Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

La marginalisation des sciences humaines à l’Unistra révélée par un ancien vice-président

La marginalisation des sciences humaines à l’Unistra révélée par un ancien vice-président

Alors vice-président délégué à la recherche à l’Université de Strasbourg, Jay Rowell a enquêté à couvert pendant trois ans sur l’impact de la loi d’autonomie des universités en 2008. Le sociologue révèle les coulisses d’une marginalisation des sciences humaines et sociales au profit des sciences naturelles.

Un vice-président délégué à la recherche enquête pendant plus de trois ans, à couvert, sur sa propre université. C’est l’étonnante histoire derrière une enquête publiée dans la revue Sociologie fin septembre 2022. Son auteur s’appelle Jay Rowell. Chercheur en sociologie politique au CNRS, il a étudié les conséquences de la loi d’autonomie des universités à Strasbourg. Cette réforme a mis en place de nouvelles logiques de financement, que le sociologue a pu observer au sein même de la présidence de l’Université de Strasbourg (Unistra) lors de son mandat de 2016 jusqu’en décembre 2019.

Dans une salle du Patio, bâtiment de l’université de Strasbourg dédié aux langues et aux sciences sociales. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Comme le note l’auteur, « l’Université de Strasbourg a été précurseur dans la vague de fusions et de regroupements et représente une des principales bénéficiaires des financements IDEX (une enveloppe dédiée au financement de la recherche par appels à projets, NDLR). L’ancienneté de sa fusion et sa pleine participation à tous les dispositifs phares des réformes fait de cette université un laboratoire propice à l’observation des effets et appropriations de ces réformes. »

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2 000 manifestants à Strasbourg : « Sans mobilisation, on n’aura jamais d’amélioration »

2 000 manifestants à Strasbourg : « Sans mobilisation, on n’aura jamais d’amélioration »

En Alsace, des syndicats essayent d’amplifier le mouvement social dans tous les secteurs. Ils insistent auprès des leurs collègues sur le fait qu’il s’agit d’un passage nécessaire pour obtenir des améliorations des salaires dans le contexte d’inflation. Mais ils se heurtent souvent à des discours fatalistes ou la peur d’être mal vu.

« C’est bien de voir du monde mais ça devrait être encore plus gros », lance Marie, retraitée. Vers 11h30, 2 000 personnes partent de la place Kléber, derrière les banderoles CGT, FO, FSU et Solidaires, pour revendiquer des augmentations de salaires au vu de l’inflation et soutenir les grévistes des raffineries. Le gouvernement redoute une contagion de la mobilisation et la formation d’un mouvement social cet automne. Dans l’Académie de Strasbourg, entre 2 et 4% des personnels de l’éducation n’ont pas travaillé mardi 18 octobre. Les lycées professionnels enregistrent le plus fort taux de participation avec 17%.

« Ils ont peur d’être catalogués »

Les représentants syndicaux sont satisfaits de l’affluence du jour, mais beaucoup reconnaissent aussi qu’il est difficile de convaincre massivement leurs collègues. Francis, de la CGT Auchan Neudorf, a tracté sur son lieu de travail samedi. « Les autres soutiennent, ils nous tapent dans le dos et nous disent que c’est bien, mais ils ne sont pas là aujourd’hui », note t-il. Après 32 ans de carrière, il gagne 1 500 euros net par mois en s’occupant du rayon poisson :

« Beaucoup de collègues ne peuvent pas se permettre de faire grève et de perdre une journée de paie. Ils ont peur d’être catalogués par les patrons. Ils pensent qu’ils vont se faire virer. Notre boulot maintenant, c’est de leur montrer que le syndicalisme les protège justement. »

Francis dialogue régulièrement avec ses collègues pour les convaincre de venir en manifestation. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Non-syndiqué, Sébastien, qui a pris part au mouvement des Gilets jaunes à Molsheim, fait aussi le constat d’un certain fatalisme dans son entreprise du bâtiment :

« Quand j’essayais de les faire venir à nos rassemblements sur les ronds points, ils répondaient : « Qu’est ce que ça va changer ? » Mais parfois les mêmes font des posts Facebook pour dire qu’il faudrait tout faire péter. On manque de vision commune… C’est aussi à cause du gouvernement et des médias qui diabolisent toutes les contestations. »

« Les congés payés, la sécu, c’est grâce aux luttes »

Des passants regardent, étonnés, le cortège avancer sous le soleil matinal. « Rejoignez-nous », incite un homme. Ces derniers restent immobiles et répondent par un sourire en coin. Pour Marie, « il faut rappeler aux gens que s’ils ont des congés payés ou la sécu, c’est grâce à des luttes ». Selon la retraitée, la culture militante se perd :

« On n’enseigne plus suffisamment à l’école comment on a obtenu nos acquis sociaux. Sans mobilisation, on n’aura jamais d’amélioration, ça c’est une certitude. Les choses ne peuvent qu’empirer. Par exemple, les entreprises où il y a de bonnes augmentations de salaires, souvent, ce sont celles où il y a des syndicats forts. Et parfois, ça nécessite une grève. »

Les rassemblements militants sont aussi des temps d’échange. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Clément (prénom modifié), surveillant au collège Lezay Marnésia, a réussi à convaincre les huit autres assistants d’éducation qui devaient travailler ce mardi dans son établissement à se mettre en grève. C’est un décret du ministère qui vise à diminuer de 2 000 euros par an la prime des surveillants des établissements classés REP+ qui a motivé tout le monde selon lui : « Ils veulent nous voler plus d’un mois de salaire. Forcément, tout le monde a trouvé ça injuste. »

Le déclic pour s’engager dans un syndicat

Plus généralement, les difficultés personnelles peuvent constituer des déclencheurs. Christophe, de la CGT à l’hypermarché d’Illkirch, a adhéré à son syndicat parce qu’il avait été mis à pied il y a quelques années :

« J’étais harcelé par ma hiérarchie parce que je n’étais pas d’accord avec un nouveau fonctionnement. Je me suis rapproché de la CGT qui m’a soutenu et protégé. C’est souvent une porte d’entrée dans le militantisme syndical. On vit une expérience personnelle, on comprend l’intérêt, et on s’engage. Les nouveaux adhérents chez nous, même s’ils sont rares, sont souvent dans cette situation. »

Christophe a adhéré à la CGT après une mise à pied. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Simon, professeur d’Histoire-Géographie et représentant SUD éducation Alsace au collège Jacques Twinger à Koenigshoffen, estime que les contextes de mobilisation nationale sont des « fenêtres de tir » pour convaincre localement : « En salle de repos, ces derniers jours, quand d’autres évoquent la pénurie d’essence, c’est l’occasion pour moi de parler de l’importance des grèves et des manifestations. »

2 000 personnes ont manifesté à Strasbourg mardi 18 octobre au matin. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Des mobilisations qui provoquent des adhésions

Nelly (prénom modifié), représentante de la CGT dans une structure médico-sociale a constaté une forte augmentation du nombre d’adhérents depuis la mobilisation pour la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de l’hiver dernier. « On n’a pas eu tout ce qu’on voulait mais les éducateurs ont été augmenté de 183 euros net », abonde Nelly :

« Il y avait à la fois une exposition nationale et un ras-le-bol des bas salaires. Ce contexte était propice à l’adhésion. On est passé de 4 à 30 syndiqués à la CGT dans ma structure. C’est important aussi de communiquer sur les victoires. Ce qu’on fait a un impact, ce n’est pas si rare. »

Même situation à la CGT assurances du Crédit Mutuel, où Leatitia est déléguée du personnel : « On est passé de 2 à 30 adhérents en deux ans. C’est l’arrivée de beaucoup de jeunes qui a changé les choses. Il veulent que ça bouge. On essaye de communiquer en envoyant nos tracts par mails à tous les salariés. Il faut communiquer sur ce qu’on fait et sur l’importance d’être nombreux. À force de le marteler, de nouvelles personnes viennent petit à petit, même si c’est lent. »

Leatitia a observé une très forte augmentation du nombre d’adhérents à la CGT dans son entreprise ces dernières années. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Les mouvements sociaux, des phénomènes incertains

Les organisations de jeunes Fidl, MNL, Unef et la Vie lycéenne prennent aussi part à la mobilisation et sont positionnées en tête de cortège. Des militants allument des fumigènes noirs et rouges. Margo, en deuxième année à Sciences Po Strasbourg, explique qu’elle a choisi de venir aujourd’hui car la mobilisation prend de l’ampleur :

« Quand on vient, on loupe un cours. Certains de mes camarades sont convaincus mais ils ne sont pas venus à cause de ça. Il faut leur dire que c’est fondamental de se mobiliser pour notre vie future. Même moi j’avoue que j’évite de me mobiliser quand je sais qu’il n’y aura pas beaucoup de monde et que j’ai l’impression qu’il n’y aura aucun impact. C’est décourageant. »

Margo a choisi de louper des cours ce matin pour manifester. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Sébastien Mas, ex-candidat LFI aux élections législatives pour la troisième circonscription du Bas-Rhin, remarque que « le succès des mouvement sociaux est toujours très incertain » :

« Peut-être que ça va prendre cet hiver mais je trouve ça très difficile à pronostiquer… La force des idées d’extrême-droite chez les classes populaires peut aussi démobiliser. On n’avait pas vu venir les Gilets jaunes ou les grèves de cet été en Angleterre. Avec le projet de réforme des retraites, la potentielle utilisation du 49.3, le gouvernement va peut-être créer l’étincelle. »

De nombreux militants ont affiché leur détermination à poursuivre le mouvement et à tenter de l’amplifier. Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg

Vers 12h30, la manifestation arrive place de la République et se disperse rapidement. Dans le cortège à Paris, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a assuré qu’il y aurait « des suites ». Il considère que ce mouvement doit s’inscrire dans le temps parce que « pour l’instant, il n’y a pas assez de réponses aux revendications ». Pour obtenir des avancées, les syndicats auront besoin d’un soutien encore plus large, afin de ne pas tomber dans un « essoufflement ».

Grève contre une énième réforme du lycée pro : « Je n’ai pas envie de travailler pour le Medef »

Grève contre une énième réforme du lycée pro : « Je n’ai pas envie de travailler pour le Medef »

La mobilisation autour de la grève du 18 octobre s’étend aux lycées professionnels. Au sein de l’établissement à René Cassin à Strasbourg, les enseignants s’opposent à l’augmentation de 50% du temps passé par les lycéens en entreprise à partir de la rentrée 2023.

