Dans la salle de consommation à moindre risque de Strasbourg.Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg
Dans une tribune parue mardi 17 juin dans le journal Le Monde, Jeanne Barseghian, maire écologiste de Strasbourg, signe avec dix autres maires de gauche un appel à pérénniser la « halte soin addiction » de l’hôpital civil.
Vulgairement surnommées « salles de shoot », les « haltes soins addictions » ou « salles de consommation à moindre risque » sont menacées de fermeture. Dans une tribune publiée mardi 17 juin dans le journal Le Monde, Jeanne Barseghian, maire Les Écologistes de Strasbourg, et dix autres maires de gauche appellent l’État à permettre que l’expérimentation devienne un dispositif pérenne.
Depuis une loi de 2016, deux salles ont ouvert en France, à Strasbourg et Paris, gérées respectivement par Ithaque et Gaïa. Mais à défaut de nouvelle législation, elles devront fermer dès janvier 2026, le cadre légal les autorisant étant devenu obsolète. Or leur existence est bénéfique à plusieurs niveaux, comme le démontre un rapport de l’Igas. Deux associations ont déjà entamé une procédure judiciaire contre l’État pour empêcher les fermetures.
Dans la tribune, Jeanne Barseghian, Anne Hidalgo et les neuf autres maires l’affirment : « Si la lutte contre le narcotrafic et le crime organisé est importante, une politique de santé publique et de prévention forte, intégrant pleinement la réduction des risques, est tout aussi nécessaire. »
Ensemble, ils listent les bénéfices de ces salles : santé des usagers, accompagnement social, préservation de la tranquillité publique, suivi de la consommation de drogues sur le territoire. Ils qualifient la potentielle fermeture de ces salles de « recul pour la santé publique », appellent le gouvernement à déposer un projet de loi et à même permettre l’ouverture de salles supplémentaires, dans d’autres villes de France.
Dans la capitale alsacienne, un colloque international sur ces dispositifs se tient les 18 et 19 juin.
Elodie Pratz, inspectrice de salubrité à la ville de Strasbourg, réalise le contrôle du taux d’humidité du mur d’un appartement du quartier gare.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
À partir du 1ᵉʳ mai 2026, les propriétaires du quartier gare devront demander un permis de louer à la Ville avant de proposer leur bien sur le marché locatif. Expérimentale, la mesure vise à lutter contre le logement indigne.
Annoncé dès 2021 par la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian (Les Écologistes), le permis de louer va être expérimenté à partir de mai 2026. Votée en conseil de l’Eurométropole le 23 mai, la mesure sera examinée par le conseil municipal, lundi 23 juin.
L’expérimentation, limitée au quartier gare, vise à lutter contre la mise en location de logements indignes. Les propriétaires de logements loués à usage d’habitation principale et construits avant 2006 devront solliciter une autorisation de la Ville avant la mise en location de leur bien. Pour Jeanne Barseghian : « L’objectif est d’avoir des contrôles a priori et de ne pas attendre d’avoir des signalements de locataires pour agir. Nous allons ainsi pouvoir retirer des logements indignes du marché locatif avant qu’il y ait des locataires dedans, c’est une mesure de protection. »
Lors d’une conférence de presse le mercredi 18 juin, la ville de Strasbourg à présenté le dispositif expérimental du permis de louer.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
Les services de l’État évaluent à 9 200 le nombre de logements indignes dans le département du Bas-Rhin. Sur le seul territoire de la ville de Strasbourg, 2 100 logements seraient concernés, selon une estimation des services municipaux. « Nous avons mené une étude approfondie et c’est le quartier gare qui ressort comme le plus vulnérable, ce qui explique son choix pour l’expérimentation », détaille Marie-Dominique Dreyssé, élue référente du quartier. En fonction des premiers résultats de l’expérimentation, la Ville pourrait élargir le périmètre de la mesure à d’autres secteurs.
Un logement insalubre du quartier gare.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
« Un changement de paradigme »
Au travers de cette mesure, la Ville met en place un régime d’autorisation préalable avant toute location d’un bien immobilier. « Un changement de paradigme », selon la maire de Strasbourg. Le propriétaire devra ainsi déposer une demande accompagnée de tous les diagnostics techniques obligatoires : performance énergétique, électricité, amiante et plomb. Les services municipaux auront un délai d’un mois pour étudier le dossier et pourront réaliser un contrôle du logement en cas de doute. La Ville pourra autoriser la mise en location, émettre des réserves et demander au propriétaire de réaliser des petits travaux ou refuser la mise en location tant que le logement ne répondra pas aux conditions de dignité minimales.
