Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

À côté du Marché Gare, une nouvelle halle gourmande

À côté du Marché Gare, une nouvelle halle gourmande

À Cronenbourg, quatorze producteurs ont été réunis dans une nouvelle halle de vente, afin d’y accueillir le grand public en journée, à côté du marché alimentaire professionnel.

Situé à Cronenbourg, le Marché Gare est le grand marché alimentaire professionnel de Strasbourg, mais où aimaient se glisser discrètement des particuliers, friands de bons produits et de bonnes affaires à condition de venir tôt le matin. Une situation tolérée, mais pas vraiment autorisée. Par le passé, la Ville de Strasbourg avait tenté de réguler cette pratique lors du Marché de Noël, en faisant payer l’entrée en 2016.

Ouvert 6 jours sur 7

Avec l’ouverture de la « Halle du marché du gare », voisine du marché professionnel, cette situation atypique prend fin. Le tout nouvel espace pour les particuliers est ouvert en journée, du mardi au jeudi de 9h à 19h, le vendredi de 8h à 21h, le samedi de 8h à 19h, ainsi que le dimanche de 9h à 14h.

Primeur, boucher, boulanger, poissonnier, fromager, volailler, traiteur, charcutier, pâtissier, caviste, épicerie et fruits secs… Sur 1 000 m², le nouvel espace propose 14 enseignes (voir encadré), dont deux d’entre elles sont déjà installées au Marché gare. Les habitués ne seront pas dépaysés.

En plus de la vente de produits sur les stands, un espace de consommation sur place, pouvant accueillir une soixantaine de personnes, a été aménagé autour d’un bar central. L’établissement, situé à côté de la bretelle d’autoroute de la M35, pourra accueillir des événements privés.

La gestion de cet espace revient au Groupe Géraud, spécialisé dans la gestion des marchés pour les collectivités locales. Implanté dans plusieurs pays d’Europe (Royaume-Uni, Irlande, Suède), la société française signe sa première implantation en Alsace. L’investissement s’élève à deux millions d’euros.

#Halle gourmande

Trois quartiers de Strasbourg aussi tendus que des déserts médicaux pour l’accès aux soins

Trois quartiers de Strasbourg aussi tendus que des déserts médicaux pour l’accès aux soins

Dans une cartographie de l’offre de soins, l’Agence régionale de santé du Grand Est reconnaît Cronenbourg, Elsau et Port-du-Rhin comme des « zones d’intervention prioritaire », où il est plus difficile qu’ailleurs d’obtenir des rendez-vous médicaux.

Quartier Port-du-Rhin à Strasbourg : 2 000 habitants et une seule médecin, la docteure Nabila Hamza. Après avoir grandi dans le quartier, elle y a installé son cabinet de médecine générale en 2010 « pour qu’il y ait au moins un professionnel de santé ici ». Pendant des années, le Dr Hamza accueillait sans rendez-vous. « Dès mon arrivée à 8 heures, il y avait déjà une file d’attente de dix personnes », raconte la généraliste qui a fini par instaurer des rendez-vous obligatoires tant la salle d’attente était régulièrement bondée et les tensions entre patients fréquentes. Nabila Hamza continue :

« Un médecin ne suffit pas ici. Il faut aider à l’installation et surtout accompagner les médecins qui s’installent dans des quartiers comme celui-ci. »

La future maison urbaine de santé du Port du Rhin attend toujours sa rénovation. Son ouverture programmée en 2020 a été repoussée au premier semestre 2024. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Trois quartiers strasbourgeois sont « zones d’intervention prioritaire »

Dans une nouvelle cartographie de l’offre de soins présentée mercredi lors d’une conférence de presse au Port-du-Rhin, l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est a comparé le temps d’accès à un médecin généraliste des habitants des quartiers de toute la grande région. À partir des données de l’Assurance maladie et des médecins libéraux, l’ARS a relevé que les quartiers Port-du-Rhin, Elsau et Cronenbourg sont des « zones d’intervention prioritaire ». Délégué territorial du Bas-Rhin pour l’ARS, Frédéric Charles explique cette nouvelle dénomination :

« Lorsqu’une personne a accès à une offre de soins convenable, elle peut bénéficier de quatre consultations chez un médecin généraliste par an. En dessous de 2,5 consultations par habitant et par an, on est dans une zone d’intervention prioritaire (ZIP), où les pouvoirs publics doivent aider à l’installation de médecins supplémentaires. »

Les aides pour les nouveaux médecins

Ces trois quartiers de Strasbourg bénéficient donc de plusieurs aides publiques à l’installation de nouveaux médecins généralistes :

    50 000€ d’aide à l’installation versés par l’Assurance maladie, un revenu mensuel garanti par l’ARS la première année d’installation, 5 000€ par an versés par l’Assurance maladie pour une participation à la coordination des soins, une aide aux médecins accueillant un confrère nouvellement installé, ainsi qu’une exonération fiscale sur une partie de l’activité.

Dans ce zonage de l’ARS, les quartiers Hohberg, Ampère, Murhof et l’Est de Koenigshoffen sont considérés comme « Zone d’action complémentaire », éligibles à Fonds d’intervention régionaux (FIR). Ce sont des quartiers où l’offre de soins permet à chaque habitant d’avoir entre 2,5 et 4 consultations chez un généraliste chaque année. Les médecins qui souhaitent s’installer dans ces quartiers peuvent bénéficier d’une aide à l’installation de 50 000 euros mais pas d’un revenu garanti.

Mais l’argent n’est pas l’unique solution au problème de la raréfaction des médecins. Frédéric Charles de l’ARS croit beaucoup dans le dispositif « GE m’installe » :

« Dès qu’un projet professionnel émerge chez les étudiants en médecine, nous accompagnons les internes pour trouver des terrains de stage et travailler le compagnonnage par un médecin généraliste de ville et proposer des endroits où l’on a le plus besoin de médecins. »

« Il y a un vrai manque de médecins »

Adjoint à la Ville de Strasbourg en charge de la santé, le médecin généraliste Alexandre Feltz (Place publique) se félicite :

« Nous nous battons depuis plusieurs années pour que les quartiers prioritaires aient l’attention des pouvoirs publics quant aux inégalités de santé. Moins une personne a de revenus, plus elle a de chances de souffrir de pathologies. Nous sommes contents de voir que les aides de l’ARS s’appliquent enfin au manque de médecins au cœur des villes. »

Une maison urbaine de santé doit prochainement accueillir au Port-du-Rhin deux infirmières, deux orthodontistes, deux sages-femmes et deux médecins généralistes. En 2019, la présentation du projet évoquait une ouverture fin 2020… Son ouverture est repoussée au premier semestre 2024. Car le second médecin de la structure se fait toujours attendre. Le Dr Nabila Hamza ne peut que constater la difficulté à résoudre ce problème :

« Il y a un futur médecin intéressé mais il ne passe sa thèse qu’en 2024… Ça ne se bouscule pas au portillon pour venir ici. Mais je ne pense pas que ce soit lié à l’attractivité du quartier, où il y a une vraie mixité sociale désormais. Je pense qu’il y a un manque structurel de nouveaux médecins. Ces derniers choisissent des endroits plus agréables pour s’installer. »

Carte des déserts médicaux du Grand Est

La carte de l’accès aux soins du Grand Est montre les zones qualifiables de déserts médicaux. Pour les quartiers strasbourgeois, il faut passer sur les zones grises des quartiers prioritaires pour voir le détail des situations et des aides publiques.

