 

Sonia Delaunay, Directrice régionale des douanes de Strasbourg, a présenté le bilan des saisies lors de la conférence de presse du 16 mai. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Protéger le « patrimoine national »

La douane est aussi chargée de la protection des biens culturels, notamment le « patrimoine national ». En 2022, un homme qui procédait à des fouilles illégales à l’aide d’un détecteur de métaux a été interpellé par la brigade de Strasbourg-Entzheim.

Au total, 218 objets archéologiques de l’époque médiévale et 240 monnaies de l’époque gauloise et romaine, en plus d’armes et de munitions destinés à la revente, ont été découverts. Un petit trésor, explique l’inspecteur Passaseo, de la brigade de Strasbourg :

« Une pièce gauloise peut valoir entre 300 et 400 €. Une monnaie romaine peut monter jusqu’à 10 000 € ».

Les pièces seront analysées par des experts de la Drac (Direction régionale des Affaires culturelles) qui décideront ce qu’elles deviendront.

La paroisse Saint-Guillaume « restera aux côtés des personnes LGBT », malgré des menaces de mort

La paroisse Saint-Guillaume « restera aux côtés des personnes LGBT », malgré des menaces de mort

À la tête de la paroisse protestante inclusive Saint-Guillaume, le pasteur Daniel Boessenbacher est victime de menaces de mort après un spectacle sur la mort du Christ comprenant un numéro de pole dance.

Les mercredi 29 et jeudi 30 mars, l’église protestante Saint-Guillaume de Strasbourg, dans le quartier de la Krutenau, a accueilli un spectacle de l’association Passions croisées sur le thème de la mort du Christ, mêlant chant lyrique, arts du cirque et un numéro de pole dance (des figures autour d’une barre verticale). Peu après, la paroisse a été destinataire de deux lettres contenant des menaces de mort, selon les Dernières nouvelles d’Alsace :

« Dans les enveloppes, en lettres capitales rouges sur une feuille à carreaux, il est notamment question de “décapiter les paroissiens”. Juste avant, le corbeau évoque un « cabaret » en référence au spectacle proposé. »

Choqué tout comme les responsables de la paroisse, le pasteur Daniel Boessenbacher, revient sur le sens de son engagement avec ses paroissiens en faveur de l’inclusivité des personnes LGBT et du discours interreligieux en général.

Rue89 Strasbourg : Quelles conséquences ont eu ces menaces de mort sur la vie de votre paroisse ou sur vous-même ?

Daniel Boessenbacher : Il y a déjà eu des remous lorsque mon prédécesseur Christophe Kocher a accepté de projeter L’Exorciste dans l’église en 2014 (dans le cadre d’une séance exceptionnelle du Festival du film fantastique, NDLR). Ça a aussi fait couler beaucoup d’encre mais des menaces de mort, c’est la première fois. Les responsables de la paroisse se sont demandés s’il fallait engager un service de gardiennage pendant la Semaine sainte. Finalement on ne l’a pas fait. 

Daniel Boessenbacher dans l’église Saint-Guillaume à Strasbourg Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Avez-vous été surpris par ces menaces de mort ?

Des paroissiens m’ont dit qu’il trouvait inapproprié un spectacle de pole dance dans une église, d’autres m’ont écrit des courriers. C’est sûr que ce n’est pas habituel dans une église mais pour les menaces de mort anonymes, je ne comprends pas trop ce qui a coincé. Est-ce que c’est toute la mise en scène liée à la mort du Christ ou seulement le numéro de pole dance ? Certains ont réagi sur le mélange entre un thème religieux et une performance artistique. Auraient-ils réagi de la même manière si le seul numéro de pole dance avait eu lieu dans l’église ? Début juin, nous recevons un opéra avec chants et danses, dont du pole dance. Je ne sais pas si ça fera moins réagir parce qu’il n’y pas de thème religieux cette fois-ci…

En juin 2022, nous avions accueilli la troupe « Les 12 travelos d’Hercules ». L’église était comble et j’avais aussi reçu des courriers pour me dire que “ça ne se faisait pas dans une église”. Mais les gens ne savent pas que pour les artistes aussi, c’était étonnant de jouer dans une église… Certains ont eu des expériences négatives avec la religion. Puis, quand ils ont vu comment ça s’est passé, ils se sont dit que c’était possible. Ça a changé leur regard sur l’église. Après, je trouve que certains ont des avis un peu restrictifs. Dans la théologie protestante, l’église en tant que telle n’est pas un lieu sacré.

Est-ce que ces menaces pourraient modifier la présence de l’antenne inclusive dans la paroisse, ou sa place dans l’église ?

Il n’est pas question d’arrêter l’antenne inclusive de Saint-Guillaume, qui est assez unique. Nous avons servi de modèle pour une paroisse genevoise et une paroisse parisienne s’inspire de notre expérience. L’antenne organise surtout une réunion mensuelle, ou une conférence.

Et ce qui est important également, c’est de travailler le dialogue interreligieux. On essaye d’avoir au moins une fois par an quelqu’un issu du judaïsme et de l’islam. Nous invitons également des personnes représentant des courants ouverts parmi ces religions, comme la communauté juive libérale de Strasbourg ou du mutazilisme, une communauté où femmes et hommes peuvent prier dans la même salle et où des femmes peuvent être imams.

Depuis la création de l’antenne inclusive il y a dix ans, est-ce que vous observez une évolution des mentalités parmi vos fidèles ?

