Le Pelpass festival s’installe au Jardin des Deux-Rives du jeudi 18 au dimanche 21 mai avec une cinquantaine de concerts balayant de larges pans de la scène européenne des musiques actuelles. Du nouveau son pour se rafraîchir les oreilles, les pieds dans l’herbe.
Attention l’été commence tôt ! Cette année, le coup d’envoi de la saison des festivals est donné dès le jeudi 18 mai, au jardin des Deux-Rives à Strasbourg avec le Pelpass festival. L’association éponyme garde le même concept qui a fait le succès de ce rendez-vous depuis cinq ans : une fine sélection d’artistes européens émergents, trois chapiteaux installés à la fraîche près du Rhin et des bars tout autour… Une certaine idée du bonheur, accessible jusqu’au dimanche 21 mai.
L’espace public a été légèrement étendu pour accueillir jusqu’à 3 000 personnes par soir Photo : Yannis Gergen / doc remis
En 2023, Pelpass & Cie ajoute un restaurant vegan aux stands de crêpes, de tartes flambées et des repas de Croq’ et libanis d’Al Boustan. En plus d’une bonne sélection de bières agrémentée de tirages éphémères, le festival accueillera également un « bar à vin », net signe de notabilisation de l’association Pelpass. En outre, Pelpass promet enfin d’étendre le parking vélo. Serait-ce la fin du mur de cycles sur les barrières du Jardin des Deux-Rives, une performance collective récurrente des festivaliers ?
Côté tarifs, la soirée est à 20€ en prévente, 26€ en caisse du soir ce qui augmente légèrement. En revanche, un tarif de 15€ est ajouté pour les chômeurs. Les tarifs Carte Culture et Atout Voir à 6€ sont conservés pour les étudiants et jeunes. Le prix du pass quatre jours reste à 60€ et un pass deux jours a été créé, à 35€.
Pour le reste, pas de changement : l’association Pelpass a concocté une programmation dont elle a le secret, faite de pépites en gestation, d’évidentes étoiles filantes ou d’étonnants concepts, comme Lent, de la chanson française instrumentiste, proposé le jeudi en tout début de journée.
Lent, pas tout le temps mais déroutant assurément (vidéo Youtube)
Perles françaises le jeudi
Il faudra être devant la scène du petit chapiteau dès 16h30 pour écouter l’excellente, la subtile et la douce Pauline de Tarragon, aka Pi Ja Ma. Après un premier album très remarqué en 2019, porté notamment par le titre mi-pop mi-electro Radio Girl, elle tourne avec un nouvel album, Seule sous ma frange, un peu plus français, un peu plus vocal, toujours aussi délicat. Assurément une pépite, placée au tout début du festival pour démarrer tout en douceur.
Pi Ja Ma joue avec son talent, évident, et oscille entre chanson pop, electro et française (vidéo YouTube)
Autre pépite de cette soirée, mais plus connue des Strasbourgeois, c’est Laventure. Le groupe pop rock indé est programmé à 19h, en versus avec un autre groupe strasbourgeois, Hiba, un duo de frères rappeurs aux influences nord africaines.
En tête d’affiche de cette soirée déjà bien fournie, c’est Voyou à 21h. Toujours en français, avec des textes poétiques et actuels soutenus par des mélodies pop qui n’hésitent pas à inclure des cuivres ou des violons, l’ensemble produit des balades adaptées au nouveau siècle.
Seul sur ton tandem par Voyou (vidéo Youtube)
Voyages le vendredi
Vendredi, Pelpass a retenu David Walters, une « âme tropicale » au son reconnaissable entre mille, fait de rythmes caribéens avec une pointe d’arrangements numériques. Avec sa voix aussi douce qu’une pluie d’été, David Walters propose un nouvel album généreux, bien que très proche de ses précédents opus.
Sorti en 2019, Mama a installé la signature de David Walters (vidéo YouTube)
Même soirée, il serait dommage de rater le show de Links, une révolution queer d’outre-Manche. Mettant toutes les foules en délire sur son passage, Lynks détonne avec son univers sexy, rythmé et branché, non dénué d’une critique de la société de consommation. Electro, grosses basses synthétiques et discours politique, what else ?
Everyone’s hot (and I’m not) (vidéo YouTube)
Vendredi sera également une bonne soirée hip hop, avec des artistes reconnus du genre comme A2H, Sara Hebe d’Argentine, et d’autres tous neufs comme Team Delphin.
La fête du samedi soir
La vedette de la soirée de samedi est incontestablement Todd Terje. Le DJ et producteur norvégien se produit devant des audiences plus importantes que ce que peut offrir le Pelpass festival, ce sera donc un cadeau à tous les amateurs de musique electro. Porté depuis 2014 par le titre Inspector Norse, devenu le meilleur atout des DJs pour remplir les pistes, Todd Terje propose un univers synthétique planant et entraînant. Ce sera bien la fête sous la toile du grand chapiteau.
Inspector Norse, obligatoire (vidéo YouTube)
Autre poids lourd electro de cette soirée, Sierra. Mais là, changement d’ambiance : la DJ darkwave propose des titres prenants, pesants mais assez dansants, si on accepte de se laisser emmener… Également habituée aux grandes scènes européennes et d’Amérique du nord, la croiser au Pelpass festival constitue en soi un petit événement.
Sierra en live à Amsterdam (vidéo YouTube)
Mix de variétés en famille le dimanche
Pour sa journée la plus familiale, dimanche 21 mai, Pelpass ajoute un « bar à mioches », afin que les parents puissent lâcher un peu leurs enfants pour profiter d’une programmation très diverse. Il y a de la musique mélodique avec Tout Bleu, de la musique d’inspiration traditionnelle africaine avec Les Frères Timal, l’accordéon d’Antti Paalanen, la soul de Romane, le folk greco-turc de Monsieur Doumani, le rock berbère de Bombino mais ce sera aussi la dernière occasion de voir les strasbourgeois de Funk Industry en concert avant leur tournée… au Japon pendant tout le mois de juin.
La Ville de Strasbourg lance la rénovation de la Laiterie, afin d’augmenter la capacité de la grande salle de concerts. Les travaux sont prévus en 2025. La petite salle, le Club, doit déménager dans des locaux utilisés par l’Espace K.
La grande salle de la Laiterie ne peut accueillir que 870 personnes, ce qui rend son modèle économique complexe et fragilise sa position dans la concurrence face aux autres salles de concerts afin d’accueillir les artistes les plus en vue. Une situation de moins en moins tenable, qui a conduit la direction d’Artefact, l’association gestionnaire de la Laiterie, à demander avec de plus en plus d’insistance des travaux d’agrandissement.
Victoire en 2020, puisque la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (EE-LV), a accédé à cette demande dès le début de son mandat. Plus de 11,3 millions d’euros du budget d’investissement 2023 de la Ville (sur 192 millions d’euros au total), vont être consacrés à la transformation de la grande salle, pour qu’elle puisse accueillir jusqu’à 1 164 personnes, soit la capacité d’accueil totale du bâtiment, selon une présentation de ce dossier vendredi 5 mai par les élus. La délibération correspondante doit être votée lors du conseil municipal du mercredi 10 mai.
L’entrée de la Laiterie devrait se faire par la rue du Ban-de-la-Roche en 2026. Photo : Visuel Weber-Keiling architectes
Selon Patrick Schneider, le programmateur d’Artefact, cette augmentation d’à peine 300 places permettra à la Laiterie de revenir dans la course des salles en rejoignant les établissements français accueillant « plus de 1 000 personnes » :
« Beaucoup de programmateurs et d’artistes apprécient la Laiterie, grâce à notre expérience. Après 5 000 concerts en trente ans, nous sommes toujours très bien placés mais les impératifs économiques peuvent parfois l’emporter. »
La Laiterie fermera ses portes à l’automne 2024 et devrait rouvrir au premier trimestre 2026. Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Une programmation « hors les murs » en 2025
Les travaux vont nécessiter la fermeture complète de la Laiterie à partir de l’automne 2024. La réouverture est prévue au premier trimestre 2026. Pendant ce temps, des concerts hors les murs seront proposés selon Thierry Danet, mais il ne précise pas où ni à quelle fréquence à ce stade :
« On a survécu à la période de fermeture complète du Covid, donc on devrait survivre à cette étape qui coïncide avec nos 30 ans. Nous allons profiter de ce moment particulier pour changer d’époque, adapter le bâtiment à accueillir les musiques actuelles ainsi qu’aux nécessités écologiques. »
Patrick Schneider, programmateur d’Artefact (à gauche), et Thierry Danet, directeur d’Artefact (à droite). Photo : Clara Sapienza / Rue89 Strasbourg / cc
Dans la continuité de ces travaux, la Ville prévoit de requalifier l’ensemble des abords de la Laiterie. Rue du Ban-de-la-Roche, « l’apaisement » (c’est à dire la limitation) de la circulation sera étendue au début de la rue afin que le public puisse accéder à la Laiterie.
