Trois syndicats et plusieurs partis politiques lancent un appel à la grève et à manifester le jeudi 29 septembre, partout en France. Ils dénoncent la situation économique et sociale du pays, dans le contexte d’une rentrée marquée par la crise énergétique.
L’appel est lancé, le départ de la première manifestation interprofessionnelle de cette rentrée 2022 est fixé au jeudi 29 septembre à 14h place Kléber. En cette période particulièrement marquée par la hausse des prix de l’énergie, les contestations porteront – notamment, mais pas seulement – sur les arbitrages réalisés par le gouvernement dans la gestion de cette crise.
Sur la page de l’évènement Facebook, on peut lire les motifs qui vont mobiliser les participants :
« La hausse des prix rend de plus en plus difficile la vie quotidienne de la grande majorité de la population. Les mesures prises par le gouvernement aboutissent à une baisse des revenus réels, alors même que le patrimoine des plus riches et les dividendes versés aux actionnaires ne cessent de croître et que de nouveaux cadeaux fiscaux pour les employeurs sont déjà programmés. De plus, le gouvernement prévoit de nouvelles attaques frontales contre la protection sociale que ce soit sur la question des retraites ou sur l’assurance-chômage. »
Les revendications du mouvement porteront sur le pouvoir d’achat, les hausses de salaire, les droits des travailleurs et la réforme des retraites.
L’appel à la mobilisation soutenu à Strasbourg par les syndicats comme la CGT 67, FSU 67, Solidaires Alsace, ou encore Attac Strasbourg, mais également par les sections locales du Parti Communiste Français, du Parti Socialiste, de la France Insoumise, le NPA ou EELV.
Quelle mobilisation pour les salaires pour la première manifestation depuis la rentrée ? Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg
Une action pour une « riposte sociale et écologique »
L’évènement social est également marqué par la crise climatique. Que ce soit la hausse des prix de l’énergie, ou les conséquences du réchauffement climatique avec les nombreuses canicules cet été et les incendies dévastateurs dans l’ouest de la France, l’appel à la mobilisation se veut global :
« À cette injustice sociale se combine l’inaction du gouvernement face à la crise climatique, dont les événements dramatiques de cet été sont l’illustration emblématique.
Cette inaction ne fait que renforcer les inégalités puisqu’elle permet aux plus riches de continuer leur mode de consommation, alors même qu’il est le plus destructeur des écosystèmes, et à la plupart des entreprises, en particulier les plus grandes, de continuer à privilégier la logique du profit au dépend du respect des impératifs écologiques. »
« Crise et fin de l’abondance : un refrain ultra-libéral »
« Macron nous annonce la fin de l’abondance (…) Pour qui ? Pour les 10 millions de pauvres que compte le pays ? L’abondance, nous ne l’avons jamais connue. »
Le syndicat appelle à une taxe sur ce qui est appelé les « superprofits » de la crise, en rappelant que d’autres pays européens comme l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni se sont engagés dans cette voie. Emmanuel Macron, lui, dit désormais vouloir porter cette contribution à l’échelon des 27 pays de l’Union européenne.
Pour le 29 septembre, un appel à la grève est également déposé. Il pourrait être suivi dans les transports, les écoles, collèges, lycées et dans les services publics.
Pas de cantine dans les écoles de Strasbourg
Parmi les conséquences dans les services publics, la Ville de Strasbourg a indiqué qu’un service minimum d’accueil serait mis en place dans les écoles avec plus de 25% des enseignants en grève. En revanche, toutes les cantines des écoles seront fermées jeudi midi.
Dans les transports en commun, le mouvement social aura pour conséquence de légèrement réduire le cadencement des bus et trams de la CTS.
Les lignes de tram A, B, D circuleront toutes les 10 à 12 minutes, tandis que les lignes de tram C et E circuleront toutes les 10 minutes et la ligne F toutes les 12 à 15 minutes. La ligne de bus G circulera toutes les 8 à 10 minutes, la ligne H toutes les 10 à 12 minutes. La ligne de bus L1 circulera toutes les 9 à 15 minutes, la ligne L3 toutes les 10 à 14 minutes, la ligne L6 toutes les 10 à 15 minutes entre Pont Phario et Fort Desaix. Pour la desserte de Hoenheim Gare et de Vendenheim Gare, il faudra patienter entre 20 et 30 minutes…
La ligne de bus 2 circulera toutes les 10 à 15 minutes, la ligne de bus 4/4a toutes les 10 à 15 minutes entre Comtes et Capucins. La ligne de bus 13 circulera toutes les 20 minutes environ.
Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
Le Festival européen du film fantastique se déploie dans les cinémas de Strasbourg du 23 septembre au 2 octobre. Avec près de 80 films, la programmation offre des pépites pour tous ceux qui aiment l’étrange, qu’il soit fantastique ou non.
L’invité d’honneur de l’édition 2022 du Festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFFS), du vendredi 23 septembre au dimanche 2 octobre dans tous les cinémas strasbourgeois, est Christophe Gans. Créateur du magazine Starfix, il devenu réalisateur et donnera dimanche 25 septembre une masterclass suivie de la projection de son chef d’œuvre aux cinq millions d’entrées, Le Pacte des Loups (2001), qui vient tout juste d’être remastérisé.
Christophe Gans, créateur du magazine Starfix et devenu réalisateur, est l’invité d’honneur du FEFFS 2022. Photo : DR Le Pacte des Loups
80 films, dont 60 longs-métrages
Créé en 2006 sous le nom d’Hammer Festival, le FEFFS s’étale sur dix jours, ce qui permet de présenter soixante longs-métrages et vingt courts sur les écrans des cinémas strasbourgeois, répartis en sélection ou proposés lors d’événements particuliers.
La bande annonce du FEFFS 2022
Le plus connu reste « La Nuit excentrique » qui profite de la discrétion nocturne pour accueillir les pires films des collections de la Cinémathèque française. Le 1er octobre, à partir de minuit, la comédie naturiste L’île aux femmes nues, un film de vampire érotique, et enfin un nanar d’arts martiaux hongkongais se succéderont jusqu’au petit déjeuner.