Aurélien Bonnarel, conseiller municipal en charge de l’expérimentation du permis de louer.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
« S’il y a des anomalies dans les diagnostics, cela va constituer des signaux d’alerteet déclencher un contrôle, explique Aurélien Bonnarel, élu en charge de l’expérimentation du permis de louer. Nous allons aussi regarder si l’immeuble est déjà connu de nos services, s’il y a déjà eu des signalements. » Pour l’élu communiste, l’objectif n’est pas d’empêcher les propriétaires de louer, mais de contraindre ceux qui n’entretiennent pas leurs appartements à le faire. « On sait quels sont les immeubles qui posent problème aujourd’hui, ajoute Suzanne Brolly, adjointe à la maire de Strasbourg. Sans donner de noms, on sait précisément où intervenir. »
Un logement insalubre du quartier gare.Photo : TV / Rue89 Strasbourg
Trois agents dédiés et des sanctions
Le quartier gare compte 5 149 logements concernés par le dispositif du permis de louer. Les services de la Ville estiment que chaque année, les agents municipaux devront traiter entre 1 300 et 1 400 demandes d’autorisation préalable. « Nous allons recruter trois agents qui seront dédiés uniquement au permis de louer », explique Aurélien Bonnarel. Ces agents risquent de ne pas manquer d’activité, en plus de l’étude des demandes et des visites de contrôle, ils devront s’assurer qu’aucun logement ne soit loué sans autorisation. « Les propriétaires s’exposent à des amendes de 5000 à 15000 € en cas de manquements, par exemple, si un logement est mis en location malgré un refus. Nous sommes déterminés à mettre en œuvre ces amendes », poursuit l’élu en charge du dispositif.
Une inspectrice de salubrité de la ville de Strasbourg réalise un contrôle dans un appartement du quartier gare.Photo : Adrien Labit / Rue89 Strasbourg
Pour Aurélien Bonnarel, le permis de louer va donner à la ville un nouveau levier d’action. « Jusque-là, on pouvait agir seulement dans les cas les plus graves, maintenant, on va pouvoir interdire à la location les logements indignes et plus seulement ceux qui sont insalubres. » L’élu espère que la mesure poussera les propriétaires à réaliser des travaux avant qu’il soit nécessaire de les sanctionner. Si la situation s’améliore dans le quartier gare, il envisage même d’élargir le périmètre à d’autres quartiers : « Nous voulons faire passer le message que les marchands de sommeil ne sont pas les bienvenus à Strasbourg. »
Aurore Boby, ancienne responsable de section syndicale CGT Mosaïque à l’APEI Centre Alsace.Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg
Pendant deux ans, la syndicaliste Aurore Boby a alerté sur le niveau alarmant de risques au travail à l’APEI Centre Alsace. Des documents établissent un mal-être persistant au sein de l’association. Mis en cause pour son management autoritaire, le directeur accuse le manque de moyens du secteur.
À l’APEI Centre Alsace, le licenciement d’une déléguée syndicale CGT se fête entre cadres, une coupe de crémant à la main. Vendredi 22 novembre, le directeur de l’association dédiée à l’accompagnement et la prise en charge de personnes en situation de handicap Renaud Bereski invitait des membres de la direction à célébrer la validation du licenciement pour inaptitude médicale d’Aurore Boby, salariée protégée, par l’inspection du travail. La syndicaliste avait mené une grève au sein de l’association fin 2022. Elle a ensuite souffert d’une surcharge de travail couplée à des alertes restées sans effet.
Lors d’une réunion de la Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) en janvier 2025, des élus du personnel ont dénoncé « un manque d’humanité du directeur général, allant jusqu’à célébrer le départ d’une salariée élue suppléante cadre au Comité Social et Économique (CSE) (…), ce qui a été perçu comme un manque de respect envers les personnes qui souffrent au travail ». Contacté, Renaud Bereski se défend d’avoir célébré le départ d’Aurore Boby.
Aurore Boby, victime du management à l’APEI
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Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Les travailleurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation se sont rassemblés mardi 17 juin devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. Ils dénoncent le « virage sécuritaire » du ministre de la Justice, privilégiant la répression à la réinsertion.
À l’appel des syndicats CGT et SNEPAP-FSU, près d’une quarantaine de travailleurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) de la région Grand Est ont manifesté, mardi 17 juin, devant le tribunal judiciaire de Strasbourg. N’ayant pas le droit de grève, ils ont posé un congé pour défendre leur mission de réinsertion contre les déclarations du ministre de la Justice Gérald Darmanin qui traduisent, à leurs yeux, une « dérive punitive ».
Supprimer les activités ludiques
En février, le Garde des Sceaux faisait part de son ambition de supprimer les activités ludiques en milieu carcéral. Il demandait au directeur de l’administration pénitentiaire de limiter les activités consacrées « au soutien scolaire, à l’activité autour du travail et à l’activité sportive ». Interrogée au sujet de ces prises de parole, la secrétaire de la CGT Insertion Probation Meurthe-et-Moselle, Aurore Zunino, affirme qu’elles remettent en cause ses « valeurs professionnelles et les fondamentaux » de son métier.
Les SPIP sont des services publics ayant pour mission de favoriser la réinsertion des personnes majeures placées sous main de justice, incarcérées ou non. Ils doivent assurer le suivi des mesures judiciaires de probation en milieu ouvert (peine alternative à la prison) et prévenir les effets désocialisants de l’incarcération en milieu fermé. Ils sont composés d’agents issus de plusieurs professions : administratifs, personnels de surveillance, psychologues, assistants et assistantes de service social, conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation.
