Autrice et metteuse en scène de 41 ans, Caroline Guiela Nguyen a été choisie pour diriger le Théâtre national de Strasbourg dès septembre 2023, à la suite de Stanislas Nordey.
Caroline Guiela Nguyen, autrice et metteuse en scène, prendra la tête du Théâtre national de Strasbourg (TNS) et de l’École supérieure d’art dramatique (Esad) dont elle est elle-même diplômée à partir de septembre 2023. Elle devrait succéder à Stanislas Nordey, qui a été prolongé à la tête de l’établissement jusqu’à la fin de l’été 2023.
Caroline Guiela Nguyen Photo : Manuel Braun / Wikimedia Commons / cc
Télérama rappelle que Caroline Guiela Nguyen est la « fondatrice engagée de la compagnie Les hommes approximatifs depuis 2009, par ailleurs artiste associée au Théâtre de l’Odéon, à la Schaubühne de Berlin, au TNB de Rennes, à la MC2 de Grenoble ou au Piccolo Teatro de Milan, régulièrement invitée du Festival d’Avignon, programmée en Europe et au-delà… » puis l’hebdomadaire esquisse les chantiers qui attendent la dramaturge : avec son budget de 12 millions d’euros, le TNS doit engager des travaux de rénovation et réduire ses dépenses.
La municipalité d’Obernai a investi huit millions d’euros dans un plan vélo lancé en 2020. Tardif, cet investissement montre déjà ses limites dans une commune qui continue d’être pensée avant tout pour les automobilistes.
Au centre-ville d’Obernai, les cyclistes sont rares sur les pavés de la vieille ville. Les piétons doivent se faire tout petits pour franchir certains trottoirs étroits. Ce lundi 10 octobre, en début d’après-midi, une dame âgée avance d’un pas mal assuré avec sa canne, presque collée au mur. Ici, la voiture accapare l’espace. Environ 4 400 véhicules circulent chaque jour dans le centre-ville. L’automobile prend aussi de la place en stationnant, au bord de la voie, sur des parkings, parfois à côté d’un vieux carrousel, au milieu de restaurants et autres commerces. Autant dire qu’en termes de politique vélo, Obernai part de loin.
Les étroits trottoirs d’Obernai. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc Les voitures ont leur place partout, même au milieu des restaurants et des commerces. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc Difficile de circuler à deux sur le trottoir. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc Certaines portions de trottoir ont la largeur d’une dalle. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Un plan vélo, 4 km de pistes pour 8,8 millions d’euros
Pour observer les premiers effets du plan vélo voté par la municipalité d’Obernai en 2020, il faut se diriger vers la sortie de la ville. Joint par téléphone, le maire Bernard Fischer, ne tarit pas d’éloges à l’égard du projet municipal de quatre kilomètres de pistes cyclables à 8,8 millions d’euros. D’ici 2024, la commune sera ainsi dotée de plus de huit kilomètres de pistes cyclables en site propre.
Aux manettes de la commune de 12 000 habitants depuis 2001, l’ancien membre du parti Les Républicains (LR), aujourd’hui divers droite, se félicite tout d’abord des chantiers en cours au niveau des routes départementales D422 et D426. Des pistes cyclables séparées de la voie automobile et du trottoir sont en cours de construction.
Pourtant, en 2017, les deux départementales avaient connu des travaux et la loi Laure du 30 décembre 1996 imposait déjà l’installation de bandes cyclables pour toute route en chantier ou en création. « Il y a eu une accentuation de la prise de conscience ces dernières années. Nous n’aurions pas été prêts en 2017 », justifie le maire.
Les premières pistes cyclables en voie propre d’Obernai sont en construction. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc La construction de nouvelles pistes cyclables est accompagnée d’une modification des ronds-points. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Les axes d’entrée privilégiés, des rues oubliées
Tout en reconnaissant l’effort financier et l’utilité de ces pistes cyclables, Patrick Viry, président de l’association Vélobernai, pose la question du coût de ces infrastructures :
« Des pistes cyclables très chères sont construites sur des axes qui n’étaient pas prioritaires. Sur la D426, la piste s’arrête au bout d’Obernai. Si on continue tout droit on arrive à l’échangeur autoroutier. Avec les départementales en deux fois deux voies, il aurait suffit d’installer des séparateurs pour avoir des pistes presque gratuites. Ça aurait permis d’investir pour des infrastructures à d’autres endroits. »
Située à cinq minutes à bicyclette du cœur de la ville, la rue des Bonne-Gens ainsi que la rue de la Victoire sont toutes deux exclues du plan vélo. « C’est l’axe principal Est-Ouest de la ville, sans possibilité d’évitement, avec un trafic intense », décrit un document de l’association Vélobernai, une analyse de 40 pages du plan vélo de la commune. Sur place, ces deux rues n’offrent aucune piste cyclable, aucun marquage au sol et les automobilistes dépassent régulièrement la limite autorisée.
Rue de la Victoire, le trottoir d’un côté est si étroit qu’un panneau enjoint les piétons à traverser. « La largeur de la rue de la Victoire empêche toute piste cyclable », estime le maire de la commune. Bernard Fischer avance aussi que la rue se situe dans une zone à 30 km/h, qui permet une « circulation apaisée ». Concernant la rue des Bonnes gens, il estime qu’elle sera intégrée dans le prochain plan vélo, de 2025 à 2028.
Quand il n’y a pas de trottoir, il est préférable de prendre celui d’en face en effet. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc Autre trottoir étroit d’Obernai. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
« Un centre-ville oublié »
Le bilan de l’association Vél’Obernai évoque aussi « un centre-ville oublié » alors que « les rues sont étroites et une grande partie de l’espace est stérilisé par le stationnement ». Au cœur d’Obernai en effet, la voiture semble reine, malgré les dénégations du maire de la commune. Certains trottoirs ne permettent même pas à une seule personne de circuler. D’autres sont impraticables aux poussettes ou aux déambulateurs. À ces mêmes endroits, les voitures disposent d’une large voie de circulation et de places de stationnement… alors que les bâtiments historiques et patrimoniaux affleurent partout.
Certaines portions de trottoir ont la largeur d’une dalle. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
De même, les zones limitées à 30 km/h n’ont pas la signalétique obligatoire indiquant l’autorisation de circuler dans les deux sens pour les cyclistes. « Depuis 2017, nous l’avons signalé plusieurs fois au maire. Mais sa réponse est toujours la même, il ne veut pas les mettre en place et il a été impossible d’obtenir plus d’explications », indique l’analyse de l’association Vél’Obernai.
Une ville toujours organisée autour de la voiture
Comment rattraper ce retard alors que la ville continue de se construire pour les automobilistes, y compris dans les projets privés. Au bout de l’avenue du Général Leclerc, à la sortie d’Obernai, un supermarché « Fresh » a ouvert récemment, ainsi que son parking d’une cinquantaine de places… contre six places pour garer son vélo. La zone d’activité en chantier tout autour comprend aussi une aire de parking supplémentaire, surmontée d’un toit de panneaux solaires. De même, la rue de Bernardswiller a été refaite en 2019 mais sans y intégrer de pistes cyclables…
Fresh incite ses clients à entrer dans le supermarché avec la voiture. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc Une cinquantaine de places pour les voitures, et six espaces pour vélos au supermarché Fresh d’Obernai. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Patrick Viry regrette aussi la construction de deux parkings supplémentaires au centre-ville d’Obernai. Un silo à voitures de 212 places doit ouvrir le 7 novembre selon le maire de la ville. Et juste à côté, 265 places de parking en sous-sol sont en cours de construction. « C’est autant de voitures qui circuleront en plus dans le centre-ville. Pour un centre historique d’une petite ville médiévale, c’est énorme, souffle le président de l’association Vélobernai, ces parkings auraient dû être placés aux entrées de la ville, pas au coeur. »
Un parking de plus de 250 places en construction à côté d’un autre parking de plus de 250 places, au centre-ville. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc Un autre chantier de parking au centre-ville. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Un objectif sans indicateur clair et des promesses
Interrogée sur ces différentes critiques, Bernard Fischer se défend : « Je ne vais pas chasser des gens par dogme parce qu’ils ont une voiture ! » Le maire promet un plan de réfection des voiries du centre-ville pour élargir les trottoirs et enlever des places de stationnement : « En 2023/2024, ce sera un segment de la rue de Sélestat qui sera refait et les cyclistes auront des couloirs spécifiques avec marquage au sol. » Il promet aussi d’indiquer le double-sens de circulation autorisé dans les zones limitées à 30 km/h, « tout sera fait entre janvier et mars 2023 ». L’élu justifie la construction des parkings au cœur de la commune « pour enlever 35 places de stationnement » et « pour créer deux couloirs pour cyclistes avec pictogrammes au sol ».
Questionné sur la date à laquelle ces décisions ont été prises, le maire évoque le besoin d’une « très large concertation sur ces aspects réglementaires à mettre en place pour la sécurité. » Ces mesures seront seulement présentées en commission urbanisme et environnement « prochainement » avec pour objectif une « mise en place début 2023 ».
Concernant les objectifs et autres indicateurs permettant de faire le bilan du plan vélo, Bernard Fisher reste plus flou. Certes, l’intention est « d’augmenter la part modale du vélo » mais le maire d’Obernai admet qu’il n’a aucun chiffre sur le nombre d’habitants d’Obernai qui utilisent leur bicyclette tous les jours : « On va mettre en place des compteurs sur les pistes cyclables. On en saura plus dans dix ans. »
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Plusieurs collectifs appellent à se mobiliser samedi 15 octobre, pour soutenir les populations sans-papiers. Le départ de la manifestation est prévu à 14h, place de l’Étoile.