Lundi 17 octobre à 17 heures, veille de grève au lycée professionnel René Cassin, rue du Dragon à Strasbourg. La salle des profs bruisse d’une agitation inhabituelle. Des lettres en capitales sortent de l’imprimante pour être bientôt scotchées aux fenêtres : « Non à la réforme – Lycée pro en grève ».

Professeur d’histoire et de français et représentant syndical du Sneta-FO, Paul Nemet annonce une mobilisation historique avec la participation de 50% de ses collègues. Elles sont trois à avoir accepté de répondre à Rue89 Strasbourg, ainsi que le conseiller principal d’éducation (CPE) de l’établissement, pour dénoncer une énième réforme du lycée professionnel qui acte d’un nouveau recul de la part dédiée à l’enseignement, au profit du travail en entreprise.

Sur la façade du lycée René Cassin, la veille de la grève du 18 octobre. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On sacrifie l’enseignement général »

Joudia El Karoui est professeure en gestion administration. Elle déplore l’augmentation des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) pour ses élèves à partir de la rentrée 2023. De 8 semaines en entreprise, les lycéens passeront à 12 semaines de travail par an. « On sacrifie l’enseignement général au profit du professionnel », regrette Joudia El Karoui face à cette réforme menée par Caroline Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels.

Les trois professeures interviewées décrivent une réforme aussi hors-sol qu’à contretemps. L’une s’inquiète : « Ce qui me fait peur, c’est l’opacité. On ne sait même pas s’il y a eu un état des lieux pour améliorer la dernière réforme. » Une autre enseignante en économie-gestion critique une méthode gouvernementale inchangée depuis le début de sa carrière dans les années 90 :

« On ne nous demande jamais notre avis. C’est la réalité du terrain qui n’est pas prise en compte. Des fois, je me demande s’ils ont déjà vu un élève. »

« En français-histoire, on a déjà perdu deux heures »

Car la dernière transformation du lycée professionnel a été menée par l’ancien ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Le professeur et syndicaliste Paul Nemet décrit une « réforme en profondeur » :

« Les emplois du temps des élèves ont été modifiés avec l’apparition de nouvelles matières, des interventions avec des collègues en formation professionnelle et une discipline intitulée “chef d’œuvre”. En français-histoire, on avait cinq heures trente et on a perdu deux heures. Cette réforme avait déjà été mal accueillie par le corps enseignant. »

Professeur en histoire et en français et représentant syndical du Sneta-FO, Paul Nemet annonce une mobilisation historique avec la participation de 90% de ses collègues. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Installé dans une belle bâtisse du XIXe siècle, le lycée René Cassin a la particularité de ne proposer que des baccalauréats professionnels dans le domaine tertiaire. Ce sont de futurs salariés en comptabilité, en logistique ou en secrétariat. Des métiers qui nécessitent une maîtrise du français à l’écrit et à l’oral. Or d’après Joudia El Karoui, un quart des classes est constitué d’élèves dont la langue maternelle est une langue étrangère. Une autre professeure décrit plus généralement d’importantes difficultés en français, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit.

Des réformes et un nivellement des exigences par le bas

Enseignante en économie-gestion, Nadia (le prénom a été modifié) décrit une succession de réformes et un nivellement par le bas des exigences d’enseignement. En 2008, le baccalauréat professionnel passait de quatre à trois ans de lycée. Puis les spécialités secrétariat et comptabilité ont fusionné dès la classe de Seconde en 2016, occasionnant ainsi une baisse de niveau en comptabilité selon Nadia :

« Avant, les élèves faisaient vraiment de la compta. Ils pouvaient même pour certains continuer des études et devenir assistant de comptable. Maintenant quand on fait les visites de stage, les employeurs nous disent qu’ils sont inemployables dans ce domaine. »

« On amène le privé dans le public »

La réforme à venir pose encore deux problèmes selon les professeurs interrogés. Le premier concerne la régionalisation de l’offre de formation des lycées professionnels en fonction des besoins locaux des entreprises en emploi. Le représentant du syndicat Sneta-FO s’inquiète : « C’est la fin d’un service public avec un diplôme national équivalent à Brest, Strasbourg et à Marseille. Ça interroge : l’avenir d’un adolescent doit-il dépendre des entreprises de son lieu de résidence ? »

Joudia El Karoui, professeure de gestion administration au lycée René Cassin. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Joudia El Karoui évoque aussi la problématique des patrons qui pourraient siéger dans les conseils d’administration des établissements : « On amène le privé dans le public. Mais moi je travaille pour l’État, je n’ai pas envie de travailler pour le Medef. »

Au centre, le CPE de l’établissement Rémi Guillot qui rappelle que « 40% des élèves de l’établissement sont boursiers. Ce sont souvent des élèves en difficultés. Ils ont besoin d’un lieu comme le lycée professionnel.

À ses côtés, le CPE de l’établissement Rémi Guillot rappelle :

« 40% des élèves de l’établissement sont boursiers. Ce sont souvent des élèves en difficultés. Ils ont besoin d’un lieu comme le lycée professionnel. En privilégiant l’emploi à la scolarité, cette réforme met en péril l’accompagnement social et la construction de l’autonomie des élèves. »

#Lycée René Cassin

Les agents surveillant la voie publique de Strasbourg en grève

Les agents surveillant la voie publique de Strasbourg en grève

Les Agents de surveillance de la voie publique de Strasbourg sont en grève lundi 17 et mardi 18 octobre. N’ayant plus accès à la cantine suite à de nouvelles missions auprès des écoles, ils demandent une aide pour payer leurs repas.

La quasi-totalité des 37 agents de surveillance de la voie publique (ASVP) de Strasbourg sont en grève depuis lundi et jusqu’au soir du mardi 18 octobre. N’ayant plus accès à la cantine de l’administration municipale, ils réclament une prime pour payer leurs déjeuners en ville comme l’explique Cyril Mamonoff, représentant syndical Force ouvrière :

« Nous avions une pause de deux heures entre midi et 14h que nous ne pouvons plus prendre parce que nous devons désormais assurer les sorties d’écoles à ces horaires. Nous pouvons désormais manger soit à 10h15 soit à 14h30 mais à ces horaires, la cantine est fermée et on n’aurait pas le temps de s’y rendre de toutes façons. Vu le coût de la vie, on demande une aide pour payer les sandwichs qu’on doit prendre en ville. »

Agents de surveillance de la voie publique à Strasbourg en 2014 Photo : Paralacre / Wikimedia commons / cc

L’administration de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg précise que les nouveaux horaires ont fait l’objet d’un accord avec les ASVP, et qu’ils datent de la mise du stationnement payant entre midi et deux heures. L’administration refuse cette prime, qu’elle a octroyée récemment aux éboueurs et aux agents de propreté. « On nous a dit que contrairement à eux, si on se mettait en grève, les gens n’en auraient rien à faire, » souffle Cyril Mamonoff…

Lors d’une réunion lundi, l’administration a proposé que les agents achètent des paniers-repas auprès du Ciarus, qui dispose d’un partenariat avec la Ville de Strasbourg. Mais les agents doivent commander 72 heures à l’avance ces repas et ils restent trop chers pour eux, selon Cyril Mamonoff (plat et dessert à 12€90, entrée, plat et dessert à 13€90). L’administration répond que la participation forfaitaire de l’employeur est la même pour tous les agents, quel que soit leur lieu de restauration, et qu’elle est de 4€35.

D’autres revendications concernant les horaires de travail et certaines missions (comme l’occupation du domaine public et les brigades éco-citoyennes) n’ont pu être réglées, indique en outre M. Mamonoff qui indique que les agents resteront en grève mardi 18 octobre et qu’un nouveau préavis de grève sera déposé après les vacances scolaires, voire pendant le Marché de Noël. De son côté, l’administration indique que « 90% des anciennes revendications des ASVP ont été adressées favorablement depuis le début du mandat » et que « le travail de concertation continue… »

À la Meinau, des rats et des cafards profitent du désengagement d’un bailleur pour prospérer

À la Meinau, des rats et des cafards profitent du désengagement d’un bailleur pour prospérer

Rue de la Canardière à la Meinau, des habitants subissent les intrusions de rats et de cafards dans leurs logements. En attendant d’être entièrement refaite, la zone est devenue un paradis pour les rongeurs et les cafards. Reportage.

Au pied de cet immeuble de la Meinau, une quinzaine de locataires attendent dans le froid, une matinée brumeuse du mois d’octobre. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de vie dans le vétuste bâtiment du 50 au 60 rue de la Canardière, infesté, jusque dans leurs appartements, de rats et de cafards. In’li Grand Est, propriétaire de cet édifice et d’autres aux alentours, projette de les démolir pour les remplacer par des ensembles neufs.

Le bailleur a initié des démarches de relogement auprès des habitants depuis 2019. La quarantaine de personnes qui restent craignent d’être contraintes de vivre encore plusieurs années dans un environnement qui se dégrade.

Daniel, résident de longue date, pointe un grand terrain vague derrière le bâtiment. Les rongeurs y ont creusé des dizaines, peut-être des centaines de terriers, protégés par une haute végétation qui constitue un écosystème favorable à de nombreuses espèces… comme les rats. Le Meinauvien constate leur prolifération en l’absence d’entretien de la zone :

« Si on me disait qu’il y en a 400, je ne serais pas étonné. Ils sont bien ici… Surtout que des habitants jettent les poubelles par la fenêtre. »

Dans la cave, les rats grouillent

Des fenêtres qui mènent à la cave de l’immeuble sont presque collées au sol, parfois ouvertes, d’autres ont des vitres cassées. Les grilles censées empêcher l’intrusion des rats leur laissent largement la place de se faufiler en réalité.

Des trous et fissures au bas des murs font aussi probablement office de passages. Ils ont alors accès à leur garde manger favori : les poubelles. Plusieurs d’entre elles n’ont même plus de couvercle, d’autres sont endommagées à leur base, laissant une entrée vers la nourriture.

Les poubelles ne sont pas étanches aux rats. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« On ose à peine entrer dans la cave pour jeter les poubelles, ça fait peur », lance une femme âgée. Dans le sous-sol, une très forte odeur d’urine et d’excréments de rats coupe le souffle. À l’approche du local poubelles, leurs déplacements bruissent. Ça grouille. Quelques petits animaux se laissent apercevoir en traversant furtivement le couloir. L’un d’entre eux, pas peureux, se cache à peine dans la poubelle. Un autre entre dans ce qui est censé être un piège, et en ressort aussitôt.