Rassemblement des Services pénitentiaires d’insertion et de probation devant le Tribunal judiciaire de Strasbourg mardi 17 juin.Photo : Anis Foucard / Rue89 Strasbourg
La culture, une clé de réinsertion
Alors qu’un rassemblement se forme sur la place Gisèle Halimi, Aurore Zunino ajoute que les propos du ministre de la Justice menacent les actions culturelles qui sont à la base du travail des SPIP, car elles participent à préparer la sortie des personnes incarcérées, souvent en rupture sociale. Elles leur permettent de se retrouver autour de projets communs, de découvrir la culture et ainsi d’alimenter une certaine ouverture d’esprit.
Interrogée au sujet de l’importance des activités culturelles dans le processus de réinsertion, la représentante CGT Insertion et Probation de Colmar, Sabrina Alexander, se souvient d’un jeune homme qu’elle suivait dans le cadre d’un contrôle judiciaire. À l’occasion d’une sortie au théâtre en 2024, il s’est bien entendu avec la responsable des relations publiques qui lui a proposé d’intégrer une troupe à la Comédie de Colmar. Elle constate, un an après, qu’accepter cette offre lui a permis de rencontrer des personnes différentes, de se « sentir utile » et de reprendre confiance en lui. Il se produira vendredi 20 juin avec la troupe dans le cadre du projet « Encrages ».
Banderoles « SPIP à l »Agonie » et « Probation = Dignité » devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.Photo : Anis Foucard / Rue89 Strasbourg
L’inefficacité des mesures punitives
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a aussi, depuis son arrivée, fait part de son ambition de durcir les peines des personnes condamnées : « Au lieu d’être très dur avec des gens qui sont multirécidivistes, et les envoyer en prison quand on les connaît une fois, 10 fois, 15 fois, il faut être très dur au premier fait. » Or, selon la représentante CGT Insertion et Probation de Colmar, Sabrina Alexander, « ce n’est pas la peine en tant que telle qui va faire qu’une personne va changer ». Le travail d’accompagnement fourni par les SPIP consiste en effet à faire comprendre la peine aux personnes condamnées, à leur donner les moyens de les régler, explique-t-elle.
Cette déclaration sur les peines s’inscrit dans la foulée de la proposition d’une série de mesures d’ordre punitif : mise en place de peines minimales, suppression du sursis et de l’aménagement de peine obligatoire, mise en place d’une peine unique de probation, expérimentation de peines de prison ultra-courtes…
Face à ces propositions, Flore Dionisio, élue nationale CGT Insertion Probation rappelle que l’administration pénitentiaire repose sur un double objectif inscrit dans la loi : « garde et réinsertion ». Elle estime que, dans les propos de son ministre, l’aspect sécuritaire néglige cette réinsertion. Flore Dionisio y entend une vision punitive de l’institution carcérale qui rend impossible tout travail de réinsertion.
Par ailleurs, les mesures proposées sont jugées obsolètes par les manifestants. Ils citent le cas des peines plancher qui ont déjà été supprimées par le passé, suite au constat de leur inefficacité. La secrétaire générale du Syndicat SNEPAP-FSU Estelle Carraud s’oppose ainsi aux déclarations de Gérald Darmanin qui affirmait au sujet des jeunes délinquants que « la répression est aussi une forme d’éducation » :
« Il va a contrario de tout ce que dit la recherche internationale en termes de prévention de la récidive, qui explique bien qu’il faut que le niveau de contrôle et l’aspect punitif d’une peine ne soient pas prédominants. C’est vraiment l’accompagnement au changement qui va permettre d’éviter qu’une personne recommette un acte délictuel. Si au contraire, on met trop de contrôle sur une personne, on crée de la récidive.«
Flore Dionisio, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation.Photo : Anis Foucard / Rue89 Strasbourg
L’emploi et le logement, facteurs de protection pour la réinsertion
En avril, Gérald Darmanin évoquait une possible contribution des détenus à leurs frais d’incarcération, le fonctionnement des prisons coûtant « dix millions d’euros par jour, quasiment quatre milliards d’euros par an ». L’Observatoire international des prisons (OIP) rappelait alors dans un communiqué que la moitié des personnes détenues sont sans emploi et 8% sans domicile avant leur entrée en détention.
Aurore Zunino explique par ailleurs que l’emploi et le logement sont des facteurs de protection qui réduisent la probabilité de récidive et qu’ils font partie de leur terrain d’action : « Quand les personnes n’arrivent pas à trouver de logement il y a un risque d’errance, de vol. » Dans le contexte de restrictions budgétaires, les formations au code de la route proposée par les SPIP ont été supprimées. Cela s’est également traduit par une réduction des capacités d’hébergement du Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et du Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO).
Et la justice semble être du côté des manifestants. En mai, le Conseil d’État a estimé qu’il était irrégulier d’interdire les activités ludiques en prison, comme demandé dans une circulaire par le ministre de la Justice. La plus haute juridiction administrative affirme qu’il n’est pas possible d’interdire des activités conformes au code pénitentiaire, simplement parce qu’elles auraient un caractère “ludique”. Malgré cette décision jugée « salutaire », les SPIP sont conscients qu’au pénal, les parquets font des réquisitions en fonction des consignes du ministère et que ce virage politique risque de réduire leurs moyens d’action.