Invasion du Club dans l’Espace K
Rue du Hohwald, le parvis devrait être réaménagé pour être plus accueillant, mais, surtout, le Club, la petite salle de la Laiterie, devrait déménager à la place du Salon des curiosités, l’une des deux salles de l’Espace K, le théâtre situé en face.
Plan du quartier culturel de la Laiterie Photo : doc VdS
Une invasion mal accueillie par les salariés et les bénévoles de l’Espace K selon Jean-Luc Falbriard, son directeur :
« On ne voit pas bien comment une salle de concerts rock pourrait cohabiter avec nos spectacles jeune public, nos réunions de médiation avec le quartier, etc. Elle est utilisée 125 jours par an, et aussi pour l’accueil du public lors des représentations dans notre salle de spectacles, 164 jours par an… Nous sommes donc opposés à ce projet, jusqu’à ce que la Ville nous présente un plan alternatif concret. »
Vendredi, Anne Mistler, adjointe à la maire en charge de la Culture, a assuré que « des solutions seraient trouvées », sans toutefois dissiper les inquiétudes de l’équipe de l’Espace K.
Le collectif Amoureux au ban public présente samedi 6 mai à 17h un spectacle de marionnettes dans une salle de l’église Saint-Pierre-le-Vieux. La pièce revient sur l’histoire vraie de Claudette Colvin, jeune fille noire victime de l’Amérique ségrégationniste.
« C’est une histoire vraie, en noir et blanc, qui se déroule en 1955 dans l’Alabama. Une jeune fille de 15 ans dans l’Amérique ségrégationniste refuse de céder sa place à une jeune fille blanche du même âge, dans le bus qui la ramène dans sa maisonnette. Ah ! N’oublions pas de dire qu’elle est noire. » Ainsi débute la présentation du spectacle Claudette, mis en scène par la compagnie Les Fées du logis et organisé par l’antenne strasbourgeoise du collectif Amoureux au ban public. La représentation aura lieu dans une salle de l’église Saint-Pierre-le-Vieux samedi 6 mai à 17h.
La pièce permet de se plonger dans la vie de Claudette Colvin. Arrêtée en 1955, reconnue coupable d’agression sur « représentants de l’ordre public », puis violée et mise enceinte par un policier blanc, la jeune fille se heurte à toute la violence d’une Amérique raciste où « être une femme et être noire sont deux anomalies », ainsi que l’écrit le collectif Amoureux au ban public. Mais si la marionnettiste Shérazade Ferraj a fait le choix de s’emparer de cette histoire, c’est parce que pour elle, « elle est teintée de lumière ».
Tout comme Rosa Parks, Claudette a refusé de se soumettre aux règles ségrégationnistes de son époque et n’a pas cédé sa place de bus à une camarade blanche. Photo : Dessin DR / Sherazade Ferraj
Ombre, vidéo et marionnettes pour aborder l’Histoire
En ombre, vidéo, marionnettes et silhouettes, ce spectacle rend hommage à une femme forte qui a pourtant été oubliée. Il met aussi en lumière de manière poétique une partie de l’histoire, parfois difficilement abordable avec les plus jeunes, pour éveiller les consciences sur la mobilisation contre la ségrégation et le racisme.
Ce spectacle a été créé par Shérazade Ferraj qui a découvert l’art de la marionnette après des études en arts plastiques à la faculté Marc Bloch de Strasbourg. Elle a suivi des cours au théâtre aux Mains nues à Paris et a intégré l’École supérieure nationale de la marionnette dans laquelle elle touche à la fabrication, la mise en scène, la scénographie et au théâtre. Depuis 2018, elle fait partie des Fées du Logis, une compagnie de production de spectacles vivants du Grand-Est. À ses côtés dans la compagnie et dans Claudette, Bouclette, un multi-instrumentiste qui a mis en musique le spectacle.
Le spectacle sera précédé d’un atelier de sensibilisation aux questions raciales animé par la marionnettiste Shérazade Ferraj. Photo : DR / Michel Knoebel
Après la représentation, un temps d’échange autour d’un verre sera proposé aux participants pour converser autour de l’accueil que l’administration réserve aujourd’hui aux couples binationaux et que la société réserve aux relations interraciales.
Défendre les droits des couples binationaux
Nommé d’après une chanson de Georges Brassens, Les Amoureux au ban public est un mouvement de défense des droits des couples binationaux, créée en 2007. Il est né en réaction à la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages entre une personne de nationalité française et une personne étrangère, principalement si l’union a été célébrée à l’étranger. L’association, soutenue par la Cimade, accompagne les couples binationaux et les aide à faire respecter leurs droits.
Ce spectacle est proposé par le collectif Amoureux au ban public réunissant des couples interraciaux. Photo : DR / Michel Knoebel
Les antennes locales proposent des conseils juridiques et des espaces de dialogue et d’échange lors de permanences. Elles organisent aussi des événements festifs, comme cette pièce, pour sensibiliser le public aux questions raciales.
« Une vie de famille libre, c’est aussi pouvoir choisir de se marier ou non, de se pacser ou non, de vivre sous le même toit ou non. Pour le dire haut et fort, nous nous mobilisons au sein du mouvement des Amoureux au ban public. »
Extrait de l’avant-propos de l’ouvrage Haut les cœurs, éditions La Ville brûle
« Le racisme, c’est quoi ? » : un atelier pour les enfants
Pour approfondir le sujet, un atelier gratuit à destination des enfants de plus de huit ans sera également proposé le samedi 6 mai de 10h à 11h au centre socioculturel du Fossé-des-Treize. La marionnettiste Shérazade Ferraj discutera avec les participants en abordant plusieurs questions : qui est Claudette ? Le racisme, c’est quoi|? Est-ce qu’il existe toujours aujourd’hui ? Ce sera l’occasion de revenir sur des personnages importants, comme Rosa Parks, Martin Luther King ou la militante afro-américaine des droits civiques Aurélia Browder.
Portrait de Claudette Colvin dont la vie a librement inspiré le spectacle. Photo : DR / The Visibility Project
Plus largement, il est possible de rendre visite aux Amoureux au ban public de Strasbourg lors de leurs permanences collectives. Elles se tiennent le premier lundi du mois, de 12h30 à 14h, à La Cimade, 2 rue Brulée à Strasbourg, ou bien en ligne, le troisième lundi du mois de 17h30 à 19h.
Le 19 avril, Claire se rend à Sélestat pour protester contre la réforme des retraites à l’occasion du déplacement du président de la République. Après avoir tendu deux doigts d’honneur « vers le ciel » lors du passage d’Emmanuel Macron, elle a été arrêtée, placée en garde à vue et devra répondre de ces gestes devant la justice.
C’était le premier bain de foule pour Emmanuel Macron après la validation par le Conseil constitutionnel de l’essentiel de la réforme des retraites. Mercredi 19 avril, le chef de l’État s’est rendu à Muttersholtz puis à Sélestat. Dans les deux villes, il a été accueilli par des centaines de manifestants, remontés contre cette réforme et son mode d’adoption. Parmi eux Claire, 31 ans :
« J’étais dans la foule après avoir passé tous les contrôles de sécurité pour rejoindre les autres manifestants. Je suis assez petite donc je n’ai pas vu Emmanuel Macron. J’ai fait deux doigts d’honneur vers le ciel et j’ai chanté des slogans classiques pour lui demander de démissionner. »
31 minutes de contestation, 23 heures de garde à vue
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À la suite de notre article « Trois suicides en deux ans : à l’hôpital psychiatrique de Brumath, des salariés dénoncent un mépris général », l’Epsan exerce son droit de réponse en faisant parvenir ce texte à la rédaction de Rue89 Strasbourg.
