Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Le Curieux Festival met les sciences en scène du 12 au 21 avril à Strasbourg

Le Curieux Festival met les sciences en scène du 12 au 21 avril à Strasbourg

Après une première édition riche en couleurs l’année dernière, le Curieux Festival revient à Strasbourg avec la volonté de mêler arts et sciences. Une vingtaine d’événements, entre théâtre, musique et rencontres, permettront d’aborder avec humour et poésie des sujets comme la botanique, l’astrophysique ou les nouvelles technologies. 

Avec des ingrédients étonnants – l’art, les sciences et l’humour –, le Curieux Festival est une recette qu’on recommande plutôt deux fois qu’une. Après une première édition qui a trouvé son public l’année dernière avec plus de 1 800 entrées, les deux associations strasbourgeoises « Esprit Joueur » et « Va Savoir » remettent le couvert. Toutes deux impliquées dans le théâtre à caractère scientifique, elles ont conçu un événement qui « fait le pari de la symbiose entre Art et Sciences, humour et connaissance, imaginaire et rationnel. »

Pendant dix jours, neuf spectacles, cinq rencontres, une conférence, une déambulation, des ateliers et des moments conviviaux se succéderont dans différents lieux de Strasbourg et alentours : du Planétarium du Jardin des Sciences au cinéma Vox, en passant par le PréO d’Oberhausbergen, le Point d’Eau d’Ostwald, le Vaisseau, l’Iliade d’Illkirch et les Ateliers éclairés. 

Avec cette deuxième édition, le festival essaie de se pérenniser dans plusieurs salles de Strasbourg. Photo : Document remis / Curieux Festival

Guillaume Meurice, parrain de l’édition 2023

Cette année, le festival sera parrainé par Guillaume Meurice, humoriste et chroniqueur sur France Inter. Pour l’occasion, il jouera pour la première fois son nouveau spectacle, Vers l’infini… et pas au-delà!, co-écrit avec l’astrophysicien Eric Lagadec, le dimanche 16 avril à 18h au Point d’Eau d’Ostwald. Ils y mettront en perspective l’infini de l’univers et celui de la bêtise humaine, en discutant des galaxies, des exoplanètes, d’Eric Ciotti, des millionnaires qui mangent de l’or ou encore des fausses étoiles à potassium. 

Les deux hommes seront également présents le samedi 15 avril au tout nouveau Planétarium du Jardin des Sciences pour une conférence « co(s)mique », intitulée Nous sommes des poussières d’étoiles (et les bières aussi !).

Guillaume Meurice Photo : Magali Ruelland / DR

5 Curieuses rencontres, 9 spectacles, 4 événements

Ce sera également l’occasion de retrouver les Curieuses rencontres, qui consistent à faire dialoguer des intervenants issus d’univers très différents autour d’un même sujet. La première journée du festival sera ainsi marquée, à 18h au Point d’Eau, par un dialogue entre la botaniste Audrey Muratet et le compositeur Daniel d’Adamo autour de petites pièces musicales dédiées à différentes espèces végétales et interprétées par le collectif Lovemusic. 

Mardi 18 avril, à 18h au PréO, ce sera au tour du magicien Dan Leclaire et du spécialiste du cerveau Aurélien Benoilid d’étudier ce qui se passe dans nos têtes quand on détourne notre attention, ou nous influence pour nous faire rire ou rêver. 

Le spectacle Turing Test sera suivi par un échange avec des spécialistes de l’éthique et de l’IA.  Photo : de Bertrand Lenclos / DR

Des spectacles de danse, théâtre et musique permettront d’aborder certains sujet, parfois jugés rébarbatifs, avec humour et poésie. Et ce, à n’importe quel âge. Les plus grands pourront assister au Turing test, de la compagnie Nokill, mardi 18 avril à 20h au PréO Scène. Une occasion de questionner le rapport entre l’humain et les machines qu’il a lui-même créées, avec une attention particulière portée sur l’intelligence artificielle (IA). 

Un thème particulièrement d’actualité à l’heure où ChatGPT (un prototype d’agent conversationnel synthétisant le résultat de recherches en les traduisant en textes proches de la production humaine), est devenu accessible au grand public. La compagnie transportera le spectateur dans l’imaginaire et le quotidien d’un laboratoire foisonnant de robots. La représentation sera suivie par un échange avec des spécialistes de l’éthique et de l’IA. 

Botanique, paléoanthropologie, maths et intelligence artificielle

À noter également, la venue des québécoises Julie Dirwimmer et Stephanie Jolicoeur le lundi 17 avril à 20h au Vaisseau. Leur spectacle La Liberté des particules suit les aventures Madame Cosinus, dépassée par son quotidien (enfants, ménages, trafic…) et qui décide de faire appel à une IA pour l’aider. La soirée du mercredi 19 avril sera dédiée à la danse et aux mathématiques, avec l’étonnant spectacle Corps irrationnels de la compagnie Les Herbes Folles. Trois danseuses se posent le défi de présenter les maths autrement, avec émotion et humour, le tout doublé en langue des signes.

Le festival tient à mélanger les arts et la science, de la musique au théâtre en passant par la danse, de la botanique aux intelligences artificielles en passant par les maths. Photo : de Corps Irrationnels par Alain Scherer / DR

Le Curieux Festival propose aussi d’éveiller l’intérêt des plus jeunes à travers une sélection de trois rendez-vous. Indomptable, le mercredi 12 avril à 15h au Point d’Eau, joue avec la force magnétique. Deux explorateurs découvriront devant les spectateurs les pouvoirs des aimants, cet étrange pouvoir invisible (le spectacle affiche déjà complet). 

Le PréO Scène acceuillera samedi 15 avril, à 15h puis 17h, L’Univers a un goût de framboise, où Zoé Grossot questionne notre manière de voir le monde, avec pertinence et pédagogie. Enfin, du mardi 18 au vendredi 21 avril, le Vaisseau accueillera tous les jours le spectacle Zéro, histoire d’un nul, de la compagnie Les Arts Pitres. 

#Curieux festival

À Strasbourg, la culture prend un tournant participatif

À Strasbourg, la culture prend un tournant participatif

Si le Covid a beaucoup affecté les institutions culturelles et modifié les habitudes du public, il a aussi permis aux structures de repenser leur rapport aux spectateurs et de prendre un tournant participatif.

« La programmation sera collective et pensée par un conseil de programmation dont les membres seront notamment issu·es des collèges de la coopérative », annonce fièrement le nouveau cinéma Cosmos (anciennement Odyssée), sur son siteRepris par l’association du Troisième Souffle, le cinéma municipal (qui devrait rouvrir ses portes avant l’été, après quelques travaux), se veut « l’affaire de toutes et tous ».

Pour ce faire, l’association s’est transformée en janvier 2023 en SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) à capital variable. Tous les usagers qui le souhaitent peuvent désormais l’intégrer en s’acquittant d’au moins une part sociale pour les personnes physiques, et de deux pour les personnes morales, au prix de 20€ l’unité. Cette mutation entraîne un renversement intéressant, puisque la programmation des films ou des événements ne reposera donc pas sur une seule personne, comme il en est fréquemment l’usage, mais sera « collective » et pensée par un conseil de programmation. 

Les Strasbourgeois pourront participer à la programmation du cinéma Cosmos

En attendant la réouverture prochaine de ce cinéma municipal, Étienne Hunsinger, nouveau directeur du Cosmos, se réjouit de cette forme beaucoup plus participative :

« En plus de permettre de nouer des liens forts avec les différents futurs usagers, leur permettre de s’exprimer et de prendre des décisions sur la programmation, cela va permettre également un enrichissement certain. Le but est d’ouvrir les horizons, confronter les visions, trouver des consensus, surprendre… Qu’on soit un expert en cinéma ou non, les spectateurs pourront faire des propositions et les porter jusqu’à la projection. »

Le cinéma municipal poursuit sa mue au fil des travaux. Fini l’Odyssée, bienvenue au Cosmos. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg

Le conseil de programmation réunira dix personnes provenant des six collèges décisionnaires. Celui des salariés, des membres initiateurs du projet, du bar, des partenaires culturels, des partenaires publics et – bien sûr – des spectateurs. Deux représentants de ce dernier collège seront chargés de faire remonter les propositions de films ou de cycles thématiques.

S’il était important pour les nouveaux membres de proposer un cinéma participatif dans sa forme – la coopérative – des formats plus informels seront testés pour inclure toujours davantage les spectateurs, décrit Étienne Hunsinger : 

« Le fonctionnement du cinéma s’affinera après l’ouverture, mais nous avons déjà l’idée d’une ”séance des spectateurs”. Les usagers pourront proposer des films qui seront validés ensuite par un sondage. Le but serait que la personne qui l’a proposé puisse ensuite animer la séance et expliquer son choix. On assisterait alors à un véritable partage de la culture. »

Les spectateurs pourront également se porter bénévoles – sans nécessairement appartenir à la coopérative – lors d’événements de différentes tailles pour participer à la vie du cinéma, que ce soit en accueil, en médiation, etc.

Le cinéma a mis en place un jeu de loto pour permettre aux spectateurs impatients de parier sur la date d’ouverture. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg

Si l’exemple du Cosmos est le plus marquant dans la façon dont il laissera une place particulièrement importante à ses spectateurs, d’autres lieux de culture s’ouvrent actuellement à la possibilité d’impliquer davantage leur public.

Les Cinémas Star donnent la parole aux jeunes

Les cinémas Star ont créé, il y a près d’un an, un Club Jeunes Cinéphiles, ouvert aux 15-25 ans. Si l’adhésion au club (5€ la carte) donne accès à des tarifs préférentiels, des goodies et des rencontres avec des artistes, elle permet également aux jeunes spectateurs d’échanger sur les films dans une conversation Whatsapp ou lors d’apéros. Ses membres les plus motivés peuvent également devenir ambassadeur et s’investir encore davantage dans la vie du cinéma. 

Les ambassadeurs et ambassadrices du Club des jeunes cinéphiles se sont réunis cette semaine pour élaborer le questionnaire de leur prochaine séance de Quiz, ouverte à tous les spectateurs.
Les ambassadeurs et ambassadrices du Club des jeunes cinéphiles se sont réunis cette semaine pour élaborer le questionnaire de leur prochaine séance de Quizz, ouverte à tous les spectateurs. Photo : Baptiste Weick / doc remis

C’est le cas d’Élise, 20 ans, qui a rejoint le Club dès les débuts, en janvier 2022. Passionnée, elle va voir des films toutes les semaines et est connue dans sa promo comme « la fille qui va au cinéma ». Pour elle, ce club est une vraie opportunité. 

« On est vraiment poussé à voir beaucoup de films et à donner notre avis, mais en même temps, on est très libre. Il y a une réelle volonté du directeur pour qu’on soit autonome. Par exemple, on peut proposer des événements. On a lancé des quizz autour du cinéma et nous présentons aussi certaines séances ! »

Élise est également en charge du compte Instagram du club, sur lequel, avec d’autres membres, ils réalisent des critiques de film en vidéo ou à l’écrit. Elles sont parfois publiées dans le programme du cinéma. 

Un nouveau club pour les habitués du TNS

Des clubs, on en retrouve aussi au théâtre. Le plus récent est celui du TNS (Théâtre National de Strasbourg), couplé à sa nouvelle carte de fidélité. Nathalie Trotta, en charge du nouveau « club des adhérent·es » explique son origine : 

« Après le Covid, les spectateurs sont nombreux à avoir changé leurs habitudes. Aujourd’hui, ils sont à la recherche de plus de souplesse et ne réservent plus forcément les spectacles longtemps à l’avance. »

Le théâtre national de Strasbourg (TNS) vu depuis la place de la République (Photo Aloïs Peiffer / Wikimedia Commons / cc)
Le Théâtre National de Strasbourg (TNS) vu depuis la place de la République Photo : Aloïs Peiffer / Wikimedia Commons / cc

Les abonnements qui se prenaient en début de saison et qui imposaient aux spectateurs de choisir d’un seul coup plusieurs pièces et dates ont été abandonnés au profit d’une carte de fidélité (20€ en plein tarif et 5€ pour les moins de 28 ans). En plus de tarifs préférentiels, elle donne accès au club des adhérent.es pour les spectateurs qui le souhaitent.

« Nous cherchions une manière d’impliquer plus les spectateurs que lorsqu’ils viennent pour une représentation puis s’en vont. L’idée est de se rencontrer autrement, d’attirer toujours un nouveau public tout en répondant aux attentes des fidèles, qui ont parfois envie d’aller plus loin dans une œuvre, de découvrir les coulisses, la création… »

Nathalie Trotta, en charge du nouveau « club des adhérent·es »

Une première rencontre des adhérents a eu lieu en février. Près de 90 personnes ont pu visiter le bâtiment de la place de la République, puis échanger sur leur vision du club. « C’est à nous de donner l’impulsion, mais nous souhaitons idéalement que les spectateurs s’emparent ensuite majoritairement du club, échangent entre eux, proposent des événements que nous pourrions programmer par la suite, si c’est possible », décrit Nathalie Trotta. Des rencontres avec des artistes, des ateliers d’écriture, des études de textes et des visites seront régulièrement organisés. Un compte WhatsApp a également été créé pour que les adhérents puissent directement échanger entre eux. 