Sud Education Alsace fait partie des syndicats signataires de l’appel à la mobilisation.Photo : Rue89 Strasbourg / cc
Après le meurtre d’une assistante d’éducation en Haute-Marne, une intersyndicale de l’Éducation nationale appelle les personnels de la vie scolaire à faire grève jeudi 19 juin. À Strasbourg, un rassemblement est prévu.
Jeudi 19 juin, plusieurs syndicats (SNU-EP, Snes, CGT Educ’action, Sud-Éducation) appelle à une journée de grève et de mobilisation pour les assistants d’éducation (AED) et les personnels de la vie scolaire de l’Éducation nationale. Cette journée vise à dénoncer les conditions qui ont permis qu’une surveillante, Mélanie, 41 ans, soit tuée à coups de couteau par un élève devant un collège de Haute-Marne mardi 10 juin.
Dans un communiqué, cette intersyndicale dénonce « l’exposition à laquelle les assistants d’éducation sont confrontés dans l’exercice de leur fonction, fautes de moyens suffisants dans les collèges et les lycées. Les AED se retrouvent à exercer un rôle de « vigiles » qui n’est pas le leur. »
En début d’après-midi, une délégation des personnels alsaciens de l’Éducation nationale sera reçue au rectorat de l’académie de Strasbourg pour porter plusieurs revendications. Sud Éducation Alsace avait notamment listé dans un communiqué « la création d’un statut de la fonction publique pour les assistant·es d’éducation, l’instauration d’une formation initiale et continue, l’adoption d’une grille indiciaire liée à l’ancienneté, le renforcement des effectifs et un salaire minimum fixé à 2 200 € bruts. »
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Journaliste indépendant basé en Alsace, je m’intéresse de près à l’écologie et aux entreprises du territoire alsacien. Membre du collectif Enketo depuis mai 2025, j’enquête sur les pollutions chimiques des industries.
Le bassin intérieur de la piscine de Hautepierre en 2018.Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Un homme a été surpris en train de filmer deux jeunes filles à leur insu à la piscine de Hautepierre le 9 juin. Une première audience a révélé que de nombreuses captations ont été trouvées dans son matériel informatique. L’homme sera finalement jugé en juillet, après une expertise psychiatrique.
Lundi 9 juin, 17h. Brice est à la piscine de Hautepierre avec sa fille et une amie à elle. Les deux enfants, âgées de 4 et 5 ans, se changent dans une cabine. Le père de famille a une mauvaise intuition lorsqu’il remarque qu’un homme, Philippe C., entre dans la cabine située juste à côté, « alors que d’autres étaient disponibles ». Il se baisse pour vérifier s’il ne constate rien de suspect mais des affaires sont entreposées sous la palissade.
Inquiet, Brice décide finalement d’entrer dans la cabine des fillettes et remarque une caméra miniature placée dans une chaussure en position de filmer les deux mineures, alors nues, en contre plongée :
Jean-Philippe Vetter veut se faire le « porte voix des quartiers délaissés ».Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc
Pour Jean-Philippe Vetter, les Strasbourgeois·es ne se parlent plus assez. Ils sont coincés entre des réseaux sociaux toxiques et « une maire militante ». Après une série de réunions publiques, il propose quelques idées pour sortir de ce marasme.
Après sept réunions publiques dans différents quartiers de Strasbourg, Jean-Philippe Vetter, candidat (Les Républicains) aux élections municipales de 2026, en tire déjà un enseignement majeur : « Les Strasbourgeois souffrent de ne pas être écoutés ! » Voilà qui méritait ces déplacements. « Ils ont pourtant le désir de s’exprimer et de participer » aux affaires de la cité, assure le président du groupe d’opposition de droite au conseil municipal. Mais voilà : « Ils ont une maire verte, pas une maire ouverte ! Ils font face à une maire militante. »
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Les militants écologistes ont l’habitude de qualifier Wittelsheim de « Commune poubelle ».Photo : Mathilde Cybulski / Rue89 Strasbourg
Dans une décision rendue mardi 17 juin, le tribunal administratif de Strasbourg a repris les arguments de l’État pour autoriser le confinement définitif des déchets de Stocamine. Une procédure devant la Cour européenne des droits de l’Homme est toujours en cours.
C’est un échec pour Alsace Nature, la Collectivité européenne d’Alsace, les associations CLCV 68, Cité Langenzug et Alternatiba Soultz, et les communes de Wittenheim et d’Ungersheim. Dans une décision du mardi 17 juin, le tribunal administratif de Strasbourg rejette leur requête contre l’enfouissement définitif des produits toxiques de Stocamine.
Il autorise ainsi le confinement de 42 000 tonnes de déchets industriels ultimes à Wittelsheim, sous la nappe phréatique rhénane, réserve d’eau potable d’au moins 5,6 millions de personnes. Les juges admettent pourtant qu’un « risque de pollution des eaux est avéré : des incertitudes subsistent sur la nature des déchets et la remontée de la saumure polluée vers la nappe ».