La clinique Rhéna privée pour ses clients, publique pour les impôts

La clinique Rhéna privée pour ses clients, publique pour les impôts

La clinique Rhéna ne paye ni impôt sur les sociétés, ni taxe sur la valeur ajoutée ni contribution foncière. Pour la Cour des comptes du Grand Est, cette situation risque de créer une distorsion de concurrence.

« La clinique Rhéna réussit à réunir les avantages des deux secteurs d’hospitalisation, publics et privés, sans leurs inconvénients respectifs. » Dans un rapport publié le 7 septembre, la Cour des comptes du Grand Est estime que « la situation fiscale de la clinique Rhéna appelle une clarification ».

Cinq ans après l’inauguration de l’établissement regroupant trois anciennes cliniques confessionnelles de Strasbourg (Adassa, Diaconat et Sainte-Odile), la question continue de planer sur le grand bâtiment installé dans le quartier du Port du Rhin : l’aide publique dont bénéficie Rhéna est-elle justifiée ? Ou les subventions et autres avantages fiscaux servent-ils avant tout l’intérêt privé et financier des actionnaires et opérateurs de la clinique ?

Rhéna, ce sont deux entités : d’un côté, une association Rhéna où des médecins salariés bénéficient de la tarification publique au sein d’un établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic), de l’autre, un Groupement de Coopération Sanitaire – Établissement de Santé (GCS-ES) avec des médecins libéraux qui pratiquent des dépassement d’honoraires et fonctionnent en tarification privée.

Lisez la suite pour 1€ seulement

    Accédez à nos enquêtes et révélations exclusives Soutenez une rédaction locale qui appartient à ses journalistes Maintenez une vigie citoyenne sur les pouvoirs locaux

Je m’abonne 

Abonnez-vous maintenant pour suivre l’actualité locale.

Déjà abonné⋅e ?

Connectez-vous

Mardi soir, Strasbourg action solidarité a distribué 594 repas : « C’est un triste record, c’était l’enfer »

Mardi soir, Strasbourg action solidarité a distribué 594 repas : « C’est un triste record, c’était l’enfer »

Quinze bénévoles de Strasbourg action solidarité ont distribué 500 repas à la gare puis 94 repas en maraude mobile mardi 4 octobre. Selon Valérie Suzan, présidente de l’association, il s’agit de la plus grosse distribution en neuf années d’existence.

En septembre 2021, Valérie Suzan, la présidente de Strasbourg Action Solidarité, s’inquiétait de l’augmentation du nombre de repas distribués par son association, qui donnait alors de la nourriture à plus de 300 personnes pendant ses maraudes. Un an plus tard, le nombre de plats distribués a presque doublé. Le « triste record » a été battu mardi 4 octobre dans la soirée : 594 repas. « On a tout donné et à la fin on a du dire à des gens qu’on n’avait plus rien », précise Valérie Suzan, présidente de l’association caritative.

À 19h, une équipe de quinze bénévoles a commencé une distribution à la gare. Valérie Suzan revient sur le déroulé de la soirée :

« Il y avait énormément de monde, on a vite distribué 500 repas. Ensuite, huit d’entre nous avons continué en maraude mobile. Nous avons encore distribué 94 repas supplémentaires jusqu’à 21h45. C’était l’enfer. Ce n’est juste plus possible. On en prend plein la gueule, la situation est dramatique. Je ne pourrais même pas dire pourquoi on a eu autant de personnes, nous n’avons plus le temps de discuter. Il y avait des familles avec des enfants, des personnes isolées, beaucoup de personnes qu’on n’avait jamais vues. »

« Je ne sais pas où on va »

Malgré une saturation du dispositif d’hébergement d’urgence dans le Bas-Rhin, la préfecture du Bas-Rhin supprime 1 000 places d’hébergement dans le département, dont 700 à Strasbourg en 2022. De nombreuses personnes qui étaient dans ces dispositifs sont donc remises à la rue. Valérie Suzan alerte :

« Je ne sais pas où on va. Nous souhaitons que les pouvoirs publics se rendent compte de ce que nous faisons, de l’ampleur de notre travail, et qu’ils nous envoient des signaux de soutien. Les associations de solidarité se sentent abandonnées sur le terrain, avec une surcharge de travail et peu de moyens. »

Elle indique que deux de ses bénévoles ont préparé 100 kg de viande halal pour la maraude de mardi :

« Ce sont des quantités industrielles mais on n’a qu’une plaque de cuisson avec quatre emplacements à casserole et un four pour préparer des centaines de repas. Je vais demander un devis pour installer une plaque triphasée… »

Les bénévoles de Strasbourg Action Solidarité distribuent des centaines de repas à la chaine toutes les semaines. Photo : remise
#Valerie Suzan

Des invitations pour Reprise en main au cinéma samedi

Des invitations pour Reprise en main au cinéma samedi

Les cinémas Star invitent 15 lecteurs de Rue89 Strasbourg à la projection spéciale de Reprise en main samedi, en présence de la co-scénariste et d’un comédien.

Participez à la projection spéciale de « Reprise en main » samedi 8 octobre à 20h au cinéma Star Saint-Exupéry, en présence de la co-scénariste Marion Richoux et du comédien Pierre Deladonchamps. Quinze invitations pour deux personnes sont à gagner en remplissant le formulaire ci-dessous.

Le pitch

Comme son père avant lui, Cédric travaille dans une entreprise de mécanique de précision en Haute-Savoie. L’usine doit être de nouveau cédée à un fonds d’investissement. Epuisés d’avoir à dépendre de spéculateurs cyniques, Cédric et ses amis d’enfance tentent l’impossible : racheter l’usine en se faisant passer pour des financiers !

La bande annonce

Bande annonce de Reprise en main (vidéo Youtube)

Le concours

Ne tardez pas ! Tirage au sort jeudi 6 octobre vers 17h.

Vélorution entre Bischheim et Schiltigheim samedi pour des aménagements urgents

Vélorution entre Bischheim et Schiltigheim samedi pour des aménagements urgents

Plusieurs associations appellent à une « vélorution » dans l’après-midi du samedi 8 octobre à Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim. Pour les organisateurs, ces trois communes ne progressent pas assez vite dans l’amélioration des conditions de circulation à vélo.

