Pancartes devant l’école de l’Elsau en avril.Photo : doc remis
Une enseignante est convoquée devant la direction de l’académie de Strasbourg mercredi 14 mai. En cause : son engagement en faveur de ses élèves sans-abris. Un rassemblement de soutien est prévu au même moment.
En 22 années passées au service de l’éducation des enfants, cette enseignante de l’école Léonard de Vinci dans le quartier de l’Elsau à Strasbourg a eu bien peu l’occasion de croiser sa hiérarchie, encore moins d’avoir les honneurs d’être reçue à la direction de l’académie de Strasbourg. Mais depuis qu’elle s’est engagée pour que les enfants scolarisés dans son école trouvent un toit avec leur famille, la voilà soudainement l’objet d’une attention toute particulière de son inspectrice académique !
Cette dernière lui écrit, l’appelle, lui laisse même des messages vocaux pour qu’elle cesse de participer aux événements organisés par le collectif Elsau solidaire, composé de parents et d’enseignants mobilisés pour que des familles sans-abri dont les enfants sont scolarisés dans l’école soient prises en charge par les pouvoirs publics.
« Une stratégie pour imposer le silence et la soumission »
Une enseignante mobilisée
« On me rappelle à mon devoir de réserve, à mon obligation de neutralité en tant que fonctionnaire d’État », détaille cette enseignante :
« Mais je n’ai dérogé à aucune de ces règles. Cette stratégie appliquée par la hiérarchie de l’Éducation nationale à chaque mobilisation vise à imposer le silence et la soumission. Alors nous nous sommes renseignées et nous nous sommes aussi formées à ce que les fonctionnaires ont le droit de dire ou pas, à ce que nous avons le droit de faire ou non. »
L’enseignante est convoquée à la Direction des services académiques du Bas-Rhin mercredi 14 mai à 16h. Le syndicat Sud Éduc Alsace appelle les enseignants à se déclarer en grève le même jour, une mesure symbolique, et à participer à un rassemblement pour soutenir cette enseignante, qui s’y rend accompagnée de deux représentants syndicaux.
Dans un appel relayé par des collectifs d’enseignants mobilisés, il est rappelé que ce rassemblement vise à défendre la liberté d’expression dont disposent tous les citoyens, même les fonctionnaires. La détermination du collectif Elsau solidaire pour mettre à l’abri au sein de l’école une famille a permis d’obtenir un logement provisoire en avril, tandis que l’occupation d’une salle en soirée se poursuit pour une deuxième famille de 6 personnes dont 3 enfants. Des actions qui n’ont fait l’objet d’aucune réprimande de la part de la Ville de Strasbourg, propriétaire des locaux.
« Je ne fais que venir en aide à des enfants en danger », explique cette enseignante qui rappelle que le sans-abrisme vécu par des dizaines d’enfants à Strasbourg est une situation « de maltraitance des enfants, complètement hors des radars de l’Éducation nationale. » Elle rappelle que l’Éducation nationale et l’Unicef ont signé « une convention pour renforcer dans les classes la sensibilisation aux droits de l’enfant et à la solidarité internationale ».
La conférence strasbourgeoise du 12 mai a plutôt mis l’accent sur les avancées permises par la Loi Handicap.Photo : Pexels
La Loi Handicap a 20 ans mais APF France Handicap ne s’en réjouit pas. L’association organise du 12 au 15 mai une caravane militante pour dénoncer l’inapplication d’une loi qui devait permettre l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées.
La Loi Handicap de 2005, qui doit notamment permettre « l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées », est encore largement inappliquée. C’est le constat de l’association APF France Handicap, qui organise une caravane militante devant déboucher jeudi 15 mai en une grande manifestation à Paris pour une « République inclusive ».
Lors de l’étape strasbourgeoise lundi 12 mai, Christian Meistermann, représentant de l’association APF France Handicap pour le Grand Est, a cependant reconnu de « réelles avancées ». Parmi elles, la création des maisons départementales pour les personnes en situation de handicap, qui doivent faciliter l’accès aux droits même si elles sont mises en cause pour leurs délais de traitement et leurs nombreux obstacles administratifs. Autre avancée de taille selon M. Meistermann, par ailleurs adjoint au maire de Colmar : la reconnaissance du handicap psychique. Seules 3% des personnes handicapées utilisent un fauteuil roulant, 80% des handicaps individuels en France sont invisibles selon l’association.
« Les établissements les moins mis aux normes sont les plus nécessaires au quotidien »
Catherine Bonigen, APF France Handicap Haut-Rhin
Mais pour Catherine Bonigen, représentante d’APF France Handicap 68, ces mesures ne suffisent pas car l’accessibilité pour tous et toutes n’est pas acquise. La Loi Handicap visait la mise en accessibilité aux personnes à mobilité réduite de tous les établissements recevant du public (ERP). En 2025, l’objectif n’est rempli qu’à moitié. Catherine Bonigen fustige « les municipalités et grandes enseignes récalcitrantes ». Elle regrette que « les établissements les moins mis aux normes sont les plus nécessaires au quotidien : commerces d’alimentation, pharmacies… »
La conférence strasbourgeoise de lundi 12 mai a plutôt mis l’accent sur les avancées permises par la Loi Handicap.Photo : Astrid Jurquet / Rue89 Strasbourg / cc
L’Alsace meilleure que d’autres régions
Catherine Bonigen assure toutefois « qu’en Alsace, on est un peu moins mauvais qu’ailleurs ». La représentante pour le Haut-Rhin cite notamment les 84% d’écoles accessibles à Colmar. Vice-présidente en charge des solidarités à l’Eurométropole de Strasbourg, Marie-Dominique Dreyssé note que 51% des 442 ERP de la Ville de Strasbourg sont jugés accessibles par l’association en 2024, contre 12% en 2005. Quant à l’Université de Strasbourg, elle accompagne désormais 1 100 étudiants en situation de handicap via sa Mission Handicap contre 140 en 2009.
« On va être optimiste, 50% d’ERP accessibles en France, c’est pas mal », positive Christian Meistermann. « Reste à combler le fossé plus rapidement pour les 50% restants, parce que sinon moi je ne serai plus là », plaisante le représentant régional sexagénaire. Selon lui, la mise en application de la loi traîne à cause de la « frilosité » des interlocuteurs, qui bloquent sur le coût des mesures de mise en accessibilité et ce, malgré les aides de l’État, via le fonds territorial d’accessibilité.