Maillon +, les pionniers dans la relation avec les spectateurs

Si ces nouveaux liens avec les spectateurs remontent à l’année 2022, et montrent un réel changement récent dans la manière dont les institutions culturelles sont en lien avec leur public, un théâtre strasbourgeois était pionnier dans ce rapport : le Maillon. En septembre 2006, des spectateurs particulièrement passionnés créent l’association Maillon +

Elle regroupe aujourd’hui 800 adhérents, soit un peu moins d’un tiers du public total du lieu. « Un chiffre en augmentation puisqu’il y a encore quelques années, nous étions 400. Nous sommes fiers aussi de la diversité des personnes qui nous rejoignent. On a des adhérents de 15 à 80 ans ! », souligne en souriant Yvan Jeanneret, l’actuel président. 

Maillon + est « née d’une idée simple : créer une association de spectateurs·trices qui pourraient inventer, proposer, organiser, au fil de la saison et en dialogue avec l’équipe du Maillon, des activités en lien avec la vie du théâtre, sa programmation, ses résidences, ses artistes accueillis », peut-on lire sur le site du théâtre.

Les équipes du Maillon et les représentants de Maillon+ sont souvent en contact. Ici, Céline Coriat, responsable des relations et Yvan Jeanneret, l’actuel président de l’association. Photo : ACC / Rue89 Strasbourg

Visite des coulisses, ouverture des répétitions, rencontre avec des professionnels du théâtre, visite d’expositions à La Chambre, Stammtisch… Depuis 16 ans, être membre de Maillon + donne la possibilité de participer gratuitement à une petite quinzaine d’événements par an. Ils ont tous un même objectif, comme le précise le président de l’association : 

« Le principal but de l’association est de créer un lien privilégié entre les spectateurs et le théâtre. En découvrant les coulisses, en partant à la rencontre des différents métiers et en échangeant sur les spectacles entre nous, on se sent intégrés à la vie du Maillon, qui est par ailleurs toujours très à l’écoute de ce qu’on peut leur faire remonter sur l’expérience des spectateurs. »

Yvan Jeanneret, 48 ans, est lui-même passionné par le théâtre depuis près de 30 ans. Aujourd’hui il est fier de présider une structure qui peut aussi accueillir et accompagner les nouveaux spectateurs :

« Je viens d’une famille qui n’allait jamais au théâtre et c’est grâce à l’école que je suis tombé amoureux de cet art. Je vois environ 40 spectacles par an, et je me suis calmé. À une période, j’en voyais près de 90 ! »

Tout spectateur du Maillon peut devenir membre de l’association à tout moment de l’année, en payant une adhésion de 5 €. Au programme des prochaines semaines : deux visites d’exposition, une rencontre avec la secrétaire générale du théâtre le 13 avril et la traditionnelle Assemblée Générale qui aura lieu cette année le 1er juillet. Toujours festif, ce temps est marqué par un spectacle programmé par l’association, avec cette année, la compagnie de danse Mira.

Hélène Hollederer : « À Schiltigheim, le tram et la piétonnisation passent en force »

Hélène Hollederer : « À Schiltigheim, le tram et la piétonnisation passent en force »

Hélène Hollederer, conseillère municipale d’opposition (Ren) à Schiltigheim, fustige la concertation qui a précédé les choix autour du tramway vers le nord de Strasbourg. Pour elle, les maires écologistes de Schiltigheim, Danielle Dambach, et de Strasbourg, Jeanne Barseghian, veulent aller vite.

La réunion publique du mercredi 29 mars sur le tram Nord, qui s’est déroulée au Palais des Fêtes à Strasbourg, a généré beaucoup de frustrations, pour des raisons de fond et de méthode (voir le compte-rendu de Rue89 Strasbourg). 

Sur le plan de la méthode, tout d’abord, les organisateurs répètent en boucle qu’il y a eu « quatre mois de concertation » sur les tracés de tram, alors que les premières réunions ont eu lieu mi-juin et que les documents précis sur l’insertion du tram dans les voiries concernées ont été mis en circulation peu de temps avant la clôture de la concertation fin septembre. Soyons exacts, à Schiltigheim et Bischheim, la concertation a duré à peine plus de trois mois, dont les deux mois d’été.

Deux ateliers le même jour

Enfin, la « concertation » sur « l’apaisement » de la route de Bischwiller a été bâclée en décembre / janvier, avec deux « ateliers » le même jour, en plein air sous la neige, aux heures de bureau, annoncés la veille… et, cerise sur le gâteau, aucun scénario présenté n’évoquait la piétonisation du sud de la route de Bischwiller. 

La très routière avenue des Vosges devrait changer de visage après le passage du tram Photo : Rue89 Strasbourg / cc

Sur ce projet déterminant pour l’avenir de notre commune, force est de constater un déni de la démocratie participative, concept dont les Verts se gargarisent à longueur de discours !

Pour les Schilikois, c’est la double peine : l’unique réunion publique s’est déroulée à Strasbourg et ils doivent consulter le site internet strasbourgeois pour s’informer (aucun lien sur le site de la Ville de Schiltigheim). 

Des questions restées sans réponse

Au final, présenter en une seule réunion un projet aussi vaste que le tram Nord et la piétonisation de la route de Bischwiller permet de rester dans les grandes déclarations et de ne pas aborder les détails qui fâchent. Résultat : les habitants sortent frustrés de ne pas avoir de réponses à leurs questions. 

Pourtant les questions de fond sont nombreuses et légitimes :

    Sur les reports de circulation. L’Eurométropole dispose d’outils pour les calculer, mais ils ne sont jamais présentés. Pourtant des aménagements peuvent être prévus pour éviter les nuisances excessives, Sur la réalité du report modal voiture – tram. Le tracé retenu, à l’Ouest de Schiltigheim, permettra une réelle amélioration de service pour les nombreux usagers schilikois de la ligne de bus L6. Mais, le parking relais prévu au terminus ayant disparu, les voitures qui viennent du Nord n’auront pas d’autre solution que de continuer leur chemin. Le report modal sera le plus faible de l’ensemble des lignes de tram jusqu’ici construites dans notre agglomération. Sur le nombre de suppressions de places de stationnement sur le ban communal de Schiltigheim (du fait du tram, de la piétonnisation et des aménagements cyclistes promis). Bien que rééquilibrer l’espace en faveur des mobilités douces est bien dans la logique des écologistes, qu’est devenue la promesse électorale de Mme Dambach d’un parking silo au sud de la commune alors que les habitants souffrent d’un stationnement anarchique dans plusieurs quartiers ? Sur le coût global du projet. Est-ce que le coût de démolition du viaduc est compris dans le coût du projet ? De même que le coût de la création du parc de 16 hectares ou de la renaturation du cours d’eau qui traverse aujourd’hui la place, aujourd’hui un véritable cloaque, Sur la vision urbanistique, s’il y en a une. Pourquoi choisir de piétonniser le sud de la route de Bischwiller, éloigné de la future médiathèque et du vieux Schilick ? Piétonniser est un choix radical, qui pénalisera certains commerces et induit pour les riverains des changements majeurs dans leur modes de vie. Pourquoi faire le choix de piétonniser une voirie à laquelle on vient de refuser le tram ? Pourquoi passer à côté de l’opportunité de créer un centre-ville dans notre commune ?

La plupart des habitants partage l’objectif de vivre dans une ville plus apaisée, moins polluée et de lutter contre le réchauffement climatique. Au lieu de tenter de construire un consensus, de faire preuve de pédagogie, d’essayer de convaincre, de faire confiance à l’intelligence collective tout en prenant en compte les contraintes des habitants, le tandem des maires écologistes de Schiltigheim et Strasbourg décide de caricaturer les habitants inquiets en défenseurs du tout voiture.

« On n’est pas des casseurs sans but » : des membres du black bloc expliquent leur mode d’action radical

« On n’est pas des casseurs sans but » : des membres du black bloc expliquent leur mode d’action radical

Depuis le recours au 49-3 par le gouvernement pour faire adopter la réforme des retraites sans vote au Parlement, plusieurs manifestations spontanées avec un black bloc ont eu lieu à Strasbourg. Témoignages de militants qui participent à cette stratégie ciblant les symboles du capitalisme.

Les vitrines et l’entrée des Galeries Lafayette brisées ou arrachées, les devantures d’un Starbucks, d’un Mc Donald’s, d’agences bancaires taguées et fendues, des panneaux publicitaires JC Decaux dégradés… Après l’annonce du recours à l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement Borne, le rassemblement du vendredi 17 mars à Strasbourg a propulsé la mobilisation locale contre la réforme des retraites dans une autre dimension : quatre manifestations sauvages réunissant des centaines de personnes ciblant des symboles du capitalisme ont eu lieu fin mars, avec systématiquement un « black bloc ».

Participants au black bloc de la manifestation du jeudi 6 avril, après avoir repoussé les forces de l’ordre sur le pont Sainte-Madeleine. Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg / cc

« On est très soutenus dans les manifestations ces derniers temps. »

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Après l’échec des négociations : « Maintenant, c’est la rue qui doit faire parler la contestation démocratique »

Après l’échec des négociations : « Maintenant, c’est la rue qui doit faire parler la contestation démocratique »

Après le fiasco de la réunion entre l’intersyndicale et la Première ministre Élisabeth Borne, la onzième journée de mobilisation jeudi 6 avril s’ouvrait avec un goût d’amertume. Parmi les syndicalistes alsaciens, l’espoir d’un dialogue fructueux est mort.

Comme une routine. Syndicalistes, manifestants et CRS prennent leurs positions respectives, autour de la place de la République, pour la onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, ce jeudi 6 avril. Pour la onzième fois, les journalistes piochent dans les mêmes images du folklore militant : les tambours tambourinent, les camions roulent au pas, les sonos crachent leurs décibels… « En 38 ans de syndicalisme, je n’ai jamais vu une mobilisation entrainer autant de monde, pour une période aussi longue », glisse Sabine Gies, responsable de la CFDT Alsace.

À droite sur l’image, Sabine Gies était en tête de cortège. Photo : RG/ Rue89 Strasbourg/ cc

La syndicaliste est beaucoup moins enthousiaste lorsqu’on évoque la réunion de la veille, entre les dirigeants de l’intersyndicale et la Première ministre Élisabeth Borne. Après une heure seulement – au lieu des trois prévues dans l’agenda de la Première ministre – les leaders syndicaux quittent l’hôtel de Matignon l’air hagard, actant l’impossibilité de s’entendre avec l’exécutif. « La réunion d’hier est à l’image de l’attitude du gouvernement depuis le début. C’est toujours le même mépris », conclut Sabine Gies.

Un fiasco si prévisible

Dans les cortèges syndicaux, peu de monde croyaient vraiment à l’ouverture d’un dialogue. Déjà la semaine précédente, les tentatives d’ouverture du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, étaient mal passées au sein des manifestants. Nicolas Libes, représentant de la CGT dans la commission nationale de la formation et de l’emploi audiovisuel, affiche une moue réprobatrice :

« Je fais partie des gens qui pensent que ce n’était pas nécessaire d’y aller, puisque le gouvernement avait déjà annoncé qu’il resterait sur ses positions. Maintenant, c’est la rue qui doit faire parler la contestation démocratique. »

Nicolas Liebes espère « massifier » les prochains cortèges. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Même constat, pour Pierre Flanet, professeur engagé au syndicat Sud Alsace : 

« Bien sûr qu’on aurait pu s’éviter ça. D’un autre côté, c’était bien d’y aller et de repartir ensemble, c’était l’occasion de faire à nouveau la démonstration de notre unité. Maintenant, en l’absence de concession, ça ne sert clairement plus à rien de rencontrer le gouvernement. Il faut rester dans la rue. »

Incertitudes sur la forme de la mobilisation

Si tous les syndicalistes s’accordent sur la poursuite de la mobilisation, sa nature soulève quelques interrogations. Nicolas Liebes ne souhaite pas attendre la décision du Conseil constitutionnel, attendue le 14 avril, sur la conformité de la loi : « C’est un peu illusoire, vu leur composition. Ce ne sont pas des gens élus, mais nommés ». Sur les neufs membres du Conseil, trois le sont par décision du Président en exercice, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par celui du Sénat.

Un peu plus loin, vers l’arrière du cortège, Joël et Julien partagent les doutes du représentant de la CGT. Tous deux sont membres du Syndicat national des artistes et des professionnels du spectacle et de l’audiovisuel (Snapsa), affilié à la CFE-CGC. « Si le Conseil constitutionnel valide la loi, il faudra poursuivre. Avec peut être des manifs plus espacées mais plus fortes », commence Joël, hésitant. Julien se montre plus décidé : 

« J’entends toujours les mêmes débats, les mêmes matinales à la radio les jours de manifs. J’aimerais bien que la mobilisation prennent d’autres formes maintenant. Moi, j’attends que les syndicats nous donnent des consignes différentes, comme des actions de désobéissance civile par exemple. »

De gauche à droite, Julien et Joël. Photo : RG/Rue89Strasbourg/ cc

La prochaine journée de mobilisation a été annoncée jeudi soir par l’intersyndicale : ce sera le jeudi 13 avril. A la veille de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites.

Service d’ordre intersyndical gazé et affrontements entre police et black bloc : direct de la onzième journée de mobilisation

Service d’ordre intersyndical gazé et affrontements entre police et black bloc : direct de la onzième journée de mobilisation

Pour la 11e journée de grèves et de manifestation contre la réforme des retraites, la rédaction de Rue89 Strasbourg rend compte en direct des actions, défilés et blocages organisés.