Les routes du Général de Gaulle et de Bischwiller sont notoirement des axes noirs pour les cyclistes devant circuler à Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim. L’association Strasbourg à vélo et d’autres associations impliquées dans les mobilités appellent à une nouvelle « vélorution », une manifestation à vélo, pour exiger des aménagements cyclistes dans ces trois communes de la première couronne nord de l’Eurométropole de Strasbourg. Le rendez-vous est donné samedi 8 octobre à 14h30, place de République à Bischheim.

Vélorution à Bischheim en janvier 2022 Photo : Dorothée Parent / doc remis

Dans un communiqué, le collectif organisateur de la vélorution regrette qu’après une première édition en janvier 2022, « les tensions persistent sur la voie publique route de Bischwiller » et « la place des piétons est menacée aux abords des grands axes (avenue de Périgueux, route de Bischwiller, route de Brumath). »

Le collectif avait adressé aux maires de Bischheim ainsi qu’au vice-président de l’Eurométropole en charge des mobilités, Alain Jund (EE-LV) une série de propositions qui amélioreraient la sécurité des piétons et des cyclistes utilisant ces axes, selon le secrétaire de Strasbourg à vélo, Benoît Écosse, mais « nous n’avons jamais reçu de réponse », indique-t-il. Parmi ces propositions, généraliser une limite de 30 km/h sur l’ensemble de ces trois communes, améliorer l’éclairage des passages piétons, des arceaux à vélo aux abords de ces passages, etc. (Voir la liste sur le blog SAV).

Carte des propositions de Strasbourg à vélo

D’une manière générale, Benoît Écosse déplore une faible mobilisation des élus locaux du nord de l’agglomération strasbourgeoise :

« À Schiltigheim, on a une maire écologiste (Danielle Dambach, NDLR) mais qui attend que l’Eurométropole bouge, à Hoenheim, on ne sait pas bien ce que veut le maire (Vincent Debes, sans étiquette) et à Bischheim, le maire (Jean-Louis Hoerlé, LR) s’oppose à tout ce qui pourrait freiner les voitures. Au final, chaque aménagement prend des mois et des mois… On nous répond qu’il faut attendre le tram mais ces axes sont dangereux ! »

Strasbourg à vélo estime que des aménagements peuvent être installées avant le tram… Photo : Dorothée Parent / doc remis

Dans le cadre de l’extension du tram vers le nord de l’agglomération, il est prévu un réaménagement de la route de Bischwiller, en cohérence avec la route du Général de Gaulle à Schiltigheim où devrait passer le futur tram. Mais Benoît Écosse ne veut pas attendre :

« On nous a présenté plusieurs scénarios mais qui concernent des aménagements pour dans quatre ou cinq ans. Il y a des solutions qui peuvent se mettre en place bien plus rapidement, notamment une piste cyclable route de Bischwiller et c’est ce qu’on veut faire comprendre aux élus. »

Le trajet de la vélorution passera par la plupart des points noirs repéré par l’association, dont la route de Brumath, l’avenue de Périgueux et la rue de Lauterbourg. La fin est prévue vers 15h45 au parc Wodli.

Dans 44 lycées du Grand Est, une rentrée avec des manuels numériques manquants

Dans 44 lycées du Grand Est, une rentrée avec des manuels numériques manquants

44 lycées du Grand Est ont vu des demandes de manuels numériques rejetées par la Région Grand Est au début de l’année scolaire. La situation est depuis réglée pour les élèves mais les syndicats enseignants déplorent une rentrée numérique compliquée.

« Mon manuel numérique n’est arrivé que dix jours après la rentrée. » Professeure de lettres au lycée Louis Armand à Mulhouse, Gaëlle décrit un début d’année scolaire compliqué. Avec certains de ses collègues, elle a découvert le 30 août que la Région Grand Est avait rejeté des devis pour des manuels numériques devant être utilisés par leurs futurs élèves. Le problème est budgétaire : le coût des licences demandées par les enseignants de l’établissement dépassait la somme allouée par la collectivité régionale, soit 56 euros par élève.

« J’ai l’impression d’avoir travaillé pour rien »

Sur les 241 lycées publics du Grand Est, 44 établissements étaient concernés par des dépassements de budget de plus de 15% et donc des blocages de certaines demandes de licences numériques. Selon la Région Grand Est, ce sont au total 313 devis qui ont été rejetés dans ces lycées. De quoi pousser les enseignants à revoir leurs exigences à la baisse, comme le raconte Gaëlle :

Abonnez-vous

Cet article fait partie de l’édition abonnés. Pour lire la suite, profitez d’une offre découverte à 1€.

Contribuez à consolider un média indépendant à Strasbourg, en capacité d’enquêter sur les enjeux locaux.

    Paiement sécurisé
    Sans engagement
Abonnez-vous maintenant pour suivre l’actualité locale.

Déjà abonné⋅e ?

Connectez-vous

Une pétition pour mettre fin aux plats réchauffés dans les cantines scolaires de Strasbourg

Une pétition pour mettre fin aux plats réchauffés dans les cantines scolaires de Strasbourg

11 000 repas servis dans les cantines des écoles strasbourgeoises tous les jours sont préparés dans des cuisines centrales, refroidis et servis souvent deux ou trois jours plus tard. L’association Strasbourg écologie lance une pétition pour demander la préparation des déjeuners le jour même et sur place, dans les restaurants scolaires.

En février 2022, Rue89 Strasbourg visitait le site de production de l’Alsacienne de restauration à Schiltigheim, qui approvisionne 28 des 46 cantines scolaires de Strasbourg. Les autres sont fournies par API Cuisiniers d’Alsace, dont la cuisine centrale se trouve à Epfig. Les plats des enfants y sont cuisinés avant d’être refroidis entre 0 et 3°C, puis maintenus à cette température pendant un, deux ou trois jours. Ils sont ensuite acheminés dans les cantines, réchauffés sur place et servis aux écoliers.

Après préparation, les plats sont brusquement refroidis et conservés dans des frigos spéciaux. Photo : GK / Rue89 Strasbourg

La restauration collective, un gros enjeu écologiste

L’association Strasbourg écologie lance une pétition pour mettre fin à ce modèle. Au 30 septembre, près de 1 100 personnes ont signé. Le texte s’adresse à Jeanne Barseghian, la maire (EE-LV) de Strasbourg, et Pia Imbs, présidente (sans étiquette) de l’Eurométropole. Il demande l’instauration généralisée de la cuisine sur place dans les cantines. « Nous n’avons pas reçu cette pétition », indique Soraya Ouldji, adjointe à la maire déléguée à la restauration scolaire. Odile Perez, membre de l’association, détaille les revendications :

« Nous n’acceptons pas que les enfants mangent de la nourriture industrielle, préparé par l’Alsacienne de restauration qui appartient en fait à un groupe du CAC 40 : Elior. Nous souhaitons la mise en place d’une régie municipale pour que les repas scolaires ne soient pas entachés par des soucis de rentabilité.