Prenons l’exemple du Mariage pour tous. Chez les protestants, le mariage n’est pas un sacrement. À partir du moment où de nouvelles personnes se sont mariées à la mairie, des couples de même sexe, la question s’est posée de la bénédiction. À l’UEPAL (Union des églises protestantes d’Alsace-Lorraine), il n’y a pas eu de consensus en 2014. D’autres églises en France ont béni des couples homosexuels. En 2019, l’UEPAL a repris la question et les bénédictions ont été acceptées. Ça montre qu’il y a une évolution.

Dans les paroisses, j’ai eu l’occasion de parler à des fidèles opposés au mariage pour les homosexuels, mais lorsqu’ils ont découvert que leur cousin était homosexuel, ils ne voyaient plus la chose de la même manière. Après, il est probable que certains fidèles soient partis de la paroisse en raison de son engagement.

En mission pour observer les élections turques, la députée Sandra Regol a été refoulée à la frontière

En mission pour observer les élections turques, la députée Sandra Regol a été refoulée à la frontière

Partie en Turquie comme observatrice du scrutin présidentiel, la députée de Strasbourg Sandra Regol (EE-LV) a été renvoyée en France dès son arrivée sur le sol turc. Sur les réseaux sociaux, la nouvelle déchaîne les milieux nationalistes, turcs ou français.

L’œil fixé sur le tableau des départs de la gare de Strasbourg, Sandra Regol semble à bout de souffle. Quelques minutes de sursis avant le départ vers Gare de l’Est. « Je dois absolument être à Paris pour l’examen d’une proposition de loi sur la prévention des incendies… » Pressée par le tempo de l’Assemblée nationale, la députée EE-LV de la première circonscription du Bas-Rhin n’a pas eu le luxe de ressasser son week-end tendu en Turquie. 

Partie vendredi dans la matinée pour assister à l’élection présidentielle comme observatrice du scrutin, l’élue a été retenue à son arrivée à l’aéroport d’Istanbul. Rapidement, on lui signifie son interdiction d’entrer sur le territoire et son obligation de repartir avec le premier avion, le lendemain. 

La députée avait été conviée à observer des bureaux de vote dans l’est de la Turquie. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc

« Les policiers eux-mêmes étaient embêtés »  

Dans son récit, tout s’enchaîne très vite. « Dès qu’on m’a installé au bureau de la police des frontières, on a demandé à prendre mes empreintes digitales », commence Sandra Regol. Elle poursuit son récit kafkaïen :

« J’ai refusé mais on m’a quand même prise en photo. Quand j’ai demandé sur quoi reposait cette interdiction, puisque je n’ai jamais eu de souci avec les autorités turques, personne n’a été en mesure de me répondre. Les policiers eux-mêmes avaient l’air embêtés. »  

Après une courte nuit sur un canapé, dans une pièce vide de la police des frontières, l’élue repartira avec le premier avion en partance vers la France. Quatorze heures à peine sur le sol turc et une mission avortée :

« Le parti d’opposition (Yesil Sol Partisi, gauche écologiste et favorable aux droits des Kurdes NDLR) qui m’avait contacté espère que la présence de députés français pouvait limiter les irrégularités durant le scrutin. »

Lors de l’élection présidentielle de 2018, deux parlementaires allemand et suédois avaient été refoulés de la même manière. Une délégation du Parti communiste français, emmenée par Hülliya Turan, alors conseillère municipale de Strasbourg, s’était rendue dans deux bureaux de votes de l’est du pays, avant d’être arrêtée par la police turque et renvoyée en France. L’adjointe communiste remémore l’épisode :

« Je connais bien le pays, donc je n’avais pas d’illusions. Je savais que ce serait compliqué, mais je ne m’attendais pas du tout à une arrestation. Même ce week-end, j’ai été très surprise d’apprendre qu’une élue de l’Assemblée nationale ne peux pas mener ses observations normalement en Turquie. Ça dit quelque chose de l’opacité qui entoure cette élection… »

L’adjointe Hülliya Turan, présidente du groupe communiste au conseil municipal. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89Strasbourg / cc

Pot-pourri de commentaires orduriers

Sur les réseaux sociaux, la nouvelle semble ravir les soutiens français de Recep Tayyip Erdoğan, le président islamo-conservateur de Turquie, candidat à sa réélection. À peine Sandra Regol avait-elle fini de tweeter sur l’affaire, qu’un tombereau de commentaires insultants s’est déversé contre la députée. Çà et là, quelques emojis « tête de loup » rappellent sans subtilité l’emblème des Loups gris, une organisation paramilitaire turque d’ultradroite, proche du parti turc d’extrême droite MHP, lui-même membre de la coalition au pouvoir.

L’élue rapporte avoir reçu également son lot de menaces par messages privés. Comme Hülliya Turan, cinq ans plus tôt :

« À la période où j’avais été arrêtée, j’avais aussi eu droit à une série de menaces. Ça ne me surprend pas que ça se reproduise. L’AKP a des réseaux actifs solides en Europe. Comme la situation est tendue pour le régime, ses soutiens aussi se tendent. »

Exercice illégal de la médecine à l’IHU : l’ordre saisi par une plainte en diffamation

Exercice illégal de la médecine à l’IHU : l’ordre saisi par une plainte en diffamation

Le directeur par intérim de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU), Didier Mutter, est visé par une plainte pour diffamation auprès de l’ordre des médecins. En cause : ses propos pour justifier l’exercice illégal de la médecine du docteur Mariano Gimenez.