Grands espoirs dans la sensibilisation du public
L’ensemble des intervenantes et intervenants de la conférence s’est accordé sur l’énorme besoin de formation des personnels des entreprises et des agents administratifs. Il y a encore des efforts de sensibilisation de la population à faire même si la notoriété des Jeux Paralymiques a permis de rendre plus visible le handicap. Catherine Bonigen en est convaincue : « La clé, c’est l’inclusion à l’école. » Elle ne s’est pas étendue sur les moyens financiers que demandent cette inclusion, largement manquants.
D’une manière générale, les délégués d’APF France Handicap ne demandent pas de nouvelles mesures, pas de nouvelle loi mais juste l’application effective de celle de 2005.
Lors d’une manifestation pour la Fonction publique en mars 2024.Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
Une intersyndicale appelle les fonctionnaires à faire grève mardi 13 mai afin de faire écho à une série de revendications. A Strasbourg, des perturbations sont à prévoir dans les écoles, les cantines et les transports. Un rassemblement est prévu à midi place Broglie.
Dans un communiqué, la CGT du Bas-Rhin, l’Unsa du Bas-Rhin, la FSU Alsace et Solidaires Alsace appellent les fonctionnaires et les contractuels de la Fonction publique à faire grève mardi 13 mai, dans le cadre d’un mouvement national de mobilisation.
Les syndicats entendent peser sur les arbitrages en cours du budget 2026 de l’État, inquiets des discours d’austérité qui voudraient profiter des investissements en matière de sécurité pour justifier une réduction des dépenses dans les services publics. Les organisations syndicales rappellent qu’en décembre, la mobilisation des fonctionnaires avait permis d’annuler le projet d’étendre à trois jours le délai de carence en cas d’arrêt de travail pour raison de santé.
Les syndicats demandent au gouvernement de rétablir « la rémunération complète, sans carence, pendant les jours d’arrêt maladie ordinaire » et exigent « des moyens budgétaires à la hauteur des missions des services et des politiques publiques », et notamment « l’augmentation de la valeur du point d’indice ».
Perturbations à Strasbourg
A Strasbourg, un rassemblement est prévu à midi place Broglie, avant qu’une délégation ne soit reçue par le préfet. Cette mobilisation des fonctionnaires entraîne l’interruption complète du service de restauration dans les écoles de Strasbourg, et une partie des accueils périscolaires ne seront pas assurés. Des services minimum d’accueil sont mis en place dans cinq écoles, accessibles selon une répartition par secteur.
L’Unsa étant signataire de cet appel et premier syndicat de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS), des perturbations sont à prévoir dans les transports en commun de l’Eurométropole.
Grasbuge dans le cortège du 8-mars.Photo : Grasbuge/ Document remis
Jeune collectif strasbourgeois de lutte contre la grossophobie, Grasbuge organise vendredi 16 mai une rencontre avec Zina Mebkhout pour la sortie de son livre Manger sans culpabiliser. Une manière de sensibiliser aux réalités et discriminations vécues par les personnes grosses dans une société obsédée par la minceur.
« Aujourd’hui, on estime qu’il y aurait plus de 17% de personnes en situation d’obésité en France, mais on ne les entend jamais et on ne les voit nulle part », s’agace Solène Lavelle. En novembre, cette Strasbourgeoise de 36 ans travaillant dans le domaine de la communication a fondé Grasbuge, un collectif de lutte contre la grossophobie, terme qui désigne l’ensemble des comportements, discriminations et oppressions manifestés à l’encontre des personnes grosses (en surpoids ou obèses). À la veille de son premier événement, Rue89 Strasbourg a échangé avec la coprésidente et la trésorière de cette jeune organisation.
À gauche, Lizon Fourrage, trésorière de Grasbuge, à droite, Solène Lavelle, fondatrice et coprésidente du collectif.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg
Rue89 Strasbourg: Comment est né Grasbuge? Pourquoi avoir choisi de fonder un collectif de lutte contre la grossophobie à Strasbourg ?
Solène Lavelle (coprésidente) : Grasbuge est un collectif féministe de sensibilisation, d’éducation et de lutte contre la grossophobie qui est né en novembre 2024. Je suivais plusieurs mouvements comme Gras politique ou Gros amour sur les réseaux sociaux et je me disais qu’il manquait un mouvement de lutte contre la grossophobie à Strasbourg. Il existe ici un certain nombre de collectifs féministes mais aucun n’aborde ce sujet spécifiquement. La plupart des groupes militant sur la question sont nationaux ou basés en Île-de-France. Et je voulais un ancrage local, que ce ne soit pas juste un compte Instagram pour faire de jolis posts, mais qu’il puisse proposer des rencontres entre personnes qui souffrent de la grossophobie.
La lutte contre la grossophobie n’est pas toujours bien comprise ni acceptée. De quoi parle-t-on exactement ?
Lizon Fourrage : La définition large de la grossophobie englobe toutes les discriminations vécues par les personnes grosses ou perçues comme grosses. Au quotidien, cela peut être des violences physiques et psychologiques mais aussi des difficultés à accéder à l’espace public en général, avec, par exemple, des places assises pas adaptées aux personnes grosses dans les transports.
Une discrimination cumulable
Solène Lavelle: S’ajoute à cela également la grossophobie médicale, c’est-à-dire le manque d’accès aux soins, soit parce que les équipements ne sont pas adaptés pour recevoir les personnes grosses, soit parce que le corps médical ne va pas prendre au sérieux ce que dit une personne grosse de ses symptômes parce qu’elle est grosse et que supposément tout découlerait de ça. Il peut même y avoir une comorbidité pour les personnes grosses, du fait de retards de diagnostics liés à une mauvaise prise en charge. On va vouloir expliquer l’origine d’une douleur par le poids, sans investiguer pour trouver la véritable origine… S’ajoute à cela des discriminations à l’embauche, une stigmatisation intrafamiliale…
C’est vraiment une discrimination qui est vécue dans toutes les tranches de la société et qui est cumulable avec d’autres, comme le fait d’être une femme ou une personne non blanche. Ça nous énerve beaucoup quand on nous accuse de faire « la promotion de la grosseur », quand on nous prête un discours qui consisterait à dire que c’est génial d’être gros. Ce n’est pas ça du tout. On milite juste pour que les personnes grosses aient le droit au respect et à la même accessibilité que les autres. On en est encore là. On veut que les personnes grosses puissent exister dans l’espace public : accéder à un avion, une imagerie médicale, des vêtements… C’est une question de dignité et de respect.