Odile Perez aimerait que Strasbourg s’inspire d’un système en place à Ungersheim :

Globalement, nous souhaitons la mise en place d’une démarche « de la graine à l’assiette ». C’est à dire que la Ville mette des terres à disposition pour cultiver les légumes, aussi pour que les enfants puissent se rendre sur place. Le repas à la cantine est le seul repas équilibré de la journée pour certains enfants de milieux défavorisés. La restauration scolaire peut casser le cycle de la malbouffe, c’est un vrai enjeu de santé publique. Aussi, d’un point de vue écologiste, la restauration collective est un bon levier d’action comme cela concerne de grandes échelles. »

À 6h30 du matin, les cuisiniers de l’Alsacienne de restauration ont déjà bien avancé dans la préparation de milliers de repas. Photo : GK / Rue89 Strasbourg

Un projet municipal

Interrogée en février 2022 sur le sujet, Soraya Ouldji, adjointe à la maire de Strasbourg déléguée à la restauration scolaire, assurait déjà qu’un projet municipal est lancé pour permettre la cuisine sur place dans les cantines scolaires de Strasbourg :

« Une entreprise va nous fixer le plan de travaux pour agrandir les cuisines des cantines strasbourgeoises, conçues uniquement pour le réchauffage. Nous estimons que les chantiers seront finis aux alentours de 2030 (le mandat de la municipalité actuelle court jusqu’en 2026, NDLR). »

« C’est dans dix ans, nous ne sommes pas satisfaits. Aucun chantier d’extension n’est terminé après plus de deux ans de mandat (la dernière élection municipale était en juin 2020, NDLR) », dénonce Odile Perez. La Ville impose un cahier des charges à l’Alsacienne de restauration et à API Cuisiniers d’Alsace : 30% du budget est consacré à du bio, et 50% de ce bio vient d’Alsace. « Techniquement c’est compliqué mais on fait comme on peut », insiste Soraya Ouldji : « Les phases de construction des premiers restaurants sur place sont amorcés, certains verront le jour fin 2023 et début 2024. »

Une conférence le 26 octobre

« Nous voulons tendre vers le 100% de légumes bio et locaux, dans une logique d’autonomie alimentaire du territoire », expose Odile Perez. Strasbourg écologie organise une conférence mercredi 26 octobre à la Maison des associations pour évoquer ces sujets, avec notamment les intervenants Pierre-Jean Dessez de UFC-Que choisir et Eloi Navarro, de l’association Sécurité sociale et alimentaire.

#strasbourg écologie

L’Église protestante d’Alsace contrainte d’ausculter son passé nazi

L’Église protestante d’Alsace contrainte d’ausculter son passé nazi

77 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale et ses procès d’épuration, deux pasteurs luthériens ont exhumé des compromissions de leur communauté avec les nazis installés en Alsace entre 1940 et 1945. Leurs révélations poussent leur Église à se positionner.

Comment expliquer les scores records du Front National dans les campagnes à majorités luthériennes du Nord de l’Alsace, dès l’arrivée du parti dans le paysage politique des années 1980 ? Que cachait l’assourdissant silence de l’Église protestante luthérienne sur ses pasteurs mutés après la Seconde Guerre mondiale ? À partir de ces questions, Michel Weckel a reconstitué le puzzle d’un réseau nord-alsacien de luthériens orthodoxes, passés de partisans de l’autonomie alsacienne à militants de la cause nazie, et qu’il révèle dans son ouvrage Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler (éditions La Nuée Bleue) publié en mars 2022.

Quand le chef de l’Église luthérienne appelait à dénoncer les pasteurs « non-aryens »

Dans La Demeure du silence (publié en octobre 2020 aux éditions Le Verger), son collègue Gérard Janus a quant à lui traqué les trous dans l’histoire de paroisses luthériennes rurales, et rendu public le décret du chef de l’Église luthérienne, Carl Maurer, nommé à Strasbourg par les nazis à leur arrivée en Alsace en 1940. Une autre partie de l’Église luthérienne s’était exilée à Périgueux, aux côtés des évacués.

Le prélat y appelait à dénoncer tout pasteur « non-aryen » et réfractaire à l’idéologie du Führer. Sanctionné en 1948, puis gracié, sa condamnation est ensuite tombée dans l’oubli au profit du souvenir d’un personnage qui aurait protégé les intérêts de son Église face à l’oppresseur. L’auteur s’étonne que l’homme tienne aujourd’hui encore sa place au mur des portraits de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (Uepal), sans même une note explicative.

Malaise à l’Uepal, qui rassemble depuis 2006 les deux Églises de droit concordataire luthérienne et calviniste. Acculée, l’institution prévoit d’organiser en novembre 2023 un colloque sur leurs années passées sous Annexion, sous la direction scientifique d’historiens spécialistes de l’Alsace, du nazisme en Allemagne et des religions.

Malaise et séisme dans l’Église protestante : un cas d’école

Pour le Haguenovien Pascal Schneider, qui mène un travail de thèse sur les responsables nazis alsaciens des 140 communes de l’arrondissement nazi de Saverne durant l’Annexion, le séisme en cours dans l’Église protestante est un cas d’école :

« Les Églises protestantes existaient avant, pendant et après l’Annexion. Si l’on considère que l’Université de Strasbourg a fait son mea culpa sur la Reichsuniversität allemande mais pas sur elle-même, l’Uepal sera la première institution en Alsace à regarder son histoire. Est-ce qu’une grande entreprise serait prête à financer la recherche sur cette page de son passé ? »

En juin 1940, près de 500 Alsaciens germanophiles, et suspectés de soutenir l’ennemi allemand qui se rapproche, sont internés au camps de rétention administratif d’Arches dans les Vosges. Parmi eux, une quinzaine de pasteurs luthériens. Fin juin 1940, ils accueillent leurs libérateurs allemands en entonnant des cantiques luthériens et en faisant le salut nazi. Photo : Crédit : D.R. / La Nuée bleue

Fille de pasteur, l’historienne berlinoise d’origine alsacienne Christiane Kohser-Spohn a travaillé dès les années 1990 sur l’épuration des pasteurs en Alsace et en Moselle. De nombreux pasteurs luthériens ont été condamnés au sortir de la Seconde Guerre mondiale plus souvent pour « attitude antinationale » que pour collaboration, puis amnistiés comme les autres épurés. Souvent exilés, leurs agissements sont tombés dans l’oubli avec l’interdiction de faire la publicité de leurs condamnations.