Par courriel daté du 14 novembre, le chef de pôle d’imagerie interventionnelle du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Strasbourg, Afshin Gangi, a déposé une plainte pour diffamation auprès du conseil du Bas-Rhin de l’ordre des médecins. Le signalement, soutenu par trois autres médecins de l’hôpital (Julien Garnon, Emmanuele Boatta et Olivier Collange), vise Didier Mutter, actuel directeur par intérim de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Strasbourg.

La plainte fait suite aux propos du professeur Mutter dans les Dernières nouvelles d’Alsace qui l’interrogeaient sur les raisons d’un exercice illégal de la médecine à l’IHU, révélé par Rue89 Strasbourg. L’actuel responsable de l’IHU avait alors indiqué, au sujet d’une opération réalisée le 25 avril 2022 par le docteur Mariano Gimenez, un chirurgien non-inscrit à l’ordre des médecins et sans contrat aux HUS :

« J’ai un patient qui devait avoir une intervention de radiologie interventionnelle pour lui mettre un drain. Deux radiologues locaux n’ont pas réussi, j’ai demandé à ce médecin s’il ne voulait pas essayer. Il a accepté, j’étais dans la salle à côté au cas où. Et il a réussi. Le patient était très content. »

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Sous la pression des opposants, le village SNU déplacé à Haguenau : « Personne n’a besoin du SNU pour s’engager »

Sous la pression des opposants, le village SNU déplacé à Haguenau : « Personne n’a besoin du SNU pour s’engager »

Ce n’est finalement pas à Strasbourg comme annoncé par la communication du gouvernement que s’est tenu le 16e village du Service national universel, samedi 13 mai. C’est à Haguenau, 20 kilomètres au nord de la capitale alsacienne, que la caravane s’est arrêtée, poursuivie par ses opposants.

Samedi 13 mai dès 9h, place Dauphine à Strasbourg, une centaine de militants attendent l’arrivée du village du Service national universel (SNU). Deux heures et demi plus tard, l’info tombe : il a été déplacé à Haguenau. Depuis plusieurs jours, 27 collectifs et syndicats appellent à boycotter la tenue de l’évènement sur les réseaux sociaux.

En cause, la volonté du gouvernement de rendre ce « parcours de citoyenneté » obligatoire pour les jeunes entre 15 et 17 ans, comme expliqué dans un rapport du Sénat daté du 8 mars et repéré par Politis. À la frontière des ministères et la jeunesse et des armées, le SNU veut créer de « l’engagement » chez les jeunes et promeut des valeurs de « cohésion », « d’intérêt général » et de vie en collectivité.

Un symbole de la politique d’Emmanuel Macron

Expérimenté depuis 2019 et présent dans le Bas-Rhin depuis 2020, le SNU ne rencontre pas auprès des jeunes le succès escompté. Un avis du Sénat pointe le « manque d’attractivité » du dispositif lorsque celui-ci voit ses crédits augmentés de 30 millions d’euros cette année (pour un total de plus de 140 millions d’euros dans le projet de loi de finances de 2023).

Du 22 mars au 10 juin, la campagne de communication autour du dispositif a donc pour but d’augmenter le nombre de volontaires. À plusieurs reprises lors de la tournée, les opposants à la réforme des retraites et au SNU obligatoire ont manifesté devant les villages, devenus symboles de toute la politique gouvernementale.

En attendant l’arrivée du village SNU place Dauphine à Strasbourg, les manifestants exposent leurs plus belles pancartes. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Samedi 13 mai pourtant, difficile de savoir où se déroule le fameux atelier découverte. À 9h, pas de village SNU à l’horizon. Fanchon et Lucas sont assis place Dauphine au milieu des opposants. Interrogée sur sa présence, Fauchon dénonce « l’embriguadement » que représente le SNU :

« Sous couvert de mixité sociale, le SNU veut formater les jeunes sous des valeurs qu’ils n’ont pas choisi. L’engagement, par définition, il faut que ça reste un choix. On ne peut pas obliger quelqu’un a être volontaire. »

À plusieurs reprises, la mixité sociale a été mise en avant par le gouvernemnt pour justifier le SNU. Pourtant, les rapports de 2021 et 2022 élaborés par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) pointent un manque de mixité sociale dans les séjours organisés.

Aux côtés de Fanchon, Lucas, employé de l’éducation nationale dans un établissement REP+ de la Meinau, abonde :

« La mixité sociale n’existe pas dans les écoles. Ce n’est pas en deux semaines que les jeunes vont l’apprendre et que ça va changer toute la société. S’engager, c’est plus facile dans certains milieux sociaux donc c’est à l’école de donner les moyens aux élèves pour s’engager et comprendre les grands enjeux de société. »

SNU manif
Fauchon et Lucas regrettent que la mixité sociale serve d’argument au gouvernement pour tenter d’imposer un SNU obligatoire. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Un peu plus loin devant le centre commercial Rivétoile, Charles est moins catégorique. Car le SNU, il ne sait pas exactement à quoi ça correspond. Il est venu en tant que militant et parce qu’il fait partie du mouvement social contre la réforme des retraites depuis le début :

« Personne n’a besoin du SNU pour s’engager. Comment un pays condamné à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme pour son inaction climatique ou son traitement des détenus peut-il prétendre donner des leçons d’écologie et de citoyenneté ? La jeunesse est déjà engagée, peut-être pas selon les termes institutionnels ou militants habituels. C’est juste que le gouvernement ne comprend pas notre engagement. »

À l’époque où le SNU a été expérimenté, Charles a hésité avant de choisir de s’engager, dans des associations écologistes.