Grasbuge dans le cortège du 8-mars.Photo : GRASbuge/ Document remis
Pourquoi avoir choisi une rencontre autour du livre Manger sans culpabiliser comme premier événement de GRASbuge ?
Solène Lavelle : C’était une opportunité puisque Zina sortait son livre et faisait la tournée des librairies. Cet ouvrage, elle le décrit comme un cheval de Troie parce que ça ne parle pas que d’alimentation intuitive. Derrière ce titre relativement doux, il y a un texte très politique et militant, qui parle de la culture des régimes, de la misogynie, du sexisme, du racisme et du culte du corps. C’est une stratégie de sa part, de faire en sorte que son livre soit placée au rayon « développement personnel », pour pouvoir toucher des femmes qui ont envie de lire autre chose sur l’alimentation et leur délivrer un message politique. Elle rappelle aussi que plus on est obsédée par ce que l’on doit manger, par notre apparence, plus on se met en famine et dans le contrôle, moins on est occupées à faire autre chose, comme… militer par exemple.
Régis Schlagendenhauffen à l’EHESSPhoto : Stéphanie Wenger / Rue89 Strasbourg / cc
En France entre 1810 et 1994, 400 000 personnes ont été condamnées pour ce délit. Pour Régis Schlagdenhauffen, chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales, ce délit sans victime a surtout tracé les frontières des sexualités acceptables et contribué à cibler les individus jugés menaçants pour une société hétéropatriarcale.
Dans Sexualités impudiques…, paru en février, Régis Schlagdenhauffen, maître de conférence à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), s’intéresse au délit d’outrage à la pudeur depuis sa création en 1810 jusqu’à sa suppression en 1994. Basées sur un examen fouillé et une analyse minutieuse des archives judiciaires de plus de deux siècles, ses recherches dessinent les contours moraux de la société française, leur évolution et la façon dont ils façonnent les règles de droit et la répression.
Le livre est aussi éclairant sur les frontières mouvantes de « l’impudeur », de « l’obscène » qui servent à contrôler certains ou certaines plus que d’autres et à la réaffirmation des normes sociales. L’auteur montre également la difficulté de l’appréhension des délits sexuels par les tribunaux : certains dommages bien réels sont ignorés de même que certaines victimes, alors que de nombreuses condamnations pour outrage public à la pudeur visent à protéger l’entité abstraite qu’est la société. Depuis 1994, le code pénal ne poursuit plus que l’exhibition sexuelle.
Rue89 Strasbourg : Pourquoi vous intéresser à l’outrage public à la pudeur (OPP)?
Régis Schlagdenhauffen : J’aime les sujets en marge. Je voulais questionner cette infraction et plus généralement ce que la société entend par « impudeur ». Peu de travaux ont été faits sur le sujet et cela n’était pas satisfaisant selon moi. Il y a bien l’ouvrage de Marcela Iacub (Par le trou de la serrure, 2008, Ed. Fayard) mais elle ne prend en compte que les affaires évoquées en cour de Cassation, qui ne sont pas si nombreuses, cela efface et évacue beaucoup de choses, le tout-venant. Je voulais étudier ce qu’il se passe à la base.
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L’Artus, l’association de théâtre universitaire de Strasbourg, clôture sa saison à La Pokop avec une pièce surprenante La maison hantée. Tirée du roman de l’américaine Shirley Jackson et mise en scène par la jeune alsacienne Flora Milliet, il s’agit là d’un pari assez osé : adapter un livre d’épouvante au théâtre.
Mais que se passe-t-il donc à Hill House ? Cette maison victorienne perchée sur une colline est réputée « hantée ». La docteure Montague décide de percer le mystère. Elle s’y installe avec elle plusieurs volontaires pour mener l’enquête et découvrir ce qu’il se cache derrière ces phénomènes paranormaux. Adapter un livre d’horreur, au théâtre : « C’est un défi », admet d’emblée Flora Milliet, 20 ans. Pour cette étudiante en troisième année d’arts du spectacle à l’Université de Strasbourg, « plus que de l’horreur, c’est du gothic ».
La pièce La maison hantée est l’adaptation au théâtre du livre d’horreur / fantastique de l’américaine Shirley Jackson dont l’édition française a été publiée chez Rivages/noir. C’est en regardant la série de Mike Flannagan The Haunting of Hill House diffusée sur Netflix, qu’elle a découvert le livre éponyme de Shirley Jackson. « Quand j’ai lu le livre, je lui ai trouvé un côté très théâtral », confie-t-elle.
Bande annonce de The Haunting of Hill House sur Netflix
« Amener l’étrange, le dérangement »
« Mon but n’est pas de faire peur », rassure Flora Milliet mais plus de « créer la surprise, faire monter la tension » et in fine« piéger le public ». Aidée par toute une équipe technique, elle utilise la scénographie modulable mais aussi la vidéo : « pour jouer avec ces idées de distorsion de la réalité que les tournages et le montage nous ont permis de creuser ».
Pendant 2h30, le public suit donc Éléanore, la protagoniste : « tout passe par son regard, on suit ses réactions, les spectateurs sont placés à l’intérieur de sa tête », expose Flora. Dans cette maison, Éléanore est accompagnée de Théodora, Luke, la docteur Montague et les intendants M. et Mme Dudley, très austères qui « ne restent pas après la tombée de la nuit », comme écrit dans la version française du livre, traduit par Dominique Mols. « On a travaillé sur la manière d’amener l’étrange, le dérangement, de trouver des moments où la tension monte et de la maintenir tout au long de la pièce », expose Flora Milliet. Elle le promet, il n’y aura pas de moment de creux : « Nous avons travaillé sur le rythme en variant régulièrement les médias pour surprendre et stimuler le public tout du long ».
En France, un viol a lieu toutes les six minutes. Pourtant, la majorité des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite. Obtenir justice est donc un combat presque perdu d’avance pour les victimes.
Plus des trois quarts des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite. Pour les viols, ce serait même plus de 95%. Les victimes n’auraient donc quasiment aucune chance d’obtenir une réparation judiciaire suite à leur traumatisme.
Lorsqu’il y a classement sans suite, cela signifie que le procureur de la République décide, au moment de l’enquête policière, de ne pas poursuivre : il n’y aura pas de procès. C’est une décision souvent motivée par un manque de matérialité des preuves. Elle est différente du non-lieu, qui est prononcé par un juge pour arrêter la procédure judiciaire en cas d’absence de preuve notamment. Quant à l’acquittement ou la relaxe, ce sont des jugements prononcés après une audience, lorsque la culpabilité d’un prévenu ou d’un accusé n’a pas été suffisamment prouvée.