La faute aux squatteurs d’en face ?

Contacté à propos de cette situation, In’li répond que cette prolifération s’explique notamment par « un dernier hiver doux, la présence massive de sacs poubelles à l’extérieur des bâtiments, l’incivilité de certains habitants qui jettent leurs détritus et de la nourriture n’importe où ». Le bailleur accuse les occupants du squat Bourgogne, un autre bloc en instance de démolition situé à quelques dizaines de mètres de l’autre côté du terrain vague et investi par des sans-abris :

« Ils se débarrassent au même titre que des habitants indélicats, de leurs déchets aussi bien à même le sol des parties communes de l’immeuble qu’à l’extérieur du site malgré la mise en place d’une benne à ordures et d’une campagne de sensibilisation réalisée récemment par la collectivité. »

De la nourriture accessible pour les rongeurs

Mardi 4 octobre 2022 vers 10h, aucun sac poubelle n’est entreposé dehors autour de l’immeuble, pas d’ordure à l’horizon sur la pelouse abandonnée. Une femme jette de petits bouts de pain depuis sa fenêtre pour nourrir des pigeons, ce qui agace Daniel : « Les rats en profitent aussi ! » Le bailleur indique que « des dispositifs anti-rats (pièges, grilles aux fenêtres, NDLR) ont été mis en place et plusieurs campagnes de dératisation ont été réalisées conjointement avec la collectivité ».

Un îlot à poubelle étanche aux rats à la Meinau. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Mais sans poubelles enterrées ni d’îlots étanches, impossible de lutter efficacement contre le phénomène, les dératisations ponctuelles étant des solutions à court terme. Ophéa a récemment embauché des gardiens d’immeubles qui rappellent que les ordures doivent être jetées dans les poubelles et ramassent les déchets au cours de leurs tournées. Avec ces solutions cumulées, la situation a bien évolué allée Reuss ou rue Lavoisier.

En l’état, rue de la Canardière, même si les locataires mettaient tous sans exception leurs ordures au bon endroit, vu l’état des poubelles, les rats auraient toujours accès aux déchets et continueraient à proliférer.

Fatima a été mordue par un rongeur un matin. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Dans le placard de son entrée, Fatima montre les vestiges d’un ancien trou qu’empruntaient les rats pour rentrer chez elle. Jawad, son fils, avait déjà envoyé un mail à In’li le 24 mars 2020, bien avant l’existence du squat Bourgogne dont l’occupation a commencé fin 2021 :

« Nous avons constaté, dans la nuit du vendredi 20 mars, l’intrusion de trois rats dans notre appartement. Nous en avons tué un, les deux autres ont été chassés avec beaucoup de difficultés puisqu’ils étaient dans notre placard où toutes nos provisions ont été rongées. »

Un rat tué dés mars 2020 dans l’appartement de Fatima. Photo : remise

« C’est usant de vivre avec ça »

Fatima se rappelle aussi avoir été mordue par « un rat ou une souris » un matin alors qu’elle se réveillait. Son médecin traitant lui avait alors « prescrit des antibiotiques ». Elle expose des couvertures détériorées par les rongeurs :

« C’est vraiment dégradant et usant psychologiquement de vivre avec ça. In’li n’a rien fait à part venir une fois pour constater les potentielles entrées. Mais nous les avons bouchées nous-mêmes. Depuis il y a moins de rats mais le problème n’est pas résolu. J’ai trouvé une souris morte dans le lave-vaisselle. D’après un plombier que j’ai fait venir, il est probable qu’elles passent par les canalisations. »

Des rongeurs ont endommagé des couvertures de Fatima. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Tous les locataires présents évoquent des rencontres régulières avec des rats, « qui peuvent faire jusqu’à 15 ou 20 centimètres », dans la cage d’escalier. Et certains subissent aussi la présence d’autres nuisibles, les cafards. Marie-Christine se bat contre ces insectes avec notamment des autocollants empoisonnés :

« C’est apparu en juillet chez plusieurs personnes. J’ai d’abord appelé deux ou trois fois In’li. Ils m’ont juste dis “on prend note”. Une semaine plus tard, je me suis rendue chez eux parce que j’étais énervée et suite à ça, ils m’ont installé ces autocollants, mais ça ne suffit pas du tout. Quatre mois plus tard, j’ai toujours des cafards. Je ne sais pas pourquoi je paye des charges de 170 euros. J’ai dû payer un surplus de 2 000 euros pour l’année écoulée. C’est insultant. »

Marie-Christine récupère quelques cafards morts tous les jours, mais ces derniers se reproduisent vite. Elle subit leur présence quotidienne. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

In’li n’entretient plus le terrain vague en raison des « agressions »

Concernant l’absence d’entretien du terrain vague, In’li invoque « des difficultés à trouver des entreprises qui veulent encore intervenir sur le site, car les espaces verts sont jonchés de seringues, de nombreux détritus de toute nature, de pneus et autres pièces détachées de voitures enlevées à grands frais. À cela, s’ajoute un sentiment d’insécurité lié à de nombreux actes d’agressions dont ont été victimes des locataires, des collaborateurs d’In’li ainsi que les gérants des commerces et autres habitants du quartier ».

Les effractions en question seraient « en lien direct » avec l’occupation clandestine de l’immeuble du 23 au 27 rue de Bourgogne selon des plaintes déposées par des prestataires d’In’li. Le bailleur a cependant refusé de les détailler. Interrogés sur ces plaintes, le parquet de Strasbourg et la police nationale n’ont pas donné suite à nos demandes.

Du côté de la Ville, aucune intervention de la police municipale à signaler en lien avec le squat. Marie-Christine voit, dans la désignation du bâtiment occupé, une manière de se dédouaner pour le propriétaire : « Je n’ai jamais été agressée… Le squat, c’est leur truc en ce moment, ils jouent là-dessus. »

Le squat Bourgogne occupé majoritairement par des familles

Hillary Contreras de Médecins du Monde rappelle que lors de ses maraudes régulières dans le squat, l’association a rencontré une centaine de personnes, dont 70 qui vivent en famille, et 30 hommes et femmes isolées ou en couple :

« En général, l’ambiance est très résidentielle dans le bâtiment. Ce que nous constatons régulièrement sur place, ce sont en majorité des appartements propres et en bon état. Des seringues ont été retrouvées dans les espaces communs. Quelques personnes présentent des problèmes d’addiction, et l’association de prévention et de soins Ithaque s’est rendue sur place. Nous n’avons aucun élément sur des agressions. »

Des habitantes du squat Bourgogne en janvier 2022. Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Un relogement hypothétique

Outre des mesures radicales contre les rats et les cafards, les habitants du 52 rue de la Canardière attendent surtout d’être relogés. In’li explique le processus :

« Il a été mis en place, en partenariat avec l’association Amli, un accompagnement personnalisé et financier, pour le relogement de nos locataires […] qui seraient légitimes à disposer d’un logement social. […] Le processus est long en temps normal et plus encore dans le contexte actuel […] en raison des squats qui s’organisent à Strasbourg. »

Une partie des locataires devraient donc, à terme, être relogés chez des bailleurs sociaux et non In’li. Les personnes âgées de plus de 65 ans ou handicapées, pourraient être accueillies dans le bâtiment qui sera construit à la place du squat Bourgogne, après sa démolition.

Piégée avec les cafards et les rats, Marie-Christine se dit fatiguée d’attendre :

« Ils nous disent de prendre notre mal en patience, mais ils sont censés nous reloger depuis 2019. Notre immeuble se dégrade, cela ne peut plus durer. »

Marie-Christine est fatiguée de vivre avec des rats et des cafards. Photo : TV / Rue89 Strasbourg
#rue de la Canardière

Des magistrats aux côtés de policiers contre la réforme de la police nationale

Des magistrats aux côtés de policiers contre la réforme de la police nationale

Une cinquantaine de policiers enquêteurs, soutenus par des magistrats, étaient à nouveau rassemblés lundi vers midi sur le parvis de l’Hôtel de police de Strasbourg. Ils exprimaient pour le deuxième fois leur inquiétude face à la réforme de la police nationale, qui prévoit de placer la police judiciaire sous la même autorité que la sécurité publique.

Avec des écriteaux « Liquidation judiciaire » dans le dos, scotchés à l’aide de rubans à scellés, masques sur la bouche et bras croisés, une cinquantaine de policiers enquêteurs, de personnels administratif et de magistrats se sont rassemblés lundi vers 12h30 sur le parvis de l’Hôtel de police de Strasbourg. Ce nouveau rassemblement, neuf jours après le précédent, veut dénoncer l’absence de dialogue dans une réforme globale de la police nationale. Cette réforme placerait la police judiciaire (PJ) sous la même hiérarchie que la sécurité publique.

Le discours de l’ANPJ a été lu par des représentants devant la plupart des commissariats de France Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Des rassemblements partout en France

Des rassemblements similaires se sont tenus devant la plupart des commissariats de France, à l’initiative de la toute jeune Association nationale de la police judiciaire (ANPJ). Dans un discours commun, lu par un représentant, l’ANPJ a tenu à rappeler le cadre de son action :

« L’association a pour objectif de défendre les intérêts des Français et la spécialisation des enquêteurs. Non seulement le projet de réforme de la police nationale n’améliorera pas le sort de nos citoyens victimes de la délinquance du quotidien, mais en plus, il altérera fondamentalement la capacité des policiers à faire face à la criminalité organisée. »

Écouter le discours de l’ANPJ
Le rassemblement a mobilisé plus d’une cinquantaine de personnes Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Depuis cette mobilisation, deux audits sur la police nationale ont été lancés (par l’Inspection générale de la police nationale et l’Inspection générale de l’administration), ainsi que trois commissions d’information parlementaires. Pour les policiers enquêteurs, qui craignaient que cette réforme ne passe sous les radars médiatiques, un premier objectif est déjà rempli.