« C’était très déshumanisant »

Philémon fait aussi partie des manifestants. Du haut de son mètre 90, l’étudiant a été volontaire au SNU en 2019. Militant des Jeunes écologistes d’Alsace, il en garde un souvenir dérangeant :

« On m’a dit que s’abstenir de voter revenait à voter blanc. Déjà là, j’ai tiqué. Puis on avait tous des numéros. Moi, j’étais le numéro neuf de la maisonnée onze, village deux. C’était très déshumanisant, j’ai eu l’impression qu’on voulait effacer ma personnalité pour créer une unité commune, ce que symbolise déjà un peu l’uniforme. Il y avait aussi cette idée de fierté d’être français, en soi pourquoi pas. Mais là, c’était vraiment du genre c’est mieux d’être français qu’autre chose. »

L’étudiant est aussi membre des éclaireurs (les scouts laïques). Une organisation également hiérarchisée, basée sur la vie en communauté et des valeurs de partage. « Mais là-bas, je n’ai pas l’impression qu’on cherche à me faire oublier qui je suis », poursuit-il.

Philémon et Élodie, jeunes écologistes d’Alsace, sont tous deux contre l’obligation du SNU. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

À 10h30, toujours aucune trace du village SNU à Strasbourg. Les prises de parole s’enchaînent au micro et se félicitent d’avoir fait reculer le gouvernement sur sa campagne de communication. Élisa fait partie des opposants qui dénoncent la militarisation de la jeunesse. À 36 ans, l’enseignante stagiaire à Wissembourg est catégorique :

« Le SNU s’il devient obligatoire concerne 800 000 jeunes pour la rentrée 2024. Je pense qu’il serait plus utile de mettre de l’argent dans l’éducation nationale et de laisser les professeurs qui sont formés enseigner la citoyenneté, comme c’est déjà prévu. »

Une militarisation de la jeunesse ?

Depuis son expérimentation, le SNU est dénoncé par ses opposants comme un moyen d’enrôler la jeunesse ou comme un service militaire déguisé. En septembre 2022, Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du SNU expliquait tout de même à des parlementaires, à propos du SNU, que la France a besoin de « doubler sa réserve » et qu’il est nécessaire de donner aux jeunes le « goût de l’engagement ».

En juillet 2022, Rue89 Strasbourg révélait qu’une punition collective a été utilisée lors d’un séjour SNU à Strasbourg. Depuis, les dysfonctionnements remontent : harcèlement sexiste et sexuel, racisme, retard de paiement des aminateurs et animatrices, hospitalisations de participants

Un déplacement de dernière minute

Petit à petit, le message circule place Dauphine. Le village SNU aurait été monté à Haguenau dans la matinée. Après quelques applaudissements et une organisation pour faire du covoiturage, les militants se dispersent petit à petit tandis qu’une cinquantaine de personnes prennent la route vers midi.

À Haguenau, le village SNU est déployé face à la médiathèque de la Vieille-Île et gardé par moins d’une dizaine de policiers nationaux. Deux tentes bleues entourent le camion SNU. « Nous avons décidé ce matin de nous installer ici », précise Christel Lafon, chargée de communication du secrétariat d’Etat à la Jeunesse. Un changement de dernière minute qu’elle explique par l’annonce d’une manifestation à Strasbourg et le nombre d’événements déjà prévus ce jour là dans la capitale alsacienne.

Un village du SNU finalement plus tranquillement installé à Haguenau Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Heureusement pour ses partisans, la camionnette du SNU est « très mobile » et changer de destination au dernier moment n’a pas été un problème. « Ce samedi, on compte sur la médiathèque pout toucher les publics concernés, les gens viennent nous voir si ça les intéresse », poursuit Christel Lafon. Entre 12h30 et 15h, moins d’une dizaine de personnes sont entrées dans le village SNU.

Dans le village, deux volontaires ont fait le déplacement depuis Strasbourg, Antoine et Yanis (retrouver son témoignage complet). Ils ont été alpagués par les opposants le matin même. “C’était un peu impressionnant”, admet Antoine qui voulait discuter avec eux.

Depuis le village SNU, Yanis (à gauche) et Antoine (à droite) regardent les opposants arriver. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Pour la deuxième partie de son engagement, il a aidé la banque alimentaire d’Illkirch-Graffenstaden. Le jeune homme aux yeux doux semble ne pas comprendre l’opposition que suscite le SNU. « On est dans une société de plus en plus individualiste, bien sûr que ça motive d’organiser des séjours pour les 15-17 ans, c’est super », estime-t-il.

Des stands de questions et de sport

Les stands déployés invitent à répondre à des questions sur l’histoire, l’environnement et la citoyenneté par exemple, « les thématiques abordées dans le SNU », poursuit Christelle Lafon. Sur des panneaux dans le fond, le parcours d’engagement est détaillé, à côté d’une activité sportive organisée autour de plots de couleur et d’une petite cage de foot.