Sans chercher à nier l’existence de certaines questions qui y sont évoquées, l’Établissement public de santé Alsace nord (Epsan) s’estime, toutefois, gravement et injustement mis en cause, dans l’article intitulé « Trois suicides en deux ans : à l’hôpital psychiatrique de Brumath, des salariés dénoncent “un mépris général”« , rédigé par Madame Maud de Carpentier, qui procède d’une certaine stigmatisation des conditions de travail de ses agents.
En l’occurrence, depuis de longs mois, la presse, aussi bien écrite qu’audio- visuelle, se fait régulièrement l’écho de la crise générale que connait le monde hospitalier aujourd’hui, qu’il s’agisse des personnels médicaux, paramédicaux et soignants : perte du sens de leur engagement, manque de reconnaissance, épuisement physique et moral avec des effectifs en baisse en lien avec des difficultés récurrentes de recrutement, découragement devant l’avenir, vocations ébranlées, séquelles morales persistantes de la pandémie de Covid-19…
Le manque de moyens financiers et humains au cœur de la crise endémique du système de santé, avec peu de perspectives d’amélioration, rend toujours plus délicate la gestion quotidienne des établissements publics de santé, et concourt à un désarroi général de l’ensemble de ses professionnels.
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Le Chaudron des Alternatives, un collectif engagé sur des sujets liés à l’environnement, organise samedi 6 mai une journée de festivités et de rencontres autour des pratiques écologiques et citoyennes.
Engagés contre l’installation d’un entrepôt Amazon ou plus récemment contre les velléités de la famille Mack d’artificialiser les dernières terres libres en Alsace centrale, les militants du Chaudron des alternatives proposent de s’engager dans un cadre plus festif, samedi 6 mai au Foyer Notre-Dame-de-la-Paix à Sélestat.
En 2022 déjà, le festival réunissait à Sélestat plusieurs associations, proposait des ateliers et mini-conférences. (doc remis)Photo : document remis
Le programme dense de cette journée alterne ateliers, formations et rencontres, avec des stands et des tables-rondes sur des sujets comme l’alimentation, les écogestes, les déplacements, etc. La matinée est réservée à une « fresque agri-alimentaire » où, en équipe, les participants seront invités à réfléchir à l’écosystème politique, économique et écologique de l’industrie agro-alimentaire (sur inscription, 10€).
Pour l’après-midi, deux « thématiques fortes » ont été retenues : « Le nucléaire civil en Alsace » et un « Retour d’expérience de la manifestation de Sainte-Soline contre les grandes bassines » (lire notre article de témoignages).
Le programme des animations Photo : doc remis
Des jeux en bois sont disponibles toute la journée pour venir avec les enfants, ainsi qu’un bar et de la petite restauration. Un concert de folk rock irlandais est programmé à partir de 19h, avec Wake Up Woods.
Wake Up Woods au Pub Marteens en 2019 (vidéo YouTube)
L’objectif de cette journée est de faire en sorte que les militants puissent se retrouver en dehors d’une manifestation ou d’un blocage, et de renflouer les caisses du collectif, qui reste volontairement informel. En 2022, plus de 300 personnes avaient participé à la première édition.
À l’Université de Strasbourg, deux étudiantes témoignent de leurs difficultés face à l’administration après avoir été diagnostiquées d’une maladie grave. Une Mission handicap et une convention avec la Ligue contre le cancer doivent pourtant aider les étudiants malades et handicapés à poursuivre leurs études.
Céline, 21 ans, étudie en deuxième année de médecine. En mars 2021, elle est diagnostiquée du syndrome de Cowden, une maladie génétique héréditaire qui touche environ une personne sur 200 000. Elle se caractérise notamment par un risque accru de développer des tumeurs bénignes et malignes. En mars 2022, un deuxième diagnostic tombe : un cancer de la thyroïde.
Sa thyroïde gonfle, appuie sur ses voies respiratoires et l’empêche de respirer. L’étudiante décide de refuser l’aide de ses proches et de prendre seule en charge les démarches pour se soigner. Mais elle n’arrive pas à se préparer dans de bonnes conditions aux examens :
« Le service scolarité de l’Université ne m’a rien dit alors que je leur avais transféré mon dossier médical. On ne m’a pas informée des aménagements possibles. Je n’étais pas apte à aller aux épreuves. J’étais dans un état pitoyable quand je les ai passées, au sol à me tordre de douleur. »
Pas de réponse de la faculté de médecine
Dès janvier 2022, elle fait part de sa situation handicapante à la responsable administrative adjointe (RAA) de sa faculté, qui lui affirme que « les rattrapages devraient se dérouler en juillet et non plus en septembre ». La responsable précise dans le même e-mail qu’il n’est pas nécessaire de transmettre un certificat médical car « les éléments portés à [sa] connaissance suffisent ».
Mais pour Céline, les rattrapages ne suffisent pas. Elle répéte qu’elle ne pourra pas assister aux premières épreuves, celles dites de substitution mises en place par la faculté de médecine pour permettre aux étudiants malades du Covid de passer les examens, car son opération urgente de la thyroïde est programmée au même moment.
Céline est étudiante à la faculté des médecine lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’un cancer de la thyroïde. Photo : CS / Rue89 Strasbourg / cc
Mais les épreuves de substitution n’étaient qu’une dérogation nationale exceptionnelle, valable uniquement pour les étudiants malades du Covid. Aucun équivalent n’est proposé à Céline, qui se voit dès lors proposer les examens de rattrapage, comme à tous les étudiants.
Le médecin spécialiste qui suit le dossier médical de Céline, à qui elle s’est confiée, décide d’envoyer un e-mail au doyen de la faculté de médecine. Il demande à ce qu’elle puisse, comme les autres, bénéficier des épreuves de substitution :
« Si jamais elle échouait [aux examens, NDLR], n’est-il pas possible dans ce cas, à titre exceptionnel, de programmer une session de rattrapage pour qu’elle puisse avoir deux chances comme tous les autres étudiants ? »
Extrait de la lettre adressée au doyen de la faculté de médecine, par le médecin de Céline, le 18 juillet 2022.
Malgré de nombreuses relances, Céline restera sans réponse de la part de la faculté durant tout l’été 2022. Le 7 septembre, elle reçoit un e-mail de la part de l’administration, qui la convie à une rencontre cinq jours plus tard. Ce rendez-vous a lieu en présence du responsable du second cycle de médecine ainsi que de la responsable administrative adjointe. Céline demande alors une énième fois « la même chance que les autres » en passant des épreuves de substitution. Le comité de faculté les lui refuse. N’ayant validé que six matières sur dix aux examens de rattrapages, elle doit redoubler son année :
« Je me sentais très vulnérable. J’avais beau dire et répéter les faits de ma maladie, mon cancer et ma fatigue, on m’a poussé au redoublement. Je n’avais pas l’énergie de lutter. »
Éloïse, étudiante en histoire à l’Université de Strasbourg, a eu un cancer de la thyroïde pendant sa licence. Photo : Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg / cc
Batailler pour des aménagements
Éloïse, étudiante en histoire, a été diagnostiquée d’un cancer de la thyroïde en 2020. Elle a été soignée à l’Icans (l’institut de cancérologie Strasbourg Europe), tout comme Céline. Son opération, initialement prévue en mars 2020, est déplacée étant donné la montée des cas de Covid dans les hôpitaux et cliniques alsaciennes. Mais son cancer se développe trop vite, il faut l’opérer immédiatement. L’opération est donc reprogrammée pour début avril 2020.
« Dès que j’ai eu mon diagnostic, en janvier 2020, je me suis dirigée vers mes professeurs pour les avertir de mes absences futures. C’est le référent handicap de ma faculté qui m’a vraiment aidée, il ne m’a pas lâchée et m’a dirigé vers Mission handicap afin de prévoir les aménagements nécessaires. »
Il lui est alors proposé de poursuivre sa licence en contrat pédagogique et d’entamer sa deuxième année à la rentrée en septembre. Ce dispositif permet aux étudiants n’ayant pas validé l’intégralité des unités d’enseignements (UE) de première ou de deuxième année de commencer à suivre certains cours de l’année suivante. En plus de cela, elle obtient des aménagements qui lui permettent d’être absente, malgré l’obligation d’assiduité des étudiants boursiers.
« Défaillante » malgré les aménagements
Néanmoins, Éloïse a dû se battre avec la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) afin de conserver l’aide financière qui lui est versée. N’ayant pas été présente aux examens de fin d’année en 2020, l’administration de la Carmf a considéré l’étudiante comme « défaillante » et décidé de stopper le versement.. Sans cette aide financière, Éloïse ne peut ni faire ses courses, ni payer ses factures.