Le fait accompli
Les magistrats reprennent toutefois les arguments de l’État, qui estime que le déstockage n’est « plus réalisable dans des conditions acceptables de sécurité pour le personnel » :
« Seul le confinement définitif, consistant notamment à construire des barrières en béton autour des blocs contenant les déchets et à remblayer les puits y donnant accès de manière à assurer une étanchéité, constitue en l’état des techniques disponibles, la mesure la plus susceptible de préserver l’environnement à court, moyen et long termes et, ainsi, le droit des générations futures. »
« Ils sont d’accord sur le fait qu’il y aurait plein de choses à creuser mais ils disent qu’on n’a plus le temps et qu’il faut enfouir les déchets », résume Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature. Lors de l’audience du 15 mai, l’avocat de l’association, Me François Zind, avait justement conspué cette logique du « fait accompli » : « Vous, magistrats, seriez donc obligés d’acter, encore une fois, la défaillance de notre système juridique, face à ce fiasco industriel, éthique et technique », soutenait-il. Des associations et collectivités locales demandent la sortie des déchets depuis 2002 et c’est ce délai de plus de 20 ans qui a permis à la mine de se détériorer avec les déchets à l’intérieur.
Des dizaines d’opposants à Stocamine, avaient entièrement rempli la salle où s’était tenue l’audience le 15 mai.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg
Bataille scientifique
Pour affirmer que le déstockage n’est plus possible, le tribunal se base sur une note du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) datée de février 2023 qui concluait que « le délai impliqué par le phénomène de convergence des galeries de la mine n’était plus compatible avec les scénarios de déstockage ». Une analyse fermement contestée par les requérants, avec à l’appui les arguments du géologue suisse Marcos Buser qui a déjà piloté une opération similaire de déstockage.
En septembre 2023, « ce même tribunal administratif avait fait valoir le droit aux générations futures et le principe de précaution pour suspendre l’autorisation du confinement », rappelle Stéphane Giraud :
« Cette décision avait été cassée par le Conseil d’État. Et maintenant, ces arguments n’existent plus dans ce jugement. Il y a une forme de régression, pour revenir aux premiers arguments de l’État. C’est questionnant. »
D’autres étapes juridiques à venir
Ce jugement peut faire l’objet d’un appel dans un délai de deux mois. « C’est une possibilité. Nous allons prendre la décision en conseil d’administration », assure le directeur d’Alsace Nature. À noter que dans le cadre d’une autre procédure juridique contre le confinement des déchets de Stocamine, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a envoyé une série de questions au gouvernement français. « Seul 7% des requêtes devant la CEDH passent ce cap », pose Me François Zind. Le combat juridique contre l’enfouissement définitif des déchets de Stocamine n’est donc toujours pas terminé.
La préfecture du Bas-Rhin veut mettre à la rue ou expulser des centaines de personnes en 2025.Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
L’État veut mettre fin à l’hébergement de plusieurs familles à Sélestat. Sept associations appellent à un rassemblement mercredi 18 juin, devant la sous-préfecture de cette ville d’Alsace centrale.
Comme à Strasbourg, l’État souhaite mettre fin à l’hébergement d’urgence de familles étrangères à Sélestat. « Nous sommes choqués par ce qui arrive à nos élèves, confie une enseignante du collège de la ville de 19 000 habitants. Ces personnes, dont des enfants, sont là depuis quatre ans, et maintenant on veut les mettre à la rue. Je ne pensais pas que de telles choses pouvaient se passer en France. »
Le Collectif des droits humains du centre Alsace, composé de sept associations comme La Cimade ou Amnesty international, appelle à un rassemblement statique mercredi 18 juin à 12h, devant la sous-préfecture de Sélestat. « Prévenez vos collègues, vos voisins, et les personnes qui se sentent concernées par cette situation. Montrons au sous-préfet notre indignation dans le calme. Personne ne doit être à la rue », écrivent les signataires.
« Des élèves arrivent en classe affamés »
Une première famille a été expulsée fin avril, deux devront quitter leurs appartements fin juin et une autre fin septembre. Elles sont venues de Géorgie, d’Albanie et de Russie, et sont en situation de droits incomplets, c’est-à-dire que leurs demandes de titre de séjour n’ont pas été acceptées. Mais les familles contestent ces refus, expliquant qu’elles seraient en danger dans leurs pays d’origine.
Les associations rappellent que l’hébergement d’urgence est un droit inconditionnel en France. L’État est censé procurer un abri à toutes les personnes qui le demandent, quelle que soit leur situation administrative. Elles ont également adressé une lettre au préfet du Bas-Rhin le 13 juin 2025 :
« Nous avons appris qu’au 30 avril, une famille s’est retrouvée à la rue, sans ressources, un couple avec quatre enfants dont un bébé de 8 mois. Actuellement nous ne savons pas où ils sont. Des élèves arrivent en classe affamés, leur frigo à la maison est vide. Et puis dans quelques jours il n’y aura plus ni frigo, ni toit ! Peut-on rester sourd, muet et aveugle face à ce manque d’humanité ? »
Des membres de l’équipe du Wagon Souk et des élus de Ville de Strasbourg ce 16 juin.Photo : Ophélie Gobinet / Rue89 Strasbourg
Un terrain d’entente a été trouvé après des semaines de dialogue difficile entre la Ville de Strasbourg et le Wagon Souk. La municipalité va proposer un nouveau bail et financer d’importants travaux pour ce tiers-lieu solidaire situé derrière la gare.