« Les frontières tuent ! Construisons des ponts, détruisons les murs ! » C’est avec ce slogan que veulent mobiliser l’Action Antifasciste de Strasbourg, le NPA Strasbourg, le syndicat étudiant Solidaires Alsace et le collectif D’ailleurs nous sommes d’ici 67 ce samedi 15 octobre. Les quatre organisations veulent maintenir l’attention sur le camp de l’étoile et ses tentes toujours plus nombreuses à quelques mètres du centre administratif.
La montée de l’extrême droite partout en Europe
Sur la page facebook de l’évènement, les organisateurs résument leur engagement dans un texte qui dénonce d’abord l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie, mais aussi la montée en puissance des idées extrémistes en France :
« En France aussi, l’extrême-droite fasciste et raciste progresse électoralement, faisant de la préférence nationale la pierre angulaire de son programme (pour le RN) ou agitant le danger du « Grand Remplacement » pour Zemmour. Cette polarisation du débat politico-médiatique autour des thèmes et idées de l’extrême-droite est accompagnée législativement par les lois racistes du premier quinquennat Macron (Asile et immigration, loi séparatisme, etc.) lors de son premier quinquennat. »
Un nouveau projet de loi Asile-Immigration qui inquiète
Dans leur manifeste, les quatre organisations expliquent qu’un nouveau projet de loi Asile-Immigration est prévu en 2023 : accélération des procédures d’expulsion du territoire, diminution des voies et des délais de recours, dispersion des réfugiés sur l’ensemble du territoire français… Un avenir qui inquiète et interroge ces militants :
« Cet environnement hostile aux étrangers nous fragilise toutes et tous. En plus d’unir ceux qui devraient être divisés (les travailleurs et les exploiteurs blancs) et de diviser ceux qui devraient être unis, ce régime d’exception fait office de laboratoire pour des arsenaux répressifs, judiciaires, pour des contre-réformes sociales qui pourraient nous affecter toutes et tous. »
Une manif en soutien aux migrants du Parc de l’Etoile
La mobilisation a également pour but de venir en soutien aux migrants du parc de l’Étoile, à Strasbourg :
« Principalement (issus) d’Europe de l’Est, (ils) fuient la pauvreté, le chômage, les discriminations, la corruption ou les persécutions politiques de leur pays d’origine. Depuis plusieurs mois, ils et elles continuent de vivre dehors, dans le plus strict dénuement, dépendant de la solidarité du voisinage et des associations et vivant dans l’angoisse permanente des contrôles de police. Pour la mairie, la situation est un problème politique à régler plus que des vies humaines (dont des dizaines d’enfants) à protéger. »
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Par une heureuse coïncidence, Orchestra Baobab sera en concert mardi 18 octobre à l’Espace Django de Strasbourg. C’est une occasion unique d’onduler face à ce groupe africain mythique, tout droit sorti de l’époque bénie du Dakar des possibles.
Fondé en 1970 pour ambiancer la scène du Club Baobab, où se retrouvait la haute société dakaroise dans un Sénégal qui goûtait depuis peu à son indépendance, l’Orchestra Baobab a bâti sa réputation sur l’excellence de ses musiciens, issus pour une bonne part du Star Band de Dakar, déjà culte à l’époque, et l’originalité de leurs sonorités afro-cubaines. Né à une époque d’affirmation identitaire, Orchestra Baobab chante le plus souvent en wolof, la langue majoritaire au Sénégal, et fait appel à des percussions traditionnelles, incluses parmi les guitares électriques, le saxophone ou la clarinette.
Ce mélange révolutionnaire de pop internationale, de rythmes afro-cubains et de tradition griotique va faire d’Orchestra Baobab un groupe unique dans l’histoire de la musique de l’Afrique de l’ouest. Ses morceaux, dont certains sont des « instants de grâce » selon l’écrivain Sylvain Prudhomme, des odes à la révolution tranquille, ont traversé l’époque comme des météorites.
Utrus Horas, pur instant de grâce (vidéo World Circuit Records)
Concurrence entre étoiles à Dakar
Car cette autre étoile de Dakar n’aura duré qu’une grosse douzaine d’années. En 1983, l’ensemble se sépare, dépassé par la vague du mbalax, un genre musical très festif sénégalais, popularisé notamment par Youssou N’Dour. Il faudra les mécanismes de redécouverte des trésors musicaux africains pour que leurs morceaux soient réédités, au début des années 2000. Ces enregistrements aux accents de jazz et de blues, extrêmement précis, étaient encore suffisamment puissants pour permettre la reformation du groupe, qui est reparti en tournée en 2002.
Voir débarquer à l’Espace Django cette troupe mythique, formée d’anciens et de nouveaux musiciens mais tous porteurs et héritiers d’une tradition dorée, a quelque chose de surréaliste. L’Orchestra Baobab, avec sa dizaine de musiciens sur scène à la renommée internationale, ne peut habituellement pas se produire devant moins de 2 000 spectateurs. Comment peuvent-ils dès lors se retrouver mardi devant les 400 Strasbourgeois au maximum que peut abriter la salle du Neuhof ? Le co-directeur de l’Espace Django, Benoît Van Kote, parle d’un « alignement de planètes » :
« On avait réussi à programmer Orchestra Baobab en mars 2022 parce que je travaille beaucoup avec le responsable de leur tournée en France, et qu’ils passaient par Strasbourg entre deux dates pas trop loin. Ça entrait dans les plans de la tournée, ils ont accepté de faire un effort sur ma proposition budgétaire, qui était au maximum de ce que Django pouvait proposer… Puis en raison de problèmes administratifs liés au Covid, la date a été annulée et là j’ai vraiment cru qu’ils ne reviendraient plus jamais. Mais à ma grande surprise, ils m’ont reproposé une date aux mêmes conditions. »
La formation actuelle Photo : Youri Lenquette / doc remis
La relève opère puisqu’un nouvel album est sorti en 2017, Tribute to Ndiouga Dieng. Il est plus classiquement africain que les albums de leur période initiale, moins cubain, mais le groupe a gardé les mélanges sonores et toniques qui ont fait leurs succès.
Face aux conséquences de la guerre en Ukraine, la Commission européenne permet, depuis mars 2022, de cultiver des surfaces censées être en jachère, donc non exploitées. La préfecture du Bas-Rhin autorise par ailleurs les agriculteurs à laisser les sols nus cet automne.
Pour compenser la baisse d’exportations de céréales liée à la guerre en Ukraine, la Commission européenne a autorisé les agriculteurs européens à déroger à une règle environnementale. Depuis mars 2022 et jusqu’en 2024, les exploitants ont le droit de cultiver et d’utiliser des produits chimiques sur leurs jachères, les terres censées être en repos entre deux périodes de culture. Malgré cela, ils continueront à bénéficier des aides écologiques de l’Europe.
En Alsace, les jachères représentent environ 1 à 1,5% des terres arables, selon Yohann Lecoustey, directeur de la FDSEA 67 (syndicat agricole majoritaire). Le ministère de l’Agriculture, contacté par Rue89 Strasbourg, estime qu’en Alsace les jachères s’étendent sur 5 600 hectares en septembre 2022, soit l’équivalent de la surface de 7 700 terrains de foot.
Pas d’augmentation des surfaces cultivées en 2022
La préfecture n’a pas répondu à Rue89 Strasbourg sur l’évolution des surfaces en jachère et sur l’utilisation réelle de ces terres sur la saison passée. Selon Yohann Lecoustey, elles n’ont pas été très utilisées dans le Bas-Rhin : « Cela a peut-être été fait chez certains agriculteurs, mais c’était marginal. »
Ces dérogations n’ont pas eu pour effet d’augmenter la surface des terres cultivées en Europe. Elles ont même globalement baissé, de l’ordre de -1,3% en 2022, par rapport à la moyenne des cinq dernières années. En Alsace, ce sont surtout les céréales qui ont perdu des surfaces de culture, de l’ordre de -2% en 2022 d’après le ministère de l’Agriculture.
Des surfaces d’intérêt écologique
En parallèle, les productions de céréales ont baissé à cause de la sécheresse. En Alsace, les rendements de maïs ont diminué entre -7,2% et -16,2% en 2022 par rapport à 2021 selon les productions. Seul le maïs grain irrigué (destiné généralement à l’alimentation animale) a connu des rendements en hausse de 2,1%.