C’est la fin de ce direct, merci à vous de l’avoir suivi. Voici les informations principales à connaître sur cette 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites :

    Selon nos estimations, près de 10 000 personnes ont manifesté jeudi 6 avril à Strasbourg. La préfecture du Bas-Rhin avance le chiffre de 5 600 participants, l’intersyndicale en a compté 12 000. Le service d’ordre intersyndical strasbourgeois a été gazé et matraqué pour la première fois depuis le début du mouvement social contre la réforme des retraites (voir vidéo plus bas). Autre fait rarissime pour une manifestation strasbourgeoise : un black bloc important et organisé est entré en confrontation directe avec les forces de l’ordre. Des policiers ont dû se réfugier dans leurs véhicules qui ont été endommagés au niveau du pont Sainte-Madeleine. Dans la matinée, le lycée Fustel de Coulanges, le port aux pétroles et la centrale hydroélectrique de Vogelgrun (Haut-Rhin) ont été bloqués. À Haguenau, une manifestation a réuni, selon les organisateurs, près de 200 personnes, principalement des lycéens.

Pour nous soutenir, une seule solution !

Camille Gantzer, Roni Gocer et Thibault Vetter étaient auprès des militants et des manifestants toute la journée jusqu’au début de la soirée pour vous rendre compte de cette 11ème journée de mobilisation.

Pour nous permettre de continuer ce travail, une seule solution : l’abonnement. C’est seulement cinq euros par mois, cinquante euros par an.

Vous vous donnez ainsi le pouvoir de lire une information indépendante et locale. Pour donner de la voix à la colère qui s’exprime dans la rue, n’hésitez pas à cliquer sur l’image ci-dessous.

Plusieurs témoins confirment le recours au gaz lacrymogène et des coups de matraque des forces de l’ordre contre le service d’ordre intersyndical. Une vidéo publiée par l’Union Locale CGT du Bas-Rhin en atteste aussi :

(Vidéo Union Départementale CGT 67)

Un important dispositif policier a été déployé dans le quartier Esplanade. Le cortège restant se disperse progressivement.

Photo : Thibault Vetter

La « manifestation sauvage » se poursuit mais la partie la plus organisée du black bloc semble s’être dispersée. Les dégradations des panneaux JC Decaux et des banques se poursuivent.

Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc

Dans la banque Société Générale de la place de la Bourse, des participants au black bloc sont entrés dans l’agence et ont détruit des ordinateurs à l’intérieur.

Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc

Le service d’ordre intersyndical victime de coups de matraque et de gazage par les forces de l’ordre. Gilles Dimnet, secrétaire général adjoint de la CGT Eurométropole, rapporte :

« À l’entrée de la partie piétonne du quai des bateliers, nous avons vu les policiers venir vers nous. Nous avons voulu les empêcher de couper le cortège en deux puisque nous avons la responsabilité de la sécurité de la manifestation. On a été pris en tenaille par la police, donc on a commencé à négocier. On a laissé passer plusieurs policiers et une voiture de police passait quand une fenêtre s’est ouverte et un policier a commencé à gazer puis ils ont commencé à nous cogner dans les jambes. On a fui dans un nuage de gaz. Une chose pareille n’est jamais arrivée. »

Point sur la participation : entre 5 600 participants selon la préfecture et 12 000 manifestants d’après les syndicats.

Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg / cc

Autre ambiance place de la République, où le cortège de l’intersyndicale se disperse progressivement.

(Vidéo Camille Gantzer)

Fait extrêmement rare pour une manifestation strasbourgeoise : un important black bloc entre en confrontation directe avec les forces de l’ordre.

(Vidéo Thibault Vetter)

Selon notre reporter sur place, les manifestants sont parvenus à forcer le barrage de police situé au niveau du palais Rohan.

(Vidéo Thibault Vetter)

Le début du cortège se trouve actuellement vers l’arrêt de tram Gallia, au croisement Quai des Pêcheurs et du Boulevard de la Victoire.

En direct de la tête du cortège des manifestants, sur le pont Royal. (Photo CG / Rue89 Strasbourg).

Quelques feux de poubelles jonchent le parcours des manifestants, quai des Bateliers à Strasbourg.

Feux de poubelles, le long du cortège des manifestants. Photo : RG / Rue89 Strasbourg

Comme lors de chaque journée de mobilisation, le cortège de la HEAR (Haute école des arts du Rhin) attire énormément de manifestants, à coups de slogans divers : « À bas l’État, les flics et les fachos », ou « Police nationale, milice du capital! ».

Dans le cortège de la HEAR (Haute école des arts du Rhin). (Photo CG / Rue89 Strasbourg).

Le service d’ordre intersyndical se place entre les manifestants et la police pour « protéger le cortège, éviter les débordements et les violences des forces de l’ordre ».

Selon notre reporter sur place Thibault Vetter, les manifestants seraient un peu moins de 10 000 pour cette 11e journée de mobilisation. Ils étaient 12 000 selon nos estimations le 28 mars, pour la 10e journée.

Le service d’ordre intersyndical se place entre les manifestants et la police pour « protéger le cortège, éviter les débordements et les violences des forces de l’ordre ». (Photo TV / Rue89 Strasbourg).

En direct de la tête du cortège des manifestants, rue de la Première Armée, avec les étudiants.

Les étudiants sont en tête de cortège pour cette 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites. (Photo CG / Rue89 Strasbourg).

Mounir est conducteur de tram à la CTS, non syndiqué : « Le seul moyen, c’est de bloquer. On doit sortir l’artillerie lourde. »

« Quand l’intersyndicale a rencontré Mme Borne, c’était une mascarade, tout le monde savait que ça n’allait aboutir à rien. Le seul moyen, c’est de bloquer la production économique, les raffineries et les autres secteurs stratégiques, comme le rail et l’éducation. Il y a des caisses de grève, il faut s’en servir, on doit sortir l’artillerie lourde, il n’y a que ça qui les fera vraiment reculer.

Ceux qui n’ont pas les moyens de faire une grève paralysante doivent alimenter les caisses de grève pour soutenir celles des secteurs stratégiques. Il ne faut pas attendre que Macron recule, mais l’obliger. Et il faut bloquer des endroits stratégiques, comme ceux qui ont bloqué le port au pétrole ce matin. »

Mounir est conducteur de tram à la CTS, non syndiqué : « Le seul moyen, c’est de bloquer. On doit sortir l’artillerie lourde. » Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un important dispositif policier est déployé pour encadrer le cortège de cette 11e journée de mobilisation. Ici, devant les Galeries Lafayettes.

Important dispositif de policiers et de gendarmes déployés tout le long du cortège de la manifestation ce jeudi 6 avril à Strasbourg. Photo : RG / Rue89 Strasbourg

De nombreux jeunes et d’étudiants dans le cortège des manifestants, marchent en musique et dans une ambiance plutôt joyeuse. Ici un seul slogan : « Macron nous méprise, la jeunesse explose ».

« Macron nous méprise, la jeunesse explose! » (Vidéo CG / Rue89 Strasbourg)
Suivez notre live, en direct de la 11e journée de mobilisation contre la réforme, dans les rues de Strasbourg Photo : RG / Rue89 Strasbourg

Bettina Winterstein est secrétaire générale CGT métallurgie du Bas-Rhin :

« Dans le privé, une grève reconductible c’est compliqué pour les salariés, vu leur précarité… Par contre, comme Macron nous méprise, on se tient prêts à durcir les actions en faisant des barrages ou des vrais blocages de routes et de ronds points par exemple. C’est Macron qui cherche la violence, pas nous. On va répondre par des actions plus radicales, on ne va pas passer par 4 chemins. Le gouvernement n’aura plus le choix. On ne lâche rien jusqu’au retrait c’est une certitude. »

Bettina Winterstein est secrétaire générale CGT métallurgie du Bas-Rhin. Elle se dit prête à durcir les actions dans les jours à venir, puisque « Macron nous méprise. C’est lui qui cherche la violence, pas nous. » (Photo TV / Rue89 Strasbourg).

Et ici, en milieu de cortège avec notre reporter Camille Gantzer.

Dans le cortège des manifestants de la 11e journée de mobilisation contre la réforme, Strasbourg. (Vidéo Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg)

Le cortège continue d’avancer, ici Place Broglie, avec la CGT Cheminot de Bischheim.

Dans le cortège de la CGT Cheminots de Bischheim (photo RG / Rue89 Strasbourg).

Bertrand est professeur des écoles. Il manifeste depuis le début de la mobilisation en janvier.

« Être en grève et manifester, ça a un coût financier, c’est certain. Jusqu’à maintenant, on a tenu mais après les vacances, ça sera compliqué… Ce qu’il s’est passé hier à Matignon (avec les syndicats reçus par la Première ministre, NDLR), c’était malheureusement prévisible. Ils ont invité les syndicats pour faire plaisir, mais on savait que c’était une farce. »

Bertrand est professeur des écoles. Continuer à faire grève après les vacances, il l’envisage mais reconnaît que ce sera compliqué financièrement. (Photo CG / Rue89 Strasbourg).

Francis est adhérent CGT et cheminot. Il croit en la grève et son pouvoir politique, pour, il l’espère, faire plier le gouvernement.

« Moi je suis cheminot, j’étais en grève reconductible plusieurs jours d’affilés. Le contexte fait que c’est très difficile financièrement pour tout le monde. Souvent, ceux qui ont le pouvoir de paralyser le pays parce qu’ils ont des boulots essentiels, sont aussi précaires, et ne peuvent pas perdre trop d’argent. Mais on a le soutien du public. Je ne crois pas en une décision du Conseil constitutionnel en notre faveur. Mon espoir, c’est qu’on continue, et que ça devienne une grève générale si nécessaire. Si on tient longtemps, ils vont finir par plier. C’est la seule solution pour moi, mais je sais que c’est compliqué. En tout cas il ne faut rien lâcher. »

Francis est adhérent CGT et cheminot. Il croit en la grève et son pouvoir politique, pour, il l’espère, faire plier le gouvernement. « Il ne faut rien lâcher ». Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Départ du cortège de la place de la République, direction la place Broglie pour commencer.

Le cortège démarre pour cette 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites. (Vidéo RG / Rue89 Strasbourg)

Les syndicalistes de la CGT s’échauffent et se préparent sur leur camion, Avenue de la Liberté, à quelques minutes du départ du cortège.

On se prépare sur le camion de la CGT, Avenue de la Liberté à Strasbourg. Photo : CG / Rue89 Strasbourg

Emmanuel Printz est président de l’Union départementale CFTC du Bas Rhin. Il dit attendre avec impatience le 14 avril et la décision du Conseil constitutionnel, et redoute l’idée d’une grève générale :

« Nous ne souhaitons pas en arriver à la grève générale car pour nous, les manifestations pacifistes et massives devraient suffire. Aujourd’hui, au bout de onze journées de mobilisation, on est toujours unis, on arrive toujours à mobiliser. Cette réforme n’est pas applicable. En arriver à la grève générale serait déjà un aveu d’échec démocratique, on n’est pas d’accord avec ça. Par contre, on est déterminé à continuer à lutter dans la durée avec des grèves ciblées sur des journées de mobilisation, pour ne pas trop impacter les grévistes. On ne lâchera pas, on maintiendra, ils seront obligés de reculer. »

Emmanuel Printz est président de l’Union départementale CFTC du Bas Rhin. Avec son syndicat, il attend avec impatience la réponse du Conseil constitutionnel sur la validité de la réforme des retraites, le 14 avril prochain. (Photo TV / Rue89 Strasbourg).

C’est parti pour la 11e journée de mobilisation à Strasbourg. Place de la République, les manifestants se regroupent. Ils semblent a priori moins nombreux que la semaine dernière. Pour vous faire vivre cette manifestation en direct, trois journalistes de Rue89 Strasbourg sont sur place : Camille Gantzer, Roni Gocer et Thibault Vetter.

Le cortège semble un peu plus clairsemé que les précédents, pour l’instant. Photo : Roni Gocer / Rue89 Strasbourg

Nouvelle ambiance en amont des manifestations à Strasbourg. Aux alentours de 13h30, place d’Austerlitz, des policiers fouillaient les bosquets à la recherche de pavés et autres projectiles susceptibles d’être lancés sur les forces de l’ordre.

A une demi-heure de la manifestation, des policiers fouillent la place d’Austerlitz. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc
A la recherche de pavés Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Quartier Krutenau, de nombreuses banques ferment leurs portes lors de la manifestation.

Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Selon les organisateurs, près de 200 lycéens ont manifesté dans la matinée du jeudi 6 avril à Haguenau. Dès 7h30, des membres de l’Union locale CGT et des enseignants ont tracté devant le lycée Robert Schumann pour convaincre la jeunesse du Nord de l’Alsace de rejoindre le mouvement. À 100 jours du début des épreuves du baccalauréat, les élèves étaient déguisés. La manifestation a eu lieu dans une ambiance festive.

A 100 jours du début des épreuves du baccalauréat, la manifestation a eu lieu dans une ambiance festive. (Vidéo Samy Ahmed-Yahia)

Samy Ahmed-Yahia, membre de l’Union Locale CGT de Haguenau et ancien candidat Nupes pour les élections législatives de la huitième circonscription du Bas-Rhin, se félicite de cette mobilisation : « Vers 10 heures, on a constitué un cortège pour se rendre devant le permanence du député où l’on a demandé le retrait de la réforme des retraites. Le cortège s’est ensuite dispersé dans le calme. »

La manifestation est partie du lycée Robert Schumann de Haguenau pour arriver devant la permanence du député Horizon et membre de la majorité gouvernementale Vincent Thiebaut. Photo : Document remis

Mercredi 5 avril, les organisations de l’intersyndicale se sont rendues à Matignon pour une réunion avec la Première ministre. Comme le rapporte notre partenaire Mediapart, la discussion a rapidement tourné au dialogue de sourds. Les syndicats demandent le retrait de la réforme des retraites. Elisabeth Borne refuse et souhaite initier une discussion sur une future loi travail, ce que refusent les représentants syndicaux. La rencontre aura duré moins d’une heure.