Sur place, impossible de parler aux animateurs et animatrices. Ils ont été « recrutés localement » mais n’ont « aucun rapport avec le SNU ». Certains opposants tentent de rentrer dans le village, entouré de grilles. « Je me suis fait refoulé car je suis trop vieux », râle l’un d’eux, âgé de 32 ans.

Capucine, 14 ans, tente elle aussi sa chance. Après plusieurs minutes à discuter avec les animatrices, elle s’avoue déçue:

« Je voulais qu’on me donne des tracts et qu’on m’explique ce que c’est, le SNU. Mais je n’ai rien compris. C’est vrai que j’ai déjà mon avis sur le sujet mais j’étais ouverte à ce qu’on me contredise. Les animatrices de l’accueil ne l’ont jamais fait donc elles ne pouvaient rien me dire. »

Capucine, 14 ans, aurait bien aimé pouvoir se confronter à des responsables du SNU pour trouver des réponses à ses interrogations. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Pendant ce temps, un chamboule-tout à l’effigie de figures politiques locales et nationales est mis en place. À son centre, une conserve étiquetée « SNU ». Sur une enceinte des slogans sont scandés et des chansons diffusées. Seuls quelques mètres séparent le village SNU et la cinquantaine de militants qui échangent avec les policiers et les organisateurs de l’évènements.

Pendant de longues minutes, les manifestants jouent au chamboule-tout devant les agents de la police nationale, qui tentent de deviner au fur et à mesure les portraits dessinés. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc

Peu de curieux au village de Haguenau

Des photos sont prises de part et d’autre, quelques sourires esquissés lorsque les boites de conserves tombent au sol. De l’autre côté de la route, le festival « L’humour des notes » est inauguré par le maire. « C’est vraiment une bonne programmation cette année », glisse l’officier de police en charge de la sécurité du village SNU, avant de préciser qu’il aurait aimé ne pas travailler l’après-midi même.

Vers 15h, les opposants remballent leur sacs et laissent derrière eux une pelouse vide et un village SNU très protégé, pour une heure encore.

Pour désengorger Sophie Germain, la Collectivité d’Alsace a identifié deux potentiels sites pour un futur collège

Pour désengorger Sophie Germain, la Collectivité d’Alsace a identifié deux potentiels sites pour un futur collège

En charge de la construction, l’entretien et l’équipement des collèges, la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) revient sur la situation de Sophie Germain à Cronenbourg. Interview de Philippe Meyer, conseiller (LR) de la CeA en charge de l’Éducation et de la Jeunesse.

La Collectivité d’Alsace n’avait pas pu répondre dans les temps impartis pour notre enquête publiée mardi 9 mai, au sujet des conditions de travail difficiles des enseignants de Sophie Germain, collège situé dans le quartier de Cronenbourg à Strasbourg. Conseiller départemental en charge de l’Éducation et de la Jeunesse et enseignant en collège lui-même, Philippe Meyer (Les Républicains) a contacté Rue89 Strasbourg pour revenir sur ce dossier, afin de donner la position du Département sur le sujet.

Philippe Meyer, conseiller d’Alsace en charge de l’Éducation et de la Jeunesse (Photo remise / CeA).

Rue89 Strasbourg : Étiez-vous au courant de la situation à Sophie Germain ?

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De passage dans le Bas-Rhin, le Service national universel réveille les traumas du service militaire

De passage dans le Bas-Rhin, le Service national universel réveille les traumas du service militaire

Adolescents au garde à vous, drapeau tricolore, uniformes… Depuis sa mise en place en 2019, l’imagerie du Service national universel (SNU) se déploie dans les médias et sur les réseaux sociaux. Malgré l’activisme gouvernemental pour promouvoir le dispositif, les effectifs plafonnent et son caractère politique empêche un déploiement consensuel.

Un tract décoré avec les logos de syndicats, d’organisations politiques, de collectifs écologistes, citoyens ou féministes… appelle à s’opposer au village du Service national universel (SNU), qui doit s’installer près du centre commercial Rivétoile à Strasbourg ce samedi (Il a finalement été déplacé à Haguenau, voir notre article).

Lancé en 2019, le Service national universel est un dispositif proposé à des jeunes volontaires de 15 à 17 ans pour « renforcer l’unité nationale ». Au cœur de ce dernier : un séjour de cohésion de deux semaines où les adolescents sont encadrés par des animateurs et des militaires. L’accent y est mis sur des réalisation en équipe, dans un cadre de vie strict et sous les rites républicains : la Marseillaise et levée des couleurs nationales chaque matin, uniformes pendant les temps collectifs, etc. Pour ses opposants, c’est le retour d’un service militaire qui ne dirait pas son nom. Une crainte étayée par la révélation par l’hebdomadaire Politis de documents faisant état de la volonté gouvernementale de rendre ce service obligatoire pour tous les jeunes de 16 ans d’ici 2026.

Une cristallisation des colères

Si la mise en place d’un SNU obligatoire a été repoussée par le président de la République, Emmanuel Macron, l’opposition politique n’est pas retombée. Syndicalistes et militants de gauche comptent bien perturber la caravane du SNU prévue ce samedi à Strasbourg.