Pour Paul Fritsch, président de la Coordination rurale (un autre syndicat agricole), les jachères sont de toute façon peu cultivables (comme elles ont été trop exploitées, ndlr) : « Le maïs a mal poussé sur ces terres, qui, en général, sont mises en jachère parce que leurs rendements sont mauvais. »
Serge Dumont, hydroécologue à l’ENGEES, souligne l’importance écologique des jachères :
« Elles sont extrêmement importantes car elles permettent au sol de se reconstituer. Les terres exploitées sont en mauvais état, car elles manquent de matières organiques, qui stockent l’eau et empêchent les coulées de boue. Les jachères, ce sont des prairies qui accueillent plantes et insectes, elles sont des réservoirs de biodiversité. »
Le sol d’un champ de maïs est nu à cause des pesticides déversés. Plus ces surfaces sont grandes plus les populations d’insectes sont menacées. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc
Pas de couvert obligatoire pour les sols cet hiver
Pour protéger l’eau et les sols, la directive européenne sur les nitrates oblige aussi les agriculteurs à planter de l’herbe, entre deux cultures, pour qu’il y ait un couvert végétal en automne. Celui-ci est obligatoire dans quasiment toute l’Alsace parce qu’il permet de retenir les nitrates des sols (les plantes se nourrissent en partie des nitrates pour leur photosynthèse), et ainsi de préserver l’eau des nappes. Sauf que depuis le 28 septembre, les agriculteurs du département bénéficient d’une dérogation accordée par la préfecture du Bas-Rhin, à la demande de la FDSEA. Yann Lecoustey, de la FDSEA, revient sur cette revendication :
« Vu les conditions climatiques extrêmes de cet été, où rien ne poussait, notre demande était de permettre aux agriculteurs de pouvoir ne pas semer entre deux cultures, surtout que cela risque de ne pas pousser. »
Pourtant, la pluie est revenue en Alsace après un été sec. Paul Fritsch, de la coordination rurale, considère que cette mesure est inutile :
« Ils disent que ça prend du temps, que ça coûte et que cela n’améliore pas grand chose. Moi j’ai toujours considéré que planter en automne, c’est très bénéfique car ensuite, les terres sont en meilleur état. »
Les surfaces agricoles occupent une grande partie de la plaine d’Alsace. Photo : Abdesslam Mirdass / Hans Lucas pour Rue89 Strasbourg
Des conséquences pour l’eau difficiles à mesurer
En juin, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) mettait en garde sur ces mesures visant à assouplir les normes environnementales, « au détriment de la durabilité du modèle agricole ». L’hydroécologue Serge Dumont rappelle la situation déjà catastrophique des eaux d’Alsace :
« C’est dramatique, si on ne plante rien, on va accentuer la pollution de la nappe car les produits chimiques seront moins absorbés. 30% des Alsaciens boivent de l’eau avec des normes de pesticides dépassées en métazachlore (Lire notre enquête de cet été, ndlr). C’est un problème d’une part si l’on augmente les surfaces traitées, et d’autre part si on retient moins les nutriments comme l’azote et le phosphore, de même que les centaines de molécules et métabolites. »
Pour Jean-Bernard Lozier, de la Confédération paysanne, les conséquences réelles de ces dérogations restent à mesurer :
« Cela dépend un peu de la météo cet hiver : s’il n’est pas très humide, il n’y aura pas de lame drainante qui emmène les pesticides dans les nappes. Cela ne peut qu’être pire à mon avis, mais pas forcément catastrophique. Souvent, les couverts végétaux sont détruits assez tôt, le 15 novembre, et ne remplissent donc de toute façon pas pleinement leur rôle. Mais quand on a la volonté de semer les couverts végétaux, on peut, agronomiquement c’est intéressant. »
L’Université de Strasbourg et le Syndicat des avocats de France organisent un cycle de tables-rondes sur la souffrance morale au travail. Ouvert à tous, ces rendez-vous visent à améliorer la prise en compte de cette question à travers une approche pluridisciplinaire.
Burn-out, bore-out, de nouveaux mots sont apparus pour décrire certaines souffrances au travail, sans qu’elles relèvent de maladies ou de blessures. Les dégâts sont pourtant bien réels et pour aborder cette question de la souffrance morale au travail, qui touche au droit, à la santé, à la sociologie ainsi qu’à la psychologie, le Syndicat des avocats de France s’est associé à l’Institut du travail de l’Université de Strasbourg, ainsi qu’à plusieurs organismes professionnels pour organiser un cycle de conférences.
Photo : doc remis
L’objectif est de permettre des échanges entre intervenants du monde du travail issus de différentes spécialités (avocats, universitaires, représentants du personnel, managers, médecins du travail, psychologues du travail, etc.). Les cinq tables-rondes sont préparées par les avocates strasbourgeoises Amandine Michaud et Salima Hezzam ainsi que par l’enseignante-chercheure Sabrina Mraouahi de l’Université de Strasbourg.
Acte 1 : La souffrance morale au travail, définition(s) et enjeux, jeudi 13 octobre de 17h à 19h,Acte 2 : La souffrance morale au travail et l’accompagnement dans l’entreprise, jeudi 17 novembre de 17h à 19h,Acte 3 : La souffrance morale au travail et la médecine du travail, jeudi 1er décembre de 17h-19h,Acte 4 : La souffrance morale au travail et le suivi psychologique, en janvier (date à préciser),Acte 5 : La souffrance morale au travail et le droit de la Sécurité sociale, jeudi 2 mars 2023, 17h-19h.
Dans les écoles de Strasbourg, il manque 120 vacataires pour accompagner les enfants à la cantine et les garder en fin de journée. La Ville peine à recruter, les vacataires étant des travailleurs très précaires, ils demandent de meilleures conditions de travail et rémunérations.
À l’école du Neufeld, selon les jours, il manque entre 10 et 19 animateurs périscolaires en cette rentrée 2022 d’après Hülliya Turan (PCF), adjointe à la maire en charge de l’Éducation. « Pour l’instant, il n’y a pas eu d’incident majeur mais les conditions sont réunies », considère Clément (prénom modifié), animateur périscolaire dans cet établissement de Neudorf :
« En élémentaire, chaque classe doit être encadrée par un animateur. En moyenne, une vingtaine d’élèves par classe mange à la cantine. Donc à midi, on se rend à leur salle et jusqu’à 13h50, ils sont sous notre responsabilité. On doit les faire passer à une heure précise à la cantine, s’assurer qu’ils mangent un minimum et les surveiller le reste du temps, parfois proposer des animations. »
La répartition des effectifs se fait à l’échelle des quartiers : le sous-effectif est constaté à Neudorf, à Cronenbourg, à Hautepierre, au centre-ville, au Conseil des quinze ou encore à l’Esplanade, toujours selon l’élue communiste : « En tout, il manque 120 vacataires à Strasbourg. »
Les plannings sont serrés pour que tous les enfants passent à la cantine entre 12h et 14h au Neufeld. Photo : archives Rue89 Strasbourg
« Parfois les enfants doivent manger en 15-20 minutes »
L’école du Neufeld a le plus gros effectif d’enfants qui mangent à la cantine : 500 élèves. Le planning pour les faire manger est donc très serré. « Nous sommes obligés de les faire manger en 15-20 minutes et certains passent après 13h, ils ont faim », détaille Alain (prénom modifié), également animateur périscolaire à l’école du Neufeld. Comme il manque des animateurs, certains doivent prendre en charge deux classes, ce qui double le nombre d’élèves sous leur surveillance.
Il n’y a pas de règle précise concernant le nombre d’enfants par encadrant pour l’accompagnement à la cantine. Dans un accueil de loisir périscolaire, la limite est fixée à un animateur pour 14 enfants de plus de 6 ans, et un animateur pour 10 enfants de moins de 6 ans. La Ville de Strasbourg se fixe l’objectif d’un animateur pour 20 élèves de primaire et d’un animateur pour 10 élèves de maternelle.
Des animateurs périscolaires en manifestation à Strasbourg, le 19 novembre 2021. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg
Un encadrant pour 20 élèves de maternelle
Dans les faits, on est loin du compte vu le manque de personnel. Selon le personnel interrogé, dans de nombreuses écoles de Strasbourg, on peut atteindre un encadrant pour 20 enfants en maternelle et un encadrant pour 30 enfants en primaire. Alain témoigne des conséquences de ce sous-effectif :
« Quand je vais au travail, je sais que ça va être très difficile, qu’il y aura de la tension. On est constamment aux aguets. Lorsqu’il y a un enfant qui tombe et se fait mal, et ça arrive tout le temps, on doit s’occuper de lui mais du coup on ne voit pas les autres. S’il y en a deux en même temps, on doit prioriser. On nous demande de faire attention au harcèlement, aux mises à l’écart mais c’est impossible ! Notre métier, c’est aussi, en théorie, prendre le temps de discuter avec les élèves, de voir s’ils vont bien. Cela peut prendre du temps de nouer le contact avec un enfant, et d’en parler avec ses parents si nécessaire. Je regrette de ne pas pouvoir faire ça. Là nous sommes surtout concentrés sur leur sécurité physique. C’est un beau métier mais nous n’avons pas les moyens de l’exercer. »
« On recrute des gens dont on n’est pas sûrs »
Clément souligne que de nombreux collègues sont très affectés et stressés. « Des animateurs finissent des services en pleurs après des sessions trop intenses. Ils craquent et partent », révèle t-il. Ce sous-effectif est lié à un problème de recrutement. Yannick (prénom modifié), agent de la direction de l’éducation et de l’enfance à l’Eurométropole, explique qu’il est obligé de donner suite à presque n’importe quel CV déposé :
« Avant la crise sanitaire, on avait quelques candidatures et on pouvait faire un choix. Maintenant, on exploite tout ce qui est possible en terme d’annonce : Pôle emploi, les sites étudiants, Facebook… Les gens ne postulent pas. Certains changent d’avis au dernier moment après l’entretien. Il y en a aussi qui ne donnent pas suite à nos sollicitations. Et s’ils commencent à bosser chez nous, ils peuvent partir du jour au lendemain dès qu’ils trouvent mieux. Le métier est trop précaire. Clairement, on recrute des gens dont on n’est pas sûrs, mais il faut absolument mettre des adultes devant les enfants. »
Plus de 500 enfants mangent dans la cantine de cette école chaque midi, ce qui nécessite une organisation précise. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Métier difficile, petite paie
Clément confirme que certaines personnes « ne sont pas du tout à leur place en tant qu’animateurs et peinent à gérer l’encadrement, ce qui pénalise les collègues » : « Cela arrive que certains s’assoient dans la cour et attendent que ça se passe. On ne leur jette pas la pierre, c’est un métier difficile. » Suzanne (prénom modifié), est vacataire dans une école de l’Esplanade. Elle quittera son poste en octobre :
« J’ai halluciné de comme c’était facile d’être prise pour ce job. Ils m’ont posé deux trois questions à l’entretien comme “si un enfant tombe et ne bouge plus, que faites-vous ?” J’ai répondu comme je pensais et c’était bon. Je suis arrivé le premier jour et on ne m’a rien expliqué quasiment, juste “tu les cherches dans cette salle et tu les fais passer à la cantine à telle heure”. Pourtant, les responsabilités sont énormes. Une fois, on m’a dit que le père d’une petite avait une mesure d’éloignement. Je devais surveiller s’il ne venait pas pour l’emmener discrètement. Mais comment réagir s’il était venu ? Je ne suis pas formée pour ça. C’est très stressant, à 14h, on est rincés. »
La paie ne suit pas non plus. Selon Yannick, les vacataires sont rémunérés 9,72 euros nets de l’heure. Avec les vacances scolaires, le nombre de jours travaillés baisse et des animateurs se retrouvent avec seulement 270 euros certains mois. « La rémunération totale peut monter jusqu’à 800 euros si on cumule la cantine avec des heures d’accueil périscolaire le soir », poursuit-il. « Au vu de l’investissement, c’est très insuffisant, on ne peut pas vivre avec ça », souffle Suzanne. Beaucoup cumulent donc un autre métier avec l’animation. « Sans de meilleures conditions de travail et rémunérations, la situation restera critique ou empirera », estime Clément.
