Depuis 4h vendredi 14 avril, une quinzaine de membres du syndicat CFDT bloquent l’entrepôt logistique Stef à Bischheim. L’action fait suite à la fin d’une action similaire à Vendenheim.
Nouveau blocage de la CFDT. Mais ailleurs. Après une action de plusieurs jours visant un entrepôt Auchan à Vendenheim, une quinzaine de membres du syndicat CFDT bloquent l’entrepôt Stef à Bischheim depuis 4h30 ce vendredi 14 avril.
Le bâtiment sert à stocker des produits frais et surgelés qui approvisionnent des supermarchés, des restaurants et des boutiques.
De 4h à 10h30, tous les camions ont été bloqués. Après une discussion avec un responsable du site, les militants ont finalement accepté de laisser sortir un camion toutes les six minutes. L’ambiance sur place est calme. L’objectif est de tenir le blocage jusqu’au samedi 15 avril.
Blocage en cours d’un entrepôt à Bischheim, ce vendredi 14 avril au matin, par la CFDT. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Plus d’informations à venir, dès le retour de notre reporter sur place Thibault Vetter.
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
Ce jeudi 13 avril, les services d’ordre (SO) syndicaux ont une nouvelle fois protégé le cortège de l’intersyndicale. Un exercice délicat et non dépourvu de tensions, une semaine après l’attaque du SO par les forces de l’ordre. Reportage.
13h30, jeudi 13 avril. À une demi-heure du début de la manifestation intersyndicale, Gilles Dimnet briefe les services d’ordres syndicaux sur le parvis du Palais du Rhin. « Vous savez que c’était tendu la semaine dernière. Ceux qui ont des marbrures sur les cuisses s’en souviennent », entame le responsable du service d’ordre (SO) de la CGT, par ailleurs secrétaire général adjoint de la CGT Eurométropole :
« Hier, la préfète a convoqué les responsables syndicaux et joué l’apaisement. Mais elle n’a pas reconnu qu’il y avait eu des violences de la part des forces de l’ordre. Elle a parlé de malentendu. Alors je ne sais pas quel va être le niveau de tension aujourd’hui. »
13h30. Le brief. Photo : AM / Rue89 Strasbourg / cc
Deux jours d’Interruption temporaire du travail
En quelques phrases, le cadre est posé. Gilles Dimnet rappelle les derniers éléments d’une semaine d’échanges entre l’intersyndicale – sauf la CFDT et la CGC – et la préfecture, par communiqués de presse interposés. Tout commence jeudi 6 avril, 11e journée de mobilisation, lorsque les membres du service d’ordre intersyndical sont gazés et matraqués par des policiers au bout du quai des Bateliers. Sans sommation. Dans leur communiqué publié dans la soirée, les syndicats signataires insistent sur le fait que le SO n’a pas entravé les manœuvres des forces de l’ordre qui cherchaient à traverser le cortège, afin de porter assistance à leurs collègues en proie à des militants radicaux. Les images montrent qu’il avait au contraire commencé à laisser passer les véhicules de police lorsque la situation s’est tendue subitement.
Le lendemain, le vendredi 7 avril, la préfecture du Bas-Rhin publie un communiqué pour répondre aux députés Nupes de Strasbourg, Sandra Régol (EE-LV) et Emmanuel Fernandes (LFI), et à leur interpellation sur la gestion du maintien de l’ordre. Josiane Chevalier écrit « qu’aucun manifestant n’a été blessé ». De quoi faire bondir l’intersyndicale – CFDT et CGC exceptées toujours – qui réaffirme mardi 11 avril que des membres du SO ont bel et bien été blessés. L’un d’eux s’est vu reconnaître deux jours d’interruption totale de travail (ITT). « J’ai pris un coup de matraque sur le côté du genou », explique l’intéressé, Simon Bach du SO FSU, présent lors de la 12e manifestation contre la réforme des retraites.
Convoqués par la préfète mercredi 12 avril, les responsables syndicaux ont témoigné d’un dialogue « apaisé » en sortant de réunion. Ils ont néanmoins publié un nouveau communiqué jeudi 13 avril rappelant que le service d’ordre intersyndical avait été « exemplaire dans l’organisation et la gestion des manifestations sur le champ de ses responsabilités. » Le texte rappelle aussi que « l’incompréhension demeure ». Conséquences de ces tensions : l’absence d’un SO intersyndical officiel jeudi 13 avril, pour la 12e journée de mobilisation. Le collectif a cédé sa place à plusieurs services d’ordre, travaillant conjointement.
Conséquences des tensions avec la Préfecture : l’absence d’un SO intersyndical officiel ce jeudi 13 avril. Le collectif a cédé sa place à plusieurs SO travaillant conjointement. Photo : A.M/ Rue89 Strasbourg
« Nous sommes là pour protéger et rassurer les manifestants »
13h50. Les SO quittent le Palais du Rhin et rejoignent le cortège en formation sous des regards pas toujours amènes. « Le SO c’est de la merde ! », crie un manifestant à l’avant de la foule. Pas de réaction du côté des hommes et femmes brassard au bras. « Ça arrive, reconnaît Gilles Dimnet. Y en a qui nous traitent de « flics », d’autres « d’anti-flics ». Mais nous, notre rôle, c’est de protéger et rassurer les manifestants sur le parcours et aux abords immédiats de ce dernier. »
Une mission qui n’est pas sans difficultés. Au nombre desquelles figurent l’irruption de véhicules souhaitant traverser le cortège, ou les mouvements de foule lorsque cette dernière passe devant les cordons policiers. « Il y a certaines personnes qui sont effrayées par les forces de l’ordre, alors on se place entre les forces de l’ordre et les manifestants. »
« Nous sommes là pour protéger le cortège de toute forme d’agression », explique de son côté Simon Bach, responsable du SO FSU. Comprendre : d’éventuelles charges policières qui pourraient blesser des manifestants défilant paisiblement, ou une attaque de l’extrême-droite : « Pendant la mobilisation contre la loi sécurité globale, on a par exemple eu des groupes d’extrême droite qui s’en sont pris au cortège« , rappelle t-il.
« Il y a certaines personnes qui sont effrayées par les forces de l’ordre, alors on se place entre les forces de l’ordre et les manifestants. » Photo : AM / Rue89 Strasbourg
« Qu’est-ce qui se passe là-bas ? Ça charge ? »
Retour au jeudi 13 avril, 14h20. Le cortège se met en mouvement. Les SO restent groupés à l’avant, en attendant de se déployer devant un cordon de forces de l’ordre. Première mise en ligne au croisement de la rue des Grandes-Arcades et celle de la Haute-Montée. Les membres du SO font face aux forces de l’ordre et tournent le dos à la manifestation qui défile. « Tout le monde déteste la police », chante le cortège peuplé de jeunes en passant. Une main sur son oreillette, Gilles Dimnet hèle les SO qui l’entourent. « Qu’est-ce qui se passe là-bas ? », demande-t-il en désignant la direction prise par la tête de cortège. « Ça charge ? On y va ! » Les membres du SO partent en courant vers la rue des Francs-Bourgeois, autre ouverture sur la place Kléber. Nouveau cordon du SO. Mais pas de charge.
Entre les deux déploiements cependant, une partie du défilé a bifurqué en sortant de la place de l’Homme-de-Fer pour quitter l’itinéraire de l’intersyndicale et partir en manifestation spontanée. « Dans ces cas-là, on ne les retient pas. Ce n’est pas notre rôle », détaille Florence Fogelsang, co-secrétaire de la FSU 67 et présente dans le SO de son syndicat. « En revanche, on veille à ce que ceux qui partent comprennent qu’ils ne suivent pas le cortège déclaré », ajoute-t-elle.
Photos : AM / Rue89 Strasbourg / cc
Pendant que la manifestation intersyndicale avance rue des Francs-Bourgeois, le cortège spontané se dirige vers la Grand’Rue par des voies parallèles. Une partie des SO repart au petit trot en direction de l’intersection entre ces deux rues. Et forme un nouveau cordon dans la Grand’Rue, à une vingtaine de mètres de la rue des Francs-Bourgeois où se trouve désormais le cortège intersyndical. Auquel elle tourne le dos.
La manifestation spontanée, composée de militants habillés en noir, finit par apparaître en chantant « On est là ! On est là ! Même si Macron ne veut pas, nous on est là. » Le cordon s’ouvre en deux pour les laisser passer. Des membres du SO applaudissent au passage du petit cortège. « Ils marchent calmement. Ils ne représentent aucune menace. Alors on les laisse passer, explique Florence Fogelsang. « Ce qu’on ne laisse pas passer, c’est ce qui peut représenter une menace. » « Et puis ils sont sympas non ? Moi j’aime bien ce qu’ils chantent », sourit sa voisine avec un clin d’œil.