Malgré les documents déjà transmis à la Caisse, l’aide est suspendue pendant deux mois systématiquement à chaque début de semestre depuis septembre 2020. Pour débloquer le versement auquel elle à droit, il faut qu’Éloïse ré-explique son parcours à l’administration en question :
« Je n’arrêtais pas de les contacter et de leur répéter à chaque fois que j’ai eu un cancer et que j’étais en contrat pédagogique. Chaque semestre, c’est la même histoire. »
L’étudiante doit répéter inlassablement son histoire, sa maladie et en apporter la preuve avec des documents médicaux et universitaires. Pendant ces temps de vide financier, c’est sa mère qui l’aide tant bien que mal. Éloïse décide également de faire un service civique en parallèle de ses études, afin de gagner un peu d’argent :
« Je peux comprendre qu’un étudiant seul soit dépassé par les évènements, j’ai eu la chance d’avoir ma mère qui ne lâchait pas le dossier. »
Se battre aussi pour sa bourse
Le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) a également causé des problèmes à Éloïse. Avant de se réorienter et d’étudier l’histoire, elle a fait deux années de droit. Alors qu’elle entame sa troisième année de licence, en 2022, le Crous l’informe qu’elle a épuisé son droit à une bourse. Durant quatre mois, elle doit à nouveau rappeler sa situation, sa maladie, son cancer… Avant d’enfin pouvoir être reconsidérée comme une étudiante boursière.
« Aucune information » sur l’existence de la Mission handicap
Jackie Didierjean, chargée d’accueil à la Mission handicap de l’Université de Strasbourg, explique qu’il existe « deux portes d’entrée » aux aménagements universitaires :
« Si l’étudiant malade d’un cancer est traité à Strasbourg, l’Icans nous en informe et on entre en contact avec l’étudiant. Sinon, l’étudiant doit venir vers nous, se déclarer à la Mission handicap et demander de l’aide. Les facultés doivent informer les étudiants de l’existence de la Mission handicap lorsqu’un étudiant se présente à l’administration. »
Il n’y a que quatre chargés d’accueil Mission handicap à temps plein pour l’université strasbourgeoise, qui accueille plus de 56 000 étudiants. Deux référents handicap parmi les personnels de l’université sont aussi présents dans chaque composante universitaire. En 2021-2022, cette mission a accompagné 1 341 étudiants, dont 28 atteints de cancers.
À l’Unistra, c’est le bâtiment du Studium qui accueille la Mission Handicap où sont orienté les étudiants nécessitant des aménagements pour poursuivre leurs études. Photo : CS / Rue89 Strasbourg / cc
Les aménagements pour ces étudiants peuvent inclure des assistants d’études pour de l’aide à la prise de notes, un robot de téléprésence pour le suivi des cours à distance, du temps majoré pour les examens, une salle à part pour composer, des autorisations de sortir pendant les cours et les examens ou des autorisations d’absence, l’étalement du cursus, la conservation des notes d’une année sur l’autre, etc.
Ces aménagements découlent d’une convention signée entre l’Unistra et la Ligue contre le cancer en mars 2020 pour accompagner les étudiants malades dans leurs études. Mais, alors qu’elle a été traitée à l’Icans, Éloïse n’a pas été mise en lien avec la Mission handicap :
« Je connaissais déjà le parcours à suivre pour avoir accès à des aménagements et à qui s’adresser, parce que ma famille et mes professeurs me guidaient et me soutenaient. »
Interrogée à son tour sur la Mission handicap, Céline assure n’avoir eu « aucune information sur l’existence de la Mission handicap, ni de la part de l’hôpital, ni de la faculté. » Jackie Didierjean, informée de cette situation lors d’un entretien avec Rue89 Strasbourg, confirme que la situation « n’est pas normale ».
Des structures incapables de répondre aux besoins
Selon Lucas Sivilotti, docteur en Sciences de l’éducation et de la formation à l’Université de Bordeaux, « les trois-quarts des étudiants qui nécessitent un accompagnement personnalisé ne font pas appel au service universitaire d’aide dédié de leur établissement » (dans Accompagner les étudiants malades à l’université, 2023).
Lors d’un entretien téléphonique, il indique qu’il y a trois éléments explicatifs à ce comportement :
« Il y a une méconnaissance de ce qui existe. Un certain nombre d’étudiants ne savent pas qu’il y a des ressources auxquelles ils pourraient prétendre. Parfois ils en prennent connaissance trop tard dans l’année universitaire. »
Une seconde explication est l’indifférence face au service handicap :
« Il y a une sensation d’être légitime ou non à ce type de dispositif. Beaucoup adoptent une stratégie d’auto-compensation, au lieu de demander des compensations à l’institution. »
Enfin, certaines structures ne peuvent tout simplement pas répondre aux besoins des étudiants.
Après rémission, suppression des aménagements
À la rentrée suivant son opération, la scolarité demande à Éloïse si la situation concernant son cancer est « réglée ». Elle répond positivement. On lui annonce alors que les aménagements mis en place par la Mission handicap lui seront retirés.
« J’ai accepté cette décision parce que j’étais dans le déni de ce que je venais de vivre… Ce n’est pas parce que je suis en rémission que je vais bien. J’ai gardé des aménagements similaires pour ma dyslexie et mon anxiété. J’ai un peu plus de temps pour les examens par exemple. »
Le sentiment d’illégitimité face à la maladie ou au handicap est un aspect majeur du combat que mènent les étudiants. « Ils me le disent presque tous », affirme la chargée d’accueil de la Mission handicap. Éloïse raconte :
« Je ne me sentais pas légitime. Pour moi, je n’avais pas eu un vrai cancer, je n’ai pas eu besoin de faire de chimiothérapie. J’étais dans un déni complet. »
Céline explique qu’elle a eu « beaucoup de mal » à se rendre compte de la gravité de sa maladie :
« Je me disais que bon, j’ai un cancer, mais c’est pas grave, c’est comme ça. On ne me prenait pas au sérieux, on m’a dit que je devais prendre sur moi. Je me sentais très seule, c’était mon combat contre la douleur. Je culpabilise beaucoup de ne pas avoir la force de me battre pour mes droits. »
« La mise en place d’aides à l’accessibilité reste une zone grise dans la loi, ce qui fait que l’on trouve des disparités. On va s’appuyer sur la motivation et le bon vouloir de l’établissement. Quasiment 20 ans après cette loi, il reste donc des disparités. »
Les Verts au pouvoir, trois ans après. (1/3) Dans les trois plus grandes villes remportées par les écologistes en 2020, l’objectif était de relancer la démocratie locale. Mais le volontarisme politique s’est vite heurté aux réalités du pouvoir.
Qu’importe qu’on parle de « démocratie participative » ou « citoyenne », les termes fondent comme des guimauves sous la langue. En remuant ces idées durant leurs campagnes, les candidats écologistes savent les images puissantes qu’ils invoquent dans l’imaginaire de leurs électeurs, qui peuvent soudain rêver aux Athéniens à l’Agora ou aux Gilets jaunes à Commercy. Derrière un jargon malléable, chacun entend la promesse d’une vie politique locale plus ouverte, où des citoyens profanes pourraient prendre part aux décisions qui les concernent et se sentir investis d’un pouvoir politique.
Après leur victoire lors des élections municipales de 2020, Jeanne Barseghian à Strasbourg, Grégory Doucet à Lyon et Pierre Hurmic à Bordeaux ont chacun lancé des chantiers visant à rénover le rapport à la démocratie locale. Mais ni au même rythme, ni avec les mêmes priorités.
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Le designer strasbourgeois Vincent Rimlinger a reçu des informations confidentielles concernant 115 professionnels libéraux alsaciens. L’Urssaf a publié un communiqué d’excuses et appelle à la vigilance sur d’éventuelles transactions bancaires suspectes.
« J’ai reçu un mail de l’Urssaf lundi 1er mai. J’ai d’abord constaté que les chiffres ne correspondaient pas à mes déclarations. Puis j’ai rapidement vu des noms. Ce n’était pas le mien. » Designer strasbourgeois, Vincent Rimlinger garde son calme ce mardi 2 mai en fin d’après-midi. Il accueille dans son bureau du quartier gare, conscient de jouer un rôle de lanceur d’alerte en Alsace.