L’école du Neufeld à Strasbourg, où il manque entre 10 et 19 animateurs par jour pour accompagner les enfants à la cantine. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
La Ville invoque le manque de budget
Les personnels périscolaires avaient réalisé plusieurs grèves et manifestations au cours de l’année 2021-2022 et avaient constitué le collectif Strasbourg animation en lutte. Noa (prénom modifié) était très impliqué dans la mobilisation et a aujourd’hui quitté son poste :
« Nous demandions à la Ville de titulariser davantage de personnes et d’augmenter notre rémunération. Le but était aussi d’arriver à des taux d’encadrement qui nous auraient permis d’accompagner les enfants. L’idéal pour nous serait d’un animateur pour 8 élèves de moins de 6 ans, et d’un animateur pour 10 enfants de plus de 6 ans. »
Hülliya Turan se dit d’accord avec les revendications mais plaide un manque de fonds du côté de la municipalité :
« Les animateurs périscolaires sont précaires partout en France. Dans l’idéal, bien-sûr, on pourrait payer plus les animateurs et en titulariser davantage mais le budget ne suivrait pas, en raison des restrictions financières imposées par l’État aux collectivités et des dépenses nouvelles liées à la crise énergétique. Nous essayons donc d’agir différemment. Par exemple, nous allons entamer un dialogue avec l’université pour que les étudiants aient des horaires plus compatibles avec l’accompagnement à la cantine. »
Possible retour des fermetures de cantine
Les réponses de la municipalité ne satisfont pas Alain, aussi membre de Strasbourg animation en lutte :
« C’est facile de botter en touche et de dire “on ne peut rien faire, il n’y a pas d’argent”. Les arguments sont toujours les mêmes pour justifier les restrictions budgétaires. C’est toujours une affaire de volonté politique. Il y a des choix budgétaires à faire et nous n’avons aucune prise là-dessus. »
Parallèlement, il estime qu’il est « urgent d’améliorer la convention collective qui régit la rémunération des animateurs, et cela se fait effectivement à l’échelle nationale ». Alain assure que les animateurs périscolaires relanceront les grèves, probablement dés novembre, si la situation ne s’améliore pas. Les fermetures à répétition des cantines qui avaient impacté le quotidien des parents d’élèves l’année dernière, risquent donc de reprendre.
Inauguré en 2020, le bâtiment de Sciences Po voit ses façades reprises en intégralité à cause de malfaçons. Nouvelle facture : 12 millions d’euros, qui s’ajoutent à de très lourds dépassements et font l’objet d’un contentieux entre l’Eurométropole et le fabricant.
Le nouveau bâtiment de Sciences Po Strasbourg est-il maudit ? Espéré dès 2013 lors de la désignation des architectes, « le Cardo » – c’est son nom, n’est pas considéré comme terminé en 2022. Alors que le chantier a démarré en mars 2013, l’Eurométropole de Strasbourg, maître d’œuvre du chantier, a d’abord fait face à un bureau d’études défaillant. Des erreurs de calcul menaçaient de faire s’effondrer la structure. Conséquence : un arrêt total du chantier pendant deux ans à partir de juillet 2014. Pendant ce temps, le bureau d’études mis en cause avait déposé le bilan, compliquant toutes poursuites judiciaires, qui connaissaient leurs propres péripéties. Flouées, les collectivités locales se sont résolues à régler l’ardoise. Elles ont ajouté 16,5 millions aux 52,1 millions déjà prévus pour reprendre le chantier et dans l’espoir d’ouvrir à la rentrée 2019. Enfin opérationnel en février 2020, le bâtiment n’accueille pas longtemps ses occupants, le confinement étant imposé en mars.
Problèmes d’étanchéité et d’isolation
Mais depuis mi-septembre 2022, des ouvriers du bâtiment interviennent de nouveau sur l’édifice, longtemps désigné par le sigle PAPS-PCPI, (Pôle d’Administration Publique de Strasbourg et Pôle de Compétence en Propriété Intellectuelle). L’établissement regroupe cinq formations et instituts universitaires. Et il ne s’agit pas de simples retouches ! L’opération en cours consiste à démonter et remonter toutes les façades du jeune bâtiment. Depuis son achèvement, l’Eurométropole a en effet détecté des « performances énergétiques non-atteintes » et des problèmes « d’infiltration d’eau ». Coût de cette nouvelle opération : 12 millions d’euros !
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74 médias indépendants et organisations de journalistes s’indignent de la décision de justice obtenue par le milliardaire Patrick Drahi et son groupe Altice contre Reflets-info. Au nom du secret des affaires, il est décidé par le tribunal de commerce de Nanterre d’une censure préalable de toute information susceptible d’être publiée sur ce groupe. Du jamais vu qui ne doit jamais se revoir.
Pilier de la République, la loi de 1881 sur la liberté de la presse proclame en son article 1 : « L’imprimerie et la librairie sont libres ». C’est ce principe fondamental que le tribunal de commerce de Nanterre vient de violer, saisi en référé par le groupe Altice, basé au Luxembourg et propriété du milliardaire Patrick Drahi.
Dans une décision rendue jeudi 6 octobre, le tribunal de commerce de Nanterre condamne le média indépendant d’investigation Reflets-info, spécialisé dans les enquêtes sur le numérique, les données open source et les fuites de documents, à verser 4 500 euros au groupe de Patrick Drahi. Surtout, il lui « ordonne de ne pas publier sur le site de son journal en ligne de nouvelles informations » sur Altice (lire ici l’ordonnance de référé).
Un tribunal de commerce installe ainsi une censure a priori d’articles même pas publiés ! Dit autrement, il s’agit d’une interdiction professionnelle. C’est un effarant retour à l’Ancien Régime qui ne peut que rappeler le rétablissement de l’autorisation préalable de publication par le roi Charles X en juillet 1830. Cela provoquera la révolution des « Trois glorieuses » et sa chute…
Fuite interne, punition collective
Le groupe Altice a poursuivi Reflets-info pour une série d’articles réalisés à partir d’informations issues d’une fuite de plusieurs centaines de milliers de documents internes au groupe et mis en ligne sur le web au mois d’août. On y découvre, entre autres, le train de vie somptuaire de Patrick Drahi et de sa famille, dont l’usage immodéré de jets privés (le détail est à lire ici). Altice estime qu’il s’agit d’une violation du secret des affaires quand nos confrères précisent qu’il ne s’agit là que d’informations d’intérêt général.
La décision liberticide du tribunal de commerce de Nanterre s’appuie sur la loi de 2018 protégeant le secret des affaires, alors défendue par Emmanuel Macron malgré les critiques de toutes les organisations, syndicats de journalistes et syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil). Cette loi permet de contourner la loi sur la presse de 1881, ce qu’a fait Altice en saisissant le tribunal de commerce de Nanterre.
Censure d’hypothétiques articles
Mais ce tribunal va plus loin encore, en jugeant que s’il n’y a pas à ce stade « de violation du secret des affaires », celle-ci pourrait survenir si les publications se poursuivaient! Face à ce « danger imminent », mais hypothétique, la censure préalable est donc décidée et l’interdiction de publier édictée.
Dans ces outrances et incohérences – nos confrères de Reflets-Info ont annoncé faire appel -, le tribunal de commerce confirme les dangers majeurs pour l’information que porte la loi de 2018 sur le secret des affaires. Si sa décision venait à prospérer, c’est toute l’investigation économique qui pourrait disparaître. Impossible alors d’informer le public d’affaires telles que les Panama Papers, les Lux Leaks, les Malta Files, les Football Leaks, les Uber Files qui ont révélé d’immenses scandales d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Impossible d’enquêter sur la dette EDF, sur les filiales offshore de Bernard Arnault et LVMH, sur l’empire africain de Vincent Bolloré.
Le procès-bâillon intenté par Altice et son propriétaire Patrick Drahi à nos confrères de Reflets-Info frappe durement un média indépendant fragile financièrement. Il ruine le principe démocratique d’une presse libre et indépendante. Au moment où le pouvoir annonce des « états généraux sur le droit à l’information », nous, médias indépendants, demandons que le gouvernement se saisisse d’urgence de cette question.