« On avait une crise sociale qui se transforme en crise démocratique », a poursuivi le dirigeant de la CFDT, Laurent Berger. Un jour avant la onzième journée nationale de mobilisation organisée par les syndicats, il a appelé « un maximum de travailleurs et de travailleuses, de citoyens dans ce pays, à rejoindre les cortèges partout en France », afin de « démontre[r] la force de la démocratie sociale dans le calme, sans violence ».

La centrale hydroélectrique de Vogelgrun (Haut-Rhin) est occupée par quelques dizaines de salariés, comme le rapporte France Bleu Alsace. L’objectif de la CGT est de poursuivre le blocage de la circulation sur le Rhin jusque midi pour ensuite rejoindre les manifestations à Colmar et Mulhouse.

La centrale hydroélectrique de Vogelgrun est bloquée depuis mercredi 5 avril 23 heures. Photo : Document remis

8h15 : la sonnerie résonne mais personne ne rentre, cris de joie des personnes mobilisées. La foule est devenue beaucoup plus dense avec les nouveaux arrivants.

8h15, la foule devant le lycée Fustel se fait plus dense. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Julien Wind, professeur de SES, membre du syndicat enseignants Snes, soutient le blocage de l’établissement :

« Ici c’est assez dur de mobiliser les profs, qui sont déjà en action depuis deux mois. La perte accumulée des journées de grève fait qu’il y avait moins de gens motivés. Mais ça ne fait aucun doute que dans la salle des profs, quasiment tout le monde est contre la réforme. »

Thaïs, 17 ans, est vice-présidente du conseil de vie lycéenne et élève de terminale. Elle explique cette action menée après les épreuves du baccalauréat du mois de mars, « pour ne pas pénaliser les lycéens » :

« Le but de l’action, c’est d’envoyer un signal fort au gouvernement, pour dire qu’ils ne faut infantiliser les lycéens et leurs opinions politiques. En l’occurrence, on s’oppose au 49-3 à la réforme des retraites, à la mise en place de Parcoursup et au Service national universel. »

Thaïs, 17 ans, est vice-présidente du conseil de vie lycéenne et élève de terminale du lycée Fustel de Coulanges.

Une trentaine de personnes bloquent l’entrée du lycée Fustel de Coulanges au centre de Strasbourg. Parmi les militants, des lycéens, des étudiants et quelques syndicalistes de la CGT Éduc’Action.

Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc
(Photo RG / Rue89 Strasbourg / cc)
Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

Les camions redémarrent vers 6h43. Les militants avaient proposé une levée du blocage à partir à 9h mais ça n’a pas été accepté. Au vu de l’attente générée, une légère perturbation pourrait se sentir dans les stations services aujourd’hui.

La police n’a procédé à aucune interpellation.

La police décide de procéder à la dispersion vers 6h41.

(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

À 6h30, la police procède au démantèlement de la barrière.

(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)
(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)
(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)
(vidéo TV / Rue89 Strasbourg / cc)

Vers 6h, la police a reçu des renforts pour procéder à une évacuation.

À 5 heures, près d’une trentaine de camions attendaient de pouvoir accéder au terminal.

Photos : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Des camionneurs viennent boire un café avec les militants. Selon eux, si le blocage dure toute la journée, des stations-services pourraient se retrouver en rupture sur certains types de carburants.

Photos : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Élie (prénom modifié), membre du collectif On crèvera pas au boulot :

« On a décidé de bloquer un dépôt de carburant, c’est une action stratégique pour apporter notre soutien aux travailleurs en grève dans les raffineries et dépôts pétroliers. On compte bloquer les camions qui viennent chercher l’essence aussi longtemps que possible. Le week-end de Pâques commence demain, donc le dépôt ne refonctionnera correctement que mardi à nouveau. L’approvisionnement des stations service pourrait être touché ces prochains jours. Parmi les activistes, il y a des gens qui ne travaillent pas dans des secteurs essentiels, ça leur permet d’apporter leur pierre à l’édifice. »

La police est arrivée vers 4h30. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Dès 4h ce matin, un blocage a été mis en place route de Rouen au port aux pétroles de Strasbourg.

Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Une soixantaine de personnes ont installé des barrières, empêchant les camions ravitaillant les stations services d’accéder au terminal.

Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Bienvenue sur ce compte-rendu en direct de la onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites.

Ce nouvel appel intersyndical à manifester contre la réforme des retraites intervient alors que le gouvernement estime que le dossier est clos, après avoir été adopté sans vote du parlement grâce à l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution. Mais pour les syndicats, la lutte se poursuit avec toujours comme objectif le retrait de la réforme.

À Strasbourg, la lutte contre la réforme des retraites s’organise pour durer

À Strasbourg, la lutte contre la réforme des retraites s’organise pour durer

Aide médicale et juridique des manifestants, soutien aux caisses de grève, rassemblements et assemblées générales régulières, communication sur les réseaux. À Strasbourg, la lutte contre la réforme des retraites s’est structurée au fil des semaines.

Les opposants Strasbourgeois à la réforme des retraites regorgent d’idées pour diversifier leurs actions. Au rythme des manifestations intersyndicales et de moments plus informels, la mobilisation perdure. Et s’amplifie. Le lycée Marie Curie est venu s’ajouter aux lieux de rencontre pour discuter de la réforme et se rassembler avant les manifestations. Mardi 28 mars ils sont une petite vingtaine dès la pause de 10 heures à s’installer dans le sas de la cour du lycée, à même le sol. L’opération création de banderoles et de panneaux est en cours. « Je suis contre la réforme depuis le début. Mais ça ne fait que deux semaines que je me mobilise activement », sourit Marion, lycéenne.

Mardi 28 mars, pour la deuxième fois depuis le début du mouvement social, les lycéens et lycéennes de Marie Curie (Esplanade) ont confectionné des banderoles et créé un espace de discussion autour de la réforme. À Pontonniers et Fustel, deux lycées du centre-ville, la mobilisation peine encore à fédérer les élèves. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

« La retraite c’est dans longtemps, on la vivra en même temps que tous les effets du réchauffement climatique, c’est pour ça qu’on est en colère », explique Charlotte, feutre à la main. Après l’atelier a lieu un temps d’échange où les lycéens sont invités à prendre la parole. « Ce sont les élèves qui s’organisent entre eux, sur les réseaux sociaux et qui appellent les personnels du lycée à les rejoindre », explique Jean-Luc, professeur. Sa classe de terminale lui a déjà annoncé qu’elle sècherait les cours pour battre le pavé.

Débats, discussions et organisation au jour le jour

En même temps à quelques centaines de mètres de là, les étudiants sont aussi mobilisés. Pour une fois, ils n’ont bloqué aucun bâtiment sur le campus central mais passent d’amphi en amphi, mégaphone en main, pour tracter et appeler leurs pairs à les rejoindre dans la mobilisation. La plupart des professeurs les laissent faire. « En même temps c’est plus rapide s’ils ne nous interdisent pas d’intervenir », sourit Emma, l’une des étudiantes mobilisées. De nombreuses actions ont été organisées depuis plusieurs semaines, après avoir été décidées en AG : blocages, occupations, opérations de tractage, barbecue militant, rassemblements pré-manifestation, kermesse footballistique…

Depuis le 3 février, un bâtiment à disposition des étudiants et baptisé Algecommune fait office de lieu de rassemblement et de stockage, sous la bibliothèque Alinéa. S’y tiennent les AG lorsqu’aucun amphi n’est disponible mais aussi des conférences autour de la mobilisation, ouvertes à tous. « Ce sont les collectifs ou les intervenants qui nous contactent pour proposer des évènements », précise Raphaël (le prénom a été modifié). De l’histoire du système des retraites en France à la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles, ces évènements sont partagés par des comptes Instagram et Twitter créés par les étudiants mobilisés.

Dans l’algeco sous la bibliothèque Alinéa, ouvert jusqu’à 19h30, les étudiants et étudiantes peuvent se rassembler pour leurs AG, stocker le matériel, les flyers et organiser des conférences. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

C’est via ces réseaux que communiquent aussi les étudiants de Sciences Po, dont le bâtiment central est éloigné du campus de l’Esplanade. Les jours de manifs, ils organisent des moments de rencontre, des ateliers et des conférences. Mardi 28 mars, il s’agit de prises de paroles autour du thème « Réforme, répression, révolution » par exemple.

Des moments conviviaux en marge des manifs

Aux Arts Déco, les étudiants « occupent » leur école depuis presque un mois. Les cours ne sont pas suspendus mais certains sont dédiés à la création de pancartes, des AG quasi quotidiennes déterminent la suite des actions et des chars ont été confectionnés pour animer les cortèges. Des mouvements similaires s’organisent en philosophie, multipliant les moments festifs, de discussion ou d’information.

Mercredi 29 mars, les étudiants de la HEAR ont organisé une kermesse sur le campus central et ont invité les cheminots à s’y joindre. Au programme : musique festive, confection de panneaux, jeux de kermesse et vente d’affiches pour alimenter la caisse de lutte. « Ça fait du bien de se retrouver en dehors des manifs, c’est plus festif », estime Garance, lycéenne. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

En plein centre ville, plusieurs places font office d’agora publiques, à l’occasion de réunions joyeuses comme un barbecue organisé par l’intersyndicale des cheminots. Depuis le 7 mars et le blocage de l’entrepôt Amazon, le collectif « On crèvera pas au boulot » appelle régulièrement à des rassemblements citoyens place Kléber, place de la Gare ou place de la République, pour « discuter, s’organiser et agir ». Il regroupe à chaque fois plus d’une centaine de personnes aux profils divers, d’anciens gilets jaunes, des travailleurs, retraités, chômeurs, syndicalistes… 

Amplifiée par une grosse enceinte lundi 27 mars, une militante précise à l’assemblée place Kléber le but du collectif, sous les yeux d’une quarantaine de CRS mobilisés pour l’occasion. « Notre rassemblement est légal, vous n’avez rien à craindre », précise-t-elle aux manifestants. Au micro, les témoignages s’enchaînent. Une étudiante raconte la soirée du 20 mars où elle s’est retrouvée au milieu des gaz lacrymogènes, un intermittent du spectacle avoue son désarroi de n’avoir aucun impact lorsqu’il se met en grève, un député explique avoir fait un signalement au parquet et recueillir des témoignages sur les violences policières…

Lors du rassemblement place Kléber, lundi 27 mars, le député Nupes Emmanuel Fernandez s’est exprimé au micro face aux opposants à la réforme, sous le regard d’une quarantaine de CRS postés en ligne, dos à la Fnac. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Suite à chaque prise de parole, les applaudissements sont bruyants et des slogans de manif scandés, contre la réforme ou les violence policières parfois. À la fin, les participants décident de la date et du lieu de la prochaine réunion.

En marge du rassemblement, deux personnes aux casques et gilets blancs observent. Et pour cause. L’observatoire strasbourgeois des libertés publiques créé par la Ligue des Droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France est présent à presque toutes les manifestations pour prendre note de leur déroulement et documenter les évènements strasbourgeois. Ces deux structures cherchent des bénévoles pour participer aux missions d’observation.

Conseils légaux et street medics en mouvement

Tous les jours où Strasbourg est dans la rue, une équipe légale se mobilise pour assurer une permanence téléphonique. Les membres de ce « collectif autonome et spontané » souhaitent rester anonymes. Ils font circuler un tract sur lequel le contact de deux avocats sont précisés, ainsi que des conseils aux manifestants. Depuis courant mars, l’équipe est aussi joignable par mail. À travers sa mobilisation, le collectif espère assurer la « protection des manifestant·es face à la brutalité policière et à la justice complice ».

Extrait du tract distribué aux manifestants et confectionnés par la Legal Team 67, joignable à l’adresse mail legalteam67@proton.me Photo : document remis

Pour venir en soutien aux manifestants, les street medics sont eux aussi de plus en plus mobilisés. Jean (le prénom a été modifié), 30 ans, asperge de maalox dilué les manifestants pris dans les nuages de gaz lacrymogène sur le campus, mardi 28 mars. Avec son casque à croix rouge et son matériel, il est mobilisé depuis le 19 janvier. Seul street medic au début du mouvement, il constate qu’ils sont de plus en plus nombreux depuis le recours au 49-3 pour faire passer la réforme. « Depuis une semaine, j’ai un binôme avec lequel je reste en contact du début à la fin des manifs », illustre-t-il. Une structuration spontanée et construite au fil de la mobilisation. Jean est identifié par les militants qui sollicitent son aide et par les forces de l’ordre qui le laissent passer pour mener à bien sa mission.

« Les street medics, c’est une tactique d’auto-défense : tu es un militant qui dispose de matériel et de compétences pour aider les autres », résume Jean. Distribution de sérum physiologique, aide aux personnes prises dans les gaz, assistance à ceux qui se sentent mal… « Il n’y a pas besoin de beaucoup de savoir-faire pour s’entraider, simplement une notion de quelles armes de la police causent quels dommages », conclut-il.