Du fantastique sans traumatisme : les événements grand public
On a le droit d’aimer le fantastique sans vouloir avoir trop peur. Ne serait-ce que pour souhaiter passer de bonnes nuits après les projections, ou simplement parce qu’on n’a pas encore l’âge de voir un tueur en série découper sa proie en rondelles avec un couteau à beurre. La compétition de films d’animation propose donc huit films aux identités visuelles très tranchées, et aux histoires parfois fantasques.
Accessible à tous, le film musical L’Île, d’Anca Damian, revisite l’histoire d’un Robinson Crusoé qui aurait rencontré l’unique survivant d’une embarcation de migrant. Présenté comme « un film coup de poing qui a la douceur d’une caresse », Nayola, réalisé par José Miguel Ribeiro suit une adolescente rebelle dans l’Angola en guerre de 2011.
Le choix du film de la traditionnelle projection plein air, mardi 27 septembre place du Château, s’est – cette année – arrêté sur Flash Gordon. Ce space opéra connu pour ses costumes kitsch fera raisonner sa bande-son composée et interprétée par Queen entre les murs de la cathédrale et du Palais Rohan. Une occasion de partager ce film culte entre générations.
La projection place du Château est une tradition du FEFFS. Photo : DR FEFFS
Pour une séance avec des tout petits, privilégiez le conte écologique Le Secret des Perlimps, réalisé par Ale Abreu, déjà venu présenter Le Garçon et le Monde au festival en 2014. Ce joli film coloré retrace l’histoire de deux agents secrets particulièrement mignons, qui devront coopérer devant la menace des géants d’inonder leur vallée.
Des frissons et du cinéma : courts-métrages et rétrospectives
Le FEFFS, c’est aussi un hymne au cinéma, et davantage quand il se montre audacieux et imprévisible. Les compétitions de courts-métrages sont souvent bien placées pour révéler les talents de demain auxquels on a laissé la liberté de jouer avec leurs caméras – les petits formats étant économiquement moins risqués.
Chaque sélection – courts internationaux, français et d’animation – comportent sept films, donc sept propositions et sept univers à découvrir par séance. Attention tout de même aux surprises. Cette année, la compétition animation est déconseillée aux moins de seize ans. Quelle(s) histoire(s), entre celle d’une agente de la police secrète pendant la dictature militaire au Chili, du jeune drogué Will ou de l’étonnante recherche d’un cadavre en Amérique du Sud ont valu cette limite d’âge ?
Les films d’animation pour adultes s’installent plus que jamais dans la programmation du FEFFS Photo : DR Unicorn Wars
Côté longs-métrages, le film d’animation pour adultes Unicorn Wars, de l’Espagnol Alberto Vazquez étonne dès la lecture du pitch. Des oursons et des licornes se livrent à une guerre féroce au cœur de la Forêt magique. Une histoire totalement barrée qui dénonce cependant la folie destructrice des hommes.
En compétition internationale, Sissy, d’Hannah Barlow et Kane Senes, aborde le sujet du harcèlement moral en réunissant, 12 ans après leur lycée, un groupe d’amies pour un enterrement de vie de jeunes filles dans les bois. Mais ces histoires de harcèlement, réels comme virtuels, ressurgissent, déclenchant un étrange jeu de massacre.
Le FEFFS proposera 80 films sur dix jours Photo : DR SISSY
Les cinéphiles seront également heureux de découvrir les rétrospectives de cette année, dédiée à la « French Touch« . De La Belle et la bête de Jean Cocteau (1946) à La Beauté du Diable de René Clair, en passant par la première mondiale de la version restaurée de La Cité des enfants perdu du duo Jeunet-Caro, il y aura de quoi se plonger dans un voyage à travers le cinéma de genre français.
Du cinéma à feu et à sang : Midnight movies et compétition Crossovers
Le FEFFS dédie sa sélection « Midnight movies » à l’horreur pour des soirées cauchemardesques, mais parfois très drôles. Ce sera certainement le cas pour Mad Heidide Johannes Hartmann et Sandro Klofstein.
Comme le laisse présumer le titre, la gentille Heidi des montagnes est de retour… mais pour se venger de manière particulièrement sanglante. Un autre massacre aura lieu dans Kids VS. Alien de l’Etatsunien Jason Eisener, puis dans X de Ti West. Un hommage au Massacre à la tronçonneuse qui s’inscrit dans un décor de ferme texane, investie par l’équipe d’un tournage de film pornographique.
Pour les plus courageux, le FEFFS a programmé des films aussi sanglants et gores que terrifiants. Photo : DR Flux Gourmet
D’autres œuvres horrifiques et particulièrement perturbantes se sont glissées dans la compétition Crossover. Flux Gourmet retrace l’histoire d’un journaliste parti rencontrer un trio d’artistes spécialisés en cuisine acoustique, qui assiste à la montée de leurs désaccords. Dans une toute autre atmosphère,Zalava se déroule dans un petit village kurde, à la veille de la révolution iranienne de 1978, alors qu’une jeune femme est soupçonnée d’être possédée par un démon.
Du 27 septembre au 2 octobre, le festival Opération Quartiers Populaires programme du stand up, des spectacles de danse ou un récital mélangeant rap et théâtre. L’objectif d’OQP depuis plusieurs décennies : donner « une réponse citoyenne à la stigmatisation ».
« Avec le festival Opération Quartiers Populaires (OQP), on veut montrer une autre réalité que celle des médias, qui décrivent ces territoires comme conservateurs et rétrogrades. OQP, c’est pour montrer que ça rigole en bas, ça rigole autant d’islam que de sexualité. » Directeur artistique des Fabriques Artistiques Culturelles et Citoyennes (FACC), Yan Gilg enchaîne les punchlines lorsqu’il décrit l’intention du festival OQP, qui se déroulera du 27 septembre au 2 octobre pour sa 7e édition, entre l’espace culturel Le Point d’Eau à Ostwald et le bâtiment Junckers, plaine des Bouchers, à Strasbourg.