D’abord en vidant la loi de 2018 sur le secret des affaires de toutes ses dispositions contraires à la liberté d’informer. Elle est une nouvelle attaque contre le journalisme, après les atteintes répétées au secret des sources et la loi séparatisme.
Ensuite, en légiférant pour que la loi de 1881 ne puisse plus être contournée et que les procédures bâillon soient sévèrement sanctionnées. Le débat sur le droit à l’information est légitime. Il ne doit être mené que dans le cadre d’une loi et d’une seule, celle de 1881. Nous redisons notre pleine solidarité à nos confrères de Reflets-info.
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
Des collectifs d’aide aux sans-abris demandent à la municipalité écologiste de contourner la préfecture, pourtant en charge de l’hébergement d’urgence. La collectivité tente d’établir des partenariats mais les dispositifs tardent à être fonctionnels et risquent de ne pas suffire à répondre à la demande. En région parisienne, la Ville de Montreuil a mis en place plusieurs politiques pour réduire le nombre de personnes à la rue.
La tension liée au sans-abrisme augmente dans la capitale alsacienne, où de nombreux campements sont apparus ces derniers mois. Très visible, celui de la place de l’Étoile face au centre administratif capte le plus d’attention, mais d’autres, plus petits, se sont formés ailleurs dans la ville. L’État a pourtant, en théorie, l’obligation légale de proposer un hébergement d’urgence à toute personne vulnérable qui le demande, quelle que soit sa situation administrative. Des collectifs et associations militantes demandent à la municipalité écologiste, élue à Strasbourg en 2020, d’endosser cette responsabilité à la place de l’État et de réquisitionner ou mettre à disposition des bâtiments pour les sans-abris.
Trouver des financements autres que la préfecture
Une demande à laquelle la municipalité répond que son budget n’est pas prévu pour ça. Elle a tout de même créé 500 places (les 100 dernières sont en cours d’attribution) avec l’Eurométropole. Lors du mandat précédent, le maire Roland Ries (PS, passé chez LREM) avait accepté de créer 100 places à la mi-mandat, suite aux réclamations de Syamak Agha Babaei (Strasbourg écologiste et citoyenne), devenu premier adjoint de Jeanne Barseghian (EE-LV), la maire de Strasbourg.
Concrètement, de quels leviers d’action dispose une municipalité pour loger les sans-abris ? Pour la Ville de Montreuil (majorité communiste), située dans l’est parisien, un responsable du service communication donne des éléments de réponse :
« Ce dont disposent les municipalités, c’est du foncier. Il est envisageable de proposer des bâtiments, même provisoirement. À Montreuil, nous avons par exemple cédé, à un prix très bas, un immeuble à Caritas Habitat pour créer un centre d’hébergement d’urgence. Il a ouvert ses portes en mai 2022 et accueille aujourd’hui 60 personnes. Outre le bâti, il faut payer l’accompagnement social, le fonctionnement de la structure. Là, les financeurs sont la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement, Caritas Habitat, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat et la Banque Postale. Tout la difficulté consiste à nouer des partenariats. »
Ce type de montage financier permet de ne pas dépendre de la préfecture. « Mais c’est beaucoup d’effort pour loger quelques dizaines de personnes. Comparé au nombre de sans-abris à loger, c’est dérisoire. Vues les échelles, on ne peut pas entièrement se passer de l’État », poursuit-on à la mairie de Montreuil.
Pour les élus municipaux strasbourgeois, investir trois millions d’euros pour créer 500 places d’hébergement est un gros effort. Le budget total de la Ville de Strasbourg est d’environ 417 millions d’euros et la situation financière de la collectivité se complique avec la crise énergétique. À titre de comparaison, la préfecture consacrait 49 millions d’euros en 2021 pour 10 000 places d’hébergement dans le Bas-Rhin.
Le 16 septembre, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, a mis à disposition un gymnase pour les sans-abris du camp de l’Étoile. Beaucoup avaient peur que la police aux frontières intervienne dedans ou que la préfecture les incite à retourner dans leur pays d’origine. Ils sont donc restés dans leurs tentes. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Des dispositifs prévus en 2023
« On fait avec les moyens qu’on a, et bien-sûr ce n’est pas à la hauteur de l’urgence. Nous ne pourrons jamais nous substituer à l’État », estime Floriane Varieras, adjointe à la maire de Strasbourg en charge des solidarités. Elle liste les futures actions que la Ville compte mettre en œuvre :
« Nous avons réalisé un inventaire des bâtiments dans lesquels il serait possible de loger des sans-abris, sans nécessiter trop de travaux pour la mise aux normes. En décembre, nous communiquerons sur les résultats finaux de cette étude. Ainsi le foyer du jeune homme, avenue Jean Jaurès, accueillera 20 à 25 personnes isolées d’ici cet hiver. En 2023 et 2024, nous mettrons à disposition trois autres sites pour loger plusieurs centaines de personnes supplémentaires. Les montages financiers pour les investissements et le fonctionnement des structures sont encore à déterminer, mais nous souhaitons collaborer notamment avec la préfecture. »
L’hôtel de la rue, un hébergement d’urgence à bas coût
Véronique Brom était membre de l’association La Roue Tourne, association gérante de l’Hôtel de la rue. Ce squat reconverti en lieu d’hébergement d’urgence temporaire grâce à une convention d’occupation a accueilli entre 150 et 200 personnes à bas coût de août 2019 à septembre 2021. Véronique Brom estime que l’hébergement intercalaire, soit le fait d’investir des bâtiments entre deux phases d’utilisation, peut être une solution :
« Certains locaux restent vides plusieurs années. Une petite mise aux normes et les charges peuvent être payées par la collectivité, ça ne représente pas grand chose vu le nombre de personnes bénéficiaires. On ne peut pas refaire l’Hôtel de la rue, il y avait des problèmes de sécurité. Mais on peut s’en inspirer. On peut imaginer d’aller chercher des fonds européens gérés par la Région, récemment débloqués pour la lutte contre le sans-abrisme. Ces nouveaux dispositifs ne sont pas encore entrés dans la culture des acteurs locaux. »
De nombreuses personnes sont déboutées du droit d’asile alors qu’elles font partie de minorités stigmatisées, parfois persécutées. C’est le cas de nombreux roms du camp de l’Étoile en provenance de Macédoine. Certains déclarent être menacés de mort dans leur pays d’origine. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
« Les outils juridiques existent »
D’après Floriane Varieras, pour l’Hôtel de la Rue, la Ville a dû payer environ 150 000 euros pour les charges et une subvention à Caritas, qui est intervenu sur place. Véronique Étienne, directrice de l’agence Grand Est de la fondation Abbé Pierre, affirme que « de nombreux outils juridiques existent » :
« La loi Mobilisation pour le logement de 2009 encadre la mise à disposition de bâtiments, publics comme privés, pour un opérateur et les conventions d’occupation. Reste à monter les projets. Les contraintes sécuritaires existent mais les coûts peuvent être limités pour les respecter. Tout dépend du site. La régularisation du refuge des oubliés (un ancien squat à la Robertsau, NDLR) avait juste nécessité de petits travaux sur les circuits électriques et le chauffage. »
La Ville de Montreuil a internalisé de nombreux corps de métier. Des électriciens ou des plombiers sont des agents de la Ville : « Cela facilite beaucoup les petites interventions sur des bâtiments, c’est un atout non négligeable. La sous-traitance rend les processus plus longs et plus chers », évoque la municipalité francilienne.
Les immeubles HLM en instance de démolition
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement, pointe par exemple les nombreux appartements du parc social vides et en attente de démolition. Une phase qui peut durer plusieurs années. « Ils peuvent aussi représenter une solution temporaire », analyse-t-il. « C’est clairement quelque chose qu’on négocie », dévoile Floriane Varieras :
« Les bailleurs sociaux craignent de ne pas pouvoir démolir les bâtiments à la date prévue, car le programme du renouvellement urbain est serré. Pour l’instant, aucun projet n’est prévu mais c’est possible à moyen et long terme. »
Jean-Baptiste Roussat est membre de Caracol, une association qui crée justement des colocations sociales dans des immeubles en instance de démolition :
« Nous devons beaucoup travailler pour que les riverains et les anciens locataires acceptent cette situation. Ces derniers doivent partir et ils voient arriver de nouvelles personnes juste après. Ils peuvent se sentir lésés. Mais grâce à de la médiation, ils comprennent. La période est bien définie à l’avance, ce qui rassure aussi les bailleurs. C’est ainsi que nous avons lancé une colocation de 36 habitants rue Watteau à l’Elsau en septembre 2021. Elle durera jusqu’en mars 2023. Ensuite, l’immeuble sera détruit. »
Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin, assume de trier les sans-abris en fonction de leur situation administrative et d’en diriger certains vers des centres d’aide au retour. Photo : GK / Rue89 Strasbourg
La réquisition de bâtiment par le maire
Des militants sont d’avis que la Ville de Strasbourg pourrait réquisitionner des bâtiments vacants. Le pouvoir de police des maires leur confère ce droit, mais ils doivent justifier d’une situation d’urgence. En 2019, Montreuil a réquisitionné un bâtiment vide appartenant à l’État pour y loger des migrants qui vivaient dans un foyer insalubre. Une manière de gagner du temps, détaille-t-on du côté de la municipalité de l’Est parisien :
« Nous avons perdu devant le tribunal administratif qui a annulé notre arrêté de réquisition, mais nous assumons cette action radicale face à des situations intenables, et le temps que le tribunal juge, cela a fourni une solution de logement pendant quelques mois pour ces familles. »
Ainsi, la Ville de Strasbourg aurait le pouvoir de réquisitionner un bâtiment qui ne lui appartient pas, mais le tribunal administratif annulerait très probablement l’arrêté tôt ou tard. La problématique du financement reste donc la même qu’ailleurs et la durée de l’occupation est plus incertaine. De plus, la Ville prend un risque juridique et pour son image.