Quant à la suite, les policiers présents lundi ne se prononçaient pas : « on veut juste un dialogue », rappelle l’un d’entre eux tandis qu’une autre indique :

« On a exprimé notre mécontentement maintenant… c’est au gouvernement d’agir. S’il veut quand même faire passer sa réforme sans nous entendre, grand bien lui fasse. On ne va pas se retrouver sur le parvis chaque semaine non plus. »

Certains policiers tenaient des photos faisant pleurer Georges Clémenceau, le ministre de l’Intérieur fondateur de la police judiciaire en France Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Un sentiment de gâchis s’exprime parmi les présents à ce rassemblement, comme le verbalise un gradé :

« À la PJ, je ne dirais pas que tout va bien mais ça fonctionne. Avant cette réforme, il n’y avait pas de revendications catégorielles. Même s’ils prennent du temps, les dossiers sortent. Le risque est de casser cette mécanique complexe et délicate, essentielle pour répondre au crime organisé. »

Des magistrats présents en soutien

Outre les policiers, une douzaine de magistrats du tribunal de Strasbourg avait fait le déplacement. Parmi eux, Vincent Tridon, substitut du procureur de la République et membre du Syndicat de la magistrature, partage les inquiétudes des policiers :

« Il ne s’agit pas d’opposer police et justice, mais on voit déjà que lors de grands événements, comme au soir du 31 décembre, les effectifs de la PJ sont mobilisés pour assurer l’ordre public. Puisqu’il s’agit de faire une réforme à moyens constants, il est à craindre par exemple que les policiers enquêteurs soient de plus en plus mobilisés pour répondre à des trafics de drogue dans la rue, plutôt que contre ceux qui importent la drogue… »

Autre crainte exprimée à mots couverts lundi, c’est pour les policiers enquêteurs d’avoir à participer à la « politique du chiffre. » La police est de plus en plus soumise à une pression statistique sur son activité, pression qui ne s’applique pas sur la PJ, dont les affaires sont le plus souvent discrètement résolues. Les policiers enquêteurs, en raison des spécificités de leurs missions, jouissent en outre d’une relative liberté et craignent que cette réforme ne leur impose les mêmes contrôles hiérarchiques tatillons.

Manifestation contre la baisse des subventions de 46 structures culturelles du Grand Est jeudi

Manifestation contre la baisse des subventions de 46 structures culturelles du Grand Est jeudi

Les subventions régionales de 46 structures culturelles pourraient baisser de 10%. La CGT appelle les professionnels du spectacle à manifester jeudi 20 octobre au matin, devant les sièges de la Région Grand Est à Strasbourg et à Metz.

La Région Grand Est envisage de diminuer de 10% les subventions pour les structures culturelles recevant plus de 100 000 euros ou les festivals recevant plus de 250 000 euros de dotations régionales selon les syndicats de la CGT spectacle. Ils appellent à deux rassemblements à Strasbourg à 9h et à Metz à 8h30, devant les hôtels de la Région.

46 structures sont concernées par ces potentielles restrictions, comme l’Opéra national du Rhin, le festival Musica… Pour Daniel Muringer de la CGT, ce « coup de rabot » sur la Culture aurait de lourdes conséquences :

« Cette mesure entraînerait immanquablement une baisse d’activité conséquente qui pèsera sur l’emploi et les salaires des artistes, techniciens et personnels administratifs, non seulement de ceux et celles directement concernés, mais également, par un effet domino, de l’ensemble des professionnels du secteur, aggravant un contexte de forte inflation. »

L’Opéra national du Rhin serait concerné par la baisse des dotations. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

« Je crains qu’il s’agisse d’une mesure parmi d’autres contre la Culture »

L’intersyndicale estime aussi que la baisse de ces subventions pourrait entraîner un moindre rayonnement des structures culturelles, ce qui « priverait nos concitoyens les plus modestes de l’accès au service public de la Culture ». Elle souligne que « la Région Grand Est serait ainsi la première région à emboîter peu glorieusement le pas des coupes dans la culture initiées par Laurent Wauquiez (LR), président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ». Ce dernier a par exemple baissé de près de 30% les dotations culturelles en Isère pour 2022.

« Ces mesures permettront l’économie de seulement 1,5 million d’euros sur un budget total de 3,5 milliards », souligne le syndicaliste : « Je crains qu’il s’agisse d’une première attaque parmi de nombreuses autres dans notre secteur. » L’ensemble Stanislas, un quatuor Nancéen loin des 100 000 euros de dotation, a par exemple vu sa subvention régionale baisser de moitié cet été. L’intersyndicale espère faire enterrer ce projet de restriction budgétaire avant même qu’il ne soit soumis au vote des élus régionaux.

Muttersholtz, le village dont la facture d’énergie n’augmente pas

Muttersholtz, le village dont la facture d’énergie n’augmente pas

Alors que l’immense majorité des communes sont confrontées à l’explosion de leurs factures de gaz et d’électricité, Muttersholtz n’est guère impactée. Depuis 2014, ce village du Ried a réalisé d’importants travaux pour opérer sa transition énergétique, si bien que la commune produit plus d’énergie qu’elle n’en achète. Pratique quand les prix s’envolent.

Mercredi 5 octobre, les maires du Bas-Rhin avaient rendez-vous à Sélestat pour une journée de travail. Lors du discours inaugural, le président de l’association des maires du Bas-Rhin, Vincent Debes (DVD) puis le maire de Sélestat, Marcel Bauer (ex-LR) ont tous les deux réclamé un « bouclier tarifaire » du gouvernement pour les communes face à la hausse des prix de l’énergie.

À quelques kilomètres de là, dans le village voisin de Muttersholtz, ce n’est pas du tout la demande du maire, Patrick Barbier. La hausse du prix de l’énergie ne l’empêche pas de dormir. Pas étonnant, puisqu’en 2020 et 2021 sa commune a produit trois fois plus d’électricité qu’elle n’en a consommée. Et 2022 ne devrait pas déroger à cette tendance.

« Il faut un signal-prix »

Kayakiste sur son temps libre, Patrick Barbier plonge dans ses souvenirs pour expliquer ses convictions :

« Dans ma jeunesse, on pagayait dans l’Ill qui ressemblait à des égouts à ciel ouvert. Aujourd’hui, on s’y baigne. Pourquoi ? Car on a instauré en 1964 le système de pollueur-payeur. Les entreprises étaient doublement incitées à dépolluer avec de fortes redevances d’un côté et des grosses aides de l’autre pour dépolluer. C’est pareil pour l’énergie, il faut un signal-prix. Qu’il y ait des amortisseurs temporaires pourquoi pas, mais ce qu’il faudrait surtout, c’est aider les communes et particuliers à faire la même chose que ce qu’on a fait à Muttersholtz. »

Élu en 2008, Patrick Barbier a consacré son premier mandat à s’occuper des voiries : « On a élargi les trottoirs, ce qui a rétréci la route. La configuration pousse à ralentir quand des voitures se croisent et cela sécurise aussi les vélos ». Réélu en 2014 et 2020 sans liste concurrente face à lui, le maire écologiste (il a quitté EE-LV en 2017 pour des raisons nationales) s’est ensuite occupé de l’énergie. Avec ses collaborateurs, il s’est notamment fait une spécialité de traquer et cumuler les dispositifs d’aides à la transition énergétique locaux ou nationaux.

Isolation, production mais incompréhension

Au programme, des rénovations avec l’isolation des nouveaux bâtiments basse consommation (BBC) voire « à énergie positive », et surtout l’installation de trois turbines hydro-électriques le long de deux barrages sur les bras de l’Ill et du Muhlbach local (« le bras du moulin », comme on en trouve dans beaucoup de villages d’Alsace).

Désignée « Capitale de la biodiversité » en 2017, Muttersholtz et ses transformations ont provoqué un intérêt de la part d’élus locaux depuis quelques années, mais aussi beaucoup d’incompréhension se rappelle Patrick Barbier :

« Les autres maires me demandaient toujours si ces investissements étaient rentables… Mais les routes, les gymnases, les salles polyvalentes ne sont de toute façon pas rentables pour les communes, en dehors du lien social qu’ils génèrent. »

Pour construire sa centrale sur l’Ill, Muttersholtz s’est associée à la Région Grand Est en fondant une société publique locale (SPL) détenue à 50% par chacune des deux collectivités. Avec les aides du ministère de l’Écologie, de la Région et du Département, le village n’a finalement réglé que 31% de la somme totale d’un peu plus de 2 millions d’euros.

La centrale hydroélectrique est en service depuis 2020. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg / cc

De la revente à l’autoconsommation

Mise en service en 2020, la centrale hydroélectrique de l’Ill devait être rentabilisée en 20 ans. Mais avec la hausse actuelle des prix, « on va amortir à vitesse accélérée », savoure l’élu local. En plus des économies, la SPL va pouvoir revendre plus cher son surplus. De là à se verser des dividendes ? Le maire sourit : « On va d’abord rembourser, mais on pourrait investir dans un futur projet énergétique, peut-être pour en faire profiter les entreprises qui sont toutes inquiètes », projette-t-il.

Au début, le SPL revendait son énergie à des prix « garantis » et « libres » (13 centimes le kilowattheure (cts/kWh) sur le barrage du moulin et 7 centimes sur celui de l’Ill) et continuait d’en acheter auprès de l’énergéticien Enercoop. Mais lors de l’été 2022, le prix d’achat s’est envolé, passant alors de 7 à 25 cts/kWh. Pour éviter de voir sa facture tripler, la commune a alors basculé le 5 septembre sur « l’autoconsommation » de l’énergie qu’elle produisait. Ce qui génère de nouvelles économies. « On paie encore la Turpe, la taxe qui finance le réseau d’Énédis, mais on n’achète plus d’électricité, et donc pas de TVA, ni de Taxe sur la consommation finale d’électricité (TFCE) ». Soit 43 000 euros à débourser en moins.

Les turbines, et la passe à poissons, de la centrale hydroélectrique sont les plus grandes fiertés de Patrick Barbier. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Gros avantage de cette énergie renouvelable : elle produit de l’électricité 24 heures sur 24… ou presque. Les turbines restent exposées aux aléas climatiques détaille l’ancien professeur :

« En hiver, il y a généralement trois semaines d’inondation où le niveau est trop haut pour que les turbines tournent, et cet été en 2022, pour la première fois depuis trois étés, il n’y avait pas assez d’eau en août ».

Gênant, mais pas de quoi déséquilibrer le rendement sur l’année.

Des économies sur l’éclairage dès les années 2010

Muttersholtz n’a pas attendu la « fin de l’abondance » pour se convertir à la « sobriété ». Pour Patrick Barbier, ancien président d’Alsace Nature, pas besoin de réduire l’éclairage cet hiver puisque c’était déjà fait, avec à la clé, 13 000 euros par an d’économies :

« On est passé en LED, puis on a éteint un mât sur deux, avec aussi une petite baisse de la luminosité à 22h30, à peine perceptible à l’œil nu. Lors du premier confinement, on a éteint de minuit à 5h. On a consulté la population, les retours ont été très positifs. On a prolongé l’éclairage jusqu’à 2h du matin les vendredis et samedis, car c’est une heure où l’on peut rentrer à pied ou à vélo d’un long dîner. Là, on envisage de décaler l’allumage à 6h car personne ne part à pied entre 5 et 6h du matin. »

À rebours d’une partie des écologistes, l’élu ne tarit pas d’éloges sur les compteurs connectés Linky, qui permettent de traquer les erreurs de consommations.