Extrait du récital « La Rage de Dire 2 ». Photo : Document remis
Premier stand up pour le festival OQP
Nouveauté de cette édition 2022, le festival commencera avec une carte blanche donnée à Sihame Hamsi pour une soirée stand up. Originaire de Wissembourg, l’artiste a commencé par travailler la danse avec la compagnie Mémoires Vives, aussi organisatrice d’OQP. Aujourd’hui, Sihame Hamsi prend la parole : « Je voulais m’exprimer pour dénoncer par le rire, pointer les choses qui ne vont pas dans notre société, sans agressivité. » La maîtresse de cérémonie a invité d’autres humoristes locaux, comme Margaux Lagleize, Najim ZIani ou encore Matthieu Bartosz.
Le festival OQP doit aussi offrir un « endroit des dialogues interculturels, des mémoires collectives, des luttes sociales et des solidarités à construire ». Mercredi 28 septembre, le court-métrage « Conte à rebours » du sociologue et cinéaste Saïd Bahij sera projeté au bâtiment Junckers (33 Rue du Maréchal Lefebvre, à Strasbourg) à partir de 19h. La projection sera suivie d’une table-ronde autour des questions de citoyenneté dans les quartiers populaires.
La rage de dire 2 : un mélange de rap et de théâtre
Vendredi 30 septembre, à 20 heures, le théâtre du Point d’Eau accueillera un récital, « entre le concert de rap et la pièce de théâtre ». Directeur artistique du projet, Mouss a accueilli de nombreux jeunes dans le local de la FACC dans le quartier de l’Elsau :
« Ce sont des jeunes des quartiers venus nous rencontrer pour développer leur rap ou leurs projets. Puis, au fur et à mesure, certains ont accepté le défi d’un spectacle. La rage de dire, ce sont donc 15 tableaux de jeunes filles ou de garçons, sortis de prison ou en rupture familiale, qui racontent souvent l’envie de s’en sortir et de s’évader du quartier. »
Extrait du récital « La Rage de Dire 2 ». Photo : Document remis
Ce sera sans doute le spectacle phare de cette édition 2022 d’OQP, Les Autres, dernière pièce de l’ancien directeur du Centre chorégraphique national de La Rochelle et chorégraphe, Kader Attou. « C’est une grosse création, commente Yan Gilg, autour de l’étrange et de l’étrangeté. » À voir le samedi 1er octobre, au théâtre du Point d’Eau.
À l’origine de cette pièce, la rencontre de Kader Attou avec des « musiciens remarquables qui jouent des instruments rares et atypiques (…) Loup Barrow est parmi les grands spécialistes du Cristal Baschet, « l’orgue de cristal » et Grégoire Blanc, l’un des rares utilisateurs de thérémine au monde (l’un des plus anciens instruments de musique électronique, NDLR). » C’est le seul événement payant du festival (billet à acheter ici).
Extrait de la pièce chorégraphique « Les Autres », de Kader Attou. Photo : Document remis
« On existe depuis 30 ans, mais on reste fragile »
Le festival prendra fin avec une « Olympic cup battle ». Cette compétition de danse break est calée sur la discipline olympique qui sera inaugurée lors des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Le danseur et entraîneur de la FACCrew Sebastien Vela Lopez tient à rappeler son amour de la discipline :
« Si on est tous ici depuis 30 ans, si la rage nous habite encore, c’est parce qu’on est des passionnés, on est corps et âme attaché à ce travail. »
Les danseurs s’affronteront au rythme d’un dj set et sous le regard d’un jury professionnel. L’événement a lieu samedi 2 octobre à 15h30 au théâtre du Point d’Eau.
C’est sur ce spectacle de clôture que le directeur artistique de la FACC choisit de rebondir pour déplorer le soutien insuffisant des pouvoirs publics et autres collectivités territoriales à l’égard des quartiers populaires. Car Yan Gilg aimerait simplement pouvoir organiser OQP toute l’année. Ce serait non plus un festival, mais un lieu dédié aux cultures des quartiers populaires :
« On œuvre pour la création d’un lieu avec le bâtiment Juncker. On sentait un intérêt de la municipalité actuelle, mais finalement non. On arrive à peine à payer des salaires. On existe depuis 30 ans, mais on reste fragile. »
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Mercredi 14 septembre, la préfecture du Bas-Rhin a annoncé avoir renforcé le dispositif policier dans le quartier gare de Strasbourg. Enclenché en août, ce renfort ponctuel répond à des plaintes exprimées par plusieurs collectifs d’habitants, qui alertent depuis 2021 sur des nuisances sonores, des bagarres ou des trafics.
Au croisement de la petite rue de la Course et de la ligne de tram, quatre policiers nationaux filent à vélo sur le bord de route. Quelques minutes plus tard, un fourgon se place au milieu de la rue piétonne, six autres policiers débarquent. Ils sont cette fois issus d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS). Nous ne sommes pas au milieu d’un dispositif policier lors d’un samedi de manifestation, mais au cœur du quartier Gare de Strasbourg, dans l’après-midi du lundi 19 septembre.
Un fourgon de CRS est stationné sur la petite rue de la Course, près de la rue du Faubourg-National dans le quartier Gare, lundi 19 septembre. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc
Une situation plus tendue depuis le Covid-19
L’annonce de la préfecture répond à la demande de plusieurs collectifs d’habitants, constitués autour de la place Ferdinand-Braun, dont Rue89 Strasbourg a décrit la situation début août, la place Sainte-Aurélie, la rue du Faubourg-National, la petite rue de la Course et la rue de la Course. Ces habitants alertent les pouvoirs publics via des courriers et sur les réseaux sociaux depuis novembre 2021 pour des problèmes d’incivilités, de nuisances sonores nocturnes, de rassemblements qu’ils jugent suspects…
Baptiste – dont le prénom a été changé à sa demande, habitant de la rue du Faubourg-National et membre actif de l’un de ces collectifs, constate des « deals » et des « incivilités » :
« On ne peut pas parler d’insécurité, ce n’est pas le mot. Mais il suffit de regarder par la fenêtre, il y a des personnes qui squattent et qui font beaucoup de bruit. Pas besoin d’être inspecteur de police pour constater qu’il y a des trafics qui se font dans ce quartier. »
Sur la place Ferdinand Braun, en août, les habitants se plaignaient de nuisances sonores sous leurs immeubles. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc
Une réunion avec la préfète et l’opposition mais sans la Ville
Après plusieurs articles de médias nationaux (Le Figaro, Valeurs Actuelles), la préfète Josiane Chevalier a organisé une réunion mercredi 14 septembre en présence de la procureure de la République, Yolande Renzi, d’une dizaine d’habitants et de Pierre Jakubowicz, conseiller municipal d’opposition (Horizons). Ce dernier a été convié car, assure-t-il, il a écrit le 8 août au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour l’alerter sur « l’appel à l’aide des habitants du quartier Gare de Strasbourg ».