Pour certaines personnes, « la seule solution est le squat »
Jean-Baptiste Eyraud, de l’association Droit au logement, prône aussi la « réquisition citoyenne, le squat, lorsque les pouvoirs publics sont déficients ». « Malheureusement, cela devient la seule solution parfois », considère t-il. À Montreuil, la Ville assume une grande tolérance vis à vis des squats :
« Quand des personnes occupent des bâtiments municipaux, nous n’expulsons pas, à part si les personnes ne sont pas en sécurité. Il y a 40 à 50 propriétés de la Ville squattées à Montreuil. »
À Strasbourg, Ophéa est bien moins tolérant. Le bailleur social de la Ville a mandaté des vigiles cet été pour bloquer l’entrée de squatteurs s’ils sortaient d’un bâtiment occupé en instance de démolition rue de Provence à la Meinau.
Nouveau durcissement de la politique d’accueil prévu cet automne
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin prépare une nouvelle loi asile immigration, qui devrait durcir les conditions d’accès à certains titres de séjour et simplifier les reconduites à la frontière. Elle devrait être adoptée, avec les votes probables des députés Les Républicains et Rassemblement National en plus de ceux de la majorité. La position assumée par la préfecture depuis l’évacuation du camp de Montagne verte en septembre 2021 est de ne loger que les personnes en cours de demande d’asile, avec un titre de séjour, ou tout simplement des papiers français, donc en « situation régulière ».
Mais même ces dernières restent souvent sans solution d’hébergement. Les déboutés du droit d’asile sont envoyés à Bouxwiller dans un centre où ils sont incités à retourner dans leur pays d’origine. De nombreuses personnes qui vivent aujourd’hui au camp de l’Étoile ont déjà vécu cette expérience. Elles refusent catégoriquement d’être conduites à leur point de départ. Beaucoup témoignent y être « persécutées ou menacées de mort », et préfèrent dormir dehors en France.
« C’est donc principalement pour loger les personnes en situation administrative irrégulière qu’il s’agit de court-circuiter la préfecture et de trouver d’autres financements », estime Anne-Véronique Auzet, ancienne présidente de La Roue Tourne, qui encadrait le squat de l’Hôtel de la rue : « Les seules solutions pour elles sont les ouvertures de structures non financées par la préfecture, ou les squats. » Autrement dit, la Ville peut continuer à inciter la préfecture à loger toutes les personnes en situation régulière tout en trouvant des solutions pour les autres, en espérant qu’ils ne soient pas trop nombreux.
Le parcours étonnamment sobre de Reliques des jours, l’exposition personnelle d’Anaïs Boudot, ouvre la saison 22/23 de la galerie. Sans volonté de sensationnalisme dans leurs sujets, les images de l’artiste convoquent la plasticité de la matière photographique et sa capacité mémorielle. Point remarquable de cette exposition, la présentation de sa série Les Oubliées, une déclaration pour la visibilisation des femmes.
Aux murs de La Filature à Mulhouse sont accrochées des photographies qui brouillent la distinction entre argentique et numérique par la texture qui s’en dégage. L’auteure des clichés, Anaïs Boudot, trouble cette frontière dans une exposition préparée par Smith et Nadège Piton, artiste-chercheur et performeuse réunis pour ce projet.
Sans prise de risque scénographique, toutes les œuvres sont à la hauteur du regard. Le rythme est permis grâce aux différents formats d’images et par l’alternance du noir et du blanc avec l’or. Nombreuses sont les pièces de cette exposition à être des orotones, ces épreuves doublées d’or à la brillance si spécifique.
Si les sujets des clichés varient, les travaux de l’artiste sont reliés entre eux par son attachement aux modes d’apparition des images et par la question de leur statut, entre documents et œuvres d’art. Au-delà de la composition du cliché, le support qui le fait exister a sa propre importance dans le travail final. En artisane de ses photographies, Anaïs Boudot les modèle de ses gestes.
Vue d’exposition, séries La Noche Obscura et Jour et OmbrePhoto : Maïta Stébé
Des techniques anciennes sans être anachroniques
La pratique photographique d’Anaïs Boudot ne se résume pas au moment de la prise de vue. Au contraire de « l’instant décisif » cher à Henri Cartier-Bresson, l’artiste étire le temps de ses images par des expérimentations sur la matière. Ses œuvres renvoient au passé des techniques photographiques, dont il serait hâtif de désigner la réutilisation contemporaine comme désuète. Si la photographie numérique a des avantages techniques indéniables, l’artisanat argentique convoque d’autres imaginaires. Parmi ceux-ci, le savoir-faire optico-chimique, la tactilité, ou encore la fragilité.
Herbier, l’une des deux projections présentées dans l’exposition, prend la forme d’un diaporama montrant la fusion de chimies et d’éléments végétaux. Un simple dédoublement numérique les transforme en des figures de Rorschach, ce test psychologique aux tâches d’encre. Cette collection de diverses espèces de plantes, baignée de fluides réactifs, fait écho aux célèbres herbiers réalisés par Anna Atkins au XIXe siècle. Grâce à la technique par contact du cyanotype, les silhouettes des espèces végétales y étaient imprimées dans le bleu cyan qui donne ce nom à la technique.
Support mémoire numérique ou galerie portable ?
Rappelant les prémices de la photographie et ses chambres (appareils de grand format à soufflets), Anaïs Boudot utilise des plaques de verre préalablement enduites de gélatine photosensible. Rien d’archaïque non plus dans l’utilisation de ce procédé, car les images migrent de support en support, en passant par un état numérique.
Dans la série Jour le Jour, des images extraites de la galerie du téléphone de l’artiste sont tirées sur des plaques de verre, découpées selon la forme d’écrans de smartphones. Bribes de vie, pages de livres, captures d’écrans, plusieurs natures d’images cohabitent. Habituellement hiérarchisées entre elles, classées selon leur valeur esthétique et l’intention qui les a portées, elles sont ici remises au même niveau, celui d’une annexe de la mémoire. Qui n’a jamais utilisé la caméra de son smartphone en tant que bloc-note visuel ? Sans jugement de valeur, l’artiste considère ces clichés comme des objets dignes d’intérêt.
Chez Anaïs Boudot, le risque d’une nostalgie stagnante, liée à son travail des techniques anté-numériques, est contré par la fluidité de ses images. Voyageant de pixels en grains d’argent, elles parviennent à s’extraire de leur contexte d’origine pour résonner différemment.
Vue d’exposition, série Jour le Jour et The LakePhoto : Maïta Stébé
Autre série, autre ambiance. À l’inverse d’une intrusion du numérique dans l’argentique, les apparentes solarisations (perturbations de l’image lors du tirage qui bousculent les ombres et les blancs) des architectures rurales et éléments végétaux de Jour et Ombre sont uniquement le résultat du maniement d’un logiciel de retouche. L’obscurité présente dans le cadre rejoint celle qui entoure le décodage de cette série. Dans un style documentaire, semblable à un catalogue immobilier alternatif, on y comprend la mise en avant de ce qui est humble. Ce qui n’apparaît pas spectaculaire au premier abord, devient le centre de l’attention : des bâtisses de fermes, des tas de bois, etc. Formant par leur ciel noir des scènes presque oniriques (ou cauchemardesques selon le point de vue), ces images laissent une indépendance dans leur compréhension. Pure contemplation formelle ou œuvre manifeste en faveur de la légitimation esthétique de la ruralité, on hésite encore.
La nécessité d’une attention particulière
Si la force de cette exposition ne se trouve pas dans une scénographie particulièrement audacieuse, on se console à travers les fragments de surprise qui émergent des œuvres. Il faut se rapprocher, regarder en détail, prendre son temps pour déceler les signes du geste de l’artiste dans les objets photographiques présentés. Dans ces petits accidents, traces de pinceaux ou autres aspérités de la gélatine, se niche toute la sensorialité de ces pièces.
Quelques autres évènements interviennent dans le parcours et enrichissent l’expérience. Dans l’air ambiant, une effluve mimant l’association du végétal et du minéral, comme sur les pierres mousseuses que l’on devine dans la série Jour et Ombre. Une fiction poétique écrite par Hélène Giannecchini est discrètement soufflé. Sans en avoir tout de suite les airs, ce texte tisse des liens entre les images, formant un fil qui les replace dans un même récit. Dommage que ces mots n’accompagnent pas tout au long de l’exposition.
Le défi proposé à l’observation des spectateurs et des spectatrices se manifeste tout particulièrement dans la projection qui termine le parcours de l’exposition, The Lake. Face à ce plan apparemment fixe d’une étendue d’eau, il faut se concentrer quelque temps pour apercevoir les modulations du paysage. À la manière d’un morphing (un fondu d’image à une autre), les photographies défilent lentement, se mélangent et font advenir le changement d’aspect du lac d’une manière qui nous est presque imperceptible. Associée à cette œuvre vidéographique, une musique éponyme de Victoria Lukas, hypnotisante et répétitive, renforce cette sensation d’une scène qui s’échappe, étrange. Et là encore, servant d’écran de projection, l’or est présent.