Pour l’instant, aucun collectif actif ne réunit les street medics à Strasbourg, mais ils comptent s’organiser dans les semaines à venir et proposer des formations à toutes les personnes intéressées.

De l’art pour soutenir les grévistes

Pour alimenter les caisses de grève ou de lutte et permettre aux opposants de continuer à se mobiliser, certains vendent des t-shirts, des affiches ou encore des stickers colorés. Les chariots se baladent pendant les journées de grève et appellent les manifestants qui le peuvent au don.

Samedi 1er avril à 17 heures, le collectif On Crèvera Pas Au Boulot a organisé une projection de trois films à prix libre. À l’Algeocmmune aussi, les étudiants ont projeté un fil lundi 3 avril selon le même principe. Les bénéfices ont tous été reversés aux caisses de grève.

Sur sa page Facebook, l’illustratrice strasbourgeoise Ariane Pinel liste les illustrateurs et illustratrices engagés à reverser les recettes de leurs œuvres aux caisses de grève. Photo : capture d’écran

De nombreux artistes comme Ariane Pinel ou Victor Le Foll se sont engagés à reverser à ces mêmes caisses les recettes de leurs ventes. Après avoir choisi une œuvre et s’être assuré de sa disponibilité auprès de son auteur, le client est invité à faire un don du montant à une caisse de grève et à envoyer une preuve du don, en guise de paiement.

Situation inchangée pour les habitants du squat Bourgogne : « Il y a une vraie détresse, surtout de la part des mamans »

Situation inchangée pour les habitants du squat Bourgogne : « Il y a une vraie détresse, surtout de la part des mamans »

Un rassemblement a eu lieu ce mercredi 5 avril devant le Centre administratif, en soutien aux occupants d’un squat situé rue de Bourgogne. Ils sont sous le coup d’un ordre d’expulsion depuis le mois de novembre 2022.

« On ne peut pas retourner dans notre pays », souffle Santiljiana, d’un air résigné. Devant le Centre administratif à Strasbourg, un rassemblement se tenait ce mercredi 5 avril pour interpeller la mairie sur l’expulsion imminente des habitants du squat « Bourgogne » et réclamer une solution d’hébergement collective. Les militants dénoncent l’ingérence des services de police et de la préfecture. Le rassemblement se constitue d’habitants du squat, de personnes en exil, de militants et de membres d’associations.

Banderole tenue par les habitants du squat Bourgogne devant le Centre administratif Photo : Camille Gantzer/ Rue89 Strasbourg/ cc

En décembre 2021, plus de 200 personnes, dont beaucoup de familles avec enfants, ont trouvé refuge dans un immeuble rue de Bourgogne, à la Meinau, voué à la démolition. En novembre 2022, la justice a ordonné leur expulsion. 

« On est dans une situation qui n’est pas normale, ça fait cinq ans et demi qu’on est là » reprend Santiljiana, mère de deux enfants âgés de sept et quinze ans. Avec ses enfants – scolarisés à Strasbourg – et sa mère, elle est actuellement hébergée chez une famille à Lampertheim. Elle a reçu une obligation de quitter le territoire français. « Ça fait bientôt six ans qu’on est là, ma fille a grandi en France », plaide Santiljiana. Elle relate aussi l’absence fréquente de réponse du 115. « Ils ne répondent presque jamais, et quand ils le font, ils nous disent qu’il n’y a pas de place pour les familles. »

Discussions entre les habitants du squat, sans abris et représentants de l’Eurométropole, mercredi 5 avril 2023 Photo : Camille Gantzer/Rue89 Strasbourg/ cc

Aux côtés de Santiljiana se trouve Lali, mère elle aussi. Venue de Géorgie, elle vit à Strasbourg depuis près de sept ans. Et a rejoint le squat Bourgogne en janvier 2023 avec son fils, actuellement en classe de 3ème.

« On cherche une solution, la préfecture nous propose des gymnases, sans plus de précision. On dit non parce qu’après, on risque d’être envoyé à Bouxwiller. Et après Bouxwilller, on sait qu’on nous renverra dans notre pays. Mais si on refuse, ils nous disent de rester à la rue. Alors on n’a pas de solution, on va de squat en squat. À celui de Bourgogne au moins, on est entre familles, on s’entraide. »

Lali, habitante du squat Bourgogne depuis janvier. Photo : Camille Gantzer/Rue89Strasbourg/cc

La détresse des habitants

Au total, entre 70 et 75 familles qui habitent dans le squat de Bourgogne, précise Gabriel Cardoen. Militant et membre de la Marche des Solidarités, il se décrit comme « celui qui transmet les informations et les contacts », aux personnes qui en ont besoin.

« Les gens ici mènent un combat contre le temps. La durée de présence de plus de cinq ans de certaines personnes ouvre la possibilité d’obtenir des papiers d’identité, en principe. Ça se fait par la circulaire Valls, à la discrétion de la préfecture évidemment. Les gens ici mènent un combat contre le temps. […]La préfecture dispatche les personnes à droite et à gauche. Ils veulent pas de groupement, quand ils sont tous ensemble c’est aussi plus facile d’avoir une solidarité, une communauté et une voix.

Gabriel Cardoen soutient les habitants du squat Bourgogne, mercredi 5 avril 2023 Photo : Camille Gantzer/ Rue89Strasbourg/ cc

En évoquant les familles, il insiste sur leur situation intenable :

Il y a une vraie détresse, surtout de la part des mamans. On m’appelle parfois en me demandant de l’aide, en m’exprimant des pensées suicidaires. La plupart ne tiennent le coup que grâce à leurs enfants. On le voit aussi : quand on fait des réunions, il n’y a que les mères. »

Les places d’hébergement bouchées

Floriane Varieras, adjointe à la Maire en charge notamment du soutien aux personnes vulnérables et à la solidarité, affirme que la Ville a déjà alerté sur la situation : « On demande une mise à l’abri, parce qu’un squat n’est pas une situation souhaitable non plus. »

Hervé Polesi, Floriane Varieras et Véronique Bertholle (de gauche à droite). Photo : Camille Gantzer/ Rue89 Strasbourg/ cc

Elle rappelle que 500 places d’hébergement pérenne ont été créées par l’Eurométropole depuis le début du mandat. Les dernières places, ouvertes en novembre dernier, sont toutes occupées.

« Non à un évêque qui flingue » : devant la cathédrale, une manifestation pour la démission de l’archevêque Luc Ravel

« Non à un évêque qui flingue » : devant la cathédrale, une manifestation pour la démission de l’archevêque Luc Ravel

Sur le parvis de la cathédrale animée par la messe chrismale, une quinzaine de croyants du mouvement catholique Jonas ont dénoncé l’autoritarisme de l’archevêque Luc Ravel et son comportement vengeur depuis l’enquête lancée par le Vatican à son sujet.

Mardi 4 avril, 18h10. Des fidèles entrent dans la cathédrale de Strasbourg pour assister à la messe chrismale. Une quinzaine de personnes leur font face, en silence, feuilles A4 à la main. Pour cette manifestation spontanée, les membres du mouvement catholique Jonas, qui militent pour des positions et un fonctionnement plus progressiste de l’Église, tiennent vigoureusement leur message. Le papier pourrait être froissé par le vent glacial qui souffle sur le parvis. Marie-Anne, Robert, Jean-Paul ou Vincent tiennent à faire passer leurs slogans, inscrits en lettres capitales : « Il fait nuit dans le diocèse de Strasbourg », « Non à un évêque qui flingue ». La pancarte la plus présente demande la fin du mandat de l’actuel archevêque de Strasbourg : « Luc Ravel démission ».

Mardi 4 avril, des membres du mouvement catholique Jonas ont manifesté sur le parvis de la cathédrale de Strasbourg pour la démission de l’archevêque Luc Ravel. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Les réactions varient dans la file des fidèles venus écouter l’archevêque de Strasbourg. Une croyante venue de Nancy n’est pas au courant des reproches adressés à Luc Ravel. Un autre catholique a un avis sur la question, mais pas pour Rue89 Strasbourg. Deux jeunes, François et Pio, commentent cette scène de contestation : « L’obéissance, dans l’Église, c’est important », affirme le premier. Le second approuve : « La volonté des supérieurs n’est pas toujours la bonne. Mais réaliser la volonté des supérieurs est toujours une bonne chose. »

Les manifestants ont profité de la messe chrismale pour dénoncer l’archevêque de Strasbourg. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

L’ambiance étouffante et l’éviction de trop

Mais de quel supérieur parle-t-on ici ? En juin 2022, le Pape a ordonné une enquête interne au diocèse de Strasbourg concernant notamment des accusations de management brutal de la part de l’archevêque Luc Ravel. Plus de neuf mois plus tard, aucune information officielle n’a été publiée sur le dossier. Plusieurs sources ont témoigné auprès de Rue89 Strasbourg d’une ambiance étouffante à l’archevêché : « Ça devient très long. Pour les personnes qui espèrent un dénouement et un renouvellement, c’est pesant », affirmait un ancien membre de la curie diocésaine de Strasbourg.

Responsable du mouvement Jonas à Strasbourg, Jean-Paul Blatz explique cette manifestation par un article publié dans la matinée par les Dernières Nouvelles d’Alsace. Ce denier révèle que l’évêque auxiliaire de Strasbourg Mgr Kratz a appris son éviction le jeudi 23 mars. Selon les DNA, cette décision serait liée à la gestion de l’affaire Emmanuel Walch, un aumônier du collège épiscopal Saint-Etienne à la fin des années 2000. Accusé de viol par une ancienne élève âgée de 15 ans à l’époque, cet ancien prêtre s’est suicidé avec sa mère en se jetant sous un train à Bernolsheim le 1er janvier 2023.

Pour Jean-Paul Blatz, « Mgr Kratz n’avait pas à intervenir dans ce dossier. C’était à l’archevêque (prédécesseur de Luc Ravel, NDLR) Mgr Grallet de le faire. Cet argument, ce n’est qu’un prétexte pour éliminer Mgr Kratz ». Dans le petit groupe de manifestants, Marianne parle de cette éviction comme « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » et déplore la méthode employée : « Luc Ravel écrit un livre sur le care (notion de prendre soin, NDLR) et il annonce cette éviction par une lettre glissée sous la porte… Mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai lu la nouvelle. »

Jean-Paul Blatz, responsable du mouvement Jonas à Strasbourg. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Luc Ravel démet l’évêque auxiliaire alors que le Vatican attend sa démission »

À sa droite, Marie-Anne dénonce un archevêque « trop individuel dans sa gouvernance » et rappelle l’implantation décidée par Luc Ravel de la paroisse réactionnaire de la Croix-Glorieuse à Colmar (lire notre enquête). La croyante strasbourgeoise critique enfin un archevêque éloigné de ses fidèles : « Le Pape François demande que l’archevêque soit comme le berger qui sente l’odeur du troupeau. Mais ici, le troupeau n’intéresse pas du tout Luc Ravel. »

Pour les manifestants du parvis de la cathédrale, la décision du Vatican ne fait aucun doute : Mgr Luc Ravel doit démissionner. Mais l’archevêque de Strasbourg semble user de toutes les dispositions du Concordat qui lui sont favorables pour retarder l’échéance. Médecin strasbourgeoise, proche de l’évêque auxiliaire Mgr Christian Kratz, Madeleine trouve scandaleux que « Luc Ravel démette l’évêque auxiliaire alors que le Vatican attend sa démission. »

En retrait, l’ancien curé Vincent Steyert dit aussi savoir que « l’archevêque était prié par Rome de présenter sa démission. » Il ajoute : « On dirait que Luc Ravel veut flinguer des gens avant de partir. Il agit comme s’il éprouvait de la haine vis-à-vis de ses prédécesseurs, comme s’il vivait encore la déception de ne pas être archevêque à Lyon ou à Paris. »

Un an après son lancement, l’échec du programme de psychologie remboursée

Un an après son lancement, l’échec du programme de psychologie remboursée

Le dispositif MonPsy – récemment devenu MonParcoursPsy – permet d’obtenir huit séances d’accompagnement psychologique remboursées par l’Assurance maladie. Mais un an après son lancement, il est boudé par 93% des psychologues qui le trouvent trop limité et peu rémunérateur.

À Strasbourg, 179 psychologues sont recensés sur l’annuaire médical Doctolib. Parmi eux, 18 seulement sont listés dans l’annuaire du dispositif MonParcoursPsy, proposé par le ministère de la Santé. Lors de sa création en avril 2022, afin de répondre aux besoins d’accompagnement des Français, notamment depuis la crise du Covid, le dispositif était présenté comme permettant « à tout patient souffrant de troubles psychiques d’intensité légère à modérée, de se faire rembourser jusqu’à huit séances par an par l’Assurance maladie. »

18 psychologues partenaires à Strasbourg, 115 dans le Grand Est

En janvier, Nolwenn, jeune strasbourgeoise de 23 ans, ressent le besoin de consulter. Elle se rend sur le site monparcourspsy.sante.gouv.fr qui l’accueille avec une présentation du dispositif en résumant les situations qu’il prend en charge : « Pourquoi consulter ? Vous avez du mal à dormir ? Vous vous sentez dépassé ? Vous êtes dans une relation toxique ? Vous avez besoin d’une personne à qui parler, sans jugement. » 

Après une annonce présidentielle, le dispositif MonPsy (devenu MonParcoursPsy) est lancé le 5 avril 2022. Photo : DR

Nolwenn y découvre les différentes étapes qu’elle va devoir suivre :

« Dans un premier temps, je devais aller chez un médecin pour obtenir une prescription, prendre un rendez-vous avec un psychologue du réseau, réaliser les séances, puis me faire rembourser par l’Assurance maladie (60 %) et la mutuelle (40 %). Je n’ai pas compris pourquoi je devais passer par un médecin, je ne vois pas pourquoi elle devrait être au courant de ma santé mentale. Mais ça s’est très bien passé, elle n’a pas été trop indiscrète. »

« Je ne reçois plus de nouveaux patients MonPsy, étant trop peu rémunérée »

Son ordonnance en poche, la jeune femme commence ses recherches sur l’annuaire du dispositif. « J’ai pris du temps pour faire des recherches sur les différents profils et être sûre de trouver quelqu’un qui me convienne », se souvient-elle. Mais lorsqu’elle tente de prendre rendez-vous, on lui répond à plusieurs reprises ne pas être en mesure d’accueillir de nouveaux patients.  