Simon Levan, président de l’Alternative étudiante Strasbourg (AES), est direct :

« Le SNU est une volonté de dressage de la jeunesse. C’est un projet nationaliste. Marcher au pas, se mettre en rang, être en uniforme, c’est rentrer dans une socialisation militaire. Même si c’est fait de façon ludique, c’est une première étape vers une militarisation de la pensée. »

Le 4 mai 2023, les Jeunes écologistes d’Alsace et La Voix lycéenne organisaient une table ronde sur le Service national universel. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Destinée à assurer la promotion du dispositif auprès des jeunes et du grand public, la caravane itinérante du SNU a dû être annulée dans plusieurs villes sous la pression des manifestants. En Alsace, un appel à rassemblement à proximité a été lancé par plus d’une vingtaine d’organisations. « On est à l’initiative de la réunion par rapport à la venue de la caravane du SNU et on a eu beaucoup de réponses d’organisations très variées, déclare Maxime Salvi », co-secrétaire de Sud éducation Alsace. Pour ce professeur de Sciences-économiques et sociales, l’objectif est de faire annuler l’événement ou a minima perturber son déroulement.

Opposer les jeunesses

« Pour le gouvernement, il y a deux jeunesses : la mauvaise qui était dans la rue contre la réforme des retraites et la bonne qui va dans le SNU », déclare Simon Levan. Enja Boutin, des Jeunes écologistes d’Alsace, reproche au gouvernement de nier les formes d’engagements déjà présentes dans la jeunesse :

« Je suis engagée, on a plein de jeunes qui sont engagés aujourd’hui et ce n’est pas du tout reconnu. L’engagement, ça doit être quelque chose de personnel. »

À l’évocation des missions du SNU, le ton monte chez Sud éducation Alsace. Pour le syndicat d’enseignants, renforcer les valeurs républicaines et le vivre-ensemble est déjà une des missions de l’Éducation nationale comme le détaille son co-secrétaire Pierre Flanet :

« Il y a des fonds de l’Éducation nationale affectés au SNU qui pourraient être affectés à d’autres choses, notamment des recrutements d’enseignants. Ce serait bien plus utile pour les jeunes. »

Des ratés en série et des polémiques

En 2019, Gabriel Attal déclarait aux Échos qu’il espérait trouver 150 000 volontaires pour participer au SNU en 2021. Même si la crise sanitaire est passée par là, le SNU compte à peine 32 000 inscrits en 2022. Pire, les sessions ont été émaillées d’incidents, comme à Strasbourg le 5 juillet 2022, où des adolescents ont été contraints de faire de pompes en pleine nuit lors une punition collective.

Si la nature très politique du dispositif focalise l’attention de la presse sur les ratés, il n’en reste pas moins que le fonctionnement du SNU pose question. Plusieurs animateurs contactés par Rue89 Strasbourg témoignent de rapports conflictuels avec les militaires en retraite encadrant les séjours :

« Des militaires avec qui j’ai dû travailler ne savaient pas encadrer des jeunes. On se faisait remettre en place et engueuler devant les enfants, alors qu’une règle de base est de ne pas avoir de conflit ouvert devant eux. Il y a eu beaucoup de blessures dans les séjours. Lors de mon premier SNU, j’ai dû appeler une quinzaine de fois le Samu en trois jours. »

Image extraite d’une vidéo montrant la punition collective des jeunes volontaires du SNU à Strasbourg le 5 juillet 2022.

Suite à ces mauvaises expériences, cette animatrice a arrêté les séjours SNU en 2022. Un autre animateur a une vision plus optimiste :

« J’ai le sentiment que le système ne recrute plus uniquement des vieux militaires pour les postes d’encadrement. Les séjours se rapprochent plus d’une colonie que du service militaire. Certes, il y a les rites républicains, mais ce n’est pas l’essentiel. »

Pour la majorité des animateurs rencontrés par Rue89 Strasbourg, les jeunes accueillis trouvent leur compte dans le SNU, à condition qu’il reste accessible sur volontariat.

Yanis, Alyssa et Louis : paroles de jeunes qui ont apprécié leur Service national universel

Yanis, Alyssa et Louis : paroles de jeunes qui ont apprécié leur Service national universel

Dans le cadre d’une tournée qui vise à faire connaître le Service national universel, un « Village SNU » s’installe samedi 13 mai à Strasbourg. Témoignages de jeunes volontaires qui ont apprécié leur séjour SNU, et aimé que l’on s’occupe d’eux pendant quelques jours.

Alors qu’un Village du Service national universel (SNU) doit s’installer à Strasbourg, une mobilisation politique critique la « militarisation d’une société » et un « embrigadement de la jeunesse » (voir notre article). Plus d’une vingtaine d’associations strasbourgeoises appellent au boycott de ce village. Rue89 Strasbourg a décidé de donner la parole à des jeunes qui ont apprécié leur expérience de Service national universel. Volontaires, leurs propos révèlent en creux les manques de l’accompagnement social et éducatif institutionnel pour une partie de la jeunesse française.

Yanis, 18 ans : « Quand je passais devant les drapeaux français, je m’en fichais, maintenant je suis ému »

« J’ai fait mon SNU en juin 2021, dans les Vosges, à Xonrupt. À l’époque, j’avais de gros problèmes de vue, et j’avais une canne blanche pour me déplacer. J’étais atteint de dégénérescence rétinienne. Donc j’avais peur d’y aller mais j’avais vu une vidéo de Sarah El Haïry (la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service National, NDLR), et ça m’avait donné envie de découvrir le SNU. Je me demandais comment les gens allaient être avec moi. Et bien dès le premier soir, j’avais l’impression qu’on était comme une petite famille. Tout le monde parlait à tout le monde, c’était vraiment génial.