Christiane Kohser-Spohn participera au colloque mais ne cache pas être circonspecte. Elle garde en tête que l’Uepal refusait il y a dix ans l’accès à ses archives :

« Le sujet ne doit pas rester l’apanage de l’Église. Elle doit laisser les choses aux universitaires. Le rapport au nazisme leur appartient de plus en plus, et ça rend le clergé un peu nerveux. Derrière l’organisation de ce colloque, il y a d’abord de sa part l’envie de préserver son institution. »

Des travaux profanes, « un bon début »

Pour elle, les travaux profanes des deux pasteurs sont certes, imparfaits sur le plan scientifique, comme le leur reprochent leurs détracteurs, mais « un mal nécessaire » :

« C’est un bon début dans le désert de la recherche. Au début de toute recherche historique, il y a toujours une histoire mémorielle. Mais il ne faut pas s’arrêter là. »

Le pasteur Michel Weckel a été guidé dans la rédaction de son ouvrage par ses intuitions à travers ses lectures, des rencontres avec des descendants de pasteurs ralliés, et des observations aux archives départementales ouvertes au public en 2015. Mais il mesure aujourd’hui l’ampleur de la tâche qui incomberait à des chercheurs :

« Il y a encore à investiguer aux archives départementales. J’ai sorti quelques dossiers individuels mais il faudrait reprendre la liste du corps pastoral de l’époque, et faire la recherche systématique des dossiers de chacun. Et puis où sont passées les prédications ? Les comptes-rendus des paroisses ? »

D’une corporation étudiante luthérienne à un mouvement calqué sur les Jeunesses hitlériennes

Dans son ouvrage, Michel Weckel décrit la corporation étudiante luthérienne Argentina, fondée avant le rattachement de l’Alsace à l’Empire allemand en 1871. Acquise à la cause d’une Alsace germanique, elle a produit pasteurs, avocats, universitaires et gens de lettres heureux du retour des Allemands en 1940.

Autour d’elle et de ses dizaines de pasteurs installés dans le Nord de l’Alsace, Michel Weckel identifie tout un réseau protestant fascisant : groupe folklorique, groupe de randonnée mais aussi et surtout un mouvement de jeunesse, la Jungmannschaft. Fondée en 1926 comme les Jeunesses hitlériennes et calquée sur le fonctionnement et les codes de celle-ci, l’auteur estime son effectif à 2 000 membres.

Nazi
Une réunion de la Jungmannschaft le 22 mai 1938 à Strasbourg. Photo : Crédit : DR / La Nuée Bleue

Le point de ralliement de tous ces groupes était le château du Hunebourg, près de Neuwiller-lès-Saverne. L’endroit est devenu un haut lieu du rassemblement nazi depuis 1940, en même temps que le mausolée de Carl Roos, exécuté en février 1940 par l’État français pour « espionnage au profit de l’ennemi », et élevé au statut de martyr par les nazis à leur annexion. La bâtisse est aujourd’hui fermée au public, après avoir été longtemps un centre de vacances mutualiste, puis un hôtel.

La découverte par Michel Weckel de ce qu’il qualifie de « minorité significative » n’étonne pas les universitaires qui ont travaillé sur l’épuration. Jean-Laurent Vonau est professeur émérite de la faculté de droit de Strasbourg et vient de publier L’Alsace annexée, 1940-1945, synthèse de ses recherches depuis les années 1990. L’historien du droit confie :

« Nous avons tous des dossiers peu épais sur cette “minorité significative”, mais nous ne connaissions pas l’ampleur du phénomène. J’ai croisé des informations au cours de mes recherches sans en faire un thème à part entière. Je suis ouvert à les partager et à les expliquer. »

Aucune archive sur la Jungmanschaft

Dans ses recherches sur les responsables nazis du secteur de Saverne, Pascal Schneider a constaté de manière quasi-systématique les appartenances à la Jungmannschaft des Alsaciens mis en responsabilités dans les unités locales nazies :

« Les autonomistes de la Jungmanschaft ont été l’épicentre du séisme brun dans le territoire que j’étudie. Un même membre sorti de la Jungmanschaft pouvait endosser quatre mandats dans le système nazi, parce que les Allemands ne trouvaient personne. Depuis des décennies, je tombe sur cette organisation sur des photos d’identité, dans des dépositions de témoins ou d’accusés, dans des rapports de police… Mais concrètement, je n’ai trouvé qu’une carte de membre et deux insignes. Il y a tout à faire, mais il n’y a aucune archive. Elles ont été détruites par les nazis ou les membres. Il ne reste plus, peut-être, que des vieux papiers qui traînent dans des greniers. »

La section locale d’Eschbourg de la Jungmannschaft (mouvement de jeunesse luthérien) défile à Saverne en juillet 1944, lors d’un rassemblement nazi. Photo : Document transmis par La Nuée bleue, éditeur de l’ouvrage Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler

L’enseignant s’est intéressé à la question après avoir trouvé un drapeau à croix gammée et un livret de propagande à la gloire d’Hitler dans le grenier d’une maison de famille. Il a depuis collecté de nombreux objets, archives, et témoignages « pour comprendre », parce que « les réponses des adultes ne [lui] suffisaient pas ».

Il s’est plus tard engagé dans un travail de thèse, tout en poursuivant une carrière de professeur d’histoire et géographie en collège et en lycée. Pascal Schneider se souvient de ses rencontres dans les années 1980 et 1990 :

« J’ai d’abord interrogé des résistants et des FFI (Forces françaises de l’intérieur) de Saverne. Pour faire parler les ralliés, ça a été plus compliqué. J’ai constaté que ces gens se fréquentaient toujours. Les réseaux protestants existaient encore. Ils avaient gardé des liens forts après avoir été bannis ensemble à la Libération et d’avoir connus les camps d’internement. »

Autonomisme et fondamentalisme

Pour lui, c’est avant tout un complexe d’identité qui serait à décortiquer, et qui a conduit ces jeunes protestants germanophones à rallier les nazis, pourtant anti-religion :

« L’État français a laissé se radicaliser des Alsaciens et ça poserait problème de découvrir ça. Ils se sont tournés vers ce qu’ils croyaient être une solution. Ils ont vu l’Annexion comme une opportunité de contrer une France laïque et centraliste, qui avait repris l’Alsace après la Première Guerre mondiale, sans référendum ni égards. Cette minorité avait été mise en procès à Colmar en 1928. En 1940, elle est tombée dans les bras des nazis. À force de ne pas être entendu, on se radicalise et on regarde ailleurs. »

Pour Michel Weckel, les ingrédients de la radicalisation sont aussi religieux :

« On est dans une théologie qui se rapproche du fondamentalisme, et qui va avec une certaine conception de l’Alsace : il serait conforme à la volonté de Dieu que l’Alsace soit allemande… »

À l’occasion des 500 ans de la Réforme en 2017, l’Uepal avait publié une longue déclaration (Luther, les juifs et nous, éditions Vademecum) pour condamner « les terribles écrits antijudaïques de la fin de vie du grand réformateur allemand » Martin Luther, initiateur du protestantisme. Bien après les Églises protestantes allemandes, l’Uepal y dénonçait « l’utilisation pervertie qui en a été faite, en particulier par le régime nazi ». Sera-t-elle prête, six ans plus tard, à endosser l’échec tangible de ses interprètes alsaciens les plus fondamentalistes ?

Une manifestation en solidarité avec le peuple iranien mardi

Une manifestation en solidarité avec le peuple iranien mardi

Les Iraniennes et les Iraniens manifestent depuis deux semaines contre leur gouvernement, suite à la mort d’une jeune femme, enlevée par la police des mœurs pour un port de voile jugé incorrect. Un collectif de solidarité avec le peuple iranien appelle à un rassemblement mardi 4 octobre à Strasbourg.