L’histoire du Wagon Souk est de celles qui se vivent en épisodes. Lundi 16 juin, l’équipe cadre du Wagon Souk et la municipalité ont présenté à Rue89 Strasbourg les projets qui permettront à ce lieu culturel de poursuivre son aventure. Depuis mars, le dialogue entre les deux parties était devenu conflictuel. « On a dépassé les difficultés pour trouver un terrain d’entente apaisé », se félicite Hülliya Turan (Parti communiste), adjointe à la maire de Strasbourg, en charge de l’éducation.
Nouveau bail et financement des travaux
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Journaliste indépendante et professeur d’éducation aux médias. Sujets société, inégalités, éducation, police-justice. J’aime aussi écrire sur le rap et la culture hip hop de Strasbourg et d’ailleurs.
Après les drones dans les quartiers populaires, les drones au dessus du Marché de Noël ou des manifestations… les drones pour traquer les migrants !Photo : Ajairapara / Creative Commons
La préfecture du Bas-Rhin avait autorisé le recours à des drones pour lutter contre l’immigration clandestine. Face aux arguments flous du représentant de l’État, le juge administratif a suspendu l’arrêté concerné.
Le service juridique de la préfecture du Bas-Rhin est-il déjà en vacances ? À moins que le représentant de l’État au niveau départemental n’ait pas réellement souhaité traquer les migrants à l’aide de drone ? Lundi 16 juin, ces questions restent ouvertes après la décision du tribunal administratif de Strasbourg. Ce dernier a suspendu en urgence un arrêté préfectoral autorisant l’utilisation de « caméras embarquées à bord d’aéronefs », comme décrit par le langage désuet de l’administration préfectorale.
La juge des référés a rendu son ordonnance après avoir été saisie par le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature, l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) ainsi qu’un avocat bas-rhinois. Elle a estimé que le recours au drone portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, à la liberté personnelle, à la protection des données personnelles et à la liberté d’aller et venir.
Plus de voitures = plus de migrants
Cette décision fait suite aux réponses extrêmement floues de la préfecture invitée à préciser un arrêté préfectoral douteux. Pour rappel, ce dernier mettait en avant un objectif de lutte contre l’immigration clandestine tout en autorisant des drones dans deux secteurs non frontaliers, ceux de Saverne et de Molsheim. L’avocat du SAF, d’Adelico et du Syndicat de la Magistrature Me David Poinsignon avait aussi déploré l’imprécision du périmètre géographique concerné. Mais au cours de l’audience tenue au tribunal administratif, « le préfet n’a apporté aucune précision sur la limite exacte de la zone de surveillance » ainsi que l’indique l’ordonnance.
La préfecture n’a pas fourni précisions supplémentaires sur ses motivations. L’ordonnance du tribunal administratif déplore le manque de preuve concernant une supposée hausse des flux migratoires dans la zone concernée. L’argument préfectoral présenté en amont de l’audience se résume en effet à « plus de voitures = plus de migrants », comme l’écrit la juge des référés :
« Pour justifier de la hausse du nombre de franchissements illégaux de la frontière par des migrants, le préfet du Bas-Rhin invoque tout d’abord un article de presse faisant état de la hausse constante depuis plusieurs années et dans les cinq années à venir du nombre de véhicules empruntant « certains axes routiers » dans le département du Bas-Rhin. Cependant cette donnée très générale qui ne concerne ni directement les flux migratoires, ni uniquement les quatre axes routiers concernés par l’autorisation, ne saurait suffire à justifier le recours au dispositif en litige. »
D’autres arguments – sur la crise budgétaire et le manque de fonctionnaires de police – n’ont pas permis d’emporter l’adhésion de la juge des référés. Les drones équipés d’une mystérieuse « technologie 3D » sont donc désormais interdits d’utilisation dans le ciel alsacien du mercredi 12 au jeudi 26 juin. La préfecture peut faire appel de cette décision devant le Conseil d’État.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Emmanuel Georg était lui-même officier de police judiciaire, avant de se consacrer au syndicalisme.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg
À Strasbourg, les enquêteurs de police se disent surchargés de travail, avec des dizaines d’affaires par agent. Ils font face à une baisse de leur effectif et a une augmentation des plaintes pour viol. Ce qui les oblige à prioriser au cas par cas, créant des délais de plusieurs années pour le traitement de certains dossiers.
La lutte contre les violences sexuelles devait être une priorité d’Emmanuel Macron depuis 2017. Mais de nombreuses femmes qui portent plainte à Strasbourg sont toujours sans nouvelles de leur dossier pendant plusieurs années, tout en étant parfois au contact de celui qu’elles accusent. « Les collègues souffrent beaucoup de cette situation de débordement », assure Emmanuel Georg, secrétaire régional du syndicat policier Un1té (prononcer « unité »).
Les enquêteurs de l’hôtel de police, à Strasbourg, alertent régulièrement sur leurs effectifs en chute libre et les dossiers qui s’entassent. D’autant plus que le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau (Les Républicains), impulse une mobilisation médiatique contre le trafic de drogue, surchargeant les services de petites affaires sans gros impacts sur les réseaux.