J’ai beaucoup aimé le côté militaire, avec notamment le lever du drapeau et l’hymne national qu’on chantait tous les matins. Avant, pour moi, le drapeau tricolore et l’hymne, c’étaient des choses que je voyais uniquement au Stade de France, alors que maintenant, quand je passe devant un drapeau qui flotte dans les airs, je suis ému. Il y a des personnes qui sont mortes pour ça et c’est leur rendre hommage que de le respecter. Il faut en être fier.

Yanis, 18 ans. Son séjour SNU en 2021 l’a beaucoup marqué, désormais il encadre des séjours à son tour et souhaite travailler dans l’engagement de la jeunesse. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Je n’aime pas quand les gens disent que le SNU militarise la jeunesse, c’est faux. Oui, ça nous apprend les métiers de l’armée mais on ne nous fait rien signer, on nous laisse notre libre arbitre et après si on veut s’engager, c’est notre choix. Moi, j’ai décidé après de faire une préparation militaire marine que j’ai beaucoup aimée. Malheureusement à cause de mes problèmes de vue, je ne peux pas continuer dans l’armée. Mais grâce au SNU, je sais que je veux travailler dans l’engagement citoyen. J’encadre même des séjours SNU moi-même depuis cette année.

Je trouve qu’il ne faut pas être trop négatif sur l’armée. C’est bien qu’il y ait des jeunes qui s’engagent. Moi je vis en foyer, et je n’ai pas eu la chance d’avoir une famille. J’ai plein d’amis comme moi, qui ont fait l’armée et ils y ont trouvé la famille qu’ils n’avaient pas eue avant. Le SNU peut permettre à des jeunes qui sont perdus, comme moi, de trouver une voie qui les intéresse. »

Alyssa, 15 ans : « Depuis que je suis revenue du SNU, j’ai changé »

« Je viens de faire mon séjour SNU en avril, à Obernai. Des intervenants étaient venus dans mon lycée professionnel à Manosque pour expliquer que c’était un séjour de cohésion, qu’on y faisait des rencontres et des activités. Le fait qu’on puisse y passer le code de la route gratuitement, c’était aussi un avantage pour moi. On nous a parlé de la défense des valeurs de la France, mais ce n’est pas forcément ça qui m’a donné envie d’y aller au début.

Une fois à Obernai, j’ai suivi des modules où j’ai appris plein de choses, j’ai pu rencontrer des gendarmes, des militaires, des pompiers. J’aimais bien aussi le fait qu’on soit tous en uniforme, tous égaux. C’est ça qui fait qu’on s’entend bien je pense, il n’y a pas de remarque sur untel qui est habillé en telle marque, ou de tel autre qui est mal habillé. Et puis le fait qu’on nous prenne nos téléphones, ça change les choses aussi. On était tous attentifs pendant les modules, on n’avait pas de distraction. On est déconnectés et on est juste entre nous. En fait le téléphone ça rend mou ! Là, j’ai beaucoup plus parlé avec les gens et j’ai appris des choses sur l’histoire de France ! Depuis que je suis rentrée, j’ai changé. Mon comportement s’est amélioré. J’ai des supers notes en cours, j’écoute, je trouve que c’est hyper important, alors qu’avant je m’en fichais un peu.

Alyssa, 15 ans, rêve de devenir parachutiste-maître chien depuis son séjour SNU. (Document remis).

La plupart des jeunes qui font le SNU veulent être militaires. On a appris à se défendre, j’ai fait des modules de self-défense, c’était super. L’armée ça me donne envie, oui. Avant le SNU, j’y pensais, mais sans plus, je ne connaissais pas les métiers qui existaient. Depuis le séjour SNU, j’ai découvert le métier de parachutiste-maître chien et ça me donne vraiment envie. J’aime tout ce qui est extrême et j’aime beaucoup les animaux aussi. J’ai envie de me battre pour mon pays, pour qu’on soit bien en France, qu’il n’y ait pas d’injustices. Mes parents ne veulent pas trop, pour l’instant je suis en lycée pro « métiers de la vente », pour devenir agente immobilière. »

Louis, 15 ans : « Le SNU c’est un mix entre une colonie de vacances, l’armée et l’école. »

« J’ai également fait mon séjour SNU à Obernai en avril. Ce qui m’a le plus plu, c’est la cohésion. On vit pendant 12 jours et 12 nuits, tous ensemble, à faire des activités. Ça crée des liens forts et très rapides. D’ailleurs la séparation à la fin a été compliquée pour tout mon groupe. Tout le monde était triste de se quitter.

On a fait beaucoup de visites intéressantes. On a été au Struthof (mémorial et ancien camp de concentration), on a fait la visite de Strasbourg : le quartier des institutions européennes et une visite de la ville avec Batorama. C’était très chouette.

Louis, 15 ans, trouve que « le SNU n’est pas si militaire que ça ». (Document remis).

Je viens d’une famille de militaires. Mon père a eu une carrière chez les pompiers de Paris, ma mère est pompier volontaire, j’ai un oncle et une tante militaires. Je sais que je veux aussi en faire mon métier. Pour le coup, je trouve que le SNU ce n’est pas si militaire que ça. En fait, c’est un mix entre une colonie de vacances, un cadre militaire et l’école parce qu’on y reçoit aussi une certaine éducation. Oui, il y a le côté militaire avec la hiérarchie, le respect, le lever de drapeau mais c’est tout. Moi, c’est ce que je recherche, donc forcément ça m’a plu, mais je sais que certains ont moins apprécié.