La veille, le décorateur d’intérieur a reçu un document PDF sur sa messagerie personnelle de l’Urssaf, l’organisme chargé de collecter les cotisations sociales des entreprises et des indépendants. Ce sont plus de 450 pages, dans lesquelles l’entrepreneur a pu consulter le numéro de compte Urssaf, les coordonnées bancaires (RIB, IBAN, référence unique de mandat…) et d’autres informations confidentielles comme le salaire et les cotisations sociales classées selon l’échéance du paiement d’autres entreprises :
« Ce sont des architectes, des avocats, des médecins, des experts-comptables ou des professeurs des musiques. Au total j’ai pu consulter ces informations pour 115 personnes. »
Une fuite, aucune réponse individuelle
En pleine journée internationale pour les droits des travailleurs, le professionnel indépendant s’inquiète pour deux raisons :
« Des pirates pourraient intercepter des mails avec ces coordonnées bancaires pour initier des transactions financières frauduleuses. Mais je crains aussi que des dizaines de concurrents puissent accéder à mes revenus et diffuser des informations confidentielles auprès de potentiels clients. »
Il envoie un premier mail à l’Urssaf, dès lundi 1er mai en milieu d’après-midi, pour demander des explications. Sans réponse.
Vincent Rimlinger, designer strasbourgeois, a reçu par l’Urssaf des données confidentielles de 115 professionnels alsaciens. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Vincent Rimlinger contacte aussi des dizaines de professionnels dont il a reçu des informations confidentielles. Une vingtaine d’avocats sont concernés et plusieurs d’entre eux lui recommandent de bloquer les prélèvements Urssaf. Le décorateur s’exécute et informe l’organisme de prélèvement des cotisations sociales par mail en fin de matinée du mardi 2 mai. Quelques heures plus tard, la messagerie interne de l’Urssaf est bloquée. Le designer ne recevra aucune réponse individuelle, ce qui ne l’étonne guère :
« Je ne suis pas dans une démarche de vengeance, mais l’Urssaf ne nous fait pas de cadeau. C’est un organisme difficile à joindre au quotidien. Nous n’avons pas de conseiller disponible mais uniquement des formulaires de contact et d’autres foires aux questions en cas de problème. C’est très difficile d’échanger avec eux… »
« Un incident informatique » d’après l’Urssaf
Dans un communiqué publié mardi 2 mai, l’Urssaf présente ses excuses suite à un « incident informatique » permettant à « certains travailleurs indépendants (artisans commerçants et professions libérales) d’accéder, à partir de leur compte en ligne, à des informations personnelles d’autres usagers. » L’organisme précise que les victimes potentielles sont les professionnels ayant déclaré leurs revenus avant le 27 avril :
« Vous recevrez alors prochainement un message de l’Urssaf vous précisant votre situation et vous guidant sur la conduite à tenir. Si vous ne recevez pas de message de l’Urssaf, vous n’êtes pas concernés par cet incident. »
Selon le journal Le Monde, au niveau national, ce sont 7 400 usagers de l’Urssaf qui sont victimes de cette fuite de leurs données personnelles. Alizée Minker, sous directrice Urssaf Alsace, avance le chiffre de 10 600 personnes concernées et indique que la caisse nationale de l’Urssaf a fait parvenir le mardi 2 mai à 20h un mail personnalisé aux victimes de cette fuite de données :
« Concernant l’Alsace, 688 personnes se retrouvent dans l’une des deux situations (qui ont soit accédé à des informations ne les concernant pas dans leur espace en ligne, soit dont les informations ont été consultées par d’autres personnes, NDLR). Elles ont été destinataires du courriel précité. Nous présentons toutes nos sincères excuses à tous les travailleurs indépendants touchés par cet incident informatique. »
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Brûler une marionnette à l’effigie du président de la République est-il répréhensible lors d’une manifestation ? La préfecture du Bas-Rhin semble penser que oui. Pas si sûr, affirment plusieurs avocats.
La marionnette géante à l’effigie d’Emmanuel Macron, assis dans une casserole et couronne sur la tête, a fait sourire les passants, lors de la manifestation du 1er mai 2023 dans les rues de Strasbourg. Après deux heures de cortège, des manifestants lui ont mis feu, en cercle, à proximité du palais universitaire. Ils ont été plusieurs centaines à danser et chanter autour du brasier.
Un acte condamné par la représentante de l’État
Mais ce moment symbolique aux allures de carnaval est condamné par Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin dans un tweet publié à 15h40 le même jour. Elle ajoute avoir porté « ces faits à la connaissance de l’autorité judiciaire ».
Le 1er mai à 15h40, la préfecture du Bas-Rhin a condamné la crémation de la marionnette d’Emmanuel Macron sur Twitter
Contactée, la préfecture du Bas-Rhin n’a pas répondu à nos questions.
En manifestation, la loi protège largement la liberté d’expression
« Je ne vois pas sur quelles qualifications des poursuites pénales pourraient être engagées », estime de son côté Florence Dole, avocate au barreau de Strasbourg qui a notamment défendu des « décrocheurs » alsaciens des portraits d’Emmanuel Macron. À Grenoble le 25 avril, le parquet a ouvert une enquête pour des faits similaires qualifié « d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique », selon France 3. Une infraction prévue par le Code pénal et punie d’une peine maximale d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.
Mais, « l’outrage est une infraction de droit commun », précise Florence Dole. « Dès lors que le contexte est celui d’une manifestation publique, c’est une loi de 1881 qui s’applique », précise l’avocate :
« Dans un contexte de manifestation, une performance artistique qui met en scène une marionnette du chef de l’État qui brûle est protégée par la liberté d’expression. D’autant plus que la performance faisait partie d’un cortège burlesque, carnavalesque, et que les artistes avaient le visage découvert. »
Florence Dole, avocate au barreau de Strasbourg.
Un détournement de qualification pénale
Si la préfecture devait faire valoir la qualification d’outrage pour réprimander la crémation de la marionnette, il s’agirait d’un « détournement de qualification pénale » selon Maître Dole. « Ça sera au tribunal de vérifier », estime-t-elle. « D’ailleurs ce n’est pas le rôle de la préfecture de limiter la liberté d’expression », précise Florence Dole, pour qui ce tweet relève d’une « opération de communication » de l’institution.
Le parquet de Strasbourg n’a pas répondu aux sollicitations de Rue89 Strasbourg pour savoir s’il allait ou non ouvrir une enquête.
Vers 16h, sur Rue89 Strasbourg, retrouvez notre reportage au sein du cortège pour la journée internationale des travailleurs. Un 1er mai historique ! pic.twitter.com/y9rk2jbdqs
Michaël Pierrelée, militant à Amnesty international Alsace, confirme les propos de l’avocate et ajoute :
« Le droit de manifester est à l’intersection de deux droits fondamentaux : la liberté d’expression et celui de se réunir pacifiquement ».
Jusqu’en 2013, un « délit d’offense au président de la République » était prévu par la loi de 1881. Selon les termes juridiques d’alors, une telle mise en scène aurait pu être condamnée. Mais selon la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui a condamné la France, ce délit portait atteinte à la liberté d’expression. Il a été supprimé et n’existe plus en droit français.
« Le contexte compte énormément »
Me Christophe Meyer, un avocat strasbourgeois plaidant devant la CEDH, détaille :
« En 2018, la Cour a estimé que brûler un portrait du roi d’Espagne lors d’une manifestation ne devait pas être sanctionné pénalement. C’est une indication qu’elle a une interprétation libérale de la liberté d’expression même si le contexte est crucial et propre à chaque affaire. »
Pour juger qu’une atteinte à la liberté d’expression est légitime, il faut qu’elle soit « proportionnée » au but poursuivi, explique Florence Dole.
« Le contexte social et extrêmement tendu d’une contestation du gouvernement est à prendre en compte. La colère des manifestants s’exprime à travers des slogans et des actions revendicatives. On ne peut pas en faire abstraction. Dans un tout autre contexte, peut-être que brûler une marionnette du président pourrait ne pas être couvert par la liberté d’expression. »
Michaël Pierrelée d’Amnesty international Alsace abonde :
« Les manifestations comme celles du 1er mai sont des lieux de rassemblement pour celles et ceux qui n’ont pas d’autre moyen d’être entendus, le message de la préfecture risque de dissuader et distiller la peur. »
Un droit de manifester de plus en plus limité ?