Avocate depuis 2008 en matière pénale, aux affaires familiales et à l’assistance éducative, Me Caroline Bolla traite principalement de dossiers de victimes de violences sexuelles et doit aider ses client·es à faire face à cette décision qui leur semble violente et injuste. « Mon rôle, c’est de leur dire que le classement sans suite ne veut pas dire qu’elles mentent, » précise-t-elle.
Caroline Bolla au palais de justice de Strasbourg en décembre 2020
L’échec de la procédure judiciaire
Bien souvent, l’information du classement sans suite d’une plainte n’est pas transmise aux victimes, qui peuvent rester des mois, voire des années, sans nouvelle. Ce sont les avocats qui doivent contacter le procureur ou les enquêteurs pour obtenir ces informations. « Quand c’est à moi d’annoncer le classement sans suite, précise Me Bolla, il faut que je gère l’émotion que ça provoque chez ma cliente, ce qui peut être compliqué, surtout si elle est mineure. »
Cette décision peut être très compliquée à accepter et certaines victimes coupent le contact avec l’avocate, qui représente pour elles « l’échec de la procédure judiciaire ». D’autres choisissent de continuer à la rencontrer, parfois juste pour discuter ou pour tenter de relancer la procédure :
« En cas de classement sans suite, on peut solliciter le parquet général à Colmar, pour que le dossier soit relu. Et si ça ne fonctionne pas, on peut faire appel à la chambre d’instruction. »
Mais une nouvelle fois, ces recours ont peu de chance d’aboutir. L’avocate n’y voit pas un dysfonctionnement de la justice mais un résultat de son engorgement : trop de dossiers en souffrance et un personnel en sous-effectif. Des enquêtes sont parfois bâclées ou restent en suspens indéfiniment. Une torture pour les victimes : « Certaines me disent qu’elles préfèreraient qu’on leur dise que la plainte est classée sans suite, plutôt que d’attendre sans nouvelle », pointe Me Bolla.
Accompagner le dépôt de plainte
Eva Icard est coordinatrice du pôle accueil-écoute-info de l’association Ru’elles Strasbourg, qui accompagne des victimes de violences sexistes et sexuelles. Le numéro de permanence téléphonique de l’association (07 56 91 34 29) est actif du lundi au vendredi grâce une dizaine de bénévoles.
Son rôle est d’écouter mais aussi de prévenir les plaignantes du risque élevé de classement sans suite. Une issue qui n’est pas toujours claire pour elles et qu’elles ressentent comme un « déni de l’existence des violences » :
« Quand on s’attend à obtenir réparation en portant plainte, c’est très difficile de recevoir une notification de classement. Il se développe un sentiment d’injustice, de méfiance et de ne pas être protégées par le système judiciaire. »
Anna Matteoli, juriste et directrice du Centre d’information du droit des femmes et des familles du Bas-Rhin (CIDFF), précise :
« Quand on n’est pas juriste et qu’on n’y a jamais été confronté, on ne connaît pas forcément la différence entre un classement sans suite et un non-lieu, par exemple. Ou on n’a pas forcément conscience qu’on peut engager une nouvelle procédure lorsque la plainte est classée. Et même quand elles engagent toutes les procédures inimaginables, les victimes doivent souvent se faire à l’idée qu’elles n’obtiendront jamais la justice qu’elles méritent. »
Les victimes comptent sur la justice pour entamer leur processus de reconstruction mais les procédures, souvent violentes par leur longueur, sont difficiles à supporter pour des personnes déjà traumatisées. Le CIDFF et Ru’elles se chargent donc aussi de rediriger les personnes qui le souhaitent vers des psychologues, pour qu’elles puissent « cheminer dans leur parcours de réparation quand la réparation judiciaire ne fonctionne pas ».
L’impact psychologique de la justice
Polina Mengin est psychologue à Strasbourg, spécialisée notamment dans le traitement des traumatismes. Lorsqu’elle est confrontée à un classement sans suite pour violences sexuelles, son approche en début de psychothérapie diffère :
« La première chose que je fais, c’est voir comment la personne se sent par rapport aux procédures judiciaires, terminées ou en cours. La plupart du temps, elle ne se sent pas bien. L’important c’est qu’elle ait conscience que son mal-être est justifié. »
Elle décrit le sentiment d’injustice, de rejet par la justice, qui les habite. Dans ces cas-là, elle préfère amorcer une psychologie de soutien avant la psychothérapie : « Les personnes ont d’abord besoin d’énergie, de ressources pour faire face à leurs traumatismes. » Elle insiste sur l’importance de l’entourage, qui pousse souvent la victime à entamer une thérapie.
Formations pour les forces de l’ordre
Pourtant, le traitement des plaintes des victimes de violences sexuelles s’est amélioré selon les associations sollicitées. Les victimes sont davantage prises au sérieux qu’il y a 10 ou 20 ans, suite à des formations dispensées aux forces de l’ordre. Le CIDFF se charge de certaines de ses formations comme le rappelle Anna Matteoli :
« On rappelle les fondamentaux sur les violences faites aux femmes. On y réunit à la fois les forces de l’ordre mais aussi des juristes, des psys, des associations… L’important c’est de montrer à quel point le phénomène des violences sexistes et sexuelles est complexe.”
Eva Icard est quant à elle intervenante au centre psychosocial de l’hôtel de police de Strasbourg. Elle travaille avec les policiers, qui peuvent venir la consulter pour savoir comment bien réagir et prendre les plaintes des victimes.
Introduire le consentement dans la définition du viol
Anna Matteoli rappelle que la France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour le traitement judiciaire de ces violences. Elle dénonce la « victimisation secondaire » des agresseurs et explique que le processus est biaisé par des « stéréotypes de genre », c’est-à-dire une culpabilisation de la victime selon son attitude, sa tenue, ou les rapports qu’elle entretenait avec l’agresseur.
Pour elle, pour que les violences sexuelles soient davantage punies, il faut suivre la convention d’Istanbul, signée par la France en 2011. Ce traité international du Conseil de l’Europe porte sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique. L’un de ses articles fait entrer la notion de consentement dans la définition du viol, ce qui n’est pas le cas dans le code pénal :
« On entend qu’introduire le consentement dans cette définition reviendrait à contractualiser nos relations sexuelles : c’est une phrase toute faite et clichée, comme “on ne peut plus rien dire”. En fait, parler de consentement en amont d’une relation sexuelle c’est tout simplement s’intéresser à l’autre, faire preuve d’empathie et de respect. »
Une proposition de loi en ce sens a été présentée en février par 59 députés de La France insoumise. Elle doit être examinée par la commission des lois.