Un nouveau cœur de village « sobre »

Dans le nouveau cœur du village, Patrick Barbier affiche « un concentré de notre idée de sobriété ». Pour y accéder depuis l’école, on suit des nouveaux chemins, qui évitent de faire un détour de 10 minutes. Sur les panneaux de signalisation, les temps de parcours, que ce soit à pied (4 minutes) ou à vélo (2 minutes), sont indiqués.

Dans le centre, la commune a bâti en 2015 un gymnase « à énergies positives ». Patrick Barbier reconnaît que « le bâtiment n’est pas très esthétique ». Mais avec ses performances exemplaires, ses panneaux solaires produisent plus d’énergie que ce qu’il est nécessaire pour l’éclairer et le chauffer quelques jours dans l’année. Après quelques années de fonctionnement, la commune a facturé les charges au club de gym : 250 euros… par an, pour un espace de 600 mètres carrés. Coût de l’opération : 3,2 millions d’euros, financés avec 77% d’aides publiques.

Grâce à ses panneaux solaires et son isolation, le nouveau gymnase produit plus d’énergie qu’il n’en consomme. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Accolé au gymnase, l’ancienne synagogue, devenu une salle des fêtes que partageait jusqu’à récemment la commune avec les gymnastes, est en cours de rénovation. Compte tenu de la configuration de ce bâtiment du XIXe siècle, celui-ci n’est rénové « que » selon les critères BBC (bâtiment basse consommation). Cette fois-ci, la commune a même atteint les 83% d’aides cumulées, soit seulement 56 000 euros à débourser.

À cet ensemble, une salle moderne pour les conseils municipaux et les mariages a été construite. Pour chauffer les deux bâtiments, la commune est passée aux chaudières à bois, une énergie renouvelable. En cette rentrée 2022 Muttersholtz est comme tout le monde confrontée à la hausse du prix du granulé mais celui-ci n’a « que » doublé, bien loin des standards du gaz, dont le prix a été multiplié par dix par rapport à la fin 2019. Pour des salles qui ne sont chauffées que quelques jours dans l’année, le surcoût est absorbable.

Patrick Barbier devant le gymnase et la salle municipale, avec ses façades en bois. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Dans ce cœur de village, la municipalité compte encore installer une résidence pour personnes âgées et un grand parc. « Le cœur du village concentre le sport, la politique, la culture et différents âges. Une ville regroupée est moins consommatrice », rappelle Patrick Barbier. Dans cet espace limité, le parking, à l’exception d’une place pour personnes handicapées, est quant à lui relégué à une cinquantaine de mètres. « Les Muttersholtzois comprennent, ceux des autres communes parfois un peu moins ».

À l’arrière du gymnase, la commune compte aménager un grand parc arboré. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

L’école maternelle et la mairie, derniers contrats gaz

Reste l’école maternelle, pourtant construite en 2006 / 2007 avec des standards « haute qualité environnementale », mais qualifiée de « passoire thermique » par le maire arrivé aux commandes de la municipalité l’année suivante. Il s’agit de l’un des deux derniers contrats de gaz de la commune. « C’est un hasard mais notre contrat nous couvre jusqu’à la fin 2023 », précise Patrick Barbier. Ainsi, le maire ne prévoit pas particulièrement de baisser la température à 19 degrés. Le chauffage est déjà coupé chaque week-end depuis des années.

L’autre contrat de gaz concerne le bâtiment de la mairie, isolé aux normes BBC avec du triple vitrage. « À l’étage il y avait cinq radiateurs. On en allume parfois un seul quand il fait très froid ». Là encore, avec les diverses aides, Muttersholtz n’a payé qu’un quart de la facture de la rénovation, soit 86 000 euros sur les 360 000. Ainsi, malgré ses nombreux investissements récents, la commune affiche en 2020 un endettement de 665 euros par habitant, soit moins que la moyenne des villages de taille comparable (912€/hab). Elle est bien moins endettée qu’en 2016. « Un maire doit avoir deux qualités : trouver les bons collaborateurs capables de monter des dossiers de financement, et ne pas avoir peur de demander », estime Patrick Barbier.

La mairie a été isolée et ne consomme presque plus de gaz. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Écologie à tous les étages

La politique écologiste ne se limite pas seulement à l’énergie. L’école a également été rénovée en BBC, la cour a été « désimperméabilisée » avec un revêtement qui laisse l’eau s’infiltrer dans le sol (comme certaines écoles à Strasbourg). Près des vitres, une mini-forêt limitera les rayonnements du soleil les matins d’été sur les vitres, orientées plein est. Le terrain de sport a été déplacé, mais conservé.

L’école et sa cour ont été rénovées, avec notamment l’aide de l’Agence de l’eau pour déployer un sol qui laisse s’infiltrer l’eau de pluie. Près des vitres, une mini-forêt doit filtrer les rayons du soleil. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Enfin, la dernière fierté de Patrick Barbier, c’est sa politique foncière :

« En dix ans, on a ajouté 30 logements sans étaler l’emprise communale. Ça correspond à un lotissement. Depuis les années 1950, un nouveau lotissement était construit chaque décennie sur le ban communal ».

Pour le maire, les 8% de logements vacants relèvent « surtout de la procrastination », notamment d’héritiers, pas toujours d’accord entre eux, et un peu de « peur des locataires ». Pour remettre des appartements et maisons sur le marché, il active trois leviers : la taxe sur les logements vacants, le dialogue avec les propriétaires et leur orientation vers diverses aides à la rénovation.

L’ancien instituteur, devenu ensuite conseiller pédagogique sur l’Environnement, conçoit que la méthode de Muttersholtz n’est pas généralisable pour toutes les communes. Toutes n’ont pas un bras de l’Ill à exploiter par exemple, mais il remarque : « En Forêt Noire, on voit des villages avec des turbines privées qui n’exploitent les chutes d’eau qu’en hiver, donc ça doit être rentable ».

Longtemps abandonnée, la maison bleue a finalement accueilli une pharmacie et des logements après une rénovation. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Résistance aux panneaux solaires sur l’église

Dans sa politique écolo tous azimuts, Patrick Barbier concède néanmoins avoir essuyé un échec. La commune avait soutenu un projet de « coopérative citoyenne » qui avait pour projet d’installer des panneaux solaires sur la toiture de l’église protestante. Au début tout allait bien, jusqu’à une erreur :

« On est peut-être allé trop vite en publiant une image dans le journal municipal… Une personne de la paroisse s’est exprimée contre, et puis il y a eu d’autres personnes qui disaient avoir recueilli 440 soutiens. Ils ont argumenté sur des questions patrimoniales et pas sur des arguments anti-écolo. On aurait peut-être pu passer en force, mais c’était symbolique de ne pas le faire. ».

La commune s’est heurtée à un refus d’une partie de sa population pour implanter des panneaux solaires sur la toiture de l’église protestante, pourtant orientée plein sud. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

La municipalité cherche un nouveau lieu d’implantation, probablement les toits de la future halle de marché couverte dans le cœur du village.

Seulement 7% des besoins assurés

La production des installations couvrent les besoins de la commune, mais c’est loin d’être suffisant pour alimenter les foyers muttersholtzois, qui verront leurs factures d’énergie augmenter comme tout le monde. L’énergie produite par les installations de la commune ne correspond qu’à seulement 7% des besoins de l’ensemble de la population.

Avec des entreprises comme la scierie Mathis, une micro-brasserie, une boucherie, une supérette… L’activité économique va être impactée. Pour couvrir les besoins de tout le monde, il faudrait produire 12 gigawattsheure (GWh) de plus. Une énergie produite par des panneaux solaires sur une surface équivalente à sept terrains de football ou par deux éoliennes. Entre les zones d’exclusion et la proximité des habitations, il n’y a de la place que pour « cinq ou six » installations éoliennes à l’arrière du village. Le maire aime bien sûr l’idée, mais il sait le sujet sensible. « En Allemagne, les citoyens sont davantage impliqués dans les projets énergétiques, ce qui fait qu’il y a aussi des gens pour les éoliennes et pas seulement contre ». L’élu attend aussi beaucoup de la future « loi Énergie », afin qu’elle facilite les implantations.

« Le rêve, ce serait de créer une coopérative citoyenne pour de l’autoconsommation collective », projette le maire. Et faire de Muttersholtz, un village complètement indépendant pour son énergie.

Des tâches en plus pour gagner plus, piège antiféministe tendu aux enseignants

Des tâches en plus pour gagner plus, piège antiféministe tendu aux enseignants

Le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye est chargé de la mise en musique du nouveau « pacte » que souhaite signer Emmanuel Macron avec les enseignants, qui consiste à mieux les rémunérer en échange de nouvelles missions. Mais ces « extras » aggravent déjà les inégalités salariales entre les femmes et les hommes dans l’Éducation nationale.

Regarder les politiques publiques sous l’angle du genre, cela fait des années que l’Autriche, l’Australie ou encore l’Islande s’y sont attelées. La France rechigne. Elle se dirige pourtant vers un nouveau cas d’école si le ministre de l’Éducation nationale va au bout de son chantier de revalorisation du salaire des enseignantes et des enseignants.

Car les chiffres sont sans appel dans une profession pourtant largement féminisée : les femmes profs perçoivent en moyenne un salaire net inférieur de 14 % à celui des hommes. Ici interviennent les raisons habituelles et connues de l’ensemble de la fonction publique comme du secteur privé. Les enseignantes sont plus nombreuses à temps partiel, elles avancent moins vite dans leur carrière et ont un accès moindre aux corps les plus rémunérateurs, l’agrégation par exemple. Ce qui plombe de facto leur « traitement » (le salaire de base dans la fonction publique, fixé par indice).

Un cours au lycée Rostand Photo : Baptiste Cogitorre / Archives Rue89 Strasbourg

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October Tone, dix ans de sueur au service de la musique indépendante

October Tone, dix ans de sueur au service de la musique indépendante

Le label strasbourgeois October Tone fête ses dix ans. La structure associative qui accompagne des musiciens doit maintenant se muer en société, sans perdre son identité collaborative, d’indépendance et de rapport au public.