Par ailleurs, Florence Dole remarque que des textes « de plus en plus fréquents » viennent restreindre la liberté de manifester comme « la loi anti-casseurs, ou plus récemment les décrets d’application qui permettent d’avoir recours aux drones. »
Pour la première fois en France, ce 1er mai 2023, quatre préfectures ont pris des arrêtés autorisant le survol des manifestations par des drones. « Sur quatre référé-libertés, un seul juge administratif a estimé que le décret était irrégulier », poursuit Me Dole.
Depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, Amnesty international a dénoncé un « recours excessif à la force et aux arrestations abusives » dans un communiqué du 23 mars. En plus de l’arsenal législatif, cette tendance est selon Michaël Pierrelée le second levier utilisé par le gouvernement pour restreindre le droit de manifester et dissuader les opposants.
Près de 20 000 personnes ont manifesté pour la journée internationale des travailleurs à Strasbourg. Une foule dense et festive, déterminée à maintenir la pression sur le président de la République.
Une manifestation de près de deux kilomètres, une banderole « Attention Dictature » déployée sur la façade de la cathédrale aux aurores, une effigie du président qui brûle dans une casserole… À Strasbourg, le 1er mai 2023 est historique. Par le nombre tout d’abord : le défilé est aussi long que lors de la manifestation du 31 janvier qui avait rassemblé près de 20 000 personnes. Les couleurs de la manifestation sont aussi nombreuses que les syndicats présents, toujours unis en intersyndicale. Il y a aussi cette colère qui s’exprime sous des formes diverses : des manifestants en famille, des étudiants qui haranguent la foule au mégaphone, un black bloc de près de 200 personnes, une chorale féministe bien entraînée et une zone carnavalesque où le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, parmi d’autres « connards », finit au fond du Rhin. « J’ai l’habitude des 1er mai tristounets à Strasbourg, commente un manifestant, mais là il y a beaucoup de monde et d’ambiance. »
Pour certains manifestants, plusieurs personnalités politiques méritent de finir au fond du Rhin. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Pour maintenir la pression, « on utilisera tous les outils disponibles »
Place de la République, au milieu des drapeaux bleus, Chloé Bourguignon se réjouit de cette « très forte mobilisation, très familiale, festive et sympathique ». Après avoir interpellé frontalement le président de la République lors de son déplacement en Alsace, la secrétaire du syndicat Unsa Grand Est affiche une détermination sans faille : « On ne peut pas tourner la page de la réforme des retraites. On continue de lutter contre cette loi et toutes les réformes qui diminuent nos droits sociaux. » Pour maintenir la pression sur le gouvernement, la syndicaliste énumère les nombreux modes d’action disponibles aujourd’hui :
« L’intersyndicale nous permet de continuer d’agir et d’appeler à manifester. Nous pouvons aussi organiser des actions dans les entreprises. Puis il y a les casserolades à chaque déplacement du président ou des ministres. Pour notre prochain bureau national, je préconiserai que l’on accompagne plus les actions spontanées comme les 100 jours du zbeul par exemple. Pour les prochaines réformes aussi, on utilisera tous les outils disponibles : la rue, la négociation, des actions en justice ou avec des organisations non-gouvernementales (ONG). »
Chloé Bourguignon, secrétaire du syndicat Unsa Grand Est : « Pour les prochaines réformes aussi, on utilisera tous les outils disponibles : la rue, la négociation, des actions en justice ou avec des organisations non-gouvernementales (ONG). » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
La manifestation se traverse comme une fête dans plusieurs salles aux ambiances toutes différentes. En queue de manifestation, le cortège de Force Ouvrière avance au rythme du célèbre tube d’AC DC : « Highway to hell ». Devant la banderole, une syndicaliste portant un micro arrangue la foule : « Camarades ! Regardez comme Strasbourg est rempli de travailleurs en colère ! ». Un peu plus loin, des manifestants en chasuble CFDT dansent devant une enceinte crachant une reprise de Magic System au refrain adapté pour l’occasion : « Macron il faut démissionner, aller aller aller ! » Place Broglie, c’est le jaune d’Amnesty international qui domine. L’ONG a tendu une grande banderole en défense du droit de manifester. Un petit stand permet à des bénévoles de faire signer une pétition pour un contrôle accru des armes à létalité réduite en manifestation.
« Quand la cause est bonne et juste, elle finit par gagner »
Pour Sebastien Schir, magasinier cariste dans l’entreprise Sermes, il faut continuer de manifester : « C’est le seul moyen de faire reculer le gouvernement. » L’ouvrier tire son énergie de ces « travailleurs qui meurent avant même d’atteindre l’âge de la retraite » et du « mépris de Macron ». Pour le syndiqué CFTC, le blocage des entrepôts d’hydrocarbures à Reichstett pourrait être une action utile pour paralyser l’économie. Il parle d’urgence sociale et de la nécessité « de se battre pour récupérer les acquis sociaux pour lesquels nos parents se sont battus. »
Sébastien Schir, cariste chez Sermes, manifeste aussi pour les « travailleurs qui meurent avant même d’atteindre l’âge de la retraite » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Même confiance et détermination du côté de Sandra Lecat, chercheuse au CNRS et cosecrétaire du Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS) : « Quand la cause est bonne et juste, elle finit par gagner. De toutes façons, c’est une nécessité : il faut qu’on gagne contre toutes ces réformes qui réduisent nos libertés et qui affaiblissent les plus pauvres. »
A droite, Sandra Lecat, chercheuse au CNRS et cosecrétaire du syndicat SNTRS : « Il faut qu’on gagne contre toutes ces réformes qui réduisent nos libertés et qui affaiblissent les plus pauvres. » Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Des effigies du président et de la police au bûcher
Dans le cortège étudiant qui s’avance vers le palais universitaire, Myriam évoque les combats qui permettent aux mouvements de jeunesse de maintenir la mobilisation. Il y a tout d’abord l’engagement de fond des organisations étudiantes, contre la précarité financière, pour un repas à un euros pour tous au Crous. Elle évoque une assemblée générale prévue le 2 mai pour préparer le passage de la tournée de promotion du Service National Universel (SNU) à Strasbourg, le 13 mai. L’étudiante en école d’ingénieur et membre du syndicat Solidaires se félicite de cette mobilisation du 1er mai, signe d’une « détermination, d’une rage et d’une colère qui dure. »
Myriam, étudiante en école d’ingénieur et membre du syndicat étudiant Solidaires. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Place de l’université, la manifestation atteint la fin du parcours déclaré. Une effigie du président de la République Emmanuel Macron est incendié dans une casserole. Une foule importante se forme autour du brasier, bientôt alimenté par une voiture de police en carton et un serpent à tête de Bernard Arnault.
Place de l’université, la manifestation atteint la fin du parcours déclaré. Une effigie du président de la République Emmanuel Macron dans une casserole est incendiée. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Quelques heures plus tard, la préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier annoncera sur Twitter avoir signalé à l’autorité judiciaire « la mise en scène réalisée par des manifestants visant le Président de la République ».
Dans un mouvement de fin de manifestation rôdé, un black bloc de près de 200 personnes entame sa ronde destructrice des abribus et des façades de banque. Peu avant 13h, la police charge un petit cortège tout de noir vêtu dans la rue des bateliers. La police interpelle cinq personnes. Une autre partie de la « manifestation sauvage » s’active vers Gallia avant d’être dispersée par la pluie de plus en plus intense et un nuage de lacrymo. La manifestation se termine vers 14 heures sans trop de débordements. C’est maintenant l’orage qui gronde sur la place de la République désormais vide.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Douze associations écologistes ont rencontré Jeanne Barseghian et ses adjoints, mercredi 26 avril. Interpellée par une lettre ouverte, la maire a écouté les critiques et accepte de participer à l’élaboration d’un bilan de ses politiques écologistes.
« Il y a certaines de vos actions qu’on a du mal à comprendre ». Tom Baumert et une trentaine d’autres militants écologistes alpaguent la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian et ses adjoints, au soir du mercredi 26 avril. La rencontre répond à une lettre ouverte adressée à la maire par les associations Alternatiba, Hop la transition, Conscience et Impact écologique, Pour une sécurité sociale de l’alimentation, Astragrat, EurOasis, Extinction rebellion, Greenpeace, Octop’us, Résistance à l’agression publicitaire, Strasbourg à vélo et Alternative étudiante.