Le petit cortège en noir traverse la foule colorée et repart en direction du centre. La manifestation intersyndicale, elle, défile rue de la Division-Leclerc. Les SO restent en groupe sur les flancs du cortège puis ils décident de couper par le quai Saint-Nicolas pour rejoindre la tête du défilé, désormais au niveau de la place d’Austerlitz. Chasuble sur le dos, brassard au bras, et mains en l’air, les membres du SO passent devant le pont du Corbeau, fermé par un important dispositif de forces de l’ordre. « Veuillez immédiatement regagner l’itinéraire de la manifestation », réagit un policier au mégaphone. Vous participez à un attroupement. Je répète… »
Tension au moment de passer devant le pont du Corbeau. Photos : AM / Rue89 Strasbourg
Stupéfaction du côté des services d’ordres. « C’est tendu… », soupire une membre des SO. « Ça n’était encore jamais arrivé, réagit de son côté Florence Fogelsang. Pourtant, à chaque fois on coupe par des petites rues pour rejoindre la tête de la manifestation. » Le groupe arrive au moment ou le cortège en noir cherche une nouvelle fois à traverser celui de l’intersyndicale. « On laisse passer ».
Les SO reprennent ensuite leur marche vers la tête du cortège officiel, qui se remet en mouvement rue des Orphelins. Des détonations retentissent à l’avant, place de Zurich. « En ligne ! », hurle Gilles Dimnet. Les SO se rejoignent et forment une large ligne pour protéger une nouvelle fois le cortège de l’intersyndicale. « Mettez vos lunettes ça peut gazer ! », crie l’un. La manifestation spontanée reflue vers eux. Nouvelle ouverture du cordon. Plus longue cette fois. Le petit cortège se fond dans le groupe calmement. « C’est inhabituel. D’habitude, quand ils partent, ils partent. Ils ne reviennent pas après », note une membre du service d’ordre.
Le cortège intersyndical reprend sa route en direction des quais, qu’il remonte. Le SO doit alors gérer la circulation de quelques vélos et d’une voiture. « Là, la préfecture ne joue pas son rôle, soupire une membre des SO. Si l’itinéraire est déclaré c’est aussi pour que la circulation soit gérée et coupée aux bons endroits. Sinon c’est dangereux. »
16h30. La banderole de tête est arrivée place de la République. Les SO attendent de voir arriver la fin du défilé avant de sonner la dispersion des troupes. Le message d’avertissement au mégaphone ne passe pas du côté des membres du SO. Certains parlent de sommations, de « méthodes d’intimidation ».
Présent dans les services d’ordre syndicaux depuis dix ans, Gilles Dimnet note l’incident. Dans l’ensemble, la manifestation s’est plutôt bien passée. Mais il relève une évolution dans les cortèges au fil des années. « Ce qui a changé, c’est l’arrogance du gouvernement et une certaine doctrine du maintien de l’ordre qui provoque des colères et des exaspérations, juge t-il. La conséquence de cela, c’est qu’on est arrivé à un niveau de tensions qui ne repartira pas. En dessous duquel on ne repassera pas. »
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Depuis le 31 mars, deux enfants inscrits à l’école élémentaire Éléonore sont sans logement. L’équipe enseignante ainsi que les parents d’élèves organisent une collecte pour venir en aide à cette maman et ses deux enfants.
Jeudi 13 avril, les représentants des parents d’élèves de l’école élémentaire Éléonore à Hautepierre organisent une collecte de fonds en solidarité avec une famille à la rue. En octobre 2022, une mère albanaise a inscrit ses deux enfants dans l’établissement situé dans la maille Éléonore, l’un en école maternelle, l’autre en élémentaire.
« On remue ciel et terre mais aucune solution »
Depuis le 31 mars 2023, la famille mono-parentale vit à la rue. D’après les échanges entre la direction de l’établissement, les enseignants et les services sociaux, la famille est jugée non-prioritaire pour l’accès à l’hébergement d’urgence. Martial Muller, directeur de l’école élémentaire Éléonore, raconte :
« On remue ciel et terre mais aucune solution. On contacte beaucoup d’associations. On a pu leur obtenir quelques nuits d’hôtels payées. Les autres nuits ont pu être passées chez des amis de la famille, chez des enseignants… Mais ce n’est pas une solution. Le 115 nous dit qu’ils ont des effectifs limités, qu’on doit contacter la Ville de Strasbourg ainsi que la préfecture, ce qu’on fait. »
A Hautepierre, cinq mailles sont à vocation résidentielle : Catherine, Karine, Jacqueline, Brigitte, Eléonore.
Un élan de solidarité pour la famille
Jeudi 13 avril à 16h30, tous les parents d’élèves qui veulent participer à la collecte de fonds sont conviés à l’école Éléonore. Les fonds récoltés serviront à payer des nuits d’hôtel à la famille, en attente d’une solution plus pérenne. Le directeur de l’école Martial Muller insiste :
« Ce qui nous inquiète le plus c’est les vacances demain soir et la perte de contact potentielle avec la maman. Parce qu’au moins quand il y a école, on sait que les enfants mangent à midi, à la cantine. »
Pour la 12e journée de grèves et de manifestation contre la réforme des retraites, la rédaction de Rue89 Strasbourg rend compte en direct des actions, défilés et blocages organisés.
À noter pour cette 12e journée de mobilisation :
Deux blocages routiers ont été installés ce matin. Le premier sur le pont de Kehl, il a été levé avant 9h. Le second place de Haguenau à partir de 7h30, il a été modifié en barrage filtrant puis levé vers 8h30 (voir au tout début de ce compte-rendu).
Une section CFDT bloque un dépôt frigorifique d’Auchan à Vendenheim depuis la soirée du mardi 11 avril. (voir ci-dessous à partir de 10h28). Les militants souhaitent continuer jusqu’à samedi. De manière générale, les syndicats envisagent de changer de stratégie et d’organiser des actions de blocage de l’économie.
La manifestation intersyndicale est assez clairsemée, le cortège devrait contenir environ 8 000 personnes.
L’intersyndicale et le collectif « On crèvera pas au boulot » appellent à se rassembler à 18h le vendredi 14 avril place Kléber pour manifester en réaction à la décision du Conseil constitutionnel concernant la réforme des retraites et le Référendum d’Initiative Partagé sur l’âge légal de départ à la retraite.
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13 avril 2023, 17h38
Le cortège s’est dispersé et les forces de l’ordre quittent la place de la République. Plusieurs interpellations ont eu lieu.
C’est la fin de ce direct. Merci à vous de l’avoir suivi.
Pour nous soutenir, une seule solution !
Camille Gantzer, Anne Mellier, Guillaume Krempp et Thibault Vetter étaient auprès des militants et des manifestants toute la journée jusqu’au début de la soirée pour vous rendre compte de cette 11ème journée de mobilisation.
Pour nous permettre de continuer ce travail, une seule solution : l’abonnement. C’est seulement cinq euros par mois, cinquante euros par an.
Vous vous donnez ainsi le pouvoir de lire une information indépendante et locale. Pour donner de la voix à la colère qui s’exprime dans la rue, n’hésitez pas à cliquer sur l’image ci-dessous.
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13 avril 2023, 17h08
Le cortège est de retour place de la République, poursuivi par la brigade anticriminalité.
Des dégradations commises sur les panneaux publicitaires et abribus JC Decaux.
Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Un manifestant montre sa main, très enflée, après avoir été victime d’un tir de LBD.
Photo : Thibault Vetter
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13 avril 2023, 16h51
Un cortège de plusieurs centaines de manifestants quitte la place de la République en scandant : « La police déteste tout le monde ! »
(Vidéo Thibault Vetter)
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13 avril 2023, 16h27
Arrivée place de la République Photo : CG / Rue89 Strasbourg / cc
(Vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 16h23
L’animateur du camion FO était assez content de voir beaucoup de jeunes dans le cortège. (vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 16h20
Au lycée Marie Curie, le blocage mis en place depuis ce matin par une partie des élèves a été levé vers 14h30. Les cours restants ont été annulés par le proviseur.
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13 avril 2023, 16h19
La tête du cortège est arrivé place de la République.
(vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 16h11
Ambiance beaucoup plus détendue au début du cortège… (vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 16h07
La fin du cortège est verrouillée par des policiers Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 16h01
La tête de cortège s’apprête à tourner vers l’avenue de la Liberté (vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 15h59
Vers la porte de l’Hôpital en revanche, des manifestants sont aspergés de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre.
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13 avril 2023, 15h56
Situation calme en tête de cortège.
Le cortège syndical a atteint le quai des Bateliers Photo : CG / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 15h48
(vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
La manifestation sauvage a réintégré le cortège syndical principal, qui se dirige vers le quai des Bateliers.
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13 avril 2023, 15h41
Les agences bancaires avaient pris leurs dispositions, les manifestants ont laissé quelques messages… Photo : TV / Rue89 Strasbourg / ccPhoto : CG / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 15h38
Une partie des manifestants sont passés devant les banderoles syndicales lorsque le cortège a atteint la Krutenau. Certains d’entre eux ont tenté de se diriger vers le campus universitaire. Ils ont été empêchés par des policiers en faction, qui ont fait usage de grenades lacrymogènes.
(vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 15h33
Une partie du cortège, composée de manifestants habillés de noir, a quitté la place d’Austerlitz pour se diriger vers la place de l’Étoile. Ces manifestants birfurquent rapidement rue des Orphelins.