La CeA cesse son soutien à hauteur de 120 000 euros par an à destination de Solidarité Femmes 68.Photo : Image d’illustration libre de droit / Freepik
Solidarité Femmes 68 portait, depuis mars 2024, un dispositif de soutien psychologique pour des enfants témoins et objets de violences en Alsace. Le Département, pourtant à l’initiative du projet, n’a pas renouvelé son financement en 2025. La cellule bas-rhinoise a suspendu son activité et la haut-rhinoise est en sursis.
« On me dit que j’ai un fort caractère, et ça va continuer, prévient Tina du haut de ses 10 ans (les enfants ont des prénoms modifiés). Je ne me laisse plus faire quand on m’embête à l’école. » Pendant plusieurs mois, la fillette a parlé de ses traumatismes toutes les deux semaines auprès de Stéphanie Rosé, psychologue de la cellule de soutien aux enfants victimes de violences conjugales de l’association Solidarité Femmes 68. Elle a aussi affuté ses stratégies pour se tenir à distance de l’emprise de son père qui vient régulièrement la surveiller, elle et ses petits frères, à la récréation, depuis la séparation de leurs parents.
Les enfants de moins de cinq ans sont reçus avec leur parent protecteur.Photo : Claire Gandanger / Rue89 Strabourg
Elle retrace :
« C’est très utile pour les enfants apeurés. Au début, ça m’inquiétait de dire tous mes secrets à la psychologue. On a fait des jeux de cartes et je racontais tout ce qui s’était passé en même temps. Et après ça allait mieux. »
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L’école Léonard de Vinci à l’ElsauPhoto : Google Maps
Le collectif de parents Elsau solidaire a mis à l’abri dans l’école Léonard de Vinci une famille de migrants géorgiens depuis lundi 5 mai. Les parents organisent un rassemblement de soutien vendredi 9 mai devant l’école.
Depuis lundi 5 mai, les parents et personnels de l’Éducation nationale membres du collectif Elsau solidaire accompagnent une famille de migrants géorgiens dans une salle occupée de l’école Léonard de Vinci, puis nettoient et rangent au petit matin avant l’arrivée des élèves. Le collectif appelle à un rassemblement de soutien à leur action et pour que cette famille soit logée par les pouvoirs publics, vendredi 9 mai à 18h30 devant l’école.
La famille mise à l’abri est constituée de 6 personnes, avec trois enfants de 10 à 15 ans, leurs parents et un grand-père de 75 ans selon des éléments fournis par le collectif. Ils sont tous sans hébergement depuis août 2024, se relayant dans une voiture ou dans des accueils de jour. Le collectif a mobilisé des fonds pour louer un appartement pendant une semaine. Jusqu’au 5 mai, la famille dormait sous une tente au parc du Heyritz.
Le collectif précise que les enfants sont des champions de lutte. L’ainé a été sacré en février champion de France dans sa catégorie, médaille de bronze dans un tournoi international en mars. Le cadet a aussi remporté la médaille de bronze au championnat de France. Ils sont scolarisés au collège Caroline Aigle de la Krutenau à Strasbourg.
Une vue du Nouvel hôpital civil.Photo : Pierre France / Rue89 Strasbourg / cc
Le Canard Enchaîné révèle dans son édition du mercredi 7 mai que le « gestionnaire de lits » réclamé depuis 2020, et financé par l’État, n’a toujours pas été recruté.
Où sont passés les 503 000€ que l’État a accordé aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) pour qu’ils créent un « gestionnaire de lits » (bed manager) ? C’est la question posée par Le Canard Enchaîné, qui révèle dans son édition de mercredi 7 mai, le contenu d’un courriel confidentiel de l’Agence régionale de santé.
La création de ce poste avait été demandée par de nombreux médecins urgentistes, qui doivent eux-même trouver des lits disponibles dans les services hospitaliers, afin de libérer les lits des urgences… notoirement surchargées. Une tâche purement logistique qui leur prend beaucoup de temps, qu’ils pourraient consacrer aux soins. Médecin urgentiste, Sébastien Harscoat alerte depuis plusieurs années sur ce problème qui handicape les urgences, ce qui lui avait déjà valu des réprimandes de la direction des HUS. Pour Force ouvrière, la situation aux urgences de Strasbourg relevait même de la « non assistance à personnes en danger ».
Face à cette succession de crises, la direction des HUS avait fini par communiquer sur ses efforts en faveur des urgences en septembre 2023, et parmi ces mesures… la création d’un gestionnaire de lits ! Le Canard note que depuis le début de l’année 2025, les syndicats Force ouvrière et CFDT des HUS « ont exercé leur droit d’alerte pour danger grave et imminent à huit reprises ».
Depuis 2014, la pin-up Coco Das Vegas organise le Elsass Rock and Jive Festival, qui célèbre la culture rock’n’roll des années 50 à Illkirch-Graffenstaden. Elle répond à Rue89 Strasbourg sur les contradictions entre le féminisme et certains clichés qui peuvent être véhiculés par sa pratique.
Depuis 2014, Coco Das Vegas transforme la salle de spectacle de l’IIlliade et ses abords en boulevard hollywoodien traversé par des Ford Mustang, des Cadillac et des Chevrolet.Le Elsass Rock and Jive Festival célèbre la culture rock’n’roll des années 50 à Illkirch-Graffenstaden.
Rue89 Strasbourg a rencontré cette célèbre pin-up (représentation de femme en pose « sexy ») alsacienne sur le site du festival, alors en plein préparatifs. Danseuse burlesque, meneuse de revue pour son groupe les Pin-up d’Alsace, et speakerine sur les salons vintage, elle s’est créé une place dans le milieu depuis la création de son personnage en 2011.
Sur le chantier du festival, elle se présente en blouse bleue de travail, affublée d’un t-shirt floqué « Alsace Airlines ». Coralie, 41 ans, dirige avec ardeur le montage des scènes, installe les affiches et donne les dernières directives… Dans quelques jours, elle troquera ses vêtements de bricoleuse pour une jupe virevoltante et les talons hauts de son personnage Coco Das Vegas. Icône féministe et sex-symbol dans une société patriarcale, le concept des pin-ups fait face à ses propres contradictions.