Deux semaines après la mort de Mahsa Amini, jeune femme de 22 ans, dans les geôles de la police des mœurs iranienne, la révolte continue à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes contre le gouvernement des mollahs.

Mahsa Amini avait été arrêtée pour un port du voile jugé incorrect. De nombreuses femmes iraniennes ont dès lors enlevé le leur en signe de soutien et en protestation contre le gouvernement. Mais ce dernier a intensifié la répression, faisant plusieurs morts parmi les manifestants et en bloquant l’accès à l’internet. « Depuis dimanche soir, les étudiants de l’université polytechnique de Sharif de Téhéran ont été isolés, et se font massacrés par la police du régime. Ils n’ont pas d’aide, ni d’eau et de nourriture », indique dans un communiqué un collectif de solidarité avec le peuple iranien de Strasbourg.

Lors d’un rassemblement contre la répression en Iran à Santa Barbara (USA) Photo : Brett Morrisson / Flickr / cc

Ce collectif appelle les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois à manifester en soutien avec les manifestants en Iran qui réclament au péril de leur vie la fin de la théocratie mise en place en 1979. Le Parlement doit débattre de cette question au même moment.

Rendez-vous : 4 octobre, 14h30, devant le parlement européen de Strasbourg

De la guerre en Ukraine aux rues de Strasbourg : le périple forcé de Makho

De la guerre en Ukraine aux rues de Strasbourg : le périple forcé de Makho

Il a été militaire en Géorgie puis s’est engagé en Ukraine. S’il avait eu le choix, Makho serait resté au front. Loin de ses enfants qu’il n’a pas vu depuis six ans. Mais le quadragénaire a été envoyé à Strasbourg en mai, en exil dans un pays dont il ne connaît rien sans même l’avoir demandé. 

Après plusieurs semaines passées sur le camp de la place de l’Étoile, Makho, quadragénaire, est logé par l’État, en attendant que sa demande d’asile soit acceptée. « Je suis allé à l’accueil pour les Ukrainiens, mais ils ne m’ont offert que du thé », explique-t-il. Et pour cause : Makho est géorgien. Exit donc les procédures accélérées. Pourtant, il se bat pour l’Ukraine depuis six ans. Et s’il est là aujourd’hui, c’est que son état de santé ne lui permet plus de combattre les Russes.

Pour faire sienne la chambre qu’il partage avec un autre demandeur d’asile, Makho a accroché deux drapeaux : un ukrainien et un géorgien. Dans des tasses de camping, il prépare du café soluble et s’allume une cigarette. « C’est pas idéal, mais c’est mieux que ma tente », entame-t-il. Sur sa table de chevet, les ordonnances et plaquettes de médicaments s’empilent.

En Ukraine depuis 2016, engagé « contre la Russie »

« En Géorgie, j’ai suivi une formation militaire d’un an », explique-t-il. Nous échangeons grâce à la présence d’un interprète qui parle georgien. Makho est incapable de comprendre le français. Son pays, au sud-est de l’Ukraine et bordant la mer Noire, faisait partie de l’URSS. Indépendante depuis le 9 avril 1991, la Géorgie partage plus de 700 km de frontière avec la Russie, dont une partie avec la Tchétchénie au sud du massif du Grand Caucase, et compte deux régions séparatistes pro-russes, dont l’Abkhazie et l’Ossétie du sud (ou Tskhinvali). En 2008, un conflit relatif à cette partie du pays éclate, et l’armée russe attaque la Géorgie. Le sentiment anti-russe de Makho ne cesse de grandir : né en 1981, il croit en l’indépendance de son pays et vit les interventions militaires russes comme des ingérences intolérables.

Après plusieurs années au service de son pays et un passage par l’Irak, Makho décide de s’engager en Ukraine. « Je voulais les aider », déclare-t-il simplement. Avec sa formation et son expérience, « il n’y a eu qu’à signer un contrat avec l’armée ukrainienne ». En 2016, il quitte la Géorgie, sa femme et ses quatre enfants.

Dans l’hébergement qu’il partage avec un autre demandeur d’asile, Makho a accroché les drapeaux de son pays et de celui pour lequel il a combattu six ans. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

« Si j’en étais capable, j’y retournerais »

Sur son téléphone, un fond d’écran avec sa famille. Mais aussi des photos de son unité mettant le feu à un drapeau russe, et des vidéos de caméra embarquée lors d’opérations dans une forêt. Sur fond de détonations assourdissantes, on y voit Makho avancer à plat ventre, arme à bout de bras, pour « faire reculer les Russes ».

En montrant ces images, le visage de Makho se ferme. « Si j’en étais capable, j’y retournerais », marmonne-t-il avant de se rallumer une cigarette, expliquant qu’un des deux militaires à ses côtés est décédé début septembre.

Depuis le 24 février 2022, son unité de « 20 personnes maximum » a surtout arpenté le pays pour rassurer les civils et montrer une présence militaire. « On a eu de plus en plus de responsabilités et j’ai perdu beaucoup d’amis, dont deux sont morts dans mes bras », élude-t-il. Chaque jour, lui et son équipe attendent les ordres de leur hiérarchie pour savoir quelles sont leurs missions : « On n’avait pas de journée type, on faisait ce qu’on nous demandait ».

Une opération de contrôle qui tourne au cauchemar

Mais fin avril, c’est une opération de repérage qui fait basculer la vie du militaire et de certains de ses collègues. À l’époque, l’unité de Makho est en service dans la région de Kiev. « Le matin même, on nous a demandé d’aller vérifier un aéroport, voir si des soldats russes y étaient encore présents », se souvient-il. À leur arrivée sur place, l’endroit est vide. « Il y avait juste du gaz », explique-t-il. Une arme chimique dont l’effet est immédiat : « Je n’avais jamais ressenti ça, je ne pouvais plus respirer, c’est comme si mes poumons m’abandonnaient ».

« Je n’avais plus de force et je ne pouvais plus bouger. Pourtant, je n’ai pas eu peur parce que je n’ai pas eu le temps. Dans ces moments-là, tu ne peux pas être pessimiste et penser au pire, tu as une mission et c’est là-dessus qu’il faut te concentrer. »

Makho, ex-militaire géorgien en Ukraine
De ses longues années au front, il garde des photos de lui en uniforme qu’il montre avec fierté. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

C’est à l’hôpital militaire de Kiev qu’il est immédiatement transporté. « Mon chef m’a accompagné, j’y ai passé trois jours », se souvient-il. Puis il est ramené sur le camp mais son état ne s’améliore pas. Pendant une semaine, il pense qu’il se rétablira, en vain. « Je suis retourné dans le même hôpital », puis il en ressort, sans amélioration. Difficultés à respirer, effort physique douloureux, maux de dos et de tête font désormais partie de son quotidien. Le militaire retourne pourtant sur son camp. « Le traitement qu’on m’a donné ne suffisait visiblement pas », estime-t-il a posteriori.