(vidéos CG / Rue89 Strasbourg)
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13 avril 2023, 15h25
Un important dispositif a été déployé pont du Corbeau pour éviter toute intrusion vers le centre-ville Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 15h24
Laurent Feisthauer, secrétaire départemental de la CGT Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Laurent Feisthauer, secrétaire départemental de la CGT :
« On n’a pas d’espoir immense concernant la décision du Conseil constitutionnel. En tout cas, on va devoir changer de stratégie parce que les manifestations ne suffisent pas. On organisera tous les matins des barrages filtrants, on ira dans les entreprises… On a atteint les limites des grandes journées interprofessionnelles : le seul moyen d’infléchir le gouvernement désormais, c’est de contraindre le patronat de demander au gouvernement d’arrêter à cause de pertes qu’ils subiront. »
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13 avril 2023, 15h11
Le cortège passe le pont Saint-Nicolas Photo : ( CG / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 14h58
Le cortège est assez dispersé, surtout entre les syndicats mais nos journalistes sur place notent une forte présence de jeunes et d’étudiants.
(Vidéo CG / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 14h55
Les syndicats ont délégué d’importants moyens aux services d’ordre, qui font bloc à de nombreux endroits afin d’éviter tout contact avec les forces de l’ordre.
place Kléber Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : AM / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 14h53
La tête du cortège a atteint la place de l’Homme-de-Fer (vidéo TV / Rue89 Strasbourg)
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13 avril 2023, 14h50
La police interdit l’accès à la place Kléber et la tension est palpable… Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 14h43
La tête du cortège est déjà au-delà de la place Broglie Photos : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 14h39
Des étudiants sont présents dans le cortège Photo : CG / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 14h37
Samy Ahmed-Yahia, ancien candidat Nupes pour la 8e circonscription du Bas-Rhin et membre de l’union locale CGT de Haguenau, comme Juan Alvarez, délégué syndical de l’entreprise de chimie Dow :
« On n’attend rien de spécial du Conseil constitutionnel, c’est juste sur l’aspect juridique. Sur le fond, ça ne change rien. Il n’y a que notre président qui ne voit pas la colère en France. Il y a une rage dans la population. »
Interrogé sur l’ambiance au sein des manifestations et la répression policière, Juan Alvarez répond :
« On dit que de toutes façons c’est une période où les forces de l’ordre et les syndicats ne se comprennent pas. On n’a rien contre les policiers mais plutôt contre les donneurs d’ordres… Les policiers sont dans la même mouise que nous. »
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13 avril 2023, 14h31
Départ du cortège sous une pluie fine (vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 14h26
Khalid Sarouaou, secrétaire régional Sud industrie, travaille chez Cuisines Schmidt :
« On n’a pas un grand espoir dans le Conseil constitutionnel. S’il ne censure pas la loi, on est parti pour continuer avec d’autres modèles d’action comme des blocages, des ralentissements, des manifestations devant des lieux stratégiques… On va commencer à monter en puissance avec des actions diverses. On a la base militante pour ça, de plus en plus de gens sont prêts pour ça. »
Après un temps, Khalid Sarouaou rappelle :
« Pour nous, se battre contre un recul de l’âge minimal n’est pas un combat de luxe. Le personnel tombe en miettes à partir de 60 ans. 64 ans c’est de la folie et le Medef le sait très bien. »
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13 avril 2023, 14h23
Audrey Lages de FO espère une bonne nouvelle du Conseil constitutionnel mais se prépare à la suite Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Audrey Lages, déléguée syndicale enseignants pour Force ouvrière (FO) :
« Le Conseil constitutionnel pourrait bien faire un pas en arrière. Si ça ne marche pas, on poursuivra, on trouvera de nouvelles façons de bloquer le pays. Avec la FO on réfléchit avec les différents secteurs pour monter des actions impactantes de blocage. Par exemple, il peut il y avoir des blocages d’écoles, d’entreprises, de ronds points.. »
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13 avril 2023, 14h20
Gilles Dimnet (à g.) briefe les services d’ordre des syndicats avant la manifestation. Photo : AM / Rue89 Strasbourg / cc
« Vous savez que c’était tendu cette semaine. Ceux qui ont des marbrures sur les cuisses s’en souviennent… » À 13h30, Gilles Dimnet, responsable du cortège de la CGT, briefe les services d’ordres de la 12e manifestations intersyndicales. Cette fois ci, pas de service d’ordre intersyndical. « Chaque organisation à son service d’ordre pour son cortège », explique le responsable. Qui rappelle également que la préfète Josiane Chevalier a reçu les responsables syndicaux hier dans un signe d’apaisement « sans admettre que des violences avaient eu lieu. Je ne sais pas quel va être le niveau de tension aujourd’hui. »
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13 avril 2023, 14h17
Séverine Charret, secrétaire académique Snes Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Avant le début de la manifestation, Séverine Charret, secrétaire académique du Snes (FSU) pour le second degré, déclare :
« On attend la censure du texte par le Conseil constitutionnel. Il y a suffisamment d’arguments pour censurer la loi entière. Le véhicule législatif utilisé n’est pas adapté à une telle réforme. La mobilisation continue après trois mois, c’est énorme. Cette loi est injuste, quoi qu’il arrive on continuera à la combattre. S’il n’y a pas censure, il est aussi question de référendum d’initiative partagé. Nous continuerons quoi qu’il arrive, selon les modalités d’action qui seront à notre disposition. Cela peut être la grève, une mobilisation pour obtenir les signatures pour le référendum par exemple… »
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13 avril 2023, 11h41
Le délégué syndical Force Ouvrière du supermarché Auchan Hautepierre travaille au rayon fruits et légumes. Il décrit l’impact concret du blocage par la CFDT :
« Sur le pain de mie et les produits frais (charcuterie, yaourt) il y a déjà des tensions sur l’approvisionnement dans notre magasin. Cet après-midi, le pain de mie pourrait manquer. Pour les fruits et légumes, c’est le matin que c’est tendu. L’après-midi, on arrive à s’approvisionner en fruits et légumes en commandant chez Sapam, un autre fournisseur.
C’est clair, la direction est énervée. Chez nous, on a fait une baisse de 20% des ventes au rayon fruits et légumes. »
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13 avril 2023, 11h09
Stéphane Béguin, secrétaire général de la CFDT Construction Bois, exprime la détermination de son syndicat :
« Il n’est juste pas entendable de bafouer le peuple de cette manière avec cette réforme injuste, qui maltraite les plus modestes. D’autres projets sont à l’étude. On continuera ce genre d’action parce qu’il faut faire fléchir le gouvernement. On va durcir le ton, c’est notre façon de nous faire comprendre. Pour ça il faut toucher l’économie, puisque le gouvernement est sourd, on va lui faire entendre ce qu’on souhaite : le retrait de cette réforme. On ne s’arrêtera pas avant. »
Stéphane Béguin secrétaire général du syndicat CFDT Construction Bois. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 10h45
Aucun camion n’a accès à l’entrepôt frigorique. (Photo TV / Rue89 Strasbourg / cc)
Sur place, les militants de la CFDT ont tout organisé pour maintenir le blocage jusqu’au samedi 15 avril. Sous deux tonnelles, les syndicalistes disposent d’un frigo et d’une plaque de cuisson reliés à un groupe électrogène. Une caravane leur offre un accès aux toilettes et à la douche. Selon notre reporter sur place, l’entrepôt est presque entièrement à l’arrêt.
Sous deux tonnelles, les syndicalistes disposent d’un frigo et d’une plaque de cuisson reliés à un groupe électrogène. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 10h28
Blocage en 3×8 par la CFDT
Le syndicat CFDT maintient le blocage d’un entrepôt frigorifique d’Auchan à Vendenheim depuis la soirée du mardi 11 avril. Sur place ce matin, le secrétaire général CFDT des transports du Bas-Rhin Pascal Vaudin explique la méthode et les raisons de ce mode d’action :
« Trois équipes bloquent cet entrepôt : une équipe de nuit, une équipe du matin et une équipe l’après-midi. En moyenne, nous sommes entre 10 et 16 personnes sur place.
Cet entrepôt est une base logistique de stockage de produits surgelés et frais principalement pour Auchan mais aussi pour d’autres supermarchés. Les camions viennent chercher les produits ici pour les acheminer ensuite vers les magasins. Aucun véhicule ne peut sortir, ce qui risque de conduire à une pénurie de certains aliments dans des supermarchés.
Emmanuel Macron n’a pas réagi suite aux manifestations massives de ces derniers mois. Il veut qu’on cesse les défilés dans les rues. On a décidé de passer à la vitesse supérieure, parce que nous n’accepterons pas cette réforme des retraites. Nous sommes déterminés. Pour avoir un impact, il faut toucher l’économie française, en l’occurrence les plateformes alimentaires qui remplissent les caisses de l’État via la TVA.
On compte lever le blocage samedi. On veut tenir toute la semaine. Pour nous déloger, il faudrait une procédure juridique. Selon les échanges qu’on a avec les forces de l’ordre, on va pouvoir rester jusqu’à samedi. Les salariés d’Auchan et les routiers sont solidaires. »
Le secrétaire général CFDT des transports du Bas-Rhin Pascal Vaudin : « On a décidé de passer à la vitesse supérieure » Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 9h07
Un barrage a brièvement été installé sur le pont de Kehl ce matin. Il a été levé peu avant 9h.