En revanche, aucun agent des services de la mairie ni élu de la municipalité n’a été invité à cette réunion. Nadia Zourgui, adjointe à la maire en charge de la sécurité, explique :
« Je ne peux pas me rendre à une réunion à laquelle je ne suis pas conviée. Nous n’avons d’ailleurs pas non plus été informés de la visite de la préfète et de la procureure de la République dans le quartier Gare jeudi 15 septembre. Cela me questionne car le ministre de l’Intérieur lui-même prône un continuum entre l’État et la Ville sur les questions de sécurité. »
« C’est pas un combat politique, on veut juste être peinards »
Baptiste était présent à cette réunion. S’il reconnaît que son mouvement est récupéré par la préfecture et par Pierre Jakubowicz, il ne s’en préoccupe pas :
« On s’est tourné vers la préfecture parce qu’on avait déjà fait des appels à la ville et à la maire mais que pour eux, la situation n’était pas vraiment problématique. Maintenant, c’est que de la politique et chacun agit pour ses intérêts. La majorité municipale se sent attaquée, avec tous les articles qui sortent sur les relations entre la préfète et la maire. On a même eu droit à un article dans Valeurs Actuelles ! Si on avait pu se passer de tout ça, on l’aurait fait. Ce n’est pas un combat politique pour nous, on veut juste être peinards. »
Dans le quartier Gare, ce lundi après-midi, une quinzaine de policiers CRS se sont ajoutés aux effectifs de la sécurité publique, à la demande de la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc
23 caméras et six policiers municipaux dans le quartier
Dans son communiqué du 14 septembre, la préfète appelle la municipalité de Strasbourg à « utiliser tous les leviers nécessaires » pour améliorer la sécurité dans le quartier Gare. Nadia Zourgui y a répondu dans une publication sur Facebook du 16 septembre, dans laquelle elle affirme que des caméras de surveillance supplémentaires seront installées en 2023 ou 2024, contrairement à des déclarations précédentes des élus écologistes. Elle détaille ces mesures :
« Il y a déjà 23 caméras rien que dans le quartier gare, sur environ 300 à Strasbourg. Nous travaillons pour en installer d’autres à des endroits stratégiques. Nous ne sommes pas contre l’utilisation de la vidéosurveillance, mais pour que celle-ci soit régulée. »
Elle affirme aussi vouloir élargir le périmètre d’application d’un ancien arrêté d’interdiction d’alcool sur la voie publique, qui ne s’applique pas sur toute l’étendue du quartier Gare. Concernant les policiers municipaux, elle note que deux patrouilles de trois agents, soit six agents au total, sont déjà à l’œuvre dans le quartier depuis 2020, et qu’elle ne compte pas en ajouter d’autres.
« Les CRS, ça fait un peu hard »
Pour justifier le renfort de policiers, la préfecture du Bas-Rhin évoque dans son communiqué « plus d’une centaine d’interpellations par mois, dont 20% correspondent à des infractions sur des stupéfiants », sans préciser si cela concerne le quartier Gare. Elle estime aussi que les procédures en matière de stupéfiants ont presque doublé entre 2021 et 2022, passant de 70 à 132 procédures.
Depuis cette annonce, la police nationale communique ses actions de « sécurisation » dans le quartier Gare sur Twitter avec, par exemple, « 26 policiers mobilisés » le 20 septembre dans le quartier, ce qui a donné lieu au contrôle de 112 personnes et à trois interpellations.
Béatrice, qui habite un appartement à l’angle de la petite rue de la Course et de la rue du Faubourg-National depuis 40 ans, reconnaît que la situation s’est un peu calmée avec les passages plus fréquents de la police. Mais elle est surprise par la présence de CRS :
« Je les ai remarqués depuis quelques jours dans le quartier. Bon, ça fait un peu hard hein. C’est plus dans la logique des choses que la police municipale intervienne sur ces lieux. Pour moi les CRS, ça traduit quelque chose de plus grave. »
Florian traverse la petite rue de la Course pour rentrer dans son appartement près de la rue Kageneck. Lui se dit « dérangé » par la présence de policiers partout et la potentielle installation de nouvelles caméras :
« Les gens qui font du bruit tard le soir, moi je ne trouve pas cela grave. C’est un quartier cosmopolite comme on dit. Après les gens qui squattent, peut-être qu’il faudrait leur trouver un logement avant. Que les jeunes qui n’ont rien à faire et nulle part où aller se tournent vers la drogue, ce n’est pas nouveau. Mais ce n’est pas la répression qui va changer quoique ce soit, ils vont juste changer de quartier. Je crains que l’effet de ces patrouilles vise surtout à contrôler l’identité et arrêter des personnes en situation irrégulière. »
Florian, habitant du quartier Gare, et Niabia, Strasbourgeois depuis 30 ans, sont défavorables à une présence policière accrue. Photo : DC / Rue89 Strasbourg / cc
Le communiqué de la préfecture mentionne d’ailleurs que la police aux frontières a depuis le début de l’année interpellé plus de 300 citoyens en situation irrégulière, sans préciser si ces interpellations concernent le quartier Gare. Niabia, habitant de Strasbourg depuis 30 ans, pense aussi qu’il y a d’autres solutions :
« Ce sont souvent des gens qui ont du mal à s’intégrer. Puisqu’ils n’ont pas de travail, que certains ne le peuvent pas, ils traînent. Il faut des politiques sociales pour prendre ces gens-là en charge. Ce ne sont pas les policiers qui vont rétablir le lien social. »
Béatrice, comme d’autres habitants du quartier favorables à la présence policière, se pose quant à elle la question de la pérennité d’un tel dispositif, et de ce qui se passera une fois les CRS partis. Une question à laquelle Nadia Zourgui n’a pas de réponse :
« On est bien content d’avoir les CRS à la gare, mais c’est provisoire. On va continuer le très bon travail en équipe avec la police nationale, grâce au groupe de partenariat opérationnel (qui regroupe la Ville, la police municipale et des habitants, NDLR). Mais on continue de chercher les solutions, notamment par les arrêtés, et la mise en place de caméras. »
Plongée dans les années 80, quand l’antiracisme était la norme… Le Festival du film fantastique vous invite à réfléchir sur l’horreur du fascisme de rue, lundi 26 septembre pour une projection spéciale de Rascals, en présence du réalisateur et du scénariste.