« Je ne savais pas où on m’emmenait »

« Je passais mes journées au camp, alité, je n’avais la force de rien faire, même cent mètres à pieds, c’était compliqué », se souvient-il. À bout de force, il pense pourtant toujours qu’il pourra rester combattre. « Ce n’était pas imaginable de déserter, je crois en ma mission et je ne voulais pas abandonner mes amis », explique-t-il.

Un jour de mai, il est sommé par son supérieur hiérarchique de faire ses affaires et de monter dans une camionnette qu’il lui présente comme étant de la Croix rouge : « Je ne sais plus si c’était le matin ou l’après-midi, je n’avais pas toute ma tête, mais ils m’ont cherché directement dans le camp ». Il se souvient de trois travailleurs humanitaires et de quelques civils déjà présents dans le véhicule qui l’emmènera jusqu’à Strasbourg. « J’ai mis quelques habits dans un sac, je pensais que peut-être, on me ramènerait à l’hôpital, comme la dernière fois », avoue-t-il. Une fois embarqué, Makho ne parle à personne.

Pour prouver son appartenance à l’armée ukrainienne, il montre ce simili-passeport dans un étui de cuir, qui n’est cependant pas un document d’identité officiel. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Il comprend qu’il a été transporté dans un autre pays, lorsque la camionnette le dépose… au Nouvel hôpital civil de Strasbourg. Plus de 2 000 km plus tard, il réalise qu’il est parti d’Ukraine. Des deux jours de voyage, il ne retient rien : « On ne s’est pas arrêtés en chemin ». Il pense qu’ils sont passés par la Pologne, mais n’en est pas certain. Ce qu’il sait, c’est qu’ils n’ont pas changé de véhicule.

Une fois en France, les médecins l’examinent et lui remettent des papiers. Makho se retrouve ensuite seul à Strasbourg, à la rue. « J’ai dormi dehors sans savoir quoi faire », explique-t-il. De rencontre en rencontre, il finit par comprendre qu’il lui faut demander l’asile.

L’impossible retour, l’espoir du rassemblement familial

Il finit par planter une tente – prêtée par un compatriote géorgien – place de l’Étoile, et il y passe huit semaines. Puis, avec une bénévole russophone, il écrit à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui lui proposera finalement une place dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, le 28 août 2022. C’est là qu’il vit aujourd’hui, avec quatre autres personnes.

Sur la veste qu’il porte encore à Strasbourg, Makho a brodé les écussons de son unité militaire dans laquelle la plupart de ses collègues étaient, eux aussi, Géorgiens. Photo : CB / Rue89 Strasbourg

Depuis plus d’un mois, Makho est sous traitement pour calmer ses crises d’angoisse – en plus des médicaments quotidiens liés à son exposition au gaz. Retourner en Géorgie ? Il assure que ce n’est pas possible. Sur un site en russe, il montre sa photo et explique être recherché par l’armée. « Parfois, des militaires viennent rendre visite à ma famille, je sais qu’ils me cherchent », explique-t-il.

Sa femme est décédée en novembre 2021. Ses enfants, qu’il appelle quotidiennement, vivent désormais chez leurs grands-parents. « Il me manquent beaucoup, j’aimerais qu’ils viennent me rejoindre », explique-t-il. Après quatre mois en France, Makho s’y est finalement résolu : « Je ne suis plus en état de me battre ». C’est désormais en France que le père de famille tente d’imaginer son avenir.

Travaux suspendus à Stocamine : l’État perd des millions d’euros et refuse de dévoiler l’indemnisation versée à Bouygues

Travaux suspendus à Stocamine : l’État perd des millions d’euros et refuse de dévoiler l’indemnisation versée à Bouygues

Cet article fait partie de l’édition abonnés. | Déjà abonné ? Connectez-vous

Abonnez-vous maintenant pour poursuivre votre lecture

Abonnez-vous
Abonnez-vous maintenant pour suivre l’actualité locale.

Déjà abonné⋅e ?

Connectez-vous

Bagdad Rodéo, du rock poilu et engagé à la Maison Bleue

Bagdad Rodéo, du rock poilu et engagé à la Maison Bleue

Bagdad Rodéo sera à la Maison Bleue samedi 8 octobre pour un concert de rock qui fleure bon la testostérone et la rébellion punk des années 80.

Dans l’air puritain de l’époque, l’existence de Bagdad Rodéo sonne comme une forme de résistance et ça tombe bien puisque c’est exactement leur domaine. Ces cinq musiciens se sont rencontrés à Paris au moment de la (première) invasion de l’Irak par les Américains, avant de s’éparpiller un peu partout en France. Le chanteur et l’auteur des textes, Ludo, vit à Pfulgriesheim :

« Quand on a vu la guerre en Irak lancée sur un gigantesque mensonge, on a voulu y répondre et c’est de là qu’est né le nom du groupe, et tout le concept d’ailleurs. Dans nos chansons, on ne cesse de dénoncer le vernis, les mensonges et les compromissions. Il n’y a pas encore de chanson dans notre répertoire sur l’invasion de l’Ukraine, mais on voit que le monde n’a pas tellement changé depuis les années 90, on présente toujours une guerre comme une confrontation entre des bons et des méchants… »

Bagdad Rodéo a débuté dans les années 90 Photo : Carolyne Caro /doc remis

Tous quadragénaires, les musiciens de Bagdad Rodéo n’ont pas changé non plus et perpétuent fidèlement une forme de rock nerveux et râpeux, obtenu à grands renforts de voix rauque, de riffs efficaces et de sueur, dans la tradition des Béruriers noirs, des Shériff ou des Wampas. Dans leurs chansons très engagées contre le capitalisme, on parle de cons et d’enculés sans « trigger warning » et c’est salutaire.

« On ne voulait pas laisser le champ de la contestation au rap » explique Ludo :

« Il y a un rock assez policé, lissé… Bon, c’est pas notre truc. Nous, on est des sales gauchistes et on veut garder cette forme de protestation contre la marche du monde dans l’univers du rock. On dénonçait déjà Éric Zemmour en 2013, quatre albums plus tard on ne s’est toujours pas calmés. »

L’Alsacien Ludo est au chant et auteur des paroles Photo : doc remis

Tous les textes de Bagdad Rodéo sont très directs et s’attaquent à peu près à tout ce qui existe (les curés, les patrons, mais aussi la vieillesse…). L’ensemble oscille entre un manifeste politique radical et une somme de propos de comptoir imbibés. Ludo avoue passer « entre une et deux heures par jour » à s’informer, ce qui lui donne une inspiration sans limite et suffisamment d’énervement pour écrire des rimes comme s’ils s’agissaient d’enchaînements de boxe.

On retrouve donc des thèmes vécus par tout le monde dans la plupart des morceaux. Ainsi, Ludo a semble-t-il trouvé l’année 2020 « longue et chiante » et « préférait le monde d’avant. » Heureusement qu’avec des groupes comme Bagdad Rodéo, le monde d’avant est toujours bien vivant.