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13 avril 2023, 9h03
Environ 50 à 60 personnes sont présentes devant le lycée Photo : CG / Rue89 Strasbourg / cc
Le proviseur du lycée a indiqué que les appels de présence n’auront pas lieu ce matin.
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13 avril 2023, 8h42
L’accès au lycée Marie Curie a été bloqué ce matin depuis 6h Photo : CB / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 8h37
Les barrages ont été levés place de Haguenau.
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13 avril 2023, 8h08
Le groupe de militants a levé le blocage place de Haguenau, volontairement.
Les pompiers éteignent les flammes avant de retirer les éléments de la voie (vidéo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 8h01
Un policier vient de demander aux militants de « quitter les lieux dans les cinq minutes sinon on va devoir le demander plus fermement ».
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13 avril 2023, 7h49
L’accès à la place de Haguenau depuis l’avenue des Vosges est bloqué par la police (vidéo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 7h42
La police assure désormais la régulation de la circulation avant le barrage (vidéo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 7h39
Le barrage mené par le collectif « On crèvera pas au boulot » doit être conservé jusqu’à midi.
Ce collectif avait tenté d’empêcher l’accès aux terminaux de distribution de carburant lors de la 11e journée, le barrage avait été levé par les forces de l’ordre. Les militants avaient alors craint une explosion lorsque des grenades lacrymogènes avaient été tirées à proximité des camions-citernes.
(vidéo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 7h29
Photos : GK / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 7h25
Le barrage consiste à réduire le nombre de voies disponible à une seule (Vidéo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 7h20
Après quelques minutes, le barrage est partiellement ouvert (Vidéo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 7h18
La situation est assez tendue vis à vis des automobilistes… (Photo GK / Rue89 Strasbourg / cc)
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13 avril 2023, 7h16
Des manifestants tentent de mettre en place un barrage place de Haguenau à Strasbourg. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc
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13 avril 2023, 6h00
Bienvenue sur ce compte-rendu des actions, blocages et manifestations de cette 12e journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites du gouvernement. Le projet de loi a été adopté sans vote vendredi 17 mars, après un débat parlementaire raccourci, grâce à l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement. Demain, le Conseil constitutionnel doit répondre aux saisines qui lui ont été présentées, il lui appartient de vérifier si le texte dans son ensemble, ou certaines de ses dispositions, sont conformes à la Constitution de la Ve République.
Mais les 13 syndicats mobilisés contre cette réforme qui prévoit d’allonger le temps de travail nécessaire avant de se retirer ne désarment pas. Plusieurs actions sont prévues dans les secteurs stratégiques et dans les transports. À Strasbourg, la manifestation doit partir de l’avenue de la Liberté vers 14h.
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À la Cité de l’Ill, une trentaine de personnes se sont mobilisées mercredi 12 avril au matin pour tenter de retrouver Enzo. L’adolescent de 17 ans n’a pas donné signe de vie depuis la soirée du 2 avril, où il a plongé dans la rivière l’Ill pour échapper à un contrôle de la brigade anticriminalité.
Sous une fine pluie et un ciel couvert, Didier attend sur le parking du stade de la Thur, au bout de la Cité de l’Ill. Il a revêtu sa parka jaune fluo et des basket tout terrain pour pouvoir chercher Enzo toute la matinée, même s’il ne le connaît pas. L’habitant de Schiltigheim, ancien pompier et militaire, a un petit-fils du même âge. « Faut qu’on le retrouve le gamin, il a peut-être fait une connerie mais peu importe, personne ne mérite ça », estime-t-il fermement.
Le 2 avril après 23 heures, Enzo circule dans un véhicule déclaré volé, accompagné de deux de ses cousins. Des agents de la bac le repèrent, « décident de procéder à son contrôle », précise la Procureur de la République dans un communiqué daté de mardi 11 avril, avant que les jeunes prennent la fuite, sortent de la voiture rue de la Doller et se dispersent. Ses cousins s’enfuient à pied, Enzo saute dans l’Ill pour « tenter de rejoindre l’autre rive malgré le courant ». Pour les secours « rapidement dépêchés sur les lieux » selon le parquet, Enzo reste introuvable et une enquête pour disparition inquiétante est ouverte. « Les investigations se poursuivent pour déterminer les circonstances de cette disparition et retrouver l’adolescent », conclut la Procureure.
La mère d’Enzo a déposé plainte contre X le 8 avril pour « non-assistance à personne en danger » qui vise « le policier ayant vu son fils se jeter à l’eau sans lui porter secours » – selon ses déclarations et le communiqué du parquet.
Une trentaine de personnes mobilisés
Pour l’instant, la police nationale n’a pas fait circuler d’appel à témoignage dans le cadre de la disparition car « les enquêteurs n’en ont pas fait la demande », précise la communication de la direction départementale de la sécurité publique du Bas-Rhin, à Rue89 Strasbourg. Les personnes réunies mercredi matin ont en fait répondu à l’appel de l’association Icared, créée après la disparition de Sophie Le Tan en 2018.
Frédéric, Didier et Khadidja repèrent les abords de l’Ill au niveau du stade de le Thur à la Cité de l’Ill en attendant que la battue commence. Photo : CB / Rue89 Strasbourg
« La famille [d’Enzo] nous a contacté il y a quelques jours, on a diffusé un avis de recherche et organisé la battue », explique Khadidja Arratbi, présidente de l’association, téléphone à la main. « Ils voulaient chercher tout de suite car pour eux l’attente est insupportable ».
La présidente fait tout de suite référence à une affaire similaire qui l’a marqué, à Strasbourg. En 2002, deux adolescents surpris en train de cambrioler un entrepôt ont sauté dans l’eau au Port du Rhin pour échapper à la police. L’un d’entre eux, âgé de 17 ans, est décédé deux heures après. Didier garde en mémoire des évènements de 2005, où deux jeunes – Zyed et Bouna – sont morts après s’être cachés dans un transformateur électrique à Clichy-sous-Bois – eux aussi étaient poursuivis par la police.
L’appel pour la battue a finalement réuni une trentaine de personnes mercredi 12 au matin. Parmi les bénévoles venus tenter de retrouver Enzo, Constance est venu accompagnée de sa chienne. Lana-Piranha est une malinoise de huit ans formée à la « recherche utilitaire sur personne disparue ». Elle attend l’arrivée de la mère d’Enzo pour lui faire renifler un habit et tenter de pister son odeur dans les environs du cours d’eau. Constance habite le quartier depuis plus de 40 ans et lorsqu’elle a vu passer l’appel pour la battue, elle a tout de suite décidé de se mobiliser. « Il faut absolument être là pour soutenir la famille et les aider à chercher, ça peut arriver à n’importe qui ».
« On est une grande famille »
Dès 10 heures, la famille arrive petit à petit au parking du stade de foot. Les sept oncles et tantes se sont déplacés ainsi que la mère d’Enzo, accompagnée de cousins et de cousines. « On est une grande famille », sourit l’une d’elles, capuche de fortune sur la tête. « C’est pas la première fois qu’on cherche dans le coin, mais c’est la première fois qu’il y a un chien », précise un oncle. Tous se saluent, entre eux mais aussi avec les bénévoles venus là sans connaître la famille. Les mercis fusent et l’émotion plane.
Lana-Piranha est une chienne malinoise de huit ans, formée à la « recherche utilitaire sur personne disparue ». Photo : CB / Rue89 Strasbourg
Manon et Selen se tiennent un peu en retrait. Les adolescentes habitent la Cité de l’Ill et n’ont pas école. « Bien sûr qu’on est venues, il faudrait que tout le monde soit là », tonne Selen. « Mon frère s’appelle Enzo (une coïncidence), ça fait dix jours que tout le quartier nous demande comment il va », poursuit Manon. Dans le quartier, « on ne parle pas trop de la disparition, sauf à la boulangerie », estime Manon qui a deux théories. « Soit il se cache parce qu’il a peur, soit il est resté accroché dans l’eau, il y a beaucoup de caddie et des trucs au fond ici », explique-t-elle en baissant la voix.
Peu avant 10h30, la battue commence. Une bénévole distribue des gants de plastique et Lana a senti un vêtement d’Enzo, contenu dans un sac en plastique vert. Elle s’élance sur le sentier longeant l’Ill, suivie de toute la famille de l’adolescent disparu. Un peu en retrait, un oncle soupire. « J’aimerais voir les policiers et les pompiers chercher avec nous », glisse-t-il. L’homme est traumatisé et peine à comprendre ce qui se passe. Son meilleur ami se tient proche de lui pour l’aider à faire face à la dizaine de journalistes présents sur le parking. « J’espère le retrouver vivant, ou juste avoir une trace de lui. Là, on a rien pour se raccrocher, je me force à manger et sa mère fait des crises d’angoisse », poursuit-il.