« Nous aimerions dresser un bilan qui ne soit pas technique »
Dans une ambiance studieuse et bon enfant, l’assemblée s’assied en cercle au restaurant alternatif Les Petites Cantines, dans le quartier Gare. L’objectif : mélanger les participants pour favoriser un dialogue apaisé. « Les actions de la Ville manquent de transparence, nous aimerions que vous rentriez en résistance avec nous et que nous changions ensemble de paradigme », poursuit Tom Baumert, d’Alternatiba Strasbourg. Les bases sont posées.
Au cœur du débat : le Pacte pour la Transition, un document créé en 2020 par une soixantaine d’organisations (Alternatiba, GreenPeace, Attac, etc.) qui rassemble 37 mesures concrètes, « pour une commune plus écologique et plus juste » selon trois piliers : l’écologie, la démocratie et le social. Jeanne Barseghian l’avait signée alors qu’elle était encore candidate.
« Notre mission n’est pas simple », explique la maire, rappelant des mesures prises par la Ville de Strasbourg depuis 2020. Cours végétalisées, plantations d’arbres, extensions des trams nord et ouest, plan cyclable, création de places d’hébergement d’urgence, formation des agents de la Ville et évaluation transversale des mesures prises…
« Nous aimerions dresser un bilan qui ne soit pas technique, aller à la rencontre des citoyens pour avoir leur avis et organiser une restitution publique début novembre », poursuit Tom Baumert. À l’aide de feuilles A4 flanquées de chiffres et d’un chronomètre, les temps de parole sont distribués et limités. Chaque adjoint intervient lorsque son domaine de compétences est abordé, les rendez-vous sont pris, le processus enclenché, dans le calme et une ambiance informelle. Le soir même, difficile de différencier les intérêts associatifs de ceux des élus. Tous semblent sur la même longueur d’ondes.
Périlleux équilibre
Quelque jours plus tard, les militants semblent satisfaits. « Les élus ont accepté toutes nos conditions », se réjouit Tom Baumert, évoquant une première réunion imminente avec le service de la participation citoyenne de la Ville. Pour autant, le collectif sait qu’il doit se montrer vigilant. « C’est compliqué de discerner la posture d’élus politiques et la sincérité citoyenne », explique-t-il. Plusieurs adjoints à la maire présents le soir même sont issus de la société civile. « S’ils n’avaient pas été élus en ce moment, ils auraient été à nos côtés en tant que militants » abonde Gaëtan Liss, du collectif Résistance à l’agression publicitaire (RAP).
Le collectif peut se montrer critique des actions de la municipalité, parfois trop lentes, peu visibles ou pas assez ambitieuses. « On essaie de ne pas les brosser tout le temps dans le sens du poil », poursuit Tom Baumert. Mais face à l’opposition politique locale et nationale, il veut garder un front uni. « On ne veut pas qu’il soit possible de dire que les militants écologistes strasbourgeois sont contre la municipalité », nuance-t-il. Car les buts poursuivis des deux côtés se rassemblent.
Et pour certaines associations, c’est même « maintenant ou jamais pour faire changer les choses ». Pour Strasbourg à vélo par exemple, pourtant très critique sur les réseaux sociaux à propos de certains aménagements urbains, montrer son soutien à la municipalité est crucial. « Le budget est là, les idées aussi et les services de la Ville et de l’Eurométropole nous demandent notre avis », explique Benoît Écosse, le président de l’association. « C’est super d’avoir une mairie avec laquelle on partage les mêmes buts », abonde-t-il. Même s’il reste beaucoup à faire côté cyclistes, le militant estime que la volonté politique existe et que les limites à celles-ci sont purement « administratives et institutionnelles ».
Mercredi 26 avril, une dizaine d’élus de la majorité ont accompagné Jeanne Barseghian à la rencontre de militants écologistes pour discuter de leur bilan. Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
« Nous ne pouvons pas être trop radicaux »
« Notre but, c’est que les actions amorcées par cette municipalité survivent au-delà de leur mandat et qu’aucun retour en arrière ne soit possible », poursuit le militant de Strasbourg à vélo. Les objectifs de l’association rejoignent celles des promesses de campagne, mais Benoît Écosse est prêt à être radical. Un terme qui n’est pas péjoratif pour lui :
« Ça veut juste dire qu’on recentre sur ce qu’on veut vraiment, sur l’essentiel. On ne peut pas changer une société sans radicalité ».
C’est peut-être là que s’immisce la frontière entre élus et militants. Alors que Somhack Limphakdy, militante du collectif Pour une sécurité sociale de l’alimentation, explique l’urgence climatique et la nécessité de mesures fortes, plusieurs désaccords surviennent. « Nous ne pouvons pas être trop radicaux », assène Suzanne Brolly, adjointe à la maire, en charge de la ville résiliente.
Selon l’élue, « ce n’est pas être radical qui va nous permettre de rassembler ». Une approche partagée par Antoine Neumann, conseiller municipal délégué à l’agriculture urbaine et nourricière. « En tant qu’élu, je suis obligé de parler à tout le monde. Si je suis trop radical, il y a un risque que certains acteurs importants ne me parlent plus du tout », estime-t-il. Ce n’est donc pas une question de volonté selon lui, mais « une question de possibilité qui existe uniquement dans le discours militant ».
La parole associative pour pousser les élus
Peu probable pour le moment qu’un plaidoyer commun, rassemblant paroles politiques et militantes, voit le jour prochainement. « Nous sommes prêts à soutenir la Ville et à demander à l’État de donner plus de moyens aux collectivités locales, mais il ne faut pas que notre travail se substitue à celui des élus », estime Gaëtan Liss (RAP).
Probable par contre que la radicalité militante soit utilisée par la mairie pour catalyser ses actions. « Ça serait une bonne stratégie », conçoit Tom Baumert (Alternatiba Strasbourg). Marc Hoffsess, adjoint en charge de la transformation écologique du territoire, appelle ainsi les militants à participer aux réunions publiques. Elles alimentent parfois l’opposition et transforment les échanges en véritables guerres de tranchées. « Il faut que des voix positives s’expriment parmi les citoyens, pour que la société se lève », poursuit l’élu.
Tous les militants le concèdent, la mairie écolo fait face à une opposition farouche. Tom Baumert le sait.
« On sait très bien que certaines actions de la Ville sont compliquées à mettre en place, qu’ils se font beaucoup critiquer et qu’ils doivent débattre et batailler pour convaincre tous les élus ».
Benoît Écosse complète aussitôt : « Mais les associations militantes sont là pour pousser les élus, qui eux sont là pour agir ».
Des limites insurmontables ?
Point noir de cette rencontre : certaines limites à l’action municipale évoquées par Jeanne Barseghian et ses élus, semblent insurmontables. « Ce qui est important pour nous, c’est la fin des panneaux numériques« , insiste Gaëtan Liss du collectif Résistance à l’Agression Publicitaire. Mais après une rencontre avec Pierre Ozenne, adjoint en charge des espaces publics partagés, son collectif a vite déchanté. « Ils ont un contrat avec JC Decaux, et c’est comme ça, ils ne peuvent rien faire », explique le militant.
Il comprend aussi que si le retrait de ces panneaux est important pour son collectif, ce n’est peut-être pas la priorité de l’élu.
« Il est en charge de beaucoup de choses (aménagements innovants, voie fluviale, logistique urbaine, voiries, éclairage public, plan lumière, foires et marchés, NDLR), les panneaux numériques sont peut-être le plus petit de ses soucis ».
Le jeune militant n’attend finalement pas grand chose de concret, mais se dit satisfait de la qualité du dialogue.
Duo strasbourgeois d’électro chant tout récemment formé, Dur Chaton présente son premier album jeudi 4 mai sur la scène du Molodoï, après plusieurs passages remarqués sur quelques scènes.
Nicolas « Moldav » et Sophie Laronde révèlent Dur Chaton, un duo de chanson française électro. Conçu en quelques semaines et accouché en à peine un an, Dur Chaton présente son premier album Douce Vie Dure, jeudi 4 mai au Molodoï : sept morceaux acidulés et râpeux, qui donnent envie de danser sur un champ de ruines.
Sophie Laronde et Moldav en avril au Kitsch n’Bar Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
À peine formés, et déjà repérés
Connu à Strasbourg pour son activité de DJ et de design sonore de la Compagnie Dinoponera, Nico Moldav est revenu d’une expatriation dans le Berry en 2022 avec Sophie Laronde, artiste plasticienne à l’univers graphique érotico-trash. De leur rencontre naît quasi-magiquement une écriture musicale mêlant des rythmes électro presque pop, sur des paroles rageuses et sombres.