Augmentation du nombre de plaintes
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La rédaction de Rue89 Strasbourg publie régulièrement sur les violences sexuelles et sexistes. Ce sont des enquêtes qui touchent à tous les domaines, de l’enseignement supérieur à la politique en passant par le monde religieux ou l’environnement professionnel. Ces articles nécessitent souvent des semaines, voire des mois d’enquête, notamment parce que les preuves manquent et que la parole est délicate à recueillir. Nous documentons aussi activement les manquements dans la prise en charge des violences sexuelles par les acteurs concernés comme la police.
Si nos articles ne remplacent aucune forme de justice, ils permettent en général que cessent ces violences ou que des dysfonctionnements dans la protection des victimes soient révélés. C’est pourquoi l’existence de médias engagés comme Rue89 Strasbourg est essentielle pour donner la parole à celles et ceux qui affrontent le silence et subissent l’opprobre lorsqu’ils dénoncent des viols et des agressions sexuelles.
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Pour certaines victimes, le dépôt de plainte est le début d’une longue procédure opaque.Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg
Plusieurs années après avoir porté plainte pour des violences sexuelles, certaines Strasbourgeoises attendent toujours la fin de la procédure. Elles doivent continuer à vivre sans savoir si leurs agresseurs, qu’elles connaissent parfois, seront auditionnés un jour.
« J’avais constamment peur de le croiser dans les bars ou dans les manifs, ça provoquait une hypervigilance. Margaux (prénom modifié) a fini par quitter Strasbourg, deux ans après avoir porté plainte pour des viols subis lorsqu’elle était adolescente. C’est clairement l’une des raisons principales de mon départ. Le fait qu’il n’y ait pas de suite, que je risque de voir mon agresseur et que, pour lui, rien ne change. »
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Campement de personnes sans-abri au parc Eugène Imbs à la Montagne VertePhoto : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Une vingtaine de collectifs ont lancé un appel à se rassembler mercredi 18 juin devant la préfecture du Bas-Rhin pour dénoncer la suppression de places d’hébergement d’urgence à Strasbourg pour les personnes sans titre de séjour.
Dans le contexte de la Semaine des réfugiés qui se tient du 13 au 20 juin, 26 collectifs, associations et syndicats (voir la liste ci-dessous) ont lancé un appel à la mobilisation pour le respect du droit au logement inconditionnel, garanti par le code de l’action sociale et des familles. Ils appellent à se rassembler devant la préfecture le mercredi 18 juin à partir de 18h30. « Il y aura une fanfare, des banderoles, des tentes, des prises de parole », annonce le collectif des Bonnes Gens.
Le 27 mai, ces associations ont envoyé une lettre ouverte au préfet du Bas-Rhin pour demander l’abandon d’un projet de réorganisation de l’hébergement d’urgence et « garantir une solution d’hébergement stable et digne pour toutes les personnes concernées ». La lettre étant restée sans réponse, le rassemblement vise à interpeller les pouvoirs publics sur l’augmentation du nombre de familles qui se retrouvent à la rue.
« Actuellement, ce sont plusieurs centaines de personnes qui sont maintenues dans une précarité extrême, invisibles, privées de leurs droits fondamentaux, dans un silence institutionnel assourdissant. Il s’agit de celles et ceux qui n’appellent même plus le 115, conscients qu’ils n’obtiendront aucune réponse, celles et ceux contraints à la rue ou aux squats dans des conditions indignes. »
Extrait de la lettre ouverte adressée au préfet du Bas-Rhin
Depuis 2024, la préfecture du Bas-Rhin somme les associations locales, dont elle finance les programmes, de réduire considérablement le nombre de places d’hébergement prévues pour les « ménages à droits incomplets ». En janvier 2025, elles logeaient 1 626 personnes dans cette situation et devront supprimer 704 places d’ici décembre comme l’a révélé Rue89 Strasbourg. L’appellation « ménages à droits incomplets » (MDI) désigne par exemple les personnes étrangères dont les titres de séjour ont échu ou qui contestent des décisions de refus d’attribution.
Alors que le Sénat a adopté en février 2025 une proposition de loi visant à interdire le mariage aux personnes en situation irrégulière, Mayliss et Ahmed ont accepté de raconter leur histoire d’amour qui dépasse les frontières.Photo : Rue89 Strasbourg / Mathilde Cybulski
En février 2025, le Sénat a adopté une proposition de loi pour interdire le mariage aux personnes en situation irrégulière. La proposition aurait empêché Mayliss et Ahmed de se marier. Le couple raconte une union qui a déjà souffert d’une administration hostile aux couples binationaux.
« Je me suis tout de suite dit que c’était la personne qu’il me fallait », assure-t-il. L’histoire d’amour entre Ahmed et Mayliss, 26 et 29 ans, est « évidente » mais semée d’embuches administratives. Il est né au Burkina Faso. Elle est née en France. Ils se rencontrent en mai 2022 à l’occasion d’un festival autour de la musique, de la danse et des contes d’Afrique à Illkirch-Graffenstaden où Ahmed se produit. Ils sont présentés par une connaissance commune. Leur histoire d’amour nait quelques semaines plus tard, lorsque Mayliss vient participer à l’un des cours de danse que dispense son futur époux. « C’est la danse qui nous a rapprochés », sourit-elle.