Coralie au montage du Rock and Jive festival. Photo : Lucile Vitrac / Rue89 Strasbourg / cc
Une volonté d’émancipation
La danse burlesque est une performance de strip-tease dansé et mis en scène de manière comique, désinvolte et sensuelle. Coco Das Vegas tient une belle formule pour la résumer : « C’est l’art de s’effeuiller avec humour et glamour ».
Cette danse, pour l’ancienne coach sportive strasbourgeoise, est un moyen de revendiquer sa liberté et son indépendance par la maîtrise de son corps. En tant que meneuse de revue, Coco Das Vegas anime et met l’ambiance dans la salle. « Si on manque de respect aux filles, j’arrête tout de suite le spectacle », commente la danseuse :
« C’est arrivé plusieurs fois, notamment une fois à la Foire aux vins de Colmar et une autre lors d’une représentation en Lorraine. Cette dernière soirée se présentait mal dès le début. Le DJ entrecoupait la musique par le slogan publicitaire “Mmmh Charal”. La soirée a atteint son paroxysme avec un type ivre qui a crié à plusieurs reprises dans la salle, “grosses putes”. Alors je l’ai fait monter sur scène et toute la salle lui a renvoyé le compliment. »
Mais ce genre d’interactions négatives sont rares car le milieu est devenu essentiellement féminin. Coco Das Vegas revendique un public bienveillant, composé à 80% de femmes. Pourtant, les pin-ups dans l’Histoire ont été façonnées pour plaire au regard masculin. À l’origine, ce sont des femmes qui posent de manière aguicheuse, sur une image qu’on peut accrocher au mur (d’où leur nom). Ces représentations se sont répandues dans l’armée américaine à partir des années 40. Avec le temps, le modèle de la pin-up a évolué selon Coco Das Vegas :
« Au départ, la pin-up était un modèle d’hypersexualisation. Quand le porno s’est banalisé dans les années 80, les pin-ups sont devenues trop prudes, plus suffisamment érotiques pour les regards masculins. À nos spectacles, il y a très peu d’hommes, ce sont les femmes qui se projettent en nous, qui aiment notre art et que l’on divertit. »
Inclusion et « body positive »
Coco Das Vegas trouve l’esthétique vintage « fraiche et joyeuse ». Mais elle a la volonté de porter des valeurs plus contemporaines. « Dans la sphère pin-up, il y a de nombreuses personnes trans », expose Coco Das Vegas, sensible aux causes LGBTQ+. Sur les salons vintage, la speakerine essaye de rester la plus inclusive possible : « Je fais attention à ne pas dire “pour vous mesdames, il y a de belles robes qui tournent”, car les robes peuvent être portées par toutes les personnes qui en ont envie. »
Elle inscrit également la danse burlesque dans le sillon du mouvement « body positive », en faveur de l’acceptation et l’appréciation des différentes morphologies : « Dans le burlesque, il y a tous les types de corps, des gros, des minces… » Pourtant, Coco Das Vegas n’apprécie pas certaines parties de son corps, qu’elle cache sur scène. « Je montre ce qui me met en valeur. J’ai du ventre et de la cellulite qui me complexent. Alors, je prends des positions où on ne voit pas mon ventre, je mets des collants… », assume t-elle.
La déconstruction des stéréotypes de beauté est difficile pour l’artiste. Sur le compte Instagram des pin-ups d’Alsace, les quatre danseuses apparaissent toutes fines et élancées mais Coco Das Vegas réfute ces qualificatifs. « On a toutes nos complexes, on fait des régimes, du sport pour perdre du poids », ajoute t-elle. La déconstruction de l’injonction à la minceur est difficile pour l’artiste. « Je n’y arrive pas. Pourtant, il y a des filles enrobées que je trouve magnifiques mais mon corps de rêve, c’est celui de la danseuse de cabaret », soupire la pin-up.
Coco Das Vegas ne s’occupe plus elle-même de ses réseaux sociaux. Ses photos sur Instagram et ailleurs sont postées par une personne chargée de sa communication, ce qui lui permet de ne pas être confrontée à sa propre image. Coco Das Vegas est une personnalité publique très pudique :
« Tout le monde cherche son heure de gloire, à se faire applaudir. Personnellement, je déteste les selfies, j’en ai pris un dernièrement sur le plateau de France 3 pour montrer que j’étais interviewée. Je me suis dit ensuite que c’était vraiment idiot. »
Des défilés pin-up auront lieu pendant toute la durée du festival. Photo : Michael Klug / doc remis
« L’archétype de la femme objet »
À la question « Es-tu féministe ? », Coco Das Vegas répond directement par la positive. Elle admet en revanche que son goût pour le style pin-up n’est pas compatible avec ses valeurs :
« Pin-up et féministe, ça ne fonctionne pas. Une pin-up avec ses talons porte tous les codes misogynes que la société impose aux femmes. Mais j’aime ça les meufs, je trouve ça beau. J’adore les filles qui sont hyper élégantes, hyper féminines. »
Derrière l’image de la pin-up, celle de la bonne ménagère lui emboîte le pas. Ce modèle dépassé ne rebute pas Coco Das Vegas qui, bien qu’imprégnée de ces codes sexistes, lutte contre la société patriarcale :
« Je suis fière d’être une pin-up, l’archétype de la femme objet. Je prends du plaisir à me faire belle et à m’habiller selon un prototype de femme. Globalement, je me sens respectée donc je pense que le message que je porte, le fait que les femmes disposent librement de leur corps, est clair. »
Coco Das Vegas a conscience que son plaisir réside dans l’intériorisation de normes patriarcales sur le corps des femmes. Ces codes lui imposent même une rigueur éprouvante. « Les vêtements de pin-up, c’est affreux à porter. Les talons font mal aux pieds, les corsets serrent la taille, ton string te rentre dans les fesses, ta jupe se soulève avec le vent…, constate t-elle. Je ne rêve que d’une chose le soir, c’est de me mettre en pyjama. Sur les salons, je ne porte plus de talons toute la journée, mon corps ne le supporte plus. » Lorsqu’un homme lui a reproché dernièrement d’être en baskets, la pin-up lui a rétorqué : « Vous avez déjà été en talons pendant 8 heures, monsieur ? »
Un rassemblement contre l’islamophobie spontanée avait eu lieu le lundi 28 avril à Strasbourg.Photo : Lucile Vitrac / Rue89 Strasbourg / cc
Un ensemble d’associations musulmanes appelle à marcher silencieusement contre l’islamophobie dimanche 11 mai à Strasbourg.