« Évidemment qu’il a eu peur de la police »
Jamais Enzo n’est resté si longtemps sans donner de nouvelles à ses proches. « Au moins sa petite soeur et son frère, ils sont très proches, ça ne lui ressemble pas », explique un autre oncle en suivant le groupe, lunettes de soleil sur la tête. Tout en évitant les flaques, il revient sur les circonstances de la disparition. « Évidemment qu’il a eu peur de la police, on a toujours peur de la police même si on n’a rien fait, surtout si elle vous poursuit » lance-t-il. « C’est pas normal ce qui s’est passé ».
L’homme dit avoir fait dix ans de prison. « Donc c’est pas ça qui lui faisait peur, il sait que la prison, on en sort », poursuit-il, « je ne vois pas pourquoi il se cacherait encore aujourd’hui ». Toutes et tous se demandent pourquoi personne, le soir même, n’a aidé Enzo à sortir immédiatement de l’eau. Pendant ce temps, un petit bateau de la protection civile parcourt l’Ill, sans s’arrêter.
Après une centaine de mètres de recherches, Lana marque une longue pause au bord de l’eau. « Il faut passer de l’autre côté de la rivière », estime une bénévole. Le petit groupe retourne au parking au pas de course et embarque en voiture. Une fois passé de l’autre côté de l’Ill, à cinq minutes de route, tout le monde ressort, guidé par Constance et son chien.
« On ne peut pas se raviser »
À travers une prairie aux hautes herbes, la mère d’Enzo mène la marche, suivie par les oncles qui appellent Enzo dans plusieurs langues. Certains ont les chaussures qui s’embourbent et le bout des doigts fripés. Entre les jardins privatifs et les barrières qui empêchent d’accéder à l’eau, le groupe se disperse. Lana ne suit plus de piste mais la famille continue de chercher. « On ne peut pas se raviser », explique la cousine tout en tenant une branche pour s’engouffrer dans un sous-bois.
Vers midi et demi, certains bénévoles retournent à leurs voitures. « Ça fait deux heures qu’on cherche, le chien est fatigué, il faut revenir une autre fois », estime l’un d’eux. Sous son parapluie transparent, Élisabeth acquiesce. Elle habite la Cité de l’Ill depuis sa naissance, en 1965. « On en parle surtout sur les réseaux sociaux, de la disparition », explique-t-elle.
Pour se rapprocher de l’eau sur la berge opposée au stade de la Thur, le groupe de bénévole passe à travers un champs aux hautes herbes. Photo : CB / Rue89 Strasbourg
Sa soeur Raymonde, 53 ans, espère que la mobilisation va continuer mais que les commentaires haineux, vont s’arrêter. « On lit partout que c’est bien fait pour lui, ceux qui écrivent ça n’ont aucune humanité », assène-t-elle. « C’est ingrat de juger quelqu’un sans le connaître, ça arrive à Enzo aujourd’hui mais ça peut arriver à n’importe qui demain, je suis écoeurée par tant de méchanceté », complète Élisabeth. « Quand on voit que des internautes traitent Enzo de racaille, on se rend compte que certaines personnes sont déshumanisées », poursuit Frédéric, vice-président d’Icared.
L’association ne sait pas encore quelles seront les prochaines actions pour soutenir la famille, mais est prête à se mobiliser à nouveau pour continuer de chercher Enzo. La famille continue les recherches de côté, et espère avoir rapidement des nouvelles de l’enquête.
Les habitants du squat Bourgogne à la Meinau sont menacés d’expulsion. Pour la plupart originaires de Géorgie, ces personnes sans solution d’hébergement proposée par l’État sont en train de déménager dans deux bâtiments en instance de démolition rue de Sarlat, au Neuhof, mardi 11 avril. Reportage.
« Nous sommes 70 familles en tout. Il y a beaucoup d’enfants, des malades, des personnes âgées », explique Lali. Presque tous originaires de Géorgie, ils s’installent dans deux bâtiments au 14 et au 18 rue de Sarlat en ce milieu d’après-midi du mardi 11 avril. Selon plusieurs personnes interrogées sur place, le site est occupé depuis le vendredi 7 avril. Les immeubles appartiennent au bailleur social Habitation Moderne et sont en instance de démolition. « Nous venons du squat Bourgogne, qui était menacé d’expulsion. Il y a quelques familles en plus qui dormaient dehors et qui devraient trouver de la place ici », ajoute la mère de famille.
Le fils de Lali présente son nouvel appartement rue de Sarlat. (Vidéo remise)
Keti (à gauche) et Lali (à droite), espèrent pouvoir rester à l’abri ces prochains mois. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Nous ne pouvons pas faire autrement »
Le bâtiment au 18 rue de Sarlat est en meilleur état que son voisin : l’eau et l’électricité fonctionnent, contrairement au numéro 14. Les occupants discutent de la répartition des appartements pour optimiser la surface à disposition. Zviad insiste :
« Nous ne pouvons pas faire autrement. Je viens de Géorgie mais j’ai émigré en Ukraine d’abord. Puis la guerre a commencé, et je suis venu en France. On nous traite mal. Ils n’ont pas accepté l’asile pour moi. Je me demande à quoi ça sert l’Europe. Ce n’est plus possible de vivre comme ça. »
Comme nous l’exposions dans un article publié en novembre dernier, de nombreux Géorgiens viennent en France parce qu’ils ne peuvent pas se soigner dans leur pays ou à cause de graves pressions politiques.
Zviad assure être venu en France pour fuir la guerre en Géorgie, puis en Ukraine. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Contacté par Rue89 Strasbourg, le bailleur social Habitation Moderne indique :
« Nos équipes ont été informées, dans la nuit de samedi à dimanche, de cette intrusion. Ces immeubles vacants ou partiellement vacants sont voués à la démolition prochaine, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain. Les premières actions de démolition doivent d’ailleurs intervenir fin avril/début mai 2023. Les équipes se sont rendues sur place dans la foulée et ont fait constater par huissier l’intrusion dans les logements, aux fins de donner une suite adaptée. »
Photos : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Le propriétaire n’a pas précisé si une plainte a déjà été déposée. La Ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire du bailleur social, n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le même cycle juridique qu’au squat Bourgogne pourrait recommencer. Fatigué, Zviad espère du répit et demande aux autorités que les occupants de la rue de Sarlat soient traités avec humanité.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
L’intersyndicale portant la lutte contre la réforme des retraites du gouvernement appelle à une 12e journée de mobilisation, jeudi 13 avril, à la veille d’une décision du Conseil constitutionnel, saisi sur la loi par les syndicats et l’opposition.
Les 13 syndicats n’entendent pas mettre un terme au mouvement de contestation de la réforme des retraites menée par le gouvernement. Ils demandent toujours que l’âge de départ minimal ne soit pas repoussé (de 62 à 64 ans), et que la durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein reste identique (de 42 à 43 ans) et appellent à une nouvelle journée de manifestations, jeudi 13 avril.
À Strasbourg, le 12e cortège partira à 14h de l’avenue de la Liberté pour passer par le centre-ville puis revenir par les quais selon un parcours désormais bien rôdé. Au vu des incidents qui ont émaillé le 11e cortège cependant (lire notre compte-rendu), la préfecture pourrait vouloir modifier ce parcours (cet article sera mis à jour si le parcours est modifié).
Trajet de la manifestation du 13 avril
D’après le ministère de l’intérieur, quelque 570 000 personnes ont défilé jeudi 6 avril, jusqu’à 2 millions selon les syndicats. Des chiffres de participation en baisse sur l’ensemble du territoire mais qui restent importants.
Environ 10 000 personnes se sont mobilisées à Strasbourg jeudi 6 avril Photo : Rue89 Strasbourg / cc
En attente de la décision du Conseil constitutionnel
L’intersyndicale attend une décision du Conseil constitutionnel, vendredi 14 avril, sur la validité de la loi sur le financement de la Sécurité sociale contenant la réforme des retraites, adoptée sans vote par le Parlement. Le but de la mobilisation de jeudi « n’est pas de faire pression » sur les juges a précisé Marylise Léon de la CFDT. « On s’en remet à eux et on a des arguments à faire valoir », a-t-elle complété.
Cependant, si le Conseil constitutionnel devait valider la loi, l’intersyndicale appellerait à une nouvelle mobilisation, dès le vendredi 14 avril, afin d’appeler le président de la République, Emmanuel Macron, à ne pas promulguer le texte. L’ultime solution consiste à lancer un référendum d’initiative partagée mais cette procédure nécessite une validation du Conseil constitutionnel. Et si c’est le cas, le référendum a besoin de 4,8 millions de signatures pour prendre effet.
Blocages et perturbations à prévoir
Comme lors de chaque journée de mobilisation, une série de perturbations sont à prévoir. D’une part, les raffineries et les dépôts de carburants devraient à nouveau subir des blocages. Ensuite, tous les services de transports en commun (ITBR, CTS, SNCF…) devraient connaître des perturbations, avec une interruption totale de service probable pour les trains régionaux alsaciens. Les cantines des écoles de Strasbourg devraient également être toutes fermées, comme à chaque journée de mobilisation.
À Strasbourg, plusieurs témoignages évoquent des troubles menstruels subis après avoir participé à des manifestations. L’exposition au gaz lacrymogène pourrait être la cause de ces perturbations.