Le Festival du film fantastique (FEFFS) et Rue89 Strasbourg vous proposent de tenter de gagner une invitation pour deux personnes à la projection spéciale de Rascals, lundi 26 septembre à 19h30 au cinéma Star Saint-Exupéry, en présence du réalisateur Jimmy Laporal-Trésor et du scénariste Sébastien Birchler.
Le pitch
Paris, 1984. Les Rascals, une bande de potes des quartiers, vont devenir la cible d’un groupe de skins ultra-violents, les Boneheads. Guerriers de la nuit à la française, Les Rascals ressuscite avec brio la période des années 1980, où le nom « Le Pen » inspirait encore l’horreur et où des jeunes de tous milieux luttaient ensemble contre le racisme.
Les Rascals, c’est eux. Photo : doc remis
Le concours
Tirage au sort dimanche 25 septembre à 17h. Seuls les gagnants et les gagnantes seront prévenues.
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
L’association « Les Voix du nucléaire » organise samedi à Strasbourg et dans quatre autres villes un rassemblement pour vanter les mérites de la production nucléaire d’énergie électrique.
Samedi 24 septembre de 11h à 17h, l’association « Les Voix du Nucléaire » organise un rassemblement appelé « Faites du nucléaire », dans l’objectif de mobiliser l’opinion en faveur du renouvellement des réacteurs, alors que la moitié sont à l’arrêt pour des opérations de maintenance. L’événement – c’est la cinquième édition, se déroule pour la première fois à Strasbourg, place Kléber.
L’association prévoit de tenir des stands d’information sur l’énergie nucléaire, indiquant entre autres que cette énergie utilise moins de ressources naturelles que d’autres, produit relativement peu de dioxyde de carbone par rapport aux énergies fossiles, et surtout dispose d’un ratio d’énergie produite par hectare imbattable. La délicate question des déchets n’est cependant pas mise en avant sur le site web de l’association, qui se contente d’une page extrêmement succincte sur ce sujet et qui n’évoque pas leur stockage.
Les voix du nucléaire en 2021 à Lyon Photo : doc remis
Une association proche d’Areva et de Framatome
L’association « Les Voix du Nucléaire » se présente comme « indépendante de toute attache économique, institutionnelle, syndicale ou politique ». Sa présidente et fondatrice, Myrto Tripathi, est une ancienne salariée d’Areva, l’opérateur français du combustible nucléaire (devenu Orano), qui participe à hauteur de 10 000€ au budget de l’association. Le principal contributeur est Framatome, une multinationale de la construction de centrales nucléaires avec 90 500€, selon le registre de transparence de l’Union européenne. L’association était déjà intervenue en juillet à Strasbourg, afin de faire classer le nucléaire dans la liste des « énergies vertes » par l’Union européenne.
Dans un commentaire sur l’ouverture du gymnase Heyritz pour héberger les sans-abris du camp de l’Étoile, vendredi 17 septembre, Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin, a affirmé sur BFM Alsace que l’État n’a pas le devoir d’héberger les personnes sans titre de séjour. Une interprétation de la loi erronée : le droit à un hébergement d’urgence est inconditionnel en France.
En réaction à la proposition de mise à l’abri des personnes installées sous tentes place de l’Étoile, c’est au micro de BFM Alsace que la représentante de l’État estimait qu’en « ce qui concerne l’hébergement d’urgence, l’État se doit d’héberger en fonction de la situation administrative, c’est à dire les personnes ayant un droit au séjour ».
Cliquez pour voir la séquence sur BFM Alsace (troisième vidéo)
Or ce droit à l’hébergement d’urgence, s’il connait des limites, n’est conditionné ni dans la loi ni dans la jurisprudence par la situation administrative des personnes qui le sollicitent. Claude Berry, avocate et présidente de la commission droit des étrangers à l’ordre des avocats de Strasbourg, précise : « Les conditions d’accès à l’hébergement d’urgence sont celles listées par le code de l’action sociale et des familles ». Plus précisément, « [t]oute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Aucune trace donc d’une exigence de titre de séjour pour en bénéficier.
Une interprétation confirmée par les juges
Le 1er avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rappelé que ni les « personnes étrangères faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français exécutoire », ni celles « dont les demandes d’asile ont été définitivement rejetées » ne sont exclues « du droit à accéder à un hébergement d’urgence ». Selon les juges, elles pourraient même « se maintenir dans un tel hébergement ».
Une décision du Conseil d’État de 2016 est venue flouter l’interprétation de la loi. Depuis celle-ci, le juge administratif ne peut statuer en référé – c’est-à-dire en moins de 48 heures – sur une demande d’obliger l’État à héberger quelqu’un uniquement dans certaines situations. « Il faut une vulnérabilité particulière, peu importe que la personne ait ou non des papiers », explique Me Berry.
Les juges estiment donc que le droit à l’hébergement d’urgence est inconditionnel, mais que pour le réclamer devant eux, seules certaines personnes peuvent bénéficier d’une procédure accélérée.
Au sein des structures d’hébergement d’urgence, il est par contre admis que l’État étudie les situations administratives des personnes depuis une décision de 2018, allant à l’encontre de l’avis du Défenseur des droits de l’époque.
L’obligation pour l’État de faire « tout ce qu’il peut »
Le droit à l’hébergement est par ailleurs reconnu comme une « liberté fondamentale » depuis 2012, rappelle Marie Rothhahn, chargée de mission pour la fondation Abbé-Pierre. Mais, souligne-t-elle, c’est une obligation « de moyens, pas de résultat ». Dans la pratique, un juge qui devrait déterminer si l’État a failli à ses obligations légales en refusant d’héberger quelqu’un, va « regarder s’il a fait tout ce qu’il pouvait », précise Me Berry, en exposant par exemple le nombre de places de son dispositif d’hébergement d’urgence.