On voit arriver Atef Aouadhi de loin. Ce grand échalas ne passe pas inaperçu avec pourtant l’air de toujours surgir d’une autre dimension. Apparu dans les colonnes de Rue89 Strasbourg il y a huit ans, Atef est à Strasbourg depuis 2005. Il y était venu de Mulhouse pour des études d’informatique de gestion, un conseil d’orientation parce qu’il « aimait bien internet ». C’est raté.

Conquis par le bouillonnement culturel de Strasbourg, Atef a plutôt fait de la musique. Depuis longtemps bercé par Joy Division, The Cure ou Arcade Fire, l’étudiant a rapidement cofondé un groupe de « post-punk » : Hermetic Delight. Puis il a cofondé le label October Tone en 2012. Dix ans plus tard, cette « association de développement d’artistes » rayonne bien au-delà de Strasbourg, avec des groupes devenus des références de la scène indépendante française (Amor Blitz, Bang Bang Cock Cock, T/O…). Pour son anniversaire, le label propose une série de rendez-vous en Alsace et à Paris avec les fameuses October Tone Parties, les 28 et 29 octobre au Molodoï.

Atef Aouadhi en octobre 2022 Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Rue89 Strasbourg : comment est né October Tone ?

Atef Aouadhi : On ne sait pas bien quand est née l’idée de s’associer à plusieurs groupes. C’était en 2011 ou 2012 avec 100% Chevalier, Pauwels, Amor Blitz, Spider et Hermetic Delight. On a eu besoin de se vendre, de s’enregistrer, de se proposer aux tourneurs, de publier nos morceaux sur les plateformes, etc. C’est beaucoup de boulot, on n’avait pas l’argent pour payer des gens pour le faire mais on s’était rendu compte que chacun d’entre nous avait une partie des compétences. October Tone est né de cette mise en commun des savoir-faire extra-musicaux. La première October Tone party a eu lieu au Molodoï en octobre 2012, ça au moins c’est sûr.

Hermetic Delight – Rockstarlari

Un budget d’environ 150 000€

Puis on a créé l’association et ça a bien pris. Plusieurs groupes nous ont rejoint. Les tailles, maturité et styles ont varié mais on veille à n’intégrer que des groupes qui ont un projet professionnel, dont la musicalité nous plait et qui sur scène ont un rapport franc et direct avec le public. En dix ans, October Tone a dû accompagner environ 25 groupes et la sortie d’une quarantaine d’albums. Aujourd’hui, la structure brasse un budget d’environ 150 000€, dont un tiers est redistribué à environ 40 artistes.

À quoi sert October Tone aujourd’hui ?

Alors c’est la grande question. Un label fait tellement de choses ! J’aime dire qu’October Tone est un lien entre l’underground et l’upperground, nous aidons des groupes à émerger. Nous nous sommes constitués en association et on va devoir évoluer, parce que dans l’industrie de la musique, il faut être une société pour accéder à certains financements.

Give de Laventure, l’une des dernières pépites du label.

La troisième génération aux commandes

Il faut aussi qu’on se professionnalise et pour ça, je compte beaucoup sur l’équipe actuelle qui est la troisième génération à faire tourner October Tone : Florence Collin à la production générale et à la recherche de financements, Nicolas « bob » Kientzler à l’administratif et comptabilité, Flore Beriel qui touche à peu près à tout, Quentin Asset qui fait tourner les groupes… On est pas loin de cinq équivalents temps-plein désormais à s’occuper des groupes, et ça change parce qu’aux débuts d’October Tone, pour masquer le fait que les musiciens faisaient des relations presse ou du booking, nous mettions des prénoms bidons sur les adresses mails… Ça m’a joué des tours quand un agent a voulu rencontrer Olivier Doffmann qui travaillait soit-disant pour Hermetic Delight : j’étais sur scène en train de jouer !

Aujourd’hui, certains groupes sont presque aussi gros qu’October Tone et on se doit de leur apporter un accompagnement tout azimuts impeccable, même si on sait bien qu’à partir d’un moment, ils seront repris par un label de l’industrie musicale… Ce n’est encore jamais arrivé mais je m’y prépare parce que ce sera forcément dur à vivre. La musique, c’est un business très humain mais cruel.

KG, artiste de dark techno existant bien avant October Tone a rejoint le label.

Qu’est-ce qu’il manque à October Tone pour faire sa place dans la cour des grands labels professionnels ?

Pas grand chose et on y travaille. Outre la forme juridique, qui nous empêche de prétendre à des fonds de répartition de droits d’auteurs par exemple, il nous manque encore une ou un « publisher », c’est quelqu’un qui est en mesure de proposer des morceaux du label dans l’industrie audiovisuelle (cinéma, télévision…). C’est un important segment de revenus pour les groupes que nous ne sommes pas en mesure d’offrir et c’est un problème.

Le délicat business de la musique indé

On a aussi besoin de développer notre puissance de frappe sur les ventes de disques. Pas seulement pour les revenus mais parce que ça génère un meilleur rapport de force avec les distributeurs. Aujourd’hui encore, tous nos artistes sont intermittents du spectacle, aucun ne vit uniquement des revenus de sa musique… On ne reçoit quasiment rien des plateformes d’écoute comme Spotify, ni même de Bandcamp… C’est très difficile à travailler et d’y exister au-delà de son cercle de fans. Comme pour le reste, il faut des pros à plein temps.

Au final, il est fort possible qu’une nouvelle structure October Tone voit le jour dans les mois qui viennent et tourne sans moi. Je serais presque ok avec ça… J’espère quand même garder la direction artistique de quelques groupes quand même parce que ça j’aime bien ! »

Le flyer des dixièmes October Tone Parties.

Pour ses dix ans October Tone propose une série de concerts à Mulhouse, Colmar et Paris le 27 octobre. À Strasbourg, les dixièmes October Tone Parties sont programmées les vendredi 28 et samedi 29 octobre mais sans les grandes signatures du label, qui seront présentes en revanche le samedi 5 novembre à la Laiterie (Hermetic Delight, T/O, Amor Blitz). À noter cependant au Molodoï le vétéran des soirées dark-electro, KG, un solide groupe de rock puissant, Pales, et le groupe le plus inclassable du portefeuille, La Flopée, qu’il n’est possible d’écouter qu’en concert – performance.

Emmanuel Fernandes : « L’austérité est une idéologie mortifère »

Emmanuel Fernandes : « L’austérité est une idéologie mortifère »

Le député de la 2e circonscription du Bas-Rhin, Emmanuel Fernandes (La France insoumise) dénonce la politique d’austérité menée par le gouvernement selon lui, à laquelle il attribue des récents faits de l’actualité strasbourgeoise.

Depuis la fin de l’été, Strasbourg est frappée, avec une particulière intensité, par les conséquences de l’incurie gouvernementale et les choix politiques délibérés d’Emmanuel Macron : austérité pour le grand nombre, opulence pour quelques-uns. 

Face à l’augmentation des coûts de l’énergie, prétextant la légitime exigence de sobriété, le président de l’Université de Strasbourg a décidé de fermer les bâtiments pendant deux semaines cet hiver. C’est une décision injuste car elle fait reposer les économies d’énergie sur le dos des étudiantes et des étudiants et dégrade les conditions d’enseignement. Les étudiants continueront de se chauffer, ils en assumeront simplement l’entièreté des coûts alors même qu’ils débourseront, en moyenne, 428 euros de plus par an à cause de l’inflation. Pour certains étudiants, la seule possibilité d’accéder à des salles chauffées, c’est d’aller à  l’université. N’y a-t-il pas une possibilité d’être sobre et de rester en même temps en accord avec les fondamentaux de l’université que sont l’ouverture et l’apprentissage ? 

Les finances des collectivités bridées

Outre son université, Strasbourg voit ses musées fermer deux jours par semaine. C’est un autre service public, celui de la culture, qui est touché. Contribuant au contexte de ces fermetures, on retrouve entre autres l’injuste pacte de Cahors, qui réduit les dotations de fonctionnement de l’Etat si les collectivités dépassent une augmentation de 1,2% de leurs dépenses de fonctionnement, ce qui, en tenant compte de l’inflation, implique une baisse des dépenses. En outre, les évolutions législatives retirent progressivement aux collectivités territoriales leur levier fiscal, auxquels vient s’ajouter l’importante inflation des budgets à consacrer à l’énergie.

Emmanuel Fernandes en meeting place du Corbeau avant les élections législatives (Photo Danae Corte / Rue89 Strasbourg)Photo : Danae Corte / Rue89 Strasbourg

Poussant encore plus loin son entreprise de mise en dépendance économique des collectivités, le gouvernement – dans le cadre du projet de loi de finances actuellement en débat à l’Assemblée nationale – souhaite offrir un nouveau cadeau de 8 milliards d’euros aux plus grandes entreprises en supprimant la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) privant à nouveau les collectivités d’une ressource propre. Il est temps de faire sauter le verrou de l’asphyxie budgétaire des collectivités territoriales qui affaiblit leurs moyens d’intervention en imposant un carcan toujours plus restrictif aux budgets de fonctionnement, détruisant à terme les services publics. 

Conséquences tragiques dans les hôpitaux

Cette maltraitance en règle des services publics affecte également les hôpitaux, avec des conséquences qui, à Strasbourg, se sont déjà avérées tragiques : il y a six mois, un homme est décédé après être resté douze heures aux urgences avec un délai de prise en charge préjudiciable. Le 1er septembre, un octogénaire est mort au Nouvel hôpital civil (NHC) après avoir passé 22 heures sur un brancard (aucun lit n’étant disponible en aval des urgences), malgré un droit d’alerte déposé 36 heures en amont pour dénoncer la saturation des urgences. Les soignants et les personnels, auxquels j’ai rendu visite à deux reprises cet été, le dénoncent : sans moyens, sans personnels, sans financement à la hauteur, l’hôpital est aux abois, épuisé par l’austérité.

Nous n’acceptons pas que les services publics de notre ville, de notre pays, soient affaiblis, anémiés, attaqués de la sorte par l’idéologie mortifère qui anime le gouvernement d’Emmanuel Macron. Nous avons droit à une université de qualité, à un accès le plus large à la culture, à des services de santé qui ont les moyens de soigner et d’exercer dans la dignité.