Jade (prénom modifié à sa demande), 31 ans, est chercheuse à l’Université de Strasbourg. Elle était présente lors du jet de gaz lacrymogène qui a eu lieu au milieu du cortège de la manifestation du lundi 20 mars, sur les quais des Bateliers. Retrouvée coincée entre deux nuages de gaz, elle suit paniquée un groupe d’une quarantaine de manifestants dans une cour d’immeuble pour se réfugier. Impression de suffoquer, étoiles dans les yeux, vertiges et fortes nausées, elle sort de la cour une vingtaine de minutes plus tard lorsque ces effets se sont calmés. Suite à ce premier gazage, elle remarque immédiatement un « gros mal de ventre ».
« J’ai cru à une fausse couche »
Le lendemain de cet évènement, la chercheuse fait face à des saignements vaginaux abondants, douloureux et imprévus :
« Je me suis inquiétée car mes règles n’étaient pas prévues et sont toujours courtes avec un flux léger. Là, j’ai cru être enceinte et faire une fausse couche. Ces saignements ont duré un peu plus d’une semaine. »
En se renseignant en ligne, elle tombe sur des enquêtes liant les effets du gaz lacrymogène à des dérèglements menstruels. Elle fait un appel à témoignages, afin de voir si d’autres personnes sont victimes de dérèglements similaires. Suite à notre entretien, Rue89 Strasbourg a pris contact avec une partie de ces personnes.
Utilisation du gaz lacrymogène par la police lors d’une manifestation spontanée, le mardi 28 mars 2023 Photo : Thibault Vetter
Juliette, 26 ans, était dans un nuage de gaz lundi 20 mars dans la petite rue des Dentelles. Interrogée par Rue89 Strasbourg, elle relate avoir été aussi sujette à des saignements imprévus le lendemain. Elle trouve ensuite l’appel à témoignages de Jade sur Facebook :
« J’ai un implant contraceptif, ça m’arrive très peu d’avoir mes règles depuis six ans, peut-être une à deux fois par an. Mais le lendemain de mon exposition au gaz, j’ai saigné abondamment donc pour moi, les deux événements sont liés. »
« C’est arrivé du jour au lendemain »
Noémie, étudiante de 20 ans, est gazée jeudi 23 mars peu après le départ d’une manifestation spontanée :
« J’étais dans le premier nuage de gaz, dès le départ du cortège sauvage, vers 16h. J’étais devant dans le cortège, derrière la banderole. On s’est fait gazer encore plusieurs fois sur la durée de la manifestation. »
Le lendemain matin, son cycle menstruel se déclenche. Eda et Nora, étudiantes de 19 ans, ont aussi remarqué un dérèglement menstruel suite au contact avec le gaz lacrymogène lors des cortèges des jeudi 23 et mardi 28 mars. Eda explique qu’elle a eu des douleurs à un ovaire quelques minutes après son premier gazage le mardi. Ses règles sont apparues mercredi :
« J’ai paniqué, je me suis demandée pourquoi j’avais mes règles en avance. Quelqu’un m’a parlé du lien entre dérèglement menstruel et gaz lacrymogène, et depuis, je pense que c’est bien la raison du déclenchement de mes règles. Je n’avais jamais été déréglée auparavant. »
Nora ajoute avoir eu des règles douloureuses deux ou trois jours après son exposition au gaz, en avance sur son cycle.
Des saignements douloureux et abondants
Adèle, étudiante de 19 ans, participe à presque chaque mobilisation annoncée contre la réforme des retraites. Après un jet de gaz lacrymogène le jeudi 16 mars, elle a de fortes crampes à l’utérus et ses règles se déclenchent le même jour. Au premier abord, ce n’est pas surprenant pour l’étudiante, dont les règles sont habituellement douloureuses. Mais après sa participation aux différentes manifestations, ses saignements se poursuivent pendant deux semaines.
« J’ai pris un rendez-vous avec ma gynécologue parce que j’ai vraiment eu très mal au début. Mes règles sont devenues plus abondantes et plus douloureuses les jours où j’étais au contact de la lacrymo. »
Adèle n’avait pas encore de diagnostic au moment de publier cet article. Camille, tatoueuse de 27 ans, explique avoir été près des nuages de gaz à plusieurs reprises mardi 28 mars. « Sur le chemin du retour de la manif, j’avais très mal au ventre. Comme si j’allais avoir mes règles. » Trois jours de crampes et de douleurs plus tard, ses règles sont là :
« Ce mois-ci j’ai eu un gros retard dans mon cycle. Je suis persuadée que c’est l’exposition au gaz qui a déclenché l’arrivée de mes règles tardives. J’ai beaucoup plus mal que d’habitude et surtout je perds énormément de sang. »
Très peu d’études se sont intéressées à ce lien entre dérèglement hormonal et exposition au gaz lacrymogène. Docteur en biologie moléculaire et ancien Gilet jaune, Alexander Samuel s’est penché sur cette question dès 2019. Pour lui, le dérèglement menstruel pourrait être « la conséquence d’une absence d’oxygène dans le corps » :
« Si on induit une hypoxie de façon non-naturelle, avec une exposition au gaz lacrymogène par exemple, la paroi utérine peut se gonfler préventivement et pourrait expliquer le dérèglement menstruel. On manque de données scientifiques fiables sur le sujet, mais il y a beaucoup de témoignages et de plaintes. »
Le professeur Philippe Deruelle, chef du pôle gynécologie obstétrique et fertilité au CHU de Strasbourg, souligne :
« Il existe des publications suggérant que les gaz lacrymogènes pourraient modifier les cycles menstruels et les règles, en particulier une étude de 2021 de B. Torgrimson-Ojerio. Néanmoins, la manière dont cette étude a été menée, en particulier l’absence de prise en compte de biais éventuels, ne permet pas de conclure à un lien entre une exposition aux gaz lacrymogènes et un trouble des règles. Par exemple, le stress lié à la manifestation pourrait tout autant être responsable des symptômes. »
Pour Jade et Eda, le potentiel risque sur la santé du gaz lacrymogène ne les empêchera pas d’aller en manifestation, mais elles éviteront désormais « les têtes de cortèges ». Juliette, après « avoir fait des cauchemars », affirme qu’elle continuera de se mobiliser, mais qu’elle quittera les manifestations avant leur dispersion, afin d’éviter une nouvelle exposition aux gaz lacrymogènes.
Plusieurs écoles pourtant situées dans des zones défavorisées ne bénéficient pas d’un classement REP / REP+ qui leur permettraient de répondre aux besoins accrus. Même lorsque les données de l’Éducation nationale indiquent le contraire.
Et soudain, sonne la cloche. Enfin libérés, des bataillons d’élèves sortent de l’école du Rhin vers les bras de leurs parents. Face à l’établissement, les bâtiments plus ou moins rénovés de la Cité Loucher s’étendent. Malgré les coups de peintures, la pauvreté de ce quartier historique du Port du Rhin perce encore.
Les enfants du quartier sont-ils susceptibles d’être pénalisés à l’école, en grandissant dans un secteur plus précaire ? À l’unisson, la sociologie et les sciences de l’éducation l’affirment depuis longtemps. Même l’Éducation nationale reconnaît cette évidence et cherche à limiter les effets de la reproduction sociale. Méritocratie oblige. Pour orienter son action, le ministère de l’Éducation a créé un outil statistique, permettant d’établir le profil socio-économique des secteurs scolaires : l’Indice de position sociale (IPS).
Entre autres, « l’IPS » prend en compte des indicateurs matériels (niveau de revenu des parents, le nombre de pièces, l’accès à un ordinateur…) et des indicateurs culturels (temps devant la télévision, nombre de livres, pratiques culturelles), qui livrent une image plus précise de la situation des familles.
« Je ne comprends rien aux cartes scolaires »
Selon les statistiques de l’Éducation nationale, l’indice de position sociale de l’école du Rhin est très faible. En d’autres termes, les enfants inscrits dans cet établissement viennent de familles plus pauvres et moins diplômées. Leurs conditions d’apprentissage sont moins favorables que pour les élèves des quartiers riches. En principe, l’État tente de compenser cette inégalité en allouant des moyens supplémentaires aux écoles de ces secteurs là. En principe seulement. Car l’école du Rhin ne bénéficie pas du précieux label « Réseau d’éducation prioritaire » (REP) qui permet un dédoublement des classes, 12 élèves maximum, une prime pour les instituteurs (1 482€ nets par an en REP, 4 371€ en REP+) et l’accès à du personnel socio-éducatif en renfort.
« Attendez, quoi ? » Venue récupérer son fils du périscolaire, Edna n’avait jamais imaginé que l’école ne puisse ne pas être en REP. « J’avoue que je n’y comprends rien aux cartes scolaires. Moi, ça me paraissait évident vu la pauvreté du quartier. » Même refrain pour la dizaine de parents d’élèves interrogés sur le parvis.
Edna s’est installée dans les nouveaux quartiers du Port du Rhin. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg/ cc
D’autres écoles, appelées « orphelines » dans le jargon de l’éducation prioritaire, se trouvent dans la même situation. Au sein de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), on retrouve des exemples similaires à l’école Ampère du Neudorf ou à l’école At Home à Bischheim. Ces établissements accueillent les enfants de familles défavorisées, sans être labellisées REP ni REP+, car elles sont rattachées à un collège qui n’est pas assez « prioritaire ».