« La crise du Covid et l’accueil des réfugiés ukrainiens en mars 2022 montrent bien que lorsque la volonté politique est là, c’est possible », estime Me Berry. Avec la fermeture de 1 000 places d’hébergement d’urgence d’ici décembre, le nombre de personnes à la rue augmente mécaniquement à Strasbourg. Si l’État justifie souvent d’un manque de moyens pour ne pas héberger certaines personnes, « il n’est pas sûr que cet argument tienne encore dans ce contexte », conclut l’avocate.
Mais dans la pratique, « ce droit d’hébergement ne s’applique désormais que lorsqu’il y a des pathologies graves, des enfants en bas âge avec problèmes de santé, et encore », écrit Marie Rothhahn. Lorsque le client qu’elle défend n’a pas de titre de séjour, Me Berry reconnaît qu’il est très difficile de réussir à ce que le juge administratif enjoigne l’État à l’héberger.
Alors que les températures commencent à baisser, les prix de l’énergie, eux, atteignent des sommets. Fin août, l’Eurométropole de Strasbourg a négocié son nouveau contrat de gaz pour la fin de l’année 2022, 2023 et le premier trimestre de 2024. Bilan : un quintuplement de la facture. Comment les 33 communes de l’Eurométropole s’organisent face à cette hausse inédite ? Petit tour d’horizon des plans de bataille.
Que ce soit dans les plus petites communes de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), ou dans les plus grandes, tous les maires contactés l’affirment : les réunions de rentrée s’enchaînent et abordent toutes le même sujet de fond. Le montant de la facture de gaz a quintuplé, lors de la dernière négociation du nouveau contrat de l’EMS. Et chacun se demande maintenant : comment arriver à la payer…
Une facture de gaz en hausse de 480% : le sujet unique au programme de toutes les réunions
À Bischheim (17 188 habitants), Jean-Louis Hoerlé le maire (Les Républicains) de la ville, raconte :
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Diplômée à Lille en 2012. Après Paris et Marseille, je me suis installée à Strasbourg en 2020. Je suis aujourd’hui indépendante en radio et web, pour Rue89 Strasbourg, Mediapart, Louie Media et France Culture. J’aime les reportages et les enquêtes au long cours, sur les sujets de société et sur notamment sur les violences sexistes et sexuelles.
La police aux frontières a emmené deux demandeurs d’asile géorgiens, Giorgi et son fils David, dans la soirée du lundi 19 septembre. Le lendemain, ils étaient de retour au camp de l’Étoile avec une « obligation de quitter le territoire français ».
La police aux frontières est intervenue au camp de l’Étoile, où se sont installés une centaine de migrants, lundi 19 septembre en fin de journée. Les policiers ont effectué plusieurs contrôles d’identité des personnes installées sous tentes. À l’issue de l’opération, ils ont emmené Giorgi, demandeur d’asile géorgien et son fils de 13 ans, David.
Les deux géorgiens sont arrivés au centre d’aide pour le retour de l’État, à Bouxwiller, dans la soirée. L’enfant, scolarisé dans un collège strasbourgeois, raconte :
« Mon père a cru que la police allait nous expulser. Une fois à Bouxwiller, ils nous ont reçu dans un bureau et ils ont obligé mon père à signer un document, une obligation de quitter le territoire français (OQTF, NDLR). »
La police aux frontières a procédé à de nombreux contrôles Photo : DNSI / Facebook
Sur le document, il est indiqué que Giorgi doit « quitter le territoire français sans délai » et qu’il est frappé d’une « interdiction de retour d’une durée de deux ans ». Le document, qui date de son entrée en France en 2017, l’accuse notamment d’être « très défavorablement connu des services de police » pour des faits de violence et considère qu’il ne peut pas déposer de demande d’asile en France, ayant séjourné en Allemagne précédemment.
Après une nuit passée à Bouxwiller, la petite famille est revenue s’installer au camp de l’Étoile dès la matinée du 20 septembre car, traduit le fils qui parle couramment français, « mon père doit ramener à manger à ma mère et à ma sœur, qui sont là. Ma mère est malade et elle ne peut rien faire. »
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
18 élèves au collège Kléber, 19 au collège Hans Arp… Au 20 septembre, de nombreux élèves, souvent issus de quartiers populaires, n’avaient pas encore d’affectation à la sortie du collège. Des personnels de l’Éducation nationale craignent que certains ne trouvent aucune solution et se perdent.
« Ma fille est à la maison. Ils ne lui ont pas encore trouvé de solution », constate Déborah. Fiorina, sa fille, était en troisième au collège Kléber à Strasbourg pendant l’année scolaire 2021-2022. Victime de harcèlement dans un autre établissement, elle a eu du mal à raccrocher et n’a pas réussi à avoir son brevet. Déborah raconte :
« Fiorina avait demandé une seconde professionnelle commerce mais elle a été refusée sans brevet. Elle était d’accord pour redoubler sa troisième, mais le collège ne l’a pas acceptée. »
En tout, selon plusieurs parents d’élèves et professeurs du collège Kléber, 51 élèves, soit environ un quart des élèves qui étaient en troisième l’année dernière dans cet établissement, étaient sans affectation pendant les vacances d’été. Fabrice Deparis, professeur d’allemand et membre de Sud Éducation Alsace, remarque que le phénomène a pris « des proportions énormes cette année », alors qu’il était « résiduel auparavant, il s’agissait seulement d’une poignée d’élèves ».