Grâce à ce séjour SNU, je sais où je veux faire ma Mission d’intérêt général (MIG, second volet du SNU, après le séjour de 12 jours, il s’agit de 84 heures offertes à une structure au choix du jeune, NDLR). Je voudrais soit faire ça avec les sapeurs-sauveteurs de la Sécurité civile, soit en tant que commando marine (forces spéciales de la Marine nationale, NDLR). Trouver une MIG dans l’armée, c’est mon objectif. En gros, ce sera 84 heures où je ferai du tir, du sport, mais j’aurais aussi des cours de droit, de citoyenneté, tout ça avec le côté militaire, la hiérarchie, le respect. »

Une cinquantaine d’infirmiers libéraux manifestent pour « la survie de leur profession »

Une cinquantaine d’infirmiers libéraux manifestent pour « la survie de leur profession »

Une cinquantaine d’infirmières et d’infirmiers libéraux ont défilé vendredi à Strasbourg pour demander une revalorisation de leur métier et dénoncer une disposition légale qui les remplacerait par des prestataires privés. 

« Qui n’a pas été augmenté depuis 2009 ? Qui se déplace pour 2,5€ ? Qui travaille 365 jours ? », « Nous ! », répondent les infirmiers libéraux. Voilà les slogans scandés lors de la manifestation de vendredi 12 mai à Strasbourg par ces professionnels de santé. Dans un tumulte de sifflets, de sons de cloches et de musique, les manifestants ont démarré leur marche place de la République vers 13h30 pour atteindre la Caisse primaire d’assurance maladie. 

Revalorisation des actes

Parmi leurs revendications, une revalorisation de leurs rémunérations. « Cela fait des années que l’État n’a pas augmenté nos tarifications », dénonce une infirmière libérale présente dans le cortège mais qui préfère rester anonyme. La dernière hausse de l’IFD (Indemnité forfaitaire de déplacement) date de fin 2011 où elle était passée de 2,30€ à 2,50€. Un tarif qui reste inférieur à celui d’autres professionnels de santé. « C’est cinq euros pour les kinés et dix pour les médecins. Nous, ce qu’on réclame c’est cinq euros », rappelle l’infirmière. L’ID (Indemnité kilométrique), elle, n’a pas augmenté depuis 2009.

Pour les infirmiers libéraux, les tarifs actuels et des réformes en cours peuvent mettre fin à leur profession. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Or, avec l’inflation, « pour avoir le même salaire qu’il y a dix ans, je suis obligé de travailler cinq jours de plus par mois », explique Luc Keller, infirmier libéral depuis 17 ans et représentant du collectif « Infirmiers libéraux en colère » pour le département du Bas-Rhin, à l’initiative de ce rassemblement. Luc Keller indique que le collectif organise « d’autres actions », présentées comme « silencieuses » :

« On a beaucoup de rencontres et de réunions avec des élus. Mais le dialogue est totalement fermé avec le ministère de la Santé. » 

Luc Keller, infirmier libéral et représentant du collectif « Infirmiers libéraux en colère ». Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Pour Noël Soldati, infirmier libéral de 61 ans toujours en exercice, certains de ses collègues délaissent le « nursing » (ensemble des soins d’hygiène et de confort) pour se concentrer sur des actes techniques plus rémunérateurs car mieux cotés. « La santé commence d’abord par l’hygiène », souligne-t-il. 

« Une profession à bout de souffle »

Collée au dos d’une manifestante, le portrait de la Joconde, sur lequel on peut lire « Pour que notre métier ne finisse pas dans un musée ». Car selon Luc Keller, c’est l’existence même du métier qui est en péril :

« Notre profession est à bout de souffle. Le but du jeu est de nous faire disparaître et de tout filer à des organismes de santé privés. »

Ces organismes, Francine Valance, sage-femme, et sa fille Bérangère, infirmière libérale depuis 16 ans, les dénoncent aussi. « C’est par exemple HAD (Hospitalisation à domicile) qui pour l’instant fait de la sous-traitance » mais selon elles, le risque est qu’ils prennent bientôt une place du marché. En cause : une proposition de loi sur les prestataires de santé à domicile qui les autoriserait à réaliser les actes aujourd’hui pratiqués uniquement par des infirmiers diplômés. « Dans quel but le gouvernement fait ça ? À qui profite le crime ? », s’interroge Francine.

Bérangère, infirmière libérale, et sa mère Francine, sage-femme, sont venues revendiquer la revalorisation du métier. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Le glissement des tâches (le fait qu’un aide-soignant ou un infirmier travaille en dehors de son cadre de compétences défini par la loi) est également critiqué par ces professionnels, surtout lorsqu’il est « à sens unique » comme l’explique Luc Keller, c’est à dire des actes pensés pour les infirmiers mais réalisés par des auxiliaires de vie par exemple, alors que les médecins ne délèguent pas d’acte aux infirmiers. 

Devant la CPAM, les manifestants ont procédé à un « die in ». Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc

Arrivés devant la CPAM, des manifestants se sont allongés au sol et ont déposé un cercueil devant les portes de l’établissement.