Mauvaise pioche aussi pour Pauline, qui découvre le dispositif par le biais de ses amis. Au début, elle n’ose pas vraiment prendre rendez-vous, mais se pousse à le faire. Elle obtient une réponse similaire d’une autre psychologue : 

« Je suis disponible pour vous recevoir à un tarif “ordinaire” de 55€ la consultation si vous le souhaitez. Je ne reçois plus de nouveaux patients dans le dispositif gouvernemental, ayant trop de demandes et étant trop peu rémunérée (30 €). »

Le dispositif, d’abord proposé aux jeunes et aux étudiants, a été élargi à tous depuis un an. Photo : Capture d’écran

Le Syndicat national des psychologues dénonce le dispositif

Depuis son lancement, le 5 avril 2022, le dispositif est vivement critiqué par la profession. À l’approche de son anniversaire, le Syndicat national des psychologues (SNP), créé en 1950, s’est à nouveau positionné contre avec un communiqué de presse qualifiant le dispositif de « mesures non-pertinentes pour les professionnels et qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt du public. »

Des observations que Julien (qui a tenu à garder son anonymat), psychologue à Strasbourg depuis 2017, partage en grande partie. Au moment de se lancer à mi-temps en libéral, mi-2021, il a rejoint le dispositif permettant aux étudiants de disposer de chèques psy mais n’a pas souhaité ensuite intégrer le dispositif général, comme 93 % de la profession : 

« Les psychologues demandent en général entre 50 et 60€ de l’heure. Or, les séances réalisées avec MonParcoursPsy sont rémunérées à 30€. Cette sous-tarification impose – et c’est d’ailleurs comme ça qu’est prévu le dispositif – une diminution du temps de la séance à environ 30 minutes. Je trouve ça trop court, le temps que le patient, s’installe, se sente à l’aise… La restriction à huit séances et les pathologies qui sont exclues du dispositif sont toutes aussi problématiques. »

Un cadre trop strict, des séances trop courtes et mal rémunérées

MonParcoursPsy est, en effet, censé s’adresser à des personnes souffrant d’un « trouble psychique léger à modéré ». En sont donc exclues les personnes en situation de burn-out, dépression chronique, deuil compliqué, trouble du comportement alimentaire, harcèlement scolaire… « Que fait-on si on se rend compte que le patient a une pathologie plus lourde au troisième rendez-vous ? Sommes-nous censés tout arrêter ? La continuité est importante dans notre métier », souligne Julien, pour qui la limitation à huit séances par an cause le même problème. 

Il regrette le fait que ce format pousse à deux pratiques, soit travailler sur des rendez-vous plus longs et être sérieusement pénalisé au niveau financier, soit enchaîner les rendez-vous courts, ce qui ne lui convient pas. Tout comme le SNP, il déplore aussi le passage obligé par un médecin, « qui n’est pourtant pas formé à la psychologie ni à la psychopathologie », ce qui peut entraîner une mauvaise estimation des besoins du patient.   

Faire venir des personnes qui ne consulteraient pas en temps normal

« J’ai intégré MonParcoursPsy par solidarité », indique Monique Begel, psychologue à Strasbourg, diplômée en 1989 et partiellement en libéral depuis 1998 :

« J’ai accueilli certains types de patients qui ne seraient jamais venus sans MonPsy. Des personnes qui n’avaient pas la possibilité de payer et qui étaient très reconnaissantes de pouvoir venir dans ces conditions. Elles évoluent dans un univers différent de mes patients habituels et c’est quelque chose de très enrichissant pour moi aussi. »

Mais Monique Begel n’accepte presque plus de nouveaux patients via ce système, indiquant qu’elle ne peut plus se le permettre. 

Un rapport d’évaluation pour de possibles améliorations

Interrogé par Rue89 Strasbourg, le ministère de la Santé a rappelé que le dispositif était désormais pérenne. Il a également mentionné que la loi prévoit « un rapport d’évaluation à rendre au 1er septembre 2024″, avec l’appui d’un comité de suivi qui doit prochainement être formé. Ce rapport devrait comprendre un avis sur la mise en œuvre opérationnelle du dispositif et, si nécessaire, des propositions d’évolution.

Le Syndicat national des psychologues a produit en avril des propositions « pour prendre enfin la bonne direction ». Elles reposent sur deux axes : renforcer les services publics déjà existants et des dispositifs de droit commun (Centres médico-psychologiques, hôpitaux…) avec la création de postes de psychologues et la mise en place d’un « dispositif de consultation chez les psychologues libéraux avec un accès direct de la population sans passage par un médecin, sans restrictions des motifs de consultations et avec des tarifs cohérents avec ceux pratiqués par les professionnels sur le terrain. » 

« On est devenu le défouloir des gens » : le Café Bretelles ferme une journée après une agression

« On est devenu le défouloir des gens » : le Café Bretelles ferme une journée après une agression

Ny Aina Bernardson, gérant du Café Bretelles, dénonce une forte dégradation des conditions de travail de ses employées, liée à de nombreux clients agressifs. Dimanche 2 avril, deux salariées ont subi des violences physiques. En signe de protestation, l’établissement est resté fermé mardi 4 avril.

« Depuis notre réouverture après les confinements, on subit des remontrances de clients presque quotidiennement », souffle Ny Aina Bernardson, cofondateur et propriétaire du Café Bretelles. Mardi 4 avril, un écriteau accroché sur la porte de son établissement situé à la Petite France annonce dans un message laconique : « Équipe en pause suite à une agression. »

La porte du Café Bretelles dégradée, avec un écriteau annonçant la fermeture de l’établissement pour la journée du mardi 4 avril. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Lundi 3 avril, il a publié un post sur Facebook annonçant la fermeture : « Depuis un certain temps, mon équipe doit gérer l’impatience, le mépris, la misogynie et parfois le racisme d’une infime minorité de clients. »

À Rue89 Strasbourg, Ny Aina Bernardson détaille les raisons de cette porte close :

« J’étais en train de porter plainte dimanche matin, car les employées ont découvert que notre porte avait été cassée pendant la nuit. À peine sorti du commissariat, j’ai appris qu’il y a eu une agression ».

De retour à l’Hôtel de police dimanche et lundi pour porter plainte avec deux de ses employées, il relate :

« Comme la porte a été dégradée, le café a ouvert avec 20 minutes de retard. Un client a dû attendre devant, c’était sa première source de mécontentement. Puis il a sorti son ordinateur, ce que nous n’acceptons pas le week-end. En semaine, beaucoup de clients viennent travailler sur place avec leur ordinateur, ils consomment peu, mais ce n’est pas un souci on aime bien accueillir comme ça. Par contre, pour être viables, le samedi et le dimanche, on doit faire plus de chiffre, d’où cette règle. Il s’est levé et a essayé d’étrangler l’une de mes employées. Il a réussi à l’atteindre mais elle s’est dégagée. Puis il s’est rassis, a remballé ses affaires et il est parti. Une autre salariée l’a suivi dehors pour prendre une photo de lui afin de pouvoir l’identifier. Il lui a pris son téléphone avant de la faire chuter. Des témoins se sont interposés. Il est ensuite parti. C’était un homme d’une trentaine d’années avec un style de hipster. Les policiers l’ont reconnu, il était dans leurs fichiers. »

Ny Aina Bernardson constate que ses employées subissent davantage de remontrances depuis le covid. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

« Ils ne nous considèrent pas comme des humains »

Ny Aina Bernardson a ouvert deux établissements Café Bretelles « il y a un peu moins de dix ans », le premier est à la Krutenau. Il affirme que « la majorité de la clientèle est super, les personnes problématiques ne représentent qu’entre 5 et 10% des gens ». Selon lui, pendant le Marché de Noël, une employée d’origine mexicaine a subi plusieurs remarques comme « c’est pas comme ça qu’on parle en France ».

Ny Aina Bernardson ne comprend pas bien l’origine de cette méchanceté :

« On vend du café, c’est censé être un business tranquille. Mais on est devenu le défouloir des gens, on dirait qu’ils ne nous considèrent pas comme des humains. On ne leur demande pas d’être gentils, mais juste respectueux. Quand le shop est plein, il peut il y avoir une attente de 10 ou 15 minutes. C’est ça qui crée une frustration chez certains en général. Ils nous disent “vous êtes un café de bobos”, “c’est surcoté”, “votre café c’est de la merde”, “vous êtes la pire serveuse que j’ai jamais vu”… C’est dur d’entendre ça, surtout les jours où on n’est pas au top… On a remarqué que les gens se permettent ces remarques bien plus souvent avec des employées qui sont des femmes. »

Ny Aina Bernardson détaille :

« Notre manière de faire du café est technique, c’est pour ça que les clients viennent. Nous avons une recette particulière, avec 17 à 18 grammes qu’on doit peser systématiquement pour un café double. C’est le dosage nécessaire pour produire la saveur qu’on recherche. Et on lave systématiquement les portes filtres pour qu’il n’y ait pas de résidus d’un autre café. Cela prend du temps, mais on est à fond, on fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a : mes salariées sont au Smic avec des primes quand c’est possible, moi je me sors 1 750 euros nets pour 45 à 50 heures par semaine. »

Lorsque des clients deviennent agressifs, l’équipe du Café Bretelles place ce tableau avec un message rappelant que « les membres du staff sont des humains ». Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Le gérant hésite désormais à installer des caméras de surveillance et un bouton qui permet d’appeler directement la police. « Je réfléchis à deux fois quand je mets une employée seule pour un service où il y a peu de monde. Mais si je mets systématiquement deux personnes, ce n’est pas viable… C’est triste de devoir se poser ces questions », souffle Ny Aina.

#Café bretelles

Le procès de la sociologue Pinar Selek, symbole de la chasse judiciaire aux opposants en Turquie

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Des députés bas-rhinois de la majorité préfèrent ignorer les violences policières

Des députés bas-rhinois de la majorité préfèrent ignorer les violences policières

Interrogés sur le durcissement du maintien de l’ordre dans les manifestations, les députés de la majorité du Bas-Rhin Bruno Studer (Ren), Charles Sitzenstuhl (Ren) et Vincent Thiébaut (Horizons) ne voient aucun problème.

À chaque manifestation depuis l’utilisation par le gouvernement de l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter sa réforme des retraites, son lot de vidéos chocs. Tremblantes, mal cadrées, elles captent pourtant le regard en dévoilant de manière crue des policiers hors d’eux, utilisant la force lorsque cela n’est pas ou plus nécessaire, voire prêts à provoquer les manifestants ou à régler leurs comptes avec eux.

Dans ce contexte volatil, la journée de guérilla qu’ont connue les manifestants contre une mégabassine et les gendarmes à Sainte-Soline a été très relayée, avec des scènes quasi militaires et des centaines de blessés, dont les plus graves sont à déplorer parmi les manifestants. À Strasbourg lundi 20 mars, une nasse de fait a été mise en place Petite rue des Dentelles : des dizaines de personnes ont été privées d’air sans qu’elles puissent s’échapper, provoquant une panique et choquant celles qui étaient présentes (voir notre enquête). Face à ces exemples, trois députés bas-rhinois de la majorité d’Emmanuel Macron interrogés par Rue89 Strasbourg refusent de parler de problème systémique.