De nombreux élèves qui étaient en troisième pendant l’année 2021-2022 n’ont pas encore d’affectation au 20 septembre. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Entretemps, des élèves se sont inscrits dans des lycées privés. D’autres ont été admis dans l’établissement qu’ils avaient choisi car des places se sont libérées. Certains adolescents ont trouvé des contrats d’apprentissage. Mais selon le pointage du rectorat de l’académie de Strasbourg, il reste au collège Kléber 18 élèves sans affectation au mardi 20 septembre :
« Les élèves en attente d’affectation bénéficient cette semaine d’entretiens d’orientation organisés dans l’établissement. Ils candidateront sur les places vacantes dans la voie professionnelle. Ceux qui n’auront pu obtenir satisfaction seront accueillis en classe de troisième. Aucun élève ne sera lâché dans la nature. »
Méconnaissance du système et manque de mobilité
Au collège Hans Arp de l’Elsau, au 1er juillet, 40 élèves sur 140 en troisième l’année dernière étaient sans affectation pour la rentrée 2022. Mi-septembre, il reste encore 19 élèves sans affectation. Bertrand Pabst, le principal, explique que cette situation anormale n’est pas nouvelle :
« Je suis chef d’établissement de quartier populaire depuis 14 ans. La proportion d’élèves sans affectation à la sortie de troisième a toujours été la même. Beaucoup de jeunes sont dans cette situation car ils ont formulé des vœux pour des filières, comme bac pro gestion et administration par exemple, dans lesquelles ils n’ont pas été admis parce qu’il y avait de la concurrence. Dans les formations pour les métiers du bâtiment, il y a de la place. Mais ces professions ne sont plus valorisées, et les élèves veulent moins faire ça. »
Les milieux défavorisés bien plus impactés
Le principal du collège Hans Arp ajoute que tout au long du mois de septembre, les élèves non affectés sont accueillis dans l’établissement pour des « journées ateliers » au cours desquelles ils peuvent trouver d’autres filières ou des contrats d’apprentissage :
« C’est propre à notre établissement. On veut qu’ils viennent quotidiennement et gardent le rythme parce que le risque, si on les perd de vue, c’est qu’ils se fassent attraper par le quartier. Mais malheureusement, cela arrive presque tous les ans pour une partie d’entre eux. »
Manque de structure pour encadrer les publics de quartiers populaires
Fabrice Deparis, du collège Kléber, constate que son établissement n’est pas adapté à ces problématiques :
« Depuis 2017, le collège accueille des jeunes de l’école des Romains à Koenigshoffen, qui est en réseau d’éducation prioritaire, à l’inverse du collège Kléber. La mixité sociale c’est bien mais nous n’avons pas la structure pour accompagner les jeunes plus défavorisés. Il étaient 46 l’année dernière en troisième, et ce sont eux qui sont majoritairement sans débouché aujourd’hui. En résumé, ce sont surtout des élèves de familles pauvres qui se retrouvent déclassés, sans affectation. On ne sort pas de ce schéma. »
Le collège Kléber accueille de nombreux élèves qui vivent dans le quartier de Koenigshoffen. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Dévalorisation des métiers du bâtiment
D’autres établissements sont concernés mais le rectorat n’a pas voulu détailler à Rue89 Strasbourg l’ampleur et les raisons du phénomène dans l’académie. Secrétaire académique du Snetaa – Force ouvrière (FO), syndicat majoritaire dans l’enseignement professionnel, Nicolas Robert siège au comité technique académique mais il n’est pas plus précis :
« Nous n’avons pas encore les chiffres globaux, qui doivent être communiqués par le rectorat. Selon les retours que nous avons, de nombreux établissements sont concernés. Au niveau des lycées professionnels dans le Bas-Rhin, une centaine de places pour des élèves sont vacantes. Cela montre bien qu’il y a un problème dans les affectations. »
Déborah, la mère de Fiorina, dénonce la difficulté pour trouver un débouché pour sa fille qui est avant tout « victime de la situation » :
« Nous bataillons pour qu’elle ne redouble pas dans son collège de secteur, ou ses harceleuses sont encore scolarisées. La principale adjointe du collège Kléber nous a dit que Fiorina n’avait pas fait les efforts escomptés lors d’un rendez-vous. C’est violent d’entendre ça. »
Dans le reste de la France, d’autres régions sont touchées par les élèves sans affectation, surtout dans les quartiers populaires. Par exemple, Le Parisien a publié une vidéo le 13 septembre révélant que 900 élèves étaient sans affectation dans l’Essonne. Selon des syndicats, une réforme entrée en vigueur en 2019 a dévalorisé la voie professionnelle, dégradé la formation et diminué le nombre d’heures de cours.
Une réforme de 2019 aux effets pervers
Nicolas Robert enseigne les métiers du bâtiment dans un lycée professionnel à Haguenau et accuse aussi la réforme de 2019. Elle aurait une grande part de responsabilité dans le nombre d’élèves sans affectation :
« Dans ma section, nous n’accueillons que huit élèves alors qu’ils pourraient être quinze. En général, dans nos filières, les classes ne sont plus remplies depuis la réforme. Elle a imposé un tronc commun en première année et une spécialisation progressive les années suivantes. Pour le bâtiment, ce tronc commun s’appelle « métiers de la construction durable », à destination de ceux qui veulent faire de la maçonnerie, de la métallerie et du travail du PVC. Ce changement de nom a créé une grande confusion. D’après les retours qu’on a, les familles, les profs et les conseillers d’orientation n’ont pas bien intégré cette réorganisation. Nous constatons aussi une baisse du niveau des élèves, parce qu’ils reçoivent moins d’heures de cours dédiés à l’apprentissage du métier qu’ils veulent exercer. »
18 élèves du collège Kléber n’ont pas encore d’affectation. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
Appeler tous les jours pour trouver une solution..
Fiorina est passée en commission pour être admise dans une classe de troisième « Ambition pro », qui vise à lui faire découvrir d’autres métiers, mais elle n’a toujours pas de réponse. « J’appelle des établissements tous les jours. C’est comme ça qu’on trouvera une affectation pour ma fille, sinon on n’aurait rien du tout », conclut Déborah.
Les solutions trouvées dans l’urgence au mois de septembre seront-elles vraiment adaptées aux élèves ? Et combien sortiront définitivement des filières de l’Éducation nationale ? Bertrand Pabst, du collège Hans Arp, indique que les élèves dans cette situation peuvent encore être aidés par des « structures sociales comme l’Arsea, qui parviennent parfois à les orienter vers des contrats d’apprentissage ».
L’Université de Strasbourg prévoit de fermer deux semaines supplémentaires ses locaux en janvier et février. Les syndicats étudiants dénoncent une « démocratie interne piétinée » et regrettent une mesure qui renforcera la précarité des étudiants les plus défavorisés.