Un ensemble d’associations cultuelles musulmanes du Bas-Rhin (voir la liste en fin d’article) appelle à manifester dimanche 11 mai à partir de 16h dans le centre de Strasbourg. Ces associations voient dans l’assassinat d’Aboubakar Cissé, le 25 avril dans l’enceinte de la mosquée de La Grand-Combe dans le Gard, un acte de « terrorisme anti-musulmans ».
« Ce crime n’est pas un fait divers », écrivent les associations dans un communiqué. « Il est le symptôme d’un mal profond : la banalisation de l’islamophobie, la stigmatisation des français de confession musulmane. » Les associations musulmanes dénoncent « un climat malsain islamophobe et dangereux, entretenu par une partie de la sphère politico-médiatique. Les musulmans sont constamment montrés du doigt, suspectés, marginalisés. Chaque mot d’un responsable politique qui stigmatise est un permis de tuer. »
Un parcours très court
La marche « silencieuse et républicaine » doit partir de la place de l’Université pour se rendre place de la République en passant par l’avenue de la Liberté. Le trajet sera donc bouclé en quelques minutes mais les organisations tenaient à pouvoir prendre la parole place de la République pour appeler les « pouvoirs publics à assurer pleinement la protection et la sécurité de l’ensemble des lieux de culte, quels qu’ils soient ».
Samedi 10 mai, Antoine Hoffmann et Simon Zara, artistes-chercheurs de l’Université de Strasbourg, présentent « Anatomie des images », une discussion autour de leurs recherches sur la circulation des images. D’autres explorations des représentations des luttes sociales dans l’art et dans la ville sont prévues au cours de cette journée.
Les images ont un pouvoir : elles servent les discours autant qu’elles participent à la construction des imaginaires collectifs. Dans un monde hyperconnecté et saturé d’images, il est devenu nécessaire de questionner leur circulation et leur impact sur la pensée collective. Face à cette avalanche visuelle, des mouvements de résistance réinventent les rapports aux images et les moyens de faire récit.
Au Syndicat Potentiel, un espace associatif à Strasbourg, artistes, chercheurs et éditeurs cherchent à déjouer les rapports de force et à déplacer les regards des discours dominants. Samedi 10 mai, le lieu accueille des rendez-vous entre la recherche et la création, la théorie et le terrain, l’art et la ville.
« Anatomie des images », deux thèses en regard
Antoine Hoffmann et Simon Zara sont artistes-chercheurs et enseignants au sein du département des arts visuels de l’Université de Strasbourg et récemment diplômés d’un doctorat en arts plastiques. Ils ont imaginé « Anatomie des images », un format d’expérimentation visuelle conçu comme une mise en récit de leurs projets doctoraux.
Au-delà d’une restitution et d’une mise en commun, ce dispositif propose une ouverture et un échange par le biais des images. Comme une sorte de « ping pong », Antoine Hoffmann et Simon Zara se sont échangés des visuels tirés de leur corpus par courriels. Tous les jours, en fonction de l’envoi de la veille, les deux chercheurs sélectionnent une image qui alimentera la “conversation visuelle”. Chaque réponse influence la suivante et détermine la direction de ce dialogue : les images elles-mêmes agissent et influencent le destinataire dans son prochain « service ». Au Syndicat Potentiel, ils présenteront l’archive de ces courriers.
Antoine Hoffmann s’intéresse plus particulièrement à l’imagerie militante et questionne sa production, sa diffusion et sa réception. À partir de l’affaire de Tarnac – une série d’événements durant lesquels le militantisme a été assimilé à du terrorisme – il analyse comment l’art peut (ou pas) devenir un moyen de résistance en rendant visibles des crimes d’État dans une production médiatique largement dominée par les informations d’origine policière.
Simon Zara s’intéresse lui aux « images latentes », terme emprunté à la photographie argentique qui décrit une étape du processus de développement durant laquelle l’image n’est pas encore révélée. Il enquête sur la manière dont circulent les images dans les environnements visuels et médiatiques au sein desquels nous évoluons.
Document remis Document remisPhoto : Antoine Hoffmann
Ce format est né d’une volonté des deux artistes-chercheurs de montrer leur recherche, d’en faire une « performance » afin qu’elle circule en dehors du monde universitaire. Durant leur soutenances respectives, ils avaient déjà expérimenté des gestes symboliques de renversement comme allumer des fumigènes en guise de conclusion, ou encore imprimer la couverture d’une thèse sur un gâteau offert au jury (peut-être comme une tentative de rendre la recherche plus digeste).
Table ronde, goûter, mini-marché de livres… et film-documentaire
Après cette intervention, un goûter autour d’un mini-marché d’éditions (Carton-pâte et Juste Ici) prendra place à 16h. Puis, à 17h30, Mathieu Tremblin, un autre artiste-chercheur, animera une table ronde intitulée « Mettre en récit les pratiques créatives urbaines » avec Antoine Hoffmann, les artistes Deana Kolencikova et Marianne Villière, et le directeur artistique David Demougeot. La soirée doit ensuite se prolonger avec la lecture Corpus Crispi de Taïeb à 19h, puis se terminer avec un buffet et la projection du documentaire Juste ici et pas ailleurs de David Demougeot à 20h30.
Étudiantes en deuxième année du Master Écritures critiques et curatoriales de l’art et des cultures visuelles). Leurs recherches portent sur les études de genre et les formes de militantisme.
Ia depuis sa ville de Géorgié, vendredi 25 avril.Photo : Camille Balzinger / Rue89 Strasbourg
En février, Ia, mère de famille géorgienne, a été expulsée de Strasbourg vers son pays d’origine. Séparée depuis de ses deux enfants et de son conjoint, elle se retrouve coincée et peine à entrevoir une solution pour retrouver sa famille.
« Je ne suis pas une criminelle. » Depuis la maison de ses parents, dans la petite ville de Telavi, au nord-est de Tbilissi, la capitale de la Géorgie, Ia peine à retenir ses larmes. Jointe par visioconférence vendredi 25 avril, elle allume sa chaîne hi-fi et laisse jouer à plein volume une chanson en français dont elle connaît les paroles par cœur. « À chaque fois que je l’entends je me mets à pleurer, mais je l’aime bien », explique-t-elle.