Dans des HLM du Haut-Rhin, « des augmentations de 300 euros par mois malgré le bouclier tarifaire »

Dans des HLM du Haut-Rhin, « des augmentations de 300 euros par mois malgré le bouclier tarifaire »

La flambée des prix de l’énergie suscite de vives inquiétudes dans les offices HLM, en partie oubliés par les mesures gouvernementales. C’est le cas, entre autres, pour Habitats de Haute Alsace, le bailleur social haut-rhinois de la Collectivité européenne d’Alsace, explique notre partenaire Mediapart.

« Certains locataires vont avoir des augmentations de 300 euros par mois, malgré le bouclier tarifaire. Pour un trois-pièces, la quittance va augmenter de 105 euros par mois. On est vraiment face à une urgence sociale », s’alarme Guillaume Couturier, directeur général d’Habitats de Haute-Alsace qui gère un parc de 10 000 logements, soit environ 20 000 locataires.

Entrée d’un immeuble du bailleur social de la communauté de communes de Mulhouse M2A Habitat Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Alors que les prix de l’énergie ont atteint des niveaux record, l’inquiétude a gagné en cette rentrée les offices HLM. Comme l’an dernier, les mesures gouvernementales annoncées le 14 septembre dernier ont, en partie, de nouveau oublié les bailleurs sociaux puisque le bouclier tarifaire mis en place ne concerne pas le chauffage collectif électrique, pas plus que les dépenses des parties communes.

Cet article fait partie de l’édition abonnés. | Déjà abonné ? Connectez-vous

Abonnez-vous maintenant pour poursuivre votre lecture

Abonnez-vous
Abonnez-vous maintenant pour suivre l’actualité locale.

Déjà abonné⋅e ?

Connectez-vous

Le Wagon Souk n’a plus sa Mama

Le Wagon Souk n’a plus sa Mama

Peu après son déménagement près de la gare, le Wagon Souk a perdu sa fameuse cuisinière, Adama, alias Mama Souk. La situation résulte d’un désaccord sur ses conditions de travail.

Mafé, thiary, yassa, thieb blanc, domoda et beignets coco… Dans le nouveau local du Wagon Souk, derrière la gare centrale, les plats affichés sur la carte sont restés identiques à ceux qui étaient proposés au parc Gruber, premier emplacement de la structure. Mais Mama Souk n’est plus là.

Depuis la mi-juillet 2022, Adama n’a plus les clés de sa cuisine. Âgée de 65 ans, cette dame d’origine sénégalaise en France depuis 2012, a cuisiné durant plus de trois ans au Wagon Souk alors que la structure s’était installée dans un garage du parc Gruber, dans le quartier Koenigshoffen. Cinq jours sur sept, elle travaillait de 7 heures à 14 heures pour un revenu qui dépendait de l’activité.

Depuis la mi-juillet 2022, Adama n’a plus les clés de la cuisine du Wagon Souk. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Dans un courrier d’Adama à la maire de Strasbourg, daté du 8 août 2022, la Strasbourgeoise désormais sans activité indique avoir « constaté au jour le jour, depuis notre déménagement rue des Remparts, que M. Zaïmo (sic) m’écartait dans mon propre projet. M. Zaïmo a mis d’autres personnes dans ma cuisine et fait passer les plats qui y sont vendus comme étant préparés par “Mama Souk”. » Dans ce même courrier, Mama Souk annonce aussi qu’elle souhaite détacher son projet de cantine du Wagon Souk.

« Mama ne laissait pas cuisiner ses collègues »

Du côté du Wagon Souk, le président de l’association Sauver le monde, Mohamed Zahi surnommé Zaï Mo, indique que la charge de travail a augmenté depuis que la structure occupe des locaux municipaux rue des Remparts et qu’il fallait étoffer l’équipe. Des renforts mal perçus par Adama, qui les a refusés.

Mama Souk, dans sa cuisine du Wagon Souk lorsqu’il était situé à Koenigshoffen. Photo : Robin Dussenne / archives Rue89 Strasbourg / cc

Mohamed Zahi affirme que le Wagon Souk est toujours prêt à accueillir Adama dans la cuisine. Mais Mama Souk s’y refuse et dit avoir perdu confiance en Zaï Mo. Aujourd’hui, elle se plaint que son portrait et que son nom continuent d’être utilisés pour la communication du Wagon Souk. Sur les réseaux sociaux du lieu, le point de restauration a récemment changé de nom : la cantine de Mama Souk s’appelle désormais La Cantine, tout court.

Le Conseil d’État maintient la suspension du confinement de Stocamine

Le Conseil d’État maintient la suspension du confinement de Stocamine

Le Conseil d’État a maintenu la suspension du confinement de Stocamine dans deux décisions rendues mercredi. L’État avait opté pour un confinement définitif des 40 000 tonnes de déchets en 2019 mais la décision avait été contestée.

Cette fois, l’État va vraiment devoir trouver une autre solution pour fermer définitivement Stocamine, cette ancienne mine de potasse au sud de Mulhouse reconvertie en centre de stockage de déchets ultimes, puis fermée sans qu’une solution n’ait été trouvée pour ces déchets.

Selon un communiqué d’Alsace Nature, la 6e chambre du Conseil d’État a donné tort au ministère de la Transition Écologique et à la société MDPA, exploitante de Stocamine, en rejetant les pourvois formés contre l’arrêt du 15 octobre 2021 de la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy qui avait annulé l’autorisation d’enfouissement définitif des déchets dangereux (voir notre article).

C’est un peu complexe à suivre mais en d’autres termes, l’État avait choisi de laisser les déchets au fond des puits, de boucher leurs accès et d’espérer que plus rien ne bouge pendant des siècles. Alsace Nature avait contesté ce choix, d’autant qu’une enquête est en cours parce que des déchets dangereux pour l’environnement pourraient y avoir été stockés illégalement (voir notre article).

Une succession de revers pour l’État

La cour administrative d’appel de Nancy avait suivi l’association environnementaliste, en reconnaissant en octobre 2021 que les garanties financières accordées par l’État aux MDPA étaient insuffisantes. C’est cette décision qui a été confirmée par le Conseil d’État. En janvier, l’État avait tenté de débuter les travaux de confinement définitif sans attendre cette décision, mais là encore il s’était heurté à la justice administrative cette fois-ci saisie en référé.

Puits Else des mines de potasse d’Alsace (MDPA) à Wittelsheim en 2018 Photo : Claude Ruisselet / FlickR / cc

En conséquence, si l’État maintient sa décision d’enfouissement définitif, il devra trouver un autre véhicule légal pour le faire et inscrire dans la loi et dans son budget de fonctionnement la maintenance de ces anciens puits. Selon Alsace Nature, « le préfet du Haut-Rhin est contraint de mettre à nouveau en œuvre une procédure d’évaluation environnementale. »