Un mélange détonnant, qui plaît immédiatement. Dur Chaton est programmé avant même d’avoir suffisamment de morceaux à proposer, comme l’expliquent Sophie Laronde et Nico Moldav :
« On avait produit deux reprises sur un compte Soundcloud et on a été invité à produire un concert par la MJC de La Châtre. J’avais déjà écrit plein de textes avant, Nico avait quelques sons… On a trouvé une poésie commune qui nous a permis de composer très vite 6 à 7 morceaux, qui forment la base de notre premier album, même s’ils n’étaient pas aussi aboutis à l’époque. »
L’effet FIP
La chance continue de sourire au duo, qui parvient à intéresser le réalisateur Romain Evrard pour leur premier clip de Ragin Balt à l’été 2022, grâce au travail de Sophie sur le storyboard et à une diffusion sur la radio FIP, un samedi à midi de janvier 2023. « Dans la demi-heure qui a suivi, on a reçu un appel pour se produire dans une discothèque à Paris », se rappelle Moldav.
Ragin Balt (vidéo Dur Chaton / Youtube)
Dur Chaton sera également présent à la fin de la Strasbourg Music Week le 19 mai, ainsi qu’à la programmation off de la Foire aux Vins d’Alsace, à Colmar, du 28 juillet au 6 août. Un succès d’estime que Moldav et Sophie ne s’expliquent pas vraiment, ni l’un ni l’autre n’étant musicien comme le détaille Moldav :
« Je ne suis qu’un DJ qui s’est mis à la musique assistée par ordinateur… Je suis plongé dans un bain de musique depuis mon enfance, mais je n’ai aucune formation instrumentale. Bon, là je me mets aux claviers pour les concerts. Je crois que ce qui plaît, c’est l’originalité de notre projet, directement tiré de nos expériences croisées. On n’a pas un grand espoir dans l’humanité, mais on voit la fleur de lotus qui pousse dans la merde. »
« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Treizième épisode avec Cornelia Schneider, militante intersectionnelle*.
Femme trans, travailleuse du sexe*, militante syndicale et féministe, Cornelia Schneider est au cœur de nombreux combats. Des couloirs du conseil de l’Europe, aux manifestations du 8 mars, voilà plus de 20 ans qu’elle ne désarme pas face aux oppressions. Ado dans l’Allemagne des années 70, c’est dans cette période très agitée que se forme sa conscience politique. En 1982, à 20 ans, elle suit des études à Strasbourg lorsqu’elle prend conscience de sa transidentité*.
Militantisme transgenre…
Il lui faudra encore quelques années pour décider de vivre ouvertement son identité de genre et s’engager activement dans le militantisme. En 2002, avec Alexandra Augst-Merelle, elle fonde le collectif Support Transgenre Strasbourg. Au départ, structure d’information et d’entraide, les deux fondatrices prennent rapidement conscience de la nécessité de donner une dimension plus politique à leur action.
« Avec Alexandra, on s’est rapidement rendues compte que panser les plaies que fait la transphobie, c’était bien, mais que prendre le mal à la racine était plus important. »
Ainsi, on retrouvera Cornelia Schneider dans les couloirs du Conseil de l’Europe, pour porter la parole des personnes trans auprès de l’institution, mais aussi pour l’organisation de la Journée Internationale de la mémoire transgenre, les 20 novembre ou encore assurant la formation de professionnels de santé sur cette thématique.
Cornelia Schneider prend la parole lors de la manifestation du 8 mars 2023 à Strasbourg. Photo : AL/Rue89
… mais pas seulement : le militantisme intersectionnel
Son engagement pour les droits des personnes transgenres l’amène à prendre part à d’autres combats : féministes, antiracistes, sociaux. « À l’époque, on n’utilisait pas le terme intersectionnel, mais c’était déjà ça dans les faits. »
On la retrouve ainsi dans différents collectifs féministes ces vingt dernières années. Aujourd’hui, c’est au sein du Bloc révolutionnaire insurrectionnel et féministe (BRIF) que Cornelia Schneider milite. De conviction « passablement anarchiste », la Strasbourgeoise croit à la force du collectif :
« Individuellement, on n’arrive pas à mener une lutte politique. Ce qui compte pour moi, c’est la solidarité avec les autres et être solidaire, c’est partager les risques. »
Ainsi, Cornelia Schneider participe à la création du Syndicat du travail sexuel (STRASS) lancé en 2009 dans la foulée de la loi contre le racolage passif. Elle-même travailleuse du sexe (TDS), elle est représentante de l’organisation en Alsace jusqu’en 2016 avant de quitter le syndicat et de rejoindre la Confédération nationale du travail (CNT) quatre ans plus tard.
« Même si on est juste trois à être organisées, comme actuellement la section TDS de la CNT-STP 67, on est quand même trois dans une confédération nationale qui a une histoire sérieuse. Ça a un autre poids que si c’est moi toute seule qui m’exprime. Je peux expliquer, mais je ne suis pas représentative. »
Une action menée par des travailleuses du sexe en marge d’un colloque de la ville de Strasbourg sur la pornographie en novembre 2022. Photo : AS/Rue89 Strasbourg
Passer le flambeau ?
Engagée dans de nombreuses luttes depuis vingt ans, Cornelia Schneider reconnait faire « un peu partie des meubles militants à Strasbourg » et aimerait bien passer le flambeau. La militante se réjouit d’ailleurs de l’ampleur que prennent désormais les luttes féministes au sein de la capitale européenne. « En 2014, on était une quinzaine devant la cathédrale pour le 8 mars. Cette année, on s’est retrouvé à plus de deux mille. Beaucoup de jeunes, de personnes en dehors de la norme de genre, des syndicats ! On a changé de dimension et c’est très bien. »
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Cornelia Schneider, femme transgenre, travailleuse du sexe, militante féministe et syndicale. Photo : AL/Rue89
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Une centaine de militants ont bloqué la gare de Sélestat jeudi 27 avril de 7h à 8h30. Au même moment, la CFDT Alsace a réalisé une opération escargot sur l’autoroute entre Strasbourg et Colmar. À quelques jours de la mobilisation du 1er mai, les opposants à la réforme des retraites entendent « montrer leur détermination ».
Les trafics des trains et des voitures étaient perturbés en Alsace, ce jeudi 27 avril au matin, par la mobilisation syndicale. L’objectif affiché par les opposants à la réforme des retraites était d’afficher leur force, en prévision de la grande journée de grève du 1er mai. « On continue le combat. Macron doit comprendre qu’on ne lâchera pas. Au contraire, on peut monter en puissance », déclare Alexandre Welsch, secrétaire régional du syndicat Sud-Rail en Alsace :
« On avait donné rendez-vous à 7h pour une opération de tractage devant la gare de Sélestat. Une centaine de personnes ont répondu à l’appel, il y avait des membres de plusieurs sections professionnelles de SUD et des collectifs comme On crèvera pas au boulot ou le Chaudron des alternatives. Les gens étaient en colère et ont décidé de bloquer les trains en montant sur les rails. Nous, les cheminots, n’avons pas le droit de faire ça, alors nous avons sécurisé les manifestants. À 8h30 on a décidé de partir. Mais les gens sur place étaient favorables, ils nous demandaient même de continuer la mobilisation. »
Au départ, le syndicat Sud appelait à une opération de tractage. Photo : remise
« On est toujours déterminés »
Peu après 8h, « une vingtaine de voitures avec des drapeaux CFDT et un camion tirant une caravane » ont débuté une opération escargot sur l’autoroute A 35, au départ du parking du Auchan Baggersee et jusqu’à Colmar », explique Sabine Gies, responsable territoire CFDT Alsace :
« Le sens de l’opération, c’est de montrer qu’on est toujours déterminés. Initialement, un cortège devait aussi partir de Mulhouse vers Colmar, mais le préfet du Haut-Rhin l’a refusé. »
La CFDT avait déjà organisé une opération escargot le 13 mars. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
À 9h15, les manifestants étaient au niveau d’Epfig, avant un embouteillage de plusieurs kilomètres derrière eux. Sabine Gies rappelle : « Le prochain rendez-vous, c’est la manifestation du 1er mai. Les personnes qui sont obligées de travailler d’habitude pourront venir ce jour là. »