« J’ai vite su que c’était nous deux »
Ahmed est arrivé en France quelques semaines avant leur rencontre avec un visa touristique de six mois. Formé à l’école internationale de danse Irène Tassembédo de Ouagadougou, le jeune artiste, qui a par le passé déjà fait des tournées en Europe avec sa troupe, s’installe en Alsace en mai 2022 pour se produire. « Je venais pour rester en France. J’avais des projets pour donner des cours de danse, fonder une compagnie », explique l’artiste. Le parcours d’obstacles administratifs commence alors. Une première demande de titre de séjour est déposée, Ahmed passe des auditions, se projette. « Ça n’a pas abouti », résume-t-il.
Malgré ces procédures bureaucratiques, l’histoire d’amour d’Ahmed et Mayliss s’épanouit. Le couple emménage. Très vite, ils parlent de mariage. C’est Mayliss, conseillère numérique chez Emmaüs Connect qui pose le genou à terre. « J’ai vite su que c’était nous deux et personne d’autre. Je lui faisais confiance », détaille-t-elle. « Le mariage c’est important pour moi mais je n’osais même pas en parler. J’avais peur qu’elle pense que c’était pour les papiers », se rappelle le danseur.
Le couple le reconnait : l’union est accélérée par la situation administrative d’Ahmed. « Il fallait que sa situation avance pour qu’on puisse se construire », conclut Mayliss. « J’étais bloqué dans mes projets… Je n’ai pas pu honorer certains contrats de travail du fait de ma situation », détaille le danseur. Le visa touriste d’une durée de six mois d’Ahmed prend fin et le jeune homme explique n’avoir aucun retour de la préfecture concernant sa demande de passeport talent, une carte de séjour pluriannuelle dédiée aux artistes notamment.
Mayliss et Ahmed se sont mariés en septembre 2023 à l’hôtel de Ville de Strasbourg.Photo : Rue89 Strasbourg / Mathilde Cybulski
« Je ne m’étais pas imaginé ce que ça impliquait »
Preuve de célibat fournie par le pays d’origine, preuve de vie commune, acte de naissance de moins de trois mois… « Un tas de paperasse » est collecté en prévision des noces. Même si le budget est serré, le couple parvient à organiser en septembre 2023 « le meilleur mariage de Strasbourg » à l’hôtel de Ville place Broglie puis dans une salle des fêtes entouré d’une centaine de proches.
Mais l’union du couple est loin de mettre fin aux galères administratives. « Je ne m’étais pas forcément imaginé ce que ça allait impliquer. J’estimais qu’il était naturel d’aider mon conjoint« , avance Mayliss. « La numérisation des démarches à la préfecture, ça a été un vrai problème », analyse la conseillère numérique. Impossible d’obtenir un rendez-vous, ni même d’avoir de réponse. « C’est la préfecture, c’est la France », ironise Ahmed.
Une OQTF pour la Saint-Valentin
« Au bout de plusieurs mois et plusieurs demandes, on apprend par le biais du Défenseur des droits que la préfecture n’avait réceptionné aucun dossier », résume le couple. Pourtant, à chaque demande de titre de séjour, Ahmed explique avoir reçu une attestation de dépôt. « C’est donc que quelque chose a été déposé », rigole désormais le jeune marié. « Et puis ce sont des frais ! À chaque demande il faut payer un timbre fiscal, 225 euros à chaque fois », précise son épouse.
Accompagnés par l’association des Amoureux au ban public, le couple fait donc appel au Défenseur des droits pour savoir où en sont les quatre demandes de titre de séjour vie privée/familiale déposées après leur mariage. Il découvre qu’une obligation de quitter le territoire français a été notifiée à Ahmed le 14 février 2024. « Mon conjoint a reçu une OQTF le jour de la Saint-Valentin, c’est assez ironique », tranche Mayliss. Problème, la découverte est faite en avril, le délai de recours est alors dépassé.
Deux ans et demi d’errance administrative
« C’est là qu’on s’est décidé à prendre une avocate et les choses ont commencé à bouger ». Grâce à son conseil, le danseur obtient l’annulation de son OQTF et son titre de séjour lui est finalement délivré à l’automne 2024, deux ans et demi après son arrivé. L’heure est désormais aux projets personnels comme professionnels. Achat d’une maison et voyages notamment. Empêché de se rendre à Los Angeles en 2024 en raison de la situation administrative d’Ahmed, le couple espère pouvoir s’y rendre à l’été 2025. Le danseur a été sélectionné pour représenter la France à l’occasion d’une importante compétition internationale, la WCOPA (World Championship Of Performing Arts) qui rassemble plus de 70 pays.
Le couple a aussi pu se rendre au Burkina Faso pour fêter la nouvelle année et pour que Mayliss rencontre sa belle famille. Ils comptent y retourner prochainement pour célébrer un « deuxième mariage », plus traditionnel cette fois-ci. Depuis le retrait des troupes militaires françaises de l’opération Barkhane fin 2022, les relations se sont tendues entre la France et l’Alliance des États du Sahel (AES). Il est de plus en plus difficile d’obtenir des visas pour la Burkina Faso, le Niger ou le Mali. Une situation géopolitique instable qui a entrainé Mayliss à demander la nationalité burkinabée fin 2024. « J’ai un peu vu ce qu’il a vécu lui », rigole la conseillère numérique.