C’est l’appartenance au marché unique européen de l’énergie qui contraint le pays à subir de telles hausses des coûts de l’électricité. Avec la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), nous continuerons de nous battre pour le blocage des prix de l’énergie, financé par une taxe sur les superprofits de grandes multinationales qui surfent sur la crise. En effet, elles affichent des bénéfices records totalisant plusieurs dizaines de milliards, pendant que le pays souffre et que ses services publics de l’éducation, de la culture, de la santé, sont exsangues. Emmanuel Macron a jusqu’ici refusé, par idéologie, la mise en place d’un tel mécanisme de redistribution, pourtant déjà en vigueur dans nombre de pays européens et par ailleurs recommandé par le secrétaire général de l’ONU, le FMI et la Commission Européenne.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, la Nupes se bat pour amender le budget de l’État et donner aux collectivités territoriales les moyens de faire face à cette explosion des coûts de l’énergie, et plus généralement, pour sortir de cette logique d’asphyxie budgétaire. Le gouvernement menace l’Assemblée d’user de l’article 49.3 de la Constitution afin d’imposer son budget pour 2023, effaçant toutes les avancées contenues dans des amendements pourtant légitimement votés par les députés. Je dénonce avec force cette manière de piétiner les travaux de la représentation nationale !

Sortir l’hôpital public d’une logique de rentabilité

Par ailleurs, nous défendrons pied à pied l’hôpital public pour lui donner les moyens de redevenir le service public de la santé que le monde nous enviait encore il y a 20 ans. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, à partir de la semaine qui vient, les députés de la Nupes défendrons la fin de la vision de « l’hôpital-entreprise » en action depuis deux décennies. Suppression de l’Ondam (Objectif national d’assurance maladie), sortie de la T2A (tarification à l’activité), fin des indicateurs de performance comme la DMS (durée moyenne de séjour) ; autant d’acronymes à bannir qui sont des emblèmes de la logique de rentabilité, imposée aux personnels des hôpitaux qui ne souhaitent qu’une chose : exercer dans des conditions dignes, avec pour seul objectif la qualité des soins.

Université, musées, hôpitaux de qualité : ne nous résignons pas à en être dépouillés. Décidons l’extinction et l’interdiction immédiate des panneaux publicitaires lumineux,  appliquons un bouclier tarifaire énergétique également aux collectivités territoriales, lançons un grand plan de rénovation thermique des bâtiments publics, notamment des universités ! Il y a urgence et le gouvernement se contente de conseiller le port de cols roulés pour passer l’hiver.

Ce dimanche 16 octobre à Paris, nous serons des dizaines de milliers à marcher contre la vie chère, l’inaction climatique et l’autoritarisme du gouvernement qui s’apprête à bafouer le travail parlementaire. De Strasbourg, en bus, en train, nous rejoindrons Paris par centaines. Nous soutenons toutes celles et tous ceux qui, dans les jours qui viennent, se mobiliseront pour réclamer une hausse des salaires, pour demander une juste redistribution des richesses. Il s’agit de ne pas se résigner, car c’est par notre nombre et notre détermination que nous pourrons, ensemble, peser sur les choix politiques d’un pouvoir macroniste qui, les faits le démontrent, s’évertue à servir d’autres intérêts que l’intérêt général.

Grève et manifestation mardi en relais du mouvement dans les raffineries

Grève et manifestation mardi en relais du mouvement dans les raffineries

La mobilisation des salariés des raffineries et des dépôts pétroliers pourrait s’étendre à d’autres secteurs. Une intersyndicale CGT, FO, FSU et Solidaires appelle les salariés, fonctionnaires, jeunes et retraités à la grève mardi 18 octobre et à manifester à 11h au départ de la place Kléber.

Après la réquisition de salariés des raffineries et dépôts pétroliers en grève par le gouvernement, la CGT, FSU, Solidaires et FO répliquent avec une journée de mobilisation de grève et manifestations interprofessionnelles mardi 18 octobre. Le gouvernement craint une contagion du mouvement social à d’autres secteurs.

À Strasbourg, un cortège partira de la place Kléber à 11h. L’intersyndicale appelle les salariés, fonctionnaires, jeunes, retraités ou encore chômeurs à y prendre part, pour demander une augmentation générale des revenus. La CGT du Bas-Rhin dénonce :

« Les entreprises de la branche pétrole, en particulier Total ou Exxon, refusent d’accéder, aux exigences des salariés. Ces derniers réclament le rattrapage de l’inflation et une meilleure répartition des richesses créées par les travailleuses et travailleurs, alors que des milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires. »

La manifestation du 29 septembre a rassemblé 2 000 personnes à Strasbourg. (Photo TV / Rue89 Strasbourg)Photo : TV / Rue89 Strasbourg

« La mobilisation gagne des secteurs »

Rue89 Strasbourg avait donné la parole à de nombreuses personnes en grande difficulté financière à cause de l’inflation lors de la manifestation du 29 septembre. Absent du cortège ce jour là, le syndicat FO s’est depuis joint à la mobilisation :

« Pour Force Ouvrière Bas-Rhin, une chose est claire : nous n’accepterons aucune remise en cause du droit de grève ni répression à l’encontre des grévistes ou des délégués syndicaux. Ils ne font qu’user d’un droit conquis de haute lutte et qui reste le seul recours lorsque les revendications des salariés ne sont pas entendues. »

Le syndicat prévient aussi qu’il mettra « tout en œuvre » pour bloquer la réforme des retraites voulue par le gouvernement.

La CGT affirme déjà que « la mobilisation gagne des secteurs de plus en plus nombreux » : les commerces et services, les transports en commun, les centrales nucléaires, la fonction publique. « C’est aujourd’hui qu’il faut se mobiliser pour obtenir des avancées salariales significatives, l’augmentation des pensions et minima sociaux, et l’amélioration des conditions de vie et d’études », assure la CGT.

Avec François Zind, avocat engagé pour la défense de l’environnement

Avec François Zind, avocat engagé pour la défense de l’environnement

« Les Strasbourgeoises et Strasbourgeois engagés », un podcast de Rue89 Strasbourg. Dans cette série de portraits sonores, des militants racontent leur engagement, leur parcours. Septième épisode avec François Zind, avocat spécialisé en droit de l’environnement.

Bure, Stocamine, le Grand contournement Ouest de Strasbourg… François Zind est l’avocat de nombreux combats environnementaux depuis plus de dix ans. Pourtant, son premier coup d’éclat fut de claquer la porte de la faculté de droit pour voyager autour du monde. Il en ramena l’envie de s’engager pour les réfugiés et plus tard celle de reprendre des études pour les défendre. Devenu avocat sur le tard, il se spécialise en droit de l’environnement. Ce sont ses rencontres avec les militants, « des gens qui se battent au quotidien, sans que cela se voie et sans envie de notoriété », qui lui ont donné le virus.

François Zind porte en justice les actions des associations environnementales et défend les militants mis en cause. Photo : AL / Rue89 Strasbourg

François Zind se décrit en « avocat de combat » et se voit comme un boxeur des prétoires. Souvent accusé par ses collègues d’être plus militant que juriste, l’Alsacien persiste et signe : l’engagement est pour lui au cœur de son métier. Malgré les défaites et la lenteur de la justice, l’avocat perçoit tout de même une évolution positive : « J’entends une volonté des magistrats d’être dans une protection plus effective de l’environnement ». Une tendance qui fait espérer à l’homme de loi le développement d’une véritable justice climatique, capable d’imposer aux États et aux entreprises le respect de leurs engagements.

François Zind, avocat spécialiste du droit de l’environnement. Photo : AL / Rue89 Strasbourg

Les seuils de conformité de l’eau potable, trop polluée, ont été relevés

Les seuils de conformité de l’eau potable, trop polluée, ont été relevés

Repéré par Le Monde : deux métabolites contenus dans l’herbicide S-métolachlore, le l’ESA-métolachlore et du NOA-métolachlore ont été discrètement reclassés le 30 septembre de « pertinents » à « non pertinents » par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Conséquence : leurs seuils de tolérance de leur présence dans l’eau potable passent de 0,1 microgramme par litre (µg/l) à 0,9 µg/l. Résultat selon Le Monde : « Le relèvement de ces deux seuils va réduire fortement la proportion de Français concernés, de manière ponctuelle ou régulière, par la non-conformité réglementaire de l’eau qui leur est distribuée. »

Les métabolites du S-métochlore restent cependant présents à des concentrations supérieures à 0,1µg/l dans l’eau d’une partie des Alsaciens… Photo : Lisa Fotios / Pexels / cc

20% des Français et 25% d’Alsaciens

Le quotidien avait estimé que 20% des Français de métropole étaient concernés par la présence de métabolites de pesticides dans l’eau au-delà des seuils de tolérance. Dans une série d’enquêtes, Rue89 Strasbourg avait calculé que cette présence de résidus de l’agriculture intensive dans l’eau potable concernait un quart des Alsaciens (voir nos articles).

Le Monde détaille le revirement de l’Anses par la publication de nouvelles études produites par Syngenta, le fabricant de l’herbicide produisant les deux métabolites en question, qui « ne trouvent plus de génotoxicité ». Le quotidien estime cependant qu’une réévaluation aussi rapide de la « pertinence de ces deux sous-produits du S-métolachlore interroge ».

#ANSES

L’écologie au travail en débat avec EurOasis vendredi 21 et samedi 22 octobre

L’écologie au travail en débat avec EurOasis vendredi 21 et samedi 22 octobre

L’association EurOasis organise les vendredi 21 et samedi 22 octobre une projection et des ateliers sur l’engagement professionnel en faveur de l’écologie.

L’association EurOasis, qui a échoué à transformer des friches à la Robertsau en espaces dédiés aux transitions écologiques (voir tous nos articles), n’en continue pas moins de proposer des rendez-vous liés aux transformations nécessaires pour réduire le cataclysme écologique qui se profile.

Le week-end débutera avec la projection du documentaire « Ruptures » d’Arthur Gosset, qui met en scène plusieurs jeunes diplômés qui ont décidé de ne pas poursuivre leur carrière dans des entreprises qu’ils ont jugé destructrices de l’environnement, vendredi 21 octobre à 20h au Cheval Blanc à Schiltigheim. Cette projection sera suivie par un débat avec Maxime et Tanguy, deux protagonistes du film.

Bande annonce de Ruptures d’Arthur Gosset

Le lendemain, les mêmes Maxime et Tanguy animeront des ateliers pour explorer « les peurs et les freins mais aussi les opportunités et l’enthousiasme que pourrait susciter » un changement professionnel en faveur d’un engagement écologique au quotidien.