« On comprend l’argument technique, pas la logique »
Comment expliquer une telle distorsion entre la réalité sociale et le classement administratif ? La logique de l’Éducation nationale repose sur une articulation en réseau, entre un collège et les écoles primaires qui l’alimentent. Si le collège est considéré REP / REP+, alors toutes les écoles liées bénéficient du dispositif. Mais à l’inverse, aucune école primaire ne sera considérée REP ni REP+ si son collège de secteur n’est pas prioritaire. Ainsi l’école primaire du Rhin n’est pas considérée comme REP parce que son établissement de secteur, le collège Vauban, n’est pas prioritaire.
L’école du Rhin risque d’être rattachée au futur collège des Deux Rives, dont la construction n’a pas commencé. Photo : RG /Rue89 Strasbourg/ cc
« Nous aussi, on est confronté au même cas de figure », commence Matthieu (prénom modifié), enseignant d’une école de l’Eurométropole, qui souhaite rester anonyme :
« On comprend l’argument technique, mais pas la logique humaine. Nous sommes dans une zone enclavée et pauvre, avec beaucoup d’élèves en difficultés. Une bonne partie d’entre eux parle mal français, quelques-uns pas du tout. Ça nécessite une attention particulière de l’instituteur. C’est pour ça qu’il nous faut moins d’élèves par classe. »
Comme presque tous les personnels interrogés, il attend beaucoup de la mise à jour de la carte de l’éducation prioritaire (datant de 2015), promise par le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye. « La refonte, on en parle depuis longtemps, souffle Mathieu, je ne sais plus exactement ce qu’on peut en attendre. »
Forêt d’indicateurs sociaux
L’Éducation nationale elle-même se contredit. Selon ses propres chiffres, l’Indice de position sociale (IPS) moyen des écoles primaires est de 102,77 en France pour l’année 2022. L’IPS le plus bas pour une école en France est de 49,6 contre 155,6 pour l’IPS l’école la plus favorisée.
Si l’on regarde le chiffre des écoles orphelines de l’Eurométropole, l’école du Rhin se situe à 70,3, celle d’Ampère à 70,9, l’école At Home à Bischheim est à 71,5 et l’école primaire du Neuhof à 87,5. Donc largement en dessous de la moyenne des écoles qui bénéficient du statut REP ou REP+.
Les indices des écoles et des collèges publics ont été publiés sur une carte par Jérémy Garniaux – cliquez pour y accéder.
« Pour cette dernière école, nous ne la considérons pas comme une école orpheline, il y a plus de mixité sociale, on n’a pas les mêmes problématiques sociales », précise Jean-Baptiste Ladaique, adjoint au directeur de l’Académie de Strasbourg, chargé du premier degré. Selon lui, le cas des écoles orphelines est une anomalie bien connu de ses services :
« Ces écoles souffrent de leurs positions géographiques. Elles sont particulièrement enclavées. On essaye d’y palier ; nous avons un poste d’enseignant supplémentaire sur l’école du Rhin par exemple. Et nous tenons régulièrement des conseils d’écoles, où les enseignants du primaire et du collège se rencontrent trois fois par an pour préparer l’arrivée des élèves ayant des difficultés au collège. »
Comme le ministre, il réitère la promesse d’une mise à jour prochaine de la carte de l’éducation prioritaire. « Pour l’instant, on n’a pas de visibilité là-dessus. Mais ça ne devrait pas tarder. »
L’enjeu du nombre d’élèves par classe
Reste que l’absence de classement REP ou REP+ reste un handicap lourd pour les écoles orphelines. Concernant la moyenne d’enfant par classe notamment. À l’école du Rhin, le nombre d’élèves par classe est de 21,8 en moyenne, contre 12 enfants maximum par classe dans les établissements considérés comme prioritaires.
Parfois, l’absence du sigle REP est encore plus cruelle, pour les écoles orphelines. À l’école At Home de Bischheim, une fermeture de classe était prévue, alors que l’établissement affiche un IPS très faible de 71,5. « J’ai directement appelé le député de la circonscription et le rectorat, pour tenter de faire bouger les lignes », raconte le maire de la commune, Jean-Louis Hoerlé (LR). « Malheureusement, ce sont des sujets sur lesquels les élus locaux ont peu de poids, » avoue-t-il. Après une mobilisation des parents d’élèves, le rectorat a fini par maintenir la classe.
Pour Bernadette Gillot, adjointe au maire de Bischheim en charge des affaires scolaires, la situation de l’école était contradictoire :
« C’est une population encore plus en difficulté que dans d’autres écoles REP de la commune. Mais elle ne bénéficiait pas du dédoublement des classes. Pour la prochaine rentrée, on bénéficiera cependant d’un contrat local d’accompagnement, qui nous donne plus de moyens financiers. Ce n’est pas encore le classement REP, mais c’est déjà une avancée. »
« On n’a pas trouvé mieux pour l’instant »
Loin du béton strasbourgeois, dans les milieux scolaires ruraux, on scrute aussi avec beaucoup de méfiance les évolutions des chiffres et des indicateurs de l’Éducation nationale. Le journal Le Monde relevait l’existence d’un biais de classement des collèges en faveur des villes : 48,3% des collèges en zone rurale auraient un IPS en dessous de la moyenne, sans pour autant bénéficier du dispositif REP / REP+.
Même actualisés, ces indicateurs restent une façon imparfaite de saisir la réalité d’un territoire, plaide Hélène, enseignante à l’école de Barembach (IPS de 97,2), dans la vallée de la Bruche :
« On est rattaché au collège de la Haute-Bruche qui n’est pas REP. Mais on a beaucoup de difficultés dans nos classes, on est beaucoup plus loin des théâtres et des lieux de cultures et on a des résultats faibles lors des évaluations nationales ».
Hélène est enseignante à l’école primaire Barembach, l’une des trois écoles regroupées sur Schirmeck. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg/ cc
Réalisées deux fois par an, en début et fin d’année, ces évaluations permettent de détecter les problèmes et l’évolution des élèves. En français, Hélène constate que plus de 30% des CP et 37% des CE1 ont un niveau fragile. En mathématiques, ce nombre s’élève à 46% des CE1. Hélène ne comprend pas que l’école ne bénéficie pas de moyens supplémentaires :
« On se sent démunis. Il y a une grande partie de ces élèves qui n’arrive pas à lire et comprendre un texte court, avec une capacité à lire un nombre de mots par minute très faible. En mathématiques, c’est pareil, ils ont besoin de manipuler et compter avec des objets pour que ce soit concret. L’enjeu du nombre d’élèves par classe est là, on ne peut pas faire des manipulations suffisamment souvent avec une classe trop nombreuse. »
Même s’il est imparfait, Jean-Baptiste Ladaique assure que les réseaux d’éducation prioritaire permet une « continuité » dans le suivi des parcours, de la maternelle au lycée. « On n’a pas trouvé mieux pour l’instant ». L’actuelle carte de l’éducation prioritaire date de 2015, s’appuyant sur des données de 2011.
La maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a augmenté le prix du parking en voirie et lancé le chantier du tramway vers le nord de l’agglomération, devant annihiler le trafic automobile sur une partie d’axes majeurs de Strasbourg. Trois ans après leur élection, c’est la première transformation radicale de Strasbourg par les écologistes.
Lorsqu’au début des années 90, Catherine Trautmann, tout récemment élue maire de Strasbourg, lance la construction d’une première ligne de tramway, elle n’a pas attendu pour piétonniser le centre-ville à cette occasion (voir cette archive de l’INA). À la place des voitures qui lui tournaient tout autour, voilà la place Kléber réservée aux piétons. En remplacement des bouchons permanents, la rue des Francs-Bourgeois se couvre de pavés et de larges trottoirs.
Hurlements des conservateurs de l’époque, menés par l’ancien maire Marcel Rudloff, qui auraient plutôt construit un métro léger, afin de superposer les moyens de transports sans toucher aux voies de circulation en surface. Depuis cette date, la voiture a graduellement perdu du terrain à Strasbourg, même durant le mandat de la droite entre 2001 et 2008. Aucune voie n’a cependant plus été fermée à la circulation automobile depuis la construction de la ligne B en 2000.
Jeanne Barseghian s’attaque au bastion de l’avenue des Vosges Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
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Florent est atteint d’un Covid long qui provoque chez lui un syndrome de fatigue chronique. Son état s’est progressivement dégradé. Il est, depuis août 2022, contraint de rester en position couchée toute la journée. Le jeune homme de 28 ans n’a toujours pas de solution de traitement curatif pour alléger ses symptômes.
En octobre 2020, Florent Lacombe contracte une première fois le Covid-19. Il est touché par la maladie une deuxième fois en mars 2022, malgré sa couverture vaccinale (les personnes vaccinées diminuent de 40% le risque de développer un Covid long selon une étude menée sur 250 000 patients).