Anaïs Boudot, pièces issues de la série Jour le JourPhoto : Maïta Stébé
Déstructurer l’image pour réhabiliter les muses
Chargée d’une symbolique plus qu’actuelle, la série Les Oubliées qui ouvre l’exposition, mérite d’être remarquée. Les photographies en négatif donnent à voir des portraits féminins, distinctement marqués par des interventions humaines : coupures, pliures, collages. Tour de force technique dans la minutie requise par le procédé. Ces images sont des agrandissements de plaques de verre anonymes de la première moitié du XXe siècle, qu’Anaïs Boudot s’est appropriée. Inspiré de l’œuvre picturale sur plaques de verre de Pablo Picasso, ce travail l’est tout autant de la mise en lumière de ses agissements toxiques. Car le peintre star, par son comportement destructeur, a étouffé l’indépendance et les carrières artistiques des femmes qui ont partagé sa vie. Parmi celles-ci, Marie-Thérèse Walter, que l’on retrouve sur un écran de la série Jour le Jour (image ci-dessus). Dans Les Oubliées, les visages sont recomposés sinon éclatés et des fractures réarrangent les compositions. Les images sont porteuses de stigmates qui font écho à ceux bien réels des oubliées de l’Histoire de l’art. En usant de silhouettes d’anonymes sur lesquelles nous pouvons projeter de multiples spéculations, Anaïs Boudot insiste sur la position ambivalente de la muse, figure admirée mais passive qui peut masquer le travail d’une vie.
Reliques des jours est une incursion de la mémoire dans le présent. L’exposition navigue habilement dans la matière des images, de même qu’à travers la charge symbolique qu’elles portent. Le caractère tactile qui se dégage du traitement des œuvres aurait mérité un accrochage moins conventionnel. Une présentation qui aurait souligné l’intimité de l’artiste vis-à-vis de ses supports, mais aussi celle naissante entre le public et les objets photographiques d’Anaïs Boudot.
Anaïs Boudot, image issue de la série Les OubliéesPhoto : doc remis
La plupart des policiers de la police judiciaire de Strasbourg ont brièvement manifesté vendredi contre l’éviction d’un de leurs chefs, dont les troupes s’étaient fortement mobilisées contre une réforme en cours. Des manifestations similaires ont eu lieu dans d’autres commissariats de France.
Une quarantaine de policiers de la police judiciaire (PJ) se sont rassemblés vendredi vers 16h sur le parvis de l’Hôtel de police de Strasbourg. Masques sur le visage, mentions « police judiciaire » barrées, ils ont protesté contre l’éviction d’un de leurs chefs, Éric Arella, directeur zonal de la PJ pour tout le bassin méditerranéen.
Les policiers ont reproduit la « haie du déshonneur » de la veille à Marseille avec des feuilles indiquant « Soutien total à M. Arella » Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Si ce limogeage a choqué les policiers enquêteurs, c’est parce qu’il intervient en punition après la visite humiliante jeudi à Marseille du directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux. Ce dernier a été accueilli par une « haie du déshonneur » par les policiers marseillais, en raison d’une réforme de la police qui vise à fondre les effectifs de la PJ et de la Police aux frontières avec ceux de la Sûreté publique. Une réforme dont les officiers de police judiciaire ne veulent pas entendre parler. Ils ont créé en août une Association française de la police judiciaire (AFPJ), en dehors de tout cadre syndical, afin de coordonner la résistance à cette réforme.
Les policiers estiment que l’existence de la police judiciaire est menacée par une réforme en cours Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Un gradé de la PJ strasbourgeoise est remonté :
« C’est quoi cette histoire ? On ne peut plus exprimer un désaccord sur une réforme qui va nous concerner au premier chef et dont on sait qu’elle aura des effets dévastateurs pour nos métiers, c’est ça ? Le ministre de l’Intérieur et le DGPN voulaient nous faire peur, on leur montre avec cette démonstration que nous n’avons pas peur et qu’en plus maintenant nous sommes en colère. »
Le mouvement d’opposition s’est structuré en dehors des syndicats de policiers Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Les personnels dédiés à la police judiciaire, environ 5 000 en France, craignent surtout d’être absorbés dans la masse des 140 000 policiers français dont la vaste majorité sont affectés à la sûreté publique. Le même gradé strasbourgeois détaille :
« Ce qui est en jeu, c’est la perte de nos spécialités en tant qu’enquêteurs. La police judiciaire, c’est toute une somme de métiers spécialisés, sur le crime organisé, sur le terrorisme par exemple, qui vont se perdre parce qu’on manquera toujours de personnels pour l’ordre public. »
Les craintes des policiers enquêteurs sont soutenues par une partie des magistrats, et notamment par ceux qui travaillent avec la PJ (procureurs, juges d’instruction…). Ils sont aussi soutenus par les syndicats de policiers, qui tentent de se raccrocher à la contestation. Xavier Dupin, secrétaire départemental d’Unité SGP Police, indique « soutenir les collègues. La méthodologie utilisée jusqu’ici par la direction générale pour faire avancer cette réforme, qui consiste à ne rien entendre de la base, ne peut pas continuer. »
Les policiers mobilisés ont prévu de mener d’autres actions visibles pour alerter et empêcher que cette réforme n’aille à son terme.
Elle était annoncée, la hausse de la taxe foncière s’est affichée sur les avis envoyés aux propriétaires de l’Eurométropole. Résultat : +10 à 20% selon les communes et des réactions variables des contribuables.
En septembre, les avis d’imposition reçus par les habitants intégrant cette augmentation de la part intercommunale, de 300 à 315%, sont arrivés chez les habitants propriétaires de l’Eurométropole. Certains ont bien voulu transmettre à Rue89 Strasbourg leurs documents fiscaux. La part intercommunale est souvent passée d’une quinzaine d’euros à plus de soixante, ou d’une cinquantaine à plus de 200€… Quant aux montants totaux de 2022, ils sont tous supérieurs de 10 à 22% aux montants de 2021.
Cumul à Schiltigheim
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Le site d’arnaques qui propose des réductions sur les vélos est à nouveau en ligne, avec une nouvelle adresse fictive dans le Haut-Rhin.
Le mardi 28 septembre, Rue89 Strasbourg publiait un article sur le site « Mon Vélo France » officiellement situé dans une rue de la Krutenau, mais qui n’existait pas. Derrière des promotions alléchantes, se cachaient en fait un site d’arnaques.
Le lendemain de la parution de notre article, le site était désactivé et mis hors ligne. Ce vendredi 7 octobre, mon-velofrance.com est de nouveau accessible. Pas d’adresse à Strasbourg cette fois-ci, mais à Mulhouse. Au 59 rue du Sauvage, c’est pourtant une boutique Naf Naf qui décroche. Et ses voisins du centre-ville sont d’autres boutiques d’habillement, pas de vélo.
Photo de la page d’accueil de « Mon Vélo France » en octobre 2022, après la remise en ligne. Photo : Capture d’écran
La société désormais immatriculée au Royaume-Uni
Avec sa nouvelle adresse, la « boutique » de vélo qui n’existe pas n’a aucun avis sur Google. Alors que les commentaires sur le précédent « magasin » fictif faisaient part d’arnaques. « Mon Vélo France » est également référencé depuis 2021 sur signal-arnaques.
Dans les mentions légales, le site et le magasin sont désormais présentés comme une filiale française d’un établissement immatriculé au Royaume-Uni. Jusqu’à la fin septembre, « Mon vélo France » usurpait l’identité d’une boutique de vélo à Six-Fours-Les-Plages, à côté de Toulon. À Rue89 Strasbourg, son gérant Frank Rinaudo prédisait : « De toute façon, le jour où la police fermera le site, ces escrocs en ouvriront un autre. » Au moins, son téléphone ne devrait plus sonner pour recueillir les plaintes d’internautes escroqués.
En grève, près de 200 Bas-rhinois du secteur de la petite enfance sont rassemblés, place de l’Etoile à l’occasion de l’appel national du collectif : « Pas de bébé à la consigne ». Leurs revendications : des mesures immédiates contre la pénurie de personnel, et surtout, le retrait de l’arrêté ministériel adopté cet été, qui autorise l’embauche de non-diplômés dans les crèches. Une possibilité déjà utilisée dans certains établissements à Strasbourg.
8h40, Anaïs, emmitouflée dans sa robe de chambre noire, s’avance avec ses deux jumeaux vers l’entrée de la Maison de la petite enfance du Neuhof (MPEN). “Vous pouvez aller voir s’il est possible de laisser vos enfants, mais je crois que vous allez faire un aller-retour”, lui annonce, avec la plus grande délicatesse, Nathalie, postée devant la porte.
Les jours précédents, cette éducatrice a informé les parents du mouvement de grève, mais Anaïs, comme de nombreux autres parents, espère pouvoir confier ses enfants, car elle doit filer travailler. Elle est serveuse dans un bar, elle commence à 10h. Quelques minutes plus tard, elle ressort, excédée, ses deux petits à la main. Elle ne comprend pas, des enfants sont pourtant à l’intérieur. Ce matin, sur les douze employées qui s’occupent des soixante enfants inscrits à la structure, seuls trois sont présentes. Les autres étant grève, seuls les premiers enfants arrivés ont pu être accueillis.
En grève, les éducatrices de la Maison de la petite enfance du Neuhof, les éducatrices, Nathalie, (à gauche), et Marjorie, (à droite), ont décidé de tout de même sensibiliser les parents. Photo : AF / Rue89 Strasbourg
Le soutien des parents
La colère fait place à l’interrogation, et Nathalie, venue exprès avec trois autres collègues pour sensibiliser les parents, explique :
« Depuis la rentrée, les crèches peuvent employer des personnes sans formation. En plus, elles sont payées comme les accueillantes éducatives qui ont un CAP et touchent le Smic, et juste un peu moins que les auxiliaires de puériculture qui ont la responsabilité de prendre la température ou donner des médicaments. »
Une nouvelle que les parents ne voient pas d’un bon oeil. Adel, bloqué à l’entrée, sa fille dans les bras, soutient le mouvement, et se demande : « En cas de pépin, ces personnes auront-elles les bons gestes ? Surtout qu’avec des enfants aussi petits, il faut redoubler d’attention. » Le comité d’accueil du jour ne peut le rassurer.