Bruno Studer est l’unique député de la majorité ayant été élu sur une circonscription strasbourgeoise Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

Bruno Studer : « Il faut bien que les casseurs soient interpelés et punis »

Marcheur de la première heure, élu pour la troisième circonscription du Bas-Rhin et toujours raccord avec la ligne du gouvernement, Bruno Studer ne détonne pas plus à propos des violences policières. Estimant que le durcissement des manifestations est un « prolongement des propos extrêmement violents de la Nupes », il reconnaît du bout des lèvres une possibilité d’abus :

« Bien sûr, les erreurs sont toujours possibles. La justice est là pour les examiner, si ces erreurs sont établies. Il faut rappeler que le maintien de l’ordre est défini par des lois, comme la nasse, qui reste elle aussi encadrée. Et il faut bien que les casseurs soient interpelés et punis. (…) Je rappelle également aux manifestants que la loi peut défaire ce qu’elle a fait. C’est le principe de notre système. Si la Nupes est opposée à la réforme, elle a totalement le pouvoir de se représenter aux élections avec son candidat, en 2027. Et si elle gagne, elle pourra revenir sur la loi. »

Charles Sitzenstuhl a plusieurs fois pris la parole pour blâmer les violences des manifestants Photo : remise

Charles Sitzenstuhl (Renaissance) : « S’il y a un usage disproportionné de la force, il vient des casseurs »

Se déclarant « très préoccupé par la montée des violences politiques », le député de la cinquième circonscription du Bas-Rhin, Charles Sitzenstuhl (Renaissance) pose d’emblée un soutien ferme aux CRS, aux policiers et aux forces de l’ordre en général. Dans un bref entretien, il réitère le mantra sécuritaire du gouvernement :

« Je fais toute confiance aux forces de l’ordre, même si certains groupes politiques à l’extrême gauche tentent de discréditer la police. S’il y a un usage disproportionné de la force, il vient des casseurs. Ce sont eux qui m’inquiètent. (…) Il y a clairement des gens dans ces rassemblements qui veulent abattre la Cinquième république. »

Vincent Thiébaut lors d’une séance de questions au gouvernement (photo remise)Photo : Document remis

Vincent Thiébaut (Horizons) : « Les violences restent très marginales »

À l’autre bout du fil, la voix de Vincent Thiébaut (Horizon) est moins martiale que celle de ses collègues. Sans remettre en question les comportements des forces de l’ordre, le député de la 9e circonscription évoque des manifestations plutôt calmes à Haguenau :

« Depuis ma circonscription, je ne constate pas vraiment de violence. La seule manifestation spontanée qui a eu lieu, c’est un rassemblement de six retraités “Gilets jaunes”, qui tenaient un rassemblement avec des chaises pliantes. Après pour Strasbourg… Je ne suis pas juge, s’il y a des abus il faut que la justice mène ses enquêtes. On peut imaginer qu’il y a de l’exaspération des deux côtés. Mais il ne faut pas que le droit à manifester, qui est un droit fondamental, devienne un droit à la violence. (…) Quand j’étais jeune, j’ai moi-même participé à des manifs (contre la loi Devaquet en 1986, NDLR) et j’ai été choqué par la mort de Malik Oussekine. Mais les violences similaires restent très marginales, ce n’est pas comparable à celle des émeutiers. »

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a rien vu à Sainte-Soline qui mériterait une enquête quant aux moyens déployés par les forces de l’ordre. Elles ont tiré 4 à 5 000 grenades lacrymogènes en deux heures, tirant indistinctement sur des groupes de manifestants venus s’opposer à la construction d’une mégabassine privatisant l’eau de pluie, et sur les militants radicaux qui ont tenté de forcer le barrage imposé pour y accéder.

Petite rue des Dentelles : « On était à genoux, on suppliait pour sortir et la police ne réagissait pas »

Petite rue des Dentelles : « On était à genoux, on suppliait pour sortir et la police ne réagissait pas »

Au soir du lundi 20 mars, plusieurs dizaines de manifestants se retrouvent bloqués dans la Petite rue des Dentelles à Strasbourg, en plein cœur du quartier de la Petite France. Ils sont gazés à plusieurs reprises, puis pris en étau. La police refuse de parler de nasse. Les témoins, eux, ont vécu de longues minutes traumatisantes.

Nous sommes le lundi 20 mars à Strasbourg. C’est le jour du vote des motions de censure au Parlement, suite à l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement pour faire adopter sa réforme des retraites. Des milliers de Français vivent ce passage en force comme un geste de mépris, après des semaines de manifestations. À Strasbourg, dès 18h, un rassemblement spontané s’organise à l’appel de l’intersyndicale. « Une manifestation sauvage » s’ensuit, comme certains observateurs nomment désormais ces cortèges aux itinéraires non déclarés en préfecture, mais tout à fait légaux.

En quelques heures, le mouvement dégénère. La police scinde le cortège en deux quai des Bateliers, et disperse la foule à coups de gaz lacrymogènes. L’un des cortèges se dirige vers le centre ville. Après un long jeu du chat et de la souris, ce petit groupe (environ 80 personnes selon les manifestants, une quarantaine selon la police) se retrouve place Benjamin-Zix, en plein cœur de la Petite France, et décide de s’engouffrer dans une ruelle très étroite, la Petite rue des Dentelles, pour échapper à la police.

Après avoir interrogé dix témoins, collecté des vidéos et des photos, Rue89 Strasbourg peut retracer le déroulé des faits et affirmer qu’entre 21h27 et 21h39, dans cette ruelle longue de 65 mètres, et large de 2,5 mètres, une cinquantaine de manifestants ont été gazés, à plusieurs reprises, puis bloqués d’un côté comme de l’autre par la police, coincés dans un important nuage de gaz lacrymogènes. Soit la définition même d’une nasse policière, ce que contestent les forces de l’ordre.

Selon les manifestants interrogés, et d’après plusieurs témoins présents au moment des faits (passants, journalistes indépendants), la police a fait un usage disproportionné de la force et notamment des gaz lacrymogènes. Tous n’en sont pas sortis indemnes.

La Petite rue des Dentelles, dans le quartier de la Petite France à Strasbourg, a été bloquée par les policiers pendant 12 minutes le lundi 20 mars. À l’intérieur, entre 50 et 80 manifestants se sont retrouvés gazés à plusieurs reprises. Au moins deux personnes ont été victimes de malaise dans cette ruelle.Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

« C’était ma première manifestation, j’ai été choqué par le comportement dégueulasse des policiers »

Mohamed se rappellera longtemps du 20 mars. C’était la première manifestation de sa vie. Le jeune étudiant de 20 ans avait décidé de se rendre place Kléber vers 18h, pour protester contre la motion de censure. « Les retraites, je trouve que c’est un combat important, ça concerne tout le monde ». Après le rassemblement spontané et pacifique des débuts, il suit le cortège dont la colère prend de l’ampleur au fil des heures. Mais il insiste : « J’étais dans un groupe pacifique, nous n’avons rien cassé ». Lorsqu’il se retrouve dans la Petite rue des Dentelles, d’emblée, il se sent coincé.

« J’étais en tête du cortège, et en arrivant au bout de la ruelle (qui donne sur la Grand’Rue, NDLR), je vois une ligne de policiers qui se forme. J’ai pris peur, j’ai voulu reculer, et là, je les ai vu nous lancer un tir de lacrymo. C’est arrivé tout près de moi. On savait qu’on était aussi coincés derrière. C’était la panique. J’ai pris peur, je pensais que s’ils nous enfermaient comme ça, c’était pour une raison. Mais non. »

De 21h25 à 21h27 : la ruelle est saturée de gaz, encore ouverte côté Benjamin-Zix, mais les manifestants l’ignorent

D’après les vidéos et les photos récoltées ce soir-là, Rue89 Strasbourg peut établir que le premier tir de lacrymogènes qui atterrit dans la ruelle a eu lieu à 21h25. Or, à ce moment-là, la Petite rue des Dentelles n’est pas encore bloquée par les policiers du côté de la place Benjamin-Zix. Techniquement donc, les manifestants peuvent sortir. D’ailleurs, quelques-uns y parviennent. Mathilde Cybulski, photographe indépendante qui se trouvait dans la ruelle raconte :

« J’étais à l’arrière de ce cortège, et quand on est rentrés dans la petite rue, ça a gazé pas mal derrière nous. Il y avait des tables d’un resto, dans la panique, les gens sont un peu tombés dessus, ont trébuché, ça bouchonnait. Là, on a reçu de nouveau une salve de lacrymo, je suis incapable de dire de quel côté ça venait. Mais j’ai vite vu que devant ça bloquait, l’air était très saturé. J’ai commencé à paniquer, je me suis dit : là, ils vont nasser, il faut que je sorte. J’ai fait demi-tour, j’ai couru et je suis sortie de justesse, quelques secondes avant qu’ils ne ferment la rue. J’ai dû traverser un énorme nuage de lacrymo. »

Si pendant ces premières minutes, la ruelle n’est donc pas encore fermée, elle est en revanche déjà saturée de gaz. D’abord parce que les policiers ont tiré au moins une première grenade à l’entrée de la Petite rue des Dentelles, sur la place Benjamin-Zix, à 21h24. Ensuite, parce que les autres policiers, côté Grand’Rue, ont eux aussi, à leur tour, tiré un second tir de grenade lacrymogène à 21h25, au milieu de la ruelle, parmi les manifestants.

La plupart d’entre eux se trouvent dans la partie haute de la rue, côté Grand’Rue, comme Mohamed. Et ceux-là ont le sentiment d’être coincés. Ils sont enfumés, savent très bien que plusieurs camions de police sont sur la place derrière eux. Ils ont face à eux un mur de forces de l’ordre impassibles. Et dès 21h27, la nasse est effective, avec le déploiement du barrage policier de l’autre côté, place Benjamin-Zix.

En trois minutes donc, les forces de l’ordre ont gazé au moins deux fois, voire plus (certains témoins parlent de quatre palets de gaz lacrymogènes lancés à leurs pieds), en deux endroits différents de cette petite ruelle. Puis ils ont bloqué la rue de part et d’autre.

21h27 – 21h39 : fermeture complète de la ruelle. « On était à genoux, on suppliait, la police ne réagissait pas »

Pierre-Louis a 17 ans. Journaliste indépendant et autodidacte, il couvre tous les mouvements sociaux et les manifestations depuis plusieurs années, armé de sa petite caméra. En 2022, il crée son propre média en ligne, La Presse Libre, sur lequel il poste de nombreuses vidéos.

« J’ai un casque avec écrit Presse dessus, dans tous les sens. Les policiers me connaissent bien à Strasbourg, ils m’appellent tous par mon surnom même. Celui qui était dans le dispositif du blocage Grand’Rue m’avait justement contrôlé en début de manif à 18h. Je lui avais montré ma carte de presse, et l’un de ses collègues m’avait d’ailleurs confisqué mon masque à gaz. »

Pourtant, au moment où les manifestants se retrouvent bloqués côté Grand’Rue, Pierre-Louis se retrouve lui aussi dans la nasse, malgré ses nombreux rappels sur son identité. « Je filmais derrière les policiers, et ils m’ont dit de rentrer dans la ruelle. » Au bout de quelques secondes, il reçoit un jet de gaz lacrymogène dans les yeux, envoyé par les policiers qui savent pourtant très bien qui il est. Sans sommation, sans respect de la distance de sécurité (1 mètre minimum), alors que Pierre-Louis hurle à plusieurs reprises : « Presse ! Presse ! »

Malgré les vives douleurs qu’il ressent aux yeux, le jeune homme filme pendant six longues minutes le début de la nasse. Ce qui a frappé le jeune homme, coutumier des manifestations et parfois même des débordements, c’est l’insensibilité des forces de l’ordre :

« Là, on a atteint un niveau assez dingue. Enfermer des gens, dans une ruelle de moins de 2,5 mètres de large, et très haute où l’air ne circule pas, puis les gazer, c’est inhumain ! Les gens n’étaient pas violents, on était à genoux, on suppliait les mains en l’air pour sortir ! Certains faisaient des malaises, et face à nous : il n’y avait aucune réaction. Ils regardaient les gens crever la gueule ouverte. »

Sur sa vidéo, on peut en effet voir des manifestants hurler : « Laissez-nous sortir, on étouffe ! » Face à eux, le major de police se contente de répondre en retour : « Reculez! ». Puis il s’adresse à ses collègues en criant : « Préparez les bâtons, s’ils s’approchent, on en donne ! » Pierre-Louis se déplace de l’autre côté de la rue, vers la place Benjamin-Zix, espérant sortir, il fait face à l’autre blocage policier. De nouveau, des manifestants implorent de sortir : « Laissez au moins sortir ceux qui font des malaises ! On vous demande un peu d’humanité ». Mais les policiers ne répondent rien.

Au moins une cinquantaine de manifestants ont été gazés à plusieurs reprises, puis bloqués dans la Petite rue des Dentelles à Strasbourg. Pendant de longues minutes, ils implorent les forces de l’ordre pour sortir respirer, mais se heurtent à un mur de silence. Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

Au bout de 5 minutes et 30 secondes d’après la vidéo de Pierre-Louis, on voit enfin le commissaire en charge sur place, chef de service de la voie publique, Laurent Braulio, intervenir et proposer aux manifestants du spray décontaminant pour les yeux. « Mais cinq minutes, alors qu’on ne peut plus respirer, et qu’on ne peut pas sortir, c’est très long », confie Pierre-Louis qui ajoute avoir déjà été pris dans des nasses policières lors de manifestations parisiennes : « À chaque fois, je montre ma carte de presse et je sors. Là, c’était impossible. »

Le jeune homme a envoyé dès le lendemain un signalement à l’IGPN pour violences par personne dépositaire de l’ordre publique, et atteinte à la liberté de la presse.

Des victimes des gaz : trois malaises au moins

Le gaz lacrymogène – ou gaz CS (celui utilisé par les forces de l’ordre en France) est un composé chimique qui irrite les yeux et le système respiratoire. C’est une arme non létale. Mais pour certains, les effets peuvent être plus graves. Difficultés respiratoires, essoufflement, malaise cardiaque…

Ce soir-là, au moins trois manifestants ont fait des malaises selon nos informations, parfois même aux pieds des policiers. Ainsi, on voit un jeune homme en jogging rouge, plié en deux, appuyé sur un mur. Un ami à lui est à ses côtés et tente de le rassurer. Il serait en train de faire une crise d’asthme selon plusieurs témoins. Pourtant, les policiers ne bougent pas, ne lui proposent pas leur aide. Les vidéos et photos exploitées permettent d’établir qu’il est pris en charge par un secouriste CRS et exfiltré de la nasse à 21h43, soit 16 minutes après le début de la nasse. Il est alors inconscient. Ce jeune homme n’a pas souhaité témoigner.