Marché de Noël : la mauvaise com’ des écologistes gâche une transformation attendue

Marché de Noël : la mauvaise com’ des écologistes gâche une transformation attendue

La Ville de Strasbourg fait face à une nouvelle polémique, cette fois-ci sur la liste des produits autorisés ou non à la vente au marché de Noël. Engagée dans une réforme concertée de l’événement, et demandée par la population, la municipalité paye encore une erreur de communication et suscite des inquiétudes.

Pour la Ville de Strasbourg, le mois d’octobre sent déjà le sapin. Lundi 10 octobre, les Dernières Nouvelles d’Alsace révélaient le contenu d’un mail des services municipaux envoyé aux exposants, commerçants et autres artisans du marché de Noël. Le courriel contient plusieurs listes de produits classés en trois catégories : autorisés, autorisés sous réserve ou interdits. Depuis des années, la municipalité fait la liste des produits autorisés à la vente sur le marché de Noël, les autres produits étant considérés comme interdits par défaut, mais ceux-ci ne figuraient pas nominativement sur une liste.

Faut-il plus de biens produits localement au Marché de Noël de Strasbourg ? Photo : PF / Rue89 Strasbourg

Parmi les nouveautés : la tartiflette, la raclette, le pop corn et le champagne seraient interdits. Les tapis de souris, les samossas, les boules de Noël et les crucifix sont autorisés « sous réserve ». Des interdictions ou des précautions qui ont fait bondir autant de communautés : les fromagers savoyards s’étranglent en chœur avec les producteurs de champagne rémois, les vendeurs de boules de Noël s’indignent aux côtés des défenseurs de l’identité chrétienne de l’événement qui soupçonnent une tentative de laïcisation du Marché de Noël.

« C’est une erreur de communication »

En conférence de presse jeudi 13 octobre, l’adjoint en charge des événements, Guillaume Libsig (Labo citoyen, divers gauche) a plaidé l’erreur de communication. Ainsi, « ces listes sont des documents de travail qui n’avaient pas vocation à être publiés » dans la presse. L’élu a aussi expliqué que les autorisations « sous réserve » signifient que les vendeurs concernés recevront une visite des services de la Ville cette année, en 2022. L’échange devant le cabanon permettra de déterminer l’autorisation ou non du produit l’année suivante, en 2023. Parmi les critères, toujours en discussion, la qualité du produit, son aspect local et son lien avec la tradition de Noël.

L’adjoint en charge du Marché de Noël, à côté du président de l’association de commerçants Gwen Bauer ne souhaitait pas que ce document de travail soit public mais se dit tout de même satisfait du débat actuel. Photo : GK / Rue89 Strasbourg / cc

Les listes communiquées avaient vocation à préparer la définition du cadre réglementaire pour les produits qui seront mis en vente lors de l’édition 2023 du marché de Noël et non celui de cette année, pour lequel certains commerçants ont déjà constitué leurs stocks, à six semaines de l’ouverture.

Pourtant, le mail à l’origine de toutes ces réactions, mis en ligne par les DNA jeudi 13 octobre dans la soirée, mentionne bien « l’édition 2022 », sans parler de liste provisoire ou de document de travail. De quoi faire douter des explications embarrassées et du rétropédalage de la municipalité. En revanche, la signification des produits « sous réserve », est quant à elle bel et bien expliquée, quoique succinctement.

Le mail à l’origine de la polémique mentionne bien l’édition 2022, mais la mairie assure que c’était prévu pour 2023. Cliquez sur l’image pour agrandir. Photo : document DNA

« Avant, la mairie nous imposait tout sans explication »

La restauratrice Myriam Lefebvre va un peu plus loin. D’ici un mois et demi, elle vendra dans son chalet du vin chaud, des soupes, des knacks artisanales, des bretzels et du jus de pommes. Membre de la commission composée de cinq élus, cinq représentants d’exposants et cinq personnes qualifiées (préfecture, le syndicat hôtelier l’Umih, la chambres de l’Industrie et de l’Artisanat…), l’exposante raconte sa surprise à la réception du mail envoyé par l’ « Équipe Strasbourg Capitale de Noël » le 5 octobre :

« Lors de la dernière réunion de la commission, on n’était pas arrivé au fond du sujet de la liste des produits autorisés. C’est là qu’il y a un problème. On prévoyait une très grosse réunion à ce sujet en janvier 2023. Puis ce tableur qui est sorti. C’est une hérésie. Je ne comprends pas que ce soit sorti pour le grand public. C’est une erreur de communication. »

La restauratrice strasbourgeoise regrette que la polémique qui s’en est suivie masque une transformation souhaitée du Marché de Noël :

« Cette municipalité a fait quelque chose de chouette en nous faisant entrer dans cette commission. Ils ont aussi invité des citoyens dans une seconde commission. Avant, la mairie nous imposait tout sans explication. C’est extrêmement agréable de pouvoir échanger avec tout le monde au même niveau. »

Transformer le marché de Noël pour le rendre plus authentique. La communication de la municipalité strasbourgeoise reste la même depuis plus d’une décennie. En 2012, le maire socialiste Roland Ries bannissait les churros et les peluches des chalets. Quelques années plus tard, il autorisait la vente de foie gras, toujours avec l’ »authenticité » comme argument. Lorsqu’en 2019 ,l’ex-directeur de l’événement avait déclaré sur France 2 que « la provenance des produits, ça nous est égal« , la phrase avait (déjà) provoqué un tollé à Strasbourg.

Aujourd’hui plus encore, la stratégie de la municipalité vise à reconquérir les Strasbourgeois, en particulier les habitants de l’hypercentre, lassés par les mesures de sécurité contraignantes, des masses de touristes agglutinées sur quelques places et des produits fabriqués en Chine et vendus dans un marché se voulant traditionnel. Lors d’un débat organisé par Rue89 Strasbourg en décembre 2019, les candidats des listes PS, LREM, EE-LV et LR pour les élections municipales de 2020 s’étaient tous déclarés prêts à vouloir transformer le marché de Noël, pour que ce dernier soit plus authentique et avec plus de produits locaux. (à revoir ici)

La municipalité écolo habituée des erreurs de comm’

Ce n’est pas la première fois qu’une erreur de communication ruine un projet a priori consensuel de la majorité écologiste strasbourgeoise. En septembre 2021, la municipalité souhaitait réduire la place du stationnement dans les rues pour favoriser les alternatives et agrandir l’espace public. C’est alors la prolongation d’une politique engagée depuis des années à Strasbourg. Mais l’attention s’était alors focalisée sur l’annonce d’un potentiel doublement du tarif résident.

De même, au printemps 2022, la municipalité a rappelé que les terrasses déployées avant 11h ne doivent pas bloquer le passage des camions de livraisons. Les écologistes se sont alors vus accusés de vouloir mettre fin aux terrasses le matin alors qu’ils ne font qu’appliquer la réglementation en vigueur. Avant l’été 2021, lorsqu’ils veulent proposer une spectacle d’illuminations à Koenigshoffen, tout le monde comprend que les spectacles projetés sur la Cathédrale seront annulés

La polémique autour des produits autorisés sur le marché de Noël est particulièrement révélatrice : l’intention répond à une demande des Strasbourgeois (un marché moins touristique, plus authentique) et la méthode vise à inclure les habitants et les premiers concernés (forains, restaurateurs, artisans…). Mais ces conditions favorables n’ont pas empêché la municipalité strasbourgeoise de devoir à nouveau faire face à une polémique…

Une édition 2021 réussie

L’édition 2021, la première sous la majorité écologiste, avait été reconnue de toutes parts comme une réussite. Plus de « checkpoint » de sécurité et surtout des allées plus aérées et espacées, où l’on circule mieux. Seule la question des zones de restauration et des marchés soumis au pass sanitaire avait pu irriter (ou rassurer). Mais sur ce point qui relève des questions sanitaires, la Ville avait bien pris soin de laisser la préfète communiquer. Et Josiane Chevalier n’avait finalement pas mis à exécution sa menace d’annulation du marché de Noël.

Pour les détracteurs de la municipalité, difficile de laisser la majorité écolo capitaliser sur une bonne gestion de cet événement hautement symbolique plusieurs années de suite. Ce qui explique aussi l’intensité des critiques pour exploiter une séquence mal maîtrisée, et imprimer l’idée que les écologistes « dogmatiques » gèrent mal les grands dossiers.

Jeanne Barseghian déplore de « grossières caricatures »

Face à la nouvelle vague de critiques de toutes parts. La maire Jeanne Barseghian (EE-LV), isolée pour cause de Covid, s’est ainsi fendue d’un message aux conseillers municipaux et également à destination de la population sur sa page Facebook :

« Où sont fabriquées les denrées et marchandises, jusqu’où s’étend la notion de local ? Quelles sont les matières premières, par qui et comment sont-elles acheminées jusqu’à Strasbourg, leur consommation fait-elle sens à Noël ? Voici les questions qui animent la commission. Des questions qui ne trouvent pas des réponses simples, immédiates, définitives : mais des avis à discuter, revoir et adapter sans cesse. (…)

Les membres argumentent, débattent, font valoir leurs points de vue et intérêts divergents afin d’arriver à un avis convergent. Je souhaite qu’ils puissent poursuivre sereinement leur travail – ô combien nécessaire – sans être entravés par aucune pression, sans être discrédités par de grossières caricatures. »

Sous pression, reculade sur le champagne

Sous pression, voire copieusement insultée, la municipalité écologiste a déjà reculé sur plusieurs points. Même si l’adjoint en charge des événements Guillaume Libsig assure se « réjouir » de la discussion provoquée par ces listes qui ne devaient pas être publiées, il a finalement dû rétropédaler en particulier sur l’interdiction du champagne, quitte à aller contre l’objectif de plus de produits alsaciens :

« Le débat a déjà permis des avancées. Bien qu’il n’y ait jamais eu de champagne lors de l’événement Strasbourg capitale de Noël, nous avons trouvé un partenariat avec la mairie de Reims et du champagne sera vendu dès l’édition 2023. »

Une première commission de personnes qualifiées rendra son avis sur les produits autorisés au marché de Noël en janvier 2023. Deux mois plus tard, la commission citoyenne donnera aussi ses conclusions. Ce sont ces deux bilans (après celui de l’édition 2021) qui permettront à la municipalité strasbourgeoise de trouver son cadre réglementaire définitif pour le marché de Noël 2023. La municipalité vise d’ici 2025 une certification ISO 20121 qui atteste des efforts « éco-responsables » de grands événements par ailleurs très polluants (congrès, JO, sommets diplomatiques).