Adel et sa fille sont repartis à la maison, pour une journée de télétravail. Photo : AF / Rue89 Strasbourg Des parents ont accepté et compris les enjeux de la mobilisation. Photo : AF / Rue89 Strasbourg
Jusqu’à 9h30, le balai des parents continue. Certains font du forcing. Pour beaucoup, il va falloir trouver une solution. Face aux parents, Evelyne, l’infirmière de la MPEN, les invite à appeler l’Association de gestion des équipements sociaux (Ages), qui gère la structure, et la Ville de Strasbourg pour faire part de leur mécontentement. Si les parents s’y mettent, peut-être que des mesures seront prises espère le personnel mobilisé.
Abaisser les exigences face à la pénurie de professionnels
Le recours à des personnes sans diplôme a commencé officieusement, l’année dernière, l’arrêté ministériel de fin août, l’a officialisé. La raison : une pénurie de professionnels qualifiés partout en France. « Rien qu’à la MPEN, l’année passée, seize personnes sont entrées et sorties, et huit, en CDI ont donné leur démission », détaille Evelyne. Elle connait les chiffres et les visages, à la rentrée, sur le panneau des anniversaires, c’est qui elle a enlevé les photos des collègues absentes.
D’après Marjorie, éducatrice au Lieu d’accueil parent-enfant (Lape), rattaché à la crèche du Neuhof, la pénurie a commencé en 2020, après la crise du Covid. « À ce moment, je travaillais à la crèche. À plusieurs, nous nous sommes formées à la pédagogie par la nature, j’ai vu mes collègues partir les unes après les autres, nous n’avons rien pu mettre en place. » Dépitée, elle a décidé de rejoindre le Lape, dans l’espoir de déployer cette nouvelle compétence.
Sa binôme au Lape, justement, Chloé, a tenu à participer à la grève aujourd’hui, car elle aussi voit la situation se dégrader :
« L’année passée, on nous a demandé de remplacer les absentes en section, le temps de trouver de nouvelles recrues, alors que nous sommes là pour accueillir les familles au Lape. »
Chloé (à g.) et Marjorie (à d.) sont éducatrices au Lape, L’îlot familles. Photo : AF / Rue89 Strasbourg
La faible rémunération, le Smic en début de carrière et moins de 2 000 euros après 30 ans d’ancienneté, y est certainement pour quelque chose, d’après Marjorie, 30 ans :
« J’ai l’impression que jusqu’à présent, les filles restaient dans les crèches, car elles aimaient l’ambiance, le projet d’équipe. Maintenant, dès qu’elles trouvent un salaire un peu meilleur ailleurs, elles partent. Par exemple, une auxiliaire de puériculture gagne 500€ nets de plus à l’hôpital. Et puis, dans les crèches, nous ne bénéficions pas de la prime Ségur de 183€, accordée à certains travailleurs sociaux et médico-sociaux. »
Les salariés convergent place de l’Étoile
Après un petit café et un croissant, les quatre employées se mettent en route pour prendre le tram. À 10h, elles ont rendez-vous place de l’Étoile, pour retrouver d’autres professionnels de la petite enfance du département mobilisés.
De derrière ses lunettes, Evelyne guette les stations. Elle se rappelle quand elle a manifester la dernière fois, à Paris. C’était en janvier 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo. À cette époque, elle habitait au Luxembourg, elle ne voulait pas rater ce moment. Aujourd’hui, il y aura bien moins de monde, mais le déplacement est tout aussi important à ses yeux pour améliorer le précieux service qu’elle propose.
« On fait comme si tout allait bien, mais non, ça ne va pas »
Cette brune aux cheveux courts, pleine d’énergie, a d’abord travaillé sept ans en service hospitalier de pédiatrie, avant de rejoindre la crèche du Neuhof en 2021. Elle supervise le groupe des bébés, aux côtés d’une auxiliaire de puériculture, une accueillante éducative, et désormais d’une personne sans diplôme :
« Je ne leur en veux pas à ces personnes non qualifiées, mais le souci, c’est que c’est à nous de les former, en interne. Cela nous prend trois jours, alors qu’elles ne restent souvent que 10 ou 15 jours, car elles ont des contrats de courte durée. On fait comme si tout allait bien, mais non, ça ne va pas. »
Evelyne est infirmière depuis 1994, et travaille dans la petite enfance depuis deux ans. Photo : AF / Rue89 Strasbourg
En si peu de temps, elle n’a pas le temps de distiller un cours sur l’évolution de l’enfant, comme il le faudrait, elle pare au plus urgent, au plus pratique. Cette situation épuise Evelyne qui, en rejoignant la petite enfance, imaginait plutôt assurer le suivi médical de chaque enfant, et s’attacher aux besoins de chacun d’entre eux.
Difficile aussi, dans une configuration pareille, de développer des projets pédagogiques. Nathalie, éducatrice référente dans un des groupes de moyens-grands, le regrette. Elle a 56 ans, et vient d’embrasser ce métier, après une carrière dans le monde de l’entreprise. Une vocation née sur le tard, en laquelle elle croyait beaucoup, avant de devoir prendre sous son aile, elle aussi, une personne sans diplôme :
« Cette année, je voulais organiser des sorties à la médiathèque par petit groupe de deux enfants, ce qui implique de partir à deux professionnelles. Mais je n’y pense plus car cela veut dire que je laisse trois collègues avec 21 enfants. Ça marcherait si elles connaissaient toutes parfaitement leur boulot, mais aujourd’hui, je ne partirais pas tranquille, quand je vois le temps que je passe sur des détails, comme chercher des tétines, des chaussettes, repréciser les transmissions, pour que tout soit prêt quand les parents viennent chercher leurs enfants. »
À 7 ans de la retraite, Nathalie a voulu devenir éducatrice pour travailler au plus près des enfants. Photo : AF / Rue89 Strasbourg
Place de l’Étoile, le quatuor descend. Près de 200 personnes sont déjà là. Sur les lignes de tram, certaines s’allongent pour marquer le coup, avant que les trams ne passent et fassent relever les plus déterminées. Les « y’en a marre » se multiplient sur le refrain du chant révolutionnaire Bella Ciao. Nathalie regarde, un sourire d’étonnement sur les lèvres. C’est la première fois qu’elle fait grève.
Elle croise des employés de micro-crèches, de crèche parentale, de multi-accueil, venus de Benfeld ou encore de Mutzig. Dans 66 villes de France, leur voix résonnent en ce moment. Sophie Luttmann, déléguée syndicale CGT à l’Eurométropole, prend la parole :
« Puisque Jean-Christophe Combe, notre ministre de tutelle, ne veut pas dialoguer, nous avons choisi de nous réunir ici, devant la Ville de Strasbourg, en espérant qu’elle relaie nos revendications au plus haut. »
Cette auxiliaire de puériculture, employée dans l’une des onze crèches municipales de Strasbourg, se sent happée, comme dans une spirale infernale :
« Le problème va au-delà des personnes non-diplômées. À cause de coupes budgétaires, la Ville en vient à remplacer des éducatrices par des CAP, alors que la richesse de la petite enfance, c’est justement cette multiplicité de compétences qui permet d’offrir un accompagnement complet aux enfants. »
Pour toutes les personnes rassemblées, il est donc temps de réagir. Par une revalorisation salariale, et en ouvrant plus de places dans les centres de formation, comme le suggère Nathalie, de la crèche du Neuhof :
« Quand j’ai suivi ma formation, nous étions 100 sur liste d’attente. Il faudrait que le Département (la Collectivité d’Alsace, NDLR) et l’État investissent plus pour organiser deux sessions par an, par exemple. »
Nathalie, Evelyne, Chloé et Marjorie repartent du rassemblement avec plein d’idées en tête pour agir à leur niveau. Raviver le Comité social d’entreprise de l’Ages, qui s’était petit à petit éteint, en est une, afin d’obtenir de meilleures conditions salariales et attirer des recrues diplômées dans leur structure.
Nathalie, Eveyline, Chloé et Marjorie, les quatre collègues ont partagé toute la matinée de mobilisation ensemble. Photo : AF / Rue89 Strasbourg
La plupart du temps je suis derrière une caméra, et parfois je la troque contre un stylo pour écrire sur des sujets de société qui ont trait au Moyen-Orient ou à la Roumanie.
La préfecture et l’association des maires du Bas-Rhin vont ressusciter un groupe d’échanges réguliers dans l’espoir d’accompagner les communes, plongées dans la crise énergétique.
Appelé de ses vœux par le gouvernement après le premier confinement, le « couple maire-préfet » est-il à la relance ? Président de l’association des maires du Bas-Rhin et maire d’Hoenheim, Vincent Debes (divers droite) a obtenu la relance d’échanges réguliers avec la préfecture du Bas-Rhin. Il ne sera pas question de virus mais de la contagion des factures de gaz et d’électricité explosives, qui met les communes en grandes difficultés budgétaires.
Ce groupe s’était formé à l’automne 2020, suite à la décision brutale par la préfecture de la généralisation du port du masque dans les rues pendant la crise sanitaire. Les maires s’étaient dits pris de court un vendredi pour une mesure devant s’appliquer le lendemain. L’arrêté avait finalement été restreint à 13 communes, puis modifié suite à des recours juridiques notamment à Strasbourg.
Un « groupe miroir » avec une douzaine de maires divers
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