La mère de famille de 40 ans a été expulsée de Strasbourg le 25 février, après deux ans passés à tenter d’obtenir des papiers. Ses enfants de 14 et 15 ans ainsi que son conjoint sont encore à Strasbourg et n’ont pas vu Ia depuis plus de deux mois. « Nous nous appelons tous les jours mais ne pas savoir quand je vais les revoir, c’est le plus dur », souffle-t-elle.
« Je pensais qu’ils comprendraient ma situation »
Ia face aux policiers
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338 arbres ont été planté à la Montagne Verte dans le cadre du Plan Canopée.
Initié en 2020, le plan canopée doit permettre d’atteindre 30% de strate arborée sur le territoire de Strasbourg. À mi-parcours, la municipalité revendique plus de 5 500 arbres plantés.
Le plan canopée a été lancé par la municipalité écologiste de Strasbourg en 2020. Il doit permettre la plantation de 10 000 arbres dans la ville afin de parvenir à une couverture arborée sur 30% du territoire communal en 2030. À mi-parcours, 5 589 arbres ont été plantés, dont 1 333 en 2025.
Jeanne Barseghian, maire (Les Écologistes) de Strasbourg, rappelle que « le comptage ne tient compte que les arbres qui sont déjà bien formés. Dans un refuge de biodiversité, sur 2 000 arbres plantés, seuls 200 ont survécu ». Elle poursuit :
« Depuis 2020, nous avons enlevé du bitume sur plus de 13 hectares dans nos espaces publics et près de 27 hectares de nouveaux parcs ont été créés ou sont en cours de création. Pour donner un ordre de grandeur, le parc de l’Orangerie, qui est le plus grand parc de Strasbourg, fait 26 hectares. »
La réalisation la plus aboutie est celle du parc des Romains, à l’entrée de Koenigshoffen. Inauguré en septembre 2025, ce parc s’étendra sur 5,5 hectares. La municipalité cite également que 64 cours d’écoles et de crèches ont été déminéralisées et végétalisées en cinq ans.
Résister au réchauffement climatique
Les échecs de certaines plantations face aux canicules des étés précédents ont poussé la municipalité à envisager de plus grandes fosses de plantation, afin que les arbres disposent d’un réservoir d’eau plus important pour se développer. La mise en place de ces plants nécessitent une attention particulière à la qualité des sols, un sol trop compact peut rendre l’irrigation plus difficile. Suzanne Brolly, adjointe à la maire (Les Écologistes) en charge de la « ville résiliente », cite le Parc de l’Étoile où la Ville « a dû revoir les sols pour résister au réchauffement climatique sans dépendre de l’arrosage. »
Des îlots de tests ont été mis en place afin de suivre l’évolution d’essences allogènes à la région. L’objectif est d’observer leur comportement face au changement climatique et aux différentiels de températures. Les chênes du Mexique, de Chine, le Gainier du Canada ou encore le micocoulier de Chine font partie des essences présentes au rond-point route de Rouen à la Robertsau, rond-point Gare aux marchandises, les berges de la Doller et la berge de la rue des Aubépines à la Robertsau. Suzanne Brolly précise que « ces essences ont vocation à contrer les îlots de chaleur dans des environnements urbains où le choc des températures est important. Au contraire, nous protégeons les essences locales dans les corridors de biodiversité. »
Georges Feterman, président de l’association Arbres remarquables
Protéger le patrimoine arboré existant
Georges Feterman, président de l’association Arbres (Arbres remarquables : bilan, recherche, études et sauvegarde), a délivré la distinction « arbre remarquable » au platane du quai de la Bruche, à l’érable et le chêne entremêlés du parc de l’Orangerie, au hêtre du parc Albert-Schweitzer et à l’ensemble arboré de Ginkos de la place de la République.
Il rappelle « l’importance de planter des arbres mais aussi de protéger ceux qui sont déjà grands et qui travaillent pour le climat et la biodiversité ». « Il est nécessaire à la fois de planter et de conserver le patrimoine arboré existant, » a-t-il dit tout en précisant « que le monde végétal n’est pas protégé par la loi ».
La municipalité écologiste aimerait que « le végétal ne soit plus une variable d’ajustement de l’urbanisme ». Elle a instauré un « barème de l’arbre », qui sanctionne les dégâts causés aux arbres lors de travaux publics ou de manifestations. Ces pénalités sont estimées en fonction de l’ampleur des dégâts et de la valeur de l’arbre. L’abattement d’un Ginko Biloba par exemple est susceptible d’être sanctionné par une amende de 90 000 euros.
Des centaines de personnes se sont rassemblées pour accueillir les étudiants serbes partis de Novi Sad à vélo.Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
Après la traversée à vélo depuis Novi Sad fin avril, les étudiantes et étudiants serbes engagés contre la corruption se rendent à Bruxelles en courant. Le relais de marathoniens s’arrêtera à Strasbourg du 7 au 9 mai.
Le 1er novembre 2024, un auvent de gare s’effondre à Novi Sad, la deuxième plus grande ville de Serbie. Seize personnes meurent suite à cet accident, peut-être dû à des malfaçons. Depuis, les étudiants ont entamé un blocage massif des universités de ce pays des Balkans et des milliers de personnes manifestent dans les rues contre la corruption.
Le 15 avril, ils ont effectué une première tentative de demande d’aide à l’Union européenne en venant à Strasbourg, à vélo. Une nouvelle mobilisation prévoit de traverser la capitale européenne : un relais de 21 sportifs étudiants, 16 hommes et cinq femmes, qui relie la Serbie à Bruxelles en courant. Car si la Serbie n’est pas membre de l’Union européenne, elle est candidate à l’adhésion depuis 2012. Et l’un des éléments bloquant le dossier est justement la corruption qui gangrène le pays.
Partis le 25 avril de Novi Sad, les coureurs et les coureuses doivent arriver à Strasbourg dans la soirée de mercredi 7 mai et rester toute la journée du jeudi 8 mai à la rencontre de parlementaires européens. Avant de se lancer dans la grande traversée, les étudiants mobilisés expliquent sur leur site avoir couru d’une ville à l’autre en Serbie pour faire le lien entre les mobilisations : « Nos courses donnaient de l’espoir aux endroits que nous avons traversé, chaque rencontre avec une personne qui croyait en la liberté nous a donné de la force. »
Après Novi Sad, les étudiants sont passés par la Croatie, la Slovénie, l’Autriche et l’Allemagne. Après Strasbourg, ils courront jusqu’à Luxembourg, puis Liège et enfin, Bruxelles.