Un jeune homme a perdu connaissance, après avoir été bloqué pendant 16 minutes dans les gaz lacrymogènes, au sein d’une étroite ruelle en plein de coeur de Strasbourg. (Photo Mathilde Cylbuski / Hans Lucas). Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg

Une jeune femme aurait également été prise d’un malaise, alors qu’elle avait trouvé refuge dans un restaurant situé au milieu de la ruelle, avec une vingtaine d’autres manifestants. Alice, 24 ans, était présente à ce moment-là :

« À côté de moi il y avait une fille qui s’est écroulée par terre à l’entrée du restaurant. Elle a été prise de spasmes pendant plusieurs minutes, elle ne parlait pas, sa main droite tremblait. Elle avait d’ailleurs une blessure à la main. Il y avait une infirmière parmi nous, qui l’a prise en charge. Et au bout de quelques minutes, la fille a repris conscience. Je ne sais pas si c’était de l’épilepsie mais c’était très impressionnant. Tout le monde était paniqué dans le restaurant. »

Une jeune femme qui se trouvait dans un autre restaurant, situé à 35 mètres de la ruelle, côté Grand’Rue, a elle aussi fait un malaise suite à l’inhalation des nombreux gaz lacrymogènes présents dans la rue. Wendy a 24 ans, elle est asthmatique. Elle dîne avec son petit ami le lundi 20 mars, lorsque vers 21h20, elle commence à se sentir mal :

« J’ai vu passer une meute de policiers, avec de la fumée derrière eux. J’ai pensé que c’était des fumigènes, puis l’odeur est arrivée dans le bar et j’ai commencé à me sentir mal. Je suis allée aux toilettes, et j’ai commencé à faire une crise d’asthme. Je n’avais pas ma ventoline sur moi. »

La jeune femme perd connaissance. Son petit ami appelle le Samu qui la prendra en charge rapidement. Le lendemain, Wendy crache du sang. Depuis, elle est sous anti-inflammatoires et a encore mal à la poitrine. « Je dois faire des analyses plus poussées », confie la jeune femme qui raconte n’avoir pas eu une telle crise depuis au moins deux ans. Elle compte déposer plainte pour mise en danger de la vie d’autrui.

Wendy était dans un bar situé à 35 mètres de la Petite rue des Dentelles, avec son petit-ami, le lundi 20 mars au soir. Elle a été prise d’une violente crise d’asthme, due aux nombreux gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l’ordre dans le périmètre. (Document remis). Photo : document remis

21h39 : fin de la nasse, une première femme sort après un contrôle d’identité

Toujours d’après les images, Rue89 Strasbourg peut affirmer qu’une première femme sort de la nasse à 21h39, du côté de la place Benjamin-Zix, après avoir montré ses papiers d’identité aux forces de l’ordre. Et tous les témoins interrogés racontent la même chose : à partir de ce moment-là, les policiers annoncent une sortie possible, deux par deux, après contrôle des pièces d’identité. Germain (le prénom a été modifié), 20 ans, en est certain :

« Au bout d’une vingtaine de minutes, quand le gaz s’était un peu dispersé, ils nous ont demandé nos papiers, et nous ont permis de sortir. Mais pas avant ! »

Pourtant, interrogé sur l’irrégularité de cette nasse policière par le député LFI Emmanuel Fernandes — qui a fait un signalement auprès de la Procureure de Strasbourg — le 23 mars, Gérald Darmanin a assuré qu’il y avait eu « une sortie à la nasse » : les policiers autorisant les personnes « à sortir deux par deux (…) après s’être assurés qu’ils ne portaient aucun objet dangereux ».

Les faits, témoignages et images récoltés ici prouvent le contraire de ce qu’a affirmé le ministre de l’Intérieur.

La police dément toute nasse : « Les manifestants se sont simplement retrouvés entre deux dispositifs policiers »

Le commissaire de police strasbourgeois Laurent Braulio, chef du service de voie publique et présent place Benjamin-Zix au moment des faits, refuse lui aussi de parler de nasse :

« Il y a eu un jet de une ou deux grenades à main sur le secteur Benjamin-Zix, puis les manifestants se sont engouffrés dans cette petite rue. Ils auraient pu rester sur des grands axes, mais ils ont choisi cette ruelle étroite. En arrivant au sommet, ils sont tombés sur le dispositif policier en barrage de la Grand’Rue, donc ils ont voulu faire demi-tour, et là il y avait les autres policiers qui les suivaient ! Donc ils se sont retrouvés entre les deux dispositifs et n’ont pu le quitter qu’après contrôle d’identité. »

Laurent Braulio assure « qu’il y a eu des demandes faites pour savoir si les gens avaient des problèmes respiratoires ». Ni les vidéos, ni les témoins interrogés ne confirment ces propos.

Le commissaire explique par ailleurs le silence et l’immobilité de ses troupes par la nécessité d’interpeller les fauteurs de troubles :

« Il fallait attendre les ordres, savoir si les casseurs repérés auparavant avaient été vus sur les caméras. La mission de la police c’est tout de même d’arrêter les fauteurs de troubles ! »

Puis Laurent Braulio conclut, et répète : « Ce n’était pas une nasse, c’était un simple hasard de circonstances. Une nasse, c’est un dispositif pour prendre en tenaille, contraindre et restreindre. Là, on ne bloquait pas pour bloquer. » Interrogé sur le nombre d’interpellations à la suite de ce « blocage », le commissaire n’avait pas les informations et la préfecture n’a pas répondu à nos questions.

Prise de conscience d’une peur de la police

Interrogés près de dix jours après les faits, les différents témoins ont pu analyser à froid leurs sentiments sur cette soirée-là. Yasmine, jeune étudiante de 20 ans, déjà coutumière des manifestations, dit avoir eu une sorte de révélation :

« Ça m’était déjà arrivé d’être gazée, mais là, j’ai été surprise par la violence de la police. J’ai réalisé que tout ce que je pouvais lire avant dans la presse, sur les victimes de violences policières, je n’y croyais pas vraiment, je me disais ”Oui mais il y a sûrement un contexte qui explique ça, etc”. Maintenant, je veux dire aux gens : il faut croire les témoignages. La violence policière est bien réelle. »

Salomé, elle, a 22 ans. Ce qui a marqué la jeune femme, c’est son sentiment d’insécurité face aux forces de l’ordre, un peu partout dans la ville ce soir là :

« C’était la première fois que j’étais dans ce genre de manif spontanée. Je pensais bien que ça allait être compliqué mais pas à ce point-là. En fait, j’ai tenté à plusieurs reprises de quitter le cortège, mais je voyais que les policiers nous suivaient partout, et qu’ils interpellaient et arrêtaient de façon violente tous les manifestants qu’ils pouvaient prendre. Je me sentais plus en sécurité avec les manifestants, que seule, face aux policiers. »

Fatma, étudiante en histoire, confie également avoir été abasourdie par la violence extrême du processus :

« Quand j’ai vu les policiers, je me disais qu’un de leurs gosses pouvait se trouver parmi nous. Je les ai trouvés inhumains. Maintenant, j’ai peur de retourner dans une manifestation non déclarée. Mardi 28 mars, je suis partie avant que ça dégénère. Je n’ai plus envie d’être là-dedans. »

Radicalité de l’engagement

Pour d’autres, au contraire, ce soir-là les a confortés dans leur envie de lutter contre la réforme des retraites, mais aussi dans les moyens à utiliser. C’est le cas de Guillaume, 27 ans. Au moment où les gaz lacrymogènes saturent la ruelle, et où il réalise qu’il est bloqué avec une cinquantaine de personnes, il tente d’entrer dans un immeuble, et y parvient.

« Je suis monté tout en haut d’un petit escalier en colimaçon, au 2e étage. J’ai toqué à la porte. C’était un couple très gentil. Ils m’ont donné de l’eau pour mes yeux, et ont fait le guet pour me dire ce qu’il se passait dans la rue. Puis progressivement, d’autres manifestants sont arrivés et se sont installés comme moi sur les marches. Au total, j’ai compté, on était une trentaine. C’était dingue comme moment, trente personnes dans un escalier, qui ne faisaient aucun bruit. On ne voulait pas que la police nous contrôle et prenne nos cartes d’identité. »

Au bout de 40 minutes (d’après des textos que nous avons pu consulter), Guillaume parvient à sortir de l’immeuble, et de la ruelle, sans se faire contrôler par les forces de l’ordre.

« On avait l’impression de ne pas avoir le choix, de devoir attendre là, d’être forcé à donner notre identité alors qu’on n’avait rien fait de mal ! C’était les policiers qui étaient dans l’illégalité ce soir-là. »

Depuis, le jeune homme assure avoir toujours envie de manifester, « même encore plus dans les sauvages, car elles font davantage prendre conscience au public qu’il y a un problème. Et puis de toute façon, on a vu que les manifs normales n’ont aucun effet… » Mais désormais Guillaume est suréquipé : masque de protection pour ses yeux, décontaminant et sérum physiologique, bouteille d’eau, et deuxième téléphone portable. « Au cas où je suis arrêté par la police. »

Onzième mobilisation jeudi 6 avril contre la réforme des retraites à Strasbourg

Onzième mobilisation jeudi 6 avril contre la réforme des retraites à Strasbourg

L’intersyndicale appelle « à une nouvelle grande journée de grève et de manifestations » le jeudi 6 avril contre la réforme des retraites. À Strasbourg, la manifestation devrait partir de l’avenue de la Liberté à 14 heures.

Suite à la manifestation du 28 mars, l’intersyndicale appelle à un nouveau rassemblement pour une 11e journée de manifestation, ce jeudi 6 avril. À Strasbourg, le cortège devrait partir vers 14h depuis l’avenue de la Liberté. Les syndicats avaient proposé un trajet identique à la dixième manifestation, en sens inverse pour changer mais la préfecture l’a refusé.

Gilles Dimnet, secrétaire général adjoint de la CGT du Bas-Rhin, précise que la manifestation partira de l’avenue de la Liberté pour le parcours habituel.

Tête du cortège de la manifestation du mardi 28 mars 2023 à Strasbourg Photo : Camille Gantzer / Rue89 Strasbourg / cc

Dans un communiqué, les syndicats bas-rhinois AES, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires, Unsa et FA dénoncent toujours « un parcours parlementaire chaotique » et une « absence de réponse de l’exécutif ». Ils ajoutent leur soutien aux manifestants blessés lors des précédentes manifestations :

« En ne répondant pas à la demande de retrait, en usant de l’article 49-3, l’exécutif a fait le choix d’accentuer la crise démocratique et sociale. Pourtant, dès le début, les organisations syndicales et de jeunesse avaient prévenu l’exécutif du risque d’explosion sociale que pouvait provoquer cette réforme injuste, injustifiée et brutale. Le gouvernement a la responsabilité de garantir la sécurité et le respect du droit de grève et de manifester. Alors que le calme a toujours caractérisé le mouvement, l’intersyndicale déplore le nombre de blessés. »

Extrait du communiqué de l’intersyndicale du Bas-Rhin.

Une action policière croissante

Après l’annonce du recours à l’article 49-3 de la Constitution le jeudi 16 mars par la Première ministre Élisabeth Borne, les mouvements de protestation se sont multipliés en France face à ce qui est souvent perçu comme un coup de force de l’exécutif. À Strasbourg, des manifestations, déclarées ou non, se déroulent chaque semaine. Après la journée d’échauffourées entre gendarmes et manifestants samedi 25 mars contre les mégabassines à Sainte-Soline, ces derniers sont d’autant plus déterminés à se faire entendre de l’exécutif.

Grèves et perturbations à venir

De nombreux secteurs risquent d’être impactés par la journée de mobilisation, à commencer par les transports en commun : bus, trams et trains régionaux. La CTS (Compagnie des transports strasbourgeois) et la CTBR (Compagnie des transports du Bas-Rhin) devraient donner davantage de détails sur ses prévisions de trafic d’ici le 5 avril. Depuis le mouvement de contestation de la réforme des retraites, aucun train régional ne circule les jours de mobilisation.

À Strasbourg, toutes les cantines gérées par la Ville de Strasbourg seront fermées jeudi 6 avril.

Le départ de Mgr Ravel plane sur le diocèse de Strasbourg

Le départ de Mgr Ravel plane sur le diocèse de Strasbourg

Depuis près d’un an, le sort de Mgr Ravel à la tête de l’archevêché de Strasbourg semble en suspens. Depuis l’enquête apostolique en juin 2022, il est absent des manifestations publiques. Face au silence absolu maintenu par l’Église catholique, l’attente d’un changement devient pesante au sein du diocèse.

« Ça devient très long. Pour les personnes qui espèrent un dénouement et un renouvellement, c’est pesant », glisse un ancien membre de la curie diocésaine de Strasbourg. Il tient à rester anonyme, comme tous ceux qui ont accepté de répondre aux questions de Rue89 Strasbourg. Et ils sont finalement nombreux, car la question occupe les esprits – proches et moins proches – du diocèse, depuis près d’un an. Est-ce que Mgr Luc Ravel, l’archevêque de Strasbourg, sera officiellement démis de ses fonctions ? Et si oui, quand ?

Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg depuis 2017, est sous le coup d’une enquête apostolique pour « son gouvernement pastoral ». Les résultats de l’enquête sont toujours inconnus. (Photo GK / Rue89 Strasbourg).

Enquête apostolique en juin et juillet 2022, « sur le gouvernement pastoral » de Luc Ravel

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