Le 4 avril 2022, il reçoit un certificat médical attestant qu’il est atteint de Covid long, vu la persistance de symptômes de fatigue, d’une sensation de « brouillard cérébral », d’un épuisement musculaire ou encore de troubles neurologiques. Sur ce même certificat, il est écrit que sa maladie « ne relève d’aucune stratégie thérapeutique validée en France ».
Florent est contraint de passer presque tout son temps alité depuis août 2022. Photo : remise
22 heures par jour sans bruit et dans la pénombre
Un an plus tard, en avril 2023, il n’existe toujours aucun traitement curatif du Covid long, seulement des traitements qui visent à alléger les symptômes. Afin d’atténuer sa souffrance, Florent n’a trouvé que les anxiolytiques pour « soulager les pétages de plombs », de la mélatonine et parfois des somnifères qui l’aident à dormir. En octobre 2022, vu sa dépendance de plus en plus marquée, il quitte sa colocation pour vivre chez ses parents, à Colmar.
Joint par Rue89 Strasbourg, le jeune homme de 28 ans préfère décrire son état par messages écrits plutôt qu’au téléphone. Il n’est pas en capacité de tenir une conversation de plusieurs minutes :
« J’ai des maux de ventre, des troubles du sommeil, des pics d’acouphènes, parfois très forts, des troubles de la vision… Il me faut désormais rester entre 22 et 23 heures par jour sans bruit, dans la pénombre, sans aucune activité. Le temps qui reste est dispatché en petites sessions de 10 / 15 minutes d’activités douces : manger, m’étirer, me laver, écouter un livre audio, écrire des messages… Si je dépasse ce temps-là, je déclenche le jour même ou les jours suivants une dégradation très forte de mon état, avec un épuisement, des douleurs, qui se dissipent, ou pas. »
« C’est dur de voir l’état de mon fils se dégrader »
Florent est suivi par Paolo Licinio, médecin coordinateur de la cellule Covid long des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Selon ce dernier, comme d’autres patients atteints de symptômes similaires, le virus a vraisemblablement causé l’apparition d’une encéphalomyélite myalgique, communément appelée syndrome de fatigue chronique :
« C’est l’une des formes du Covid long. Tout ce que l’on peut faire, c’est de la rééducation, avec parfois des améliorations. Pour Florent, à ce stade, c’est très limité car il ne peut faire quasiment aucun effort, sinon son état se dégrade. Ce que je vais lui proposer, c’est donc une forme de rééducation très douce, en position couchée, pour qu’il reste actif. »
Paolo Licinio coordonne la cellule Covid long à l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Sophie Lacombe, la mère de Florent, est médecin diabétologue. C’est elle qui est contrainte de « piloter le dossier médical » de son fils :
« D’abord, les autres médecins généralistes étaient démunis, ou ne prenaient pas le cas de Florent au sérieux. Surtout, je vois l’état de mon fils se dégrader, donc j’essaye de trouver des solutions, mais en France il n’y a rien, donc on regarde ce qui se fait à l’étranger. »
Tentative de traitement du sang en Allemagne : coûteuse et douloureuse
L’une des hypothèses pour expliquer les symptômes du Covid long, c’est la présence de micro-caillots dans le sang. Pour essayer d’aller mieux, Florent s’est donc tourné vers l’Allemagne, où certaines cliniques pratiquent « l’aphérèse » : un lavage du sang par filtration. « Nous n’avons pas assez de données aujourd’hui pour proposer l’aphérèse à Strasbourg », indique le Dr Licinio.
Peu d’études ont été réalisées sur ce procédé, mais il semble efficace, dans certains cas, pour atténuer les symptômes du Covid long. Cependant, la pratique est très expérimentale et comporte des risques. Florent, par exemple, n’a pas supporté le traitement, comme l’explique son père, Pascal Lacombe :
« Nous sommes allés dans une clinique à Witten. Florent devait réaliser quatre aphérèses de trois heures chacune, à une semaine d’intervalle. Le sang était prélevé au niveau d’un coude, passait dans la machine et revenait par l’autre coude. Après la première séance, certains symptômes se sont amoindris, par exemple une sensation de froid dans les orteils et les doigts, qu’il a en permanence. Mais il n’a pas supporté la position assise pendant aussi longtemps, donc le lendemain et les jours qui ont suivi, il était effondré.
Nous sommes restés trois semaines sur place, le temps qu’il récupère, puis nous sommes partis, mais impossible de faire les autres aphérèses. Celle qu’il a réalisée nous a coûté 1 300 euros. S’il avait fait les quatre, on aurait payé 5 200 euros. En plus de cela, nous avons loué un appartement près de la clinique. Je me demande comment font les personnes atteintes de Covid long, qui n’ont pas nos moyens financiers et notre réseau. »
« Psychologiquement, c’est d’une violence inouïe »
Désormais, Florent envisage une autre technique d’aphérèse avec laquelle il pourrait être en position couchée, en faisant circuler le sang par les veines jugulaires, derrière les clavicules. « Ma plus grande source d’espoir, c’est de voir que des pays comme l’Allemagne débloquent des millions d’euros en urgence pour financer la recherche et des essais cliniques. Je ne doute pas qu’à long terme, une vraie cure sera trouvée », témoigne t-il. Florent est évidemment très affecté par la situation :
« Psychologiquement, c’est d’une violence inouïe. J’ai dû quitter ma copine, mes amis, mon lieu de vie, pour retourner chez mes parents, dans un état où je n’arrive même plus vraiment à marcher. Je tiens bon, parce que j’aime ma vie, mes proches, que j’ai plein de projets, et que je sais que d’autres malades très sévères du Covid long ont pu, parfois, remonter la pente. Tout peut repartir. Mais ce n’est pas facile de se le répéter tous les jours. »
Non reconnaissance de l’Affection longue durée
Ne pouvant plus travailler, en juillet 2022, Florent a demandé la reconnaissance de son Affection de longue durée (ALD) – avec l’aide de son médecin – pour obtenir une meilleure prise en charge financière de ses soins. En l’absence de réponse, quatre demandes consécutives ont été réalisées, jusqu’à l’obtention, enfin, d’une ALD « hors liste », le 13 mars 2023, et non pas reconnue pour le « Covid long ».
Pourtant, selon Santé publique France, deux millions de personnes souffrent de cette pathologie dans le pays, sans compter les mineurs. Et une loi promulguée le 24 janvier 2022 vise à créer une plateforme de référencement et la prise en charge intégrale des soins et analyses des malades du Covid long par l’assurance maladie et les complémentaires santé. Mais fin mars 2023, son décret d’application n’a toujours pas été publié. Et il n’existe toujours pas d’ALD « Covid long ».
Sophie Lacombe a adressé une lettre datée du 27 février à l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est et au ministère de la Santé pour demander l’application de cette loi :
« Les millions de Français qui souffrent d’un Covid long ne peuvent pas disposer de la reconnaissance de leur état de santé, ni d’une assistance sanitaire suffisante, ni d’indemnités journalières. De nombreux malades se retrouvent dans une situation d’errance médicale, de précarité financière, perdent leur emploi, leur autonomie, et basculent peu à peu dans une situation de handicap sévère. »
L’association #AprèsJ20 Covid long France (qui défend les droits des malades atteints de Covid long en France) milite pour le recensement, la recherche, la reconnaissance en ALD et la création de centres pluridisciplinaires pour une prise en charge adaptée de la maladie.
Son porte parole Matthieu Lestage, ancien militaire aujourd’hui en fauteuil roulant à cause du Covid long, dénonce une « honte sanitaire » en France :
« Face à l’absence de solution et le défaut de prise en charge, beaucoup de personnes dans notre situation ont des pensées suicidaires. Malheureusement, le cas de Florent est loin d’être isolé. Il y a de nombreuses formes différentes du Covid long. De mon côté, je perds connaissance si je dépasse mes limites, si je sors trop longtemps par exemple. »
Une cellule Covid long à Strasbourg
Sollicité par Rue89 Strasbourg, le ministère de la Santé n’a pas répondu au sujet de la non application de la loi du 24 janvier, et des solutions médicales et financières à prévoir pour les personnes atteintes de Covid long. Sophie Lacombe a cependant réceptionné un courrier provenant du chef de cabinet de la Première ministre, Thomas Lavielle, daté du 31 mars, indiquant que le décret d’application devrait être publié fin 2023.
D’après l’ARS Grand Est, il est difficile d’estimer combien de personnes sont atteintes dans la région, car elles sont nombreuses à être suivies par des médecins généralistes. L’institution « a permis la création de cellules Covid long sur huit départements dans le Grand Est », avec des recrutements dédiés dans certains établissements. Micro-caillots sanguins, dérèglement du système immunitaire, persistance du virus dans l’organisme… les hypothèses sur les causes du Covid long se précisent, et les scientifiques explorent des pistes pour traiter ses différentes formes.
Les consultations de la cellule Covid long alsacienne se déroulent à l’hôpital de Hautepierre, à Strasbourg. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
La cellule Covid long des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, censée couvrir les besoins du département de la Collectivité européenne d’Alsace, a ouvert ses portes en janvier 2023. « Je suis les dossiers d’une soixantaine de personnes », indique Paolo Licinio, qui n’a plus de rendez-vous disponibles jusqu’en juillet.