Le président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, a annoncé lundi 19 septembre une série de mesures pour économiser l’énergie. Dans une vidéo destinée aux étudiants (voir ci-dessous), M. Deneken indique que le chauffage sera activé « le plus tard possible » pour un objectif de 19°C dans les locaux mais surtout que les bâtiments seront fermés deux semaines supplémentaires.
Michel Deneken annonce la contribution de l’Unistra à la sobriété énergétique (vidéo Unistra / Youtube)
La fermeture des bâtiments accessibles aux quelques 57 000 étudiants de Strasbourg sera donc étendue jusqu’au 9 janvier 2023 (soit une semaine de plus que prévue, la rentrée était prévue le 3 janvier); tandis qu’en février, ils seront fermés une semaine supplémentaire avec des cours qui n’auront lieu qu’en distanciel. Dans une interview à France Info, le président de l’Université indique que « les gestes écologiques sont réclamés très fortement par nos étudiants. »
Une « démocratie interne piétinée » selon l’Afges
Mais l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges), qui avait soutenu Michel Deneken lors de son élection à la présidence de l’Université, fustige une « démocratie interne piétinée » avec cette annonce « dans les médias et sur les réseaux sociaux » et prévient qu’elle se positionnera contre cette mesure. L’Afges, qui siège au conseil d’administration de l’Unistra, a critiqué ses choix dans un communiqué publié le 20 septembre :
« Bien que l’intention soit louable face à la crise climatique, ces mesures vont durement toucher les conditions d’études et rompre gravement l’égalité entre les étudiants. Cette fermeture fait peser sur la population étudiante le poids de l’augmentation du prix de l’énergie puisque leurs dépenses de chauffages augmenteront mécaniquement lorsqu’ils étudieront chez eux. »
Tous les syndicats étudiants opposés à la fermeture
Avec cette décision sans concertation, le président de l’Unistra a réalisé le tour de force de mettre d’accord une Afges d’ordinaire plutôt conciliante avec la présidence de l’université et des syndicats plus radicaux, comme Solidaires Etudiant·e·s et Sud éducation Alsace. Ces deux formations syndicales bien ancrées à gauche ont publié un communiqué dans la soirée du 19 septembre. Le texte dénonce l’enseignement à distance provoqué par la fermeture de l’Université pendant la semaine des examens :
« Nous connaissons les conséquences de l’enseignement à distance : rupture d’égalité pendant la période d’examens, dégradation des conditions d’études et de travail, et isolement des étudiants et étudiantes et du personnel dans une situation critique et précaire. »
« Ce sont encore une fois les étudiants qui payent la crise »
Présidente de la section strasbourgeoise de l’union syndicat et associative Alternative, Éléonore Schmitt réagit à cette mesure découverte en cours, à 13 heures, grâce à une enseignante. L’étudiante en deuxième année de master à l’Institut d’Étude Politique (IEP) de Strasbourg souligne les contradictions du président d’université Michel Deneken :
« La décision de passer une semaine de cours en visio, c’est assez marrant sachant que le président de l’Université, pendant le confinement, avait fait des lettres ouvertes pour demander la réouverture des facs. Maintenant c’est le premier président qui annonce qu’il ferme ses locaux. »
Pour la responsable syndicale, « ce sont encore une fois les étudiants qui payent la crise. La précarité étudiante a déjà augmenté à la rentrée avec l’inflation et le refus du gouvernement de revaloriser nos bourses à la hauteur de cette inflation. En plus maintenant on porte encore atteinte à nos conditions d’étude, c’est difficile à avaler… »
Renaud Herbin s’apprête à boucler onze années à la tête du théâtre TJP. La structure a évolué d’un théâtre jeune public en un centre dramatique national, en recherche autour de l’objet et du vivant. Dans un entretien accordé à Rue89 Strasbourg, Renaud Herbin revient sur ces transformations et son obsession à faire coexister les disciplines et les publics, tout en renforçant les collaborations avec d’autres scènes strasbourgeoises.
Riche de son expérience d’artiste formé à l’École supérieure nationale des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières, Renaud Herbin est devenu directeur du Théâtre jeune public en 2012, qu’il a renommé très rapidement après en « Théâtre TJP » en référence à son histoire, accolé de la distinction Centre dramatique national (CDN). Il a choisi d’y développer des spectacles pluridisciplinaires mêlant théâtre d’objet, chorégraphies et arts visuels selon une relation corps-objet-image qu’il a lui même développé au sein de ses spectacles. Il laissera la place à son successeur en janvier. Entretien.
Rue89 Strasbourg : Vous allez quitter la direction du TJP – CDN Strasbourg dans quelques mois. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Renaud Herbin : Ce n’est pas une décision inattendue, mais un processus naturel pour les centres dramatiques nationaux dirigés par des artistes. Nous pouvons faire trois mandats maximum, prolongeables d’un an éventuellement (ce qu’il a fait, NDLR). J’ai donc eu le temps de me préparer à ce départ. Mon successeur est en train d’être nommé par un conseil constitué de représentants de l’État, de la Ville de Strasbourg, de la Région Grand Est et de la Collectivité d’Alsace, les financeurs de la structure. Cette personne devrait ensuite prendre ses fonctions au 1er janvier. Le but est que la transition se passe en douceur et qu’elle ait le temps d’arriver et d’élaborer son propre projet pour la suite. C’est donc encore moi qui me suis occupé de toute la programmation 2022 / 2023, de cette rentrée juqu’à juin.
Dans ses spectacles et sa programmation, Renaud Herbin aime ouvrir les horizons de l’art de la marionnette en le mêlant avec d’autres disciplines. Photo : Benoit Schupp / doc remis
Le TJP va fêter ses 48 ans. Vous l’avez dirigé pendant onze ans : quel bilan tirez-vous ?
Je suis en train de faire de l’ordre dans les archives pour préparer la place pour la future directrice ou le futur directeur. C’est assez vertigineux de se poser et de voir qu’en onze ans, nous avons accueilli près de 500 représentations et accompagné les créations d’artistes locaux, mais également de tous horizons. Pour cela, nous avons déployé une énergie formidable qui a été saluée par un public toujours présent. Nous avons eu la possibilité d’essayer beaucoup de choses.
« Ne pas s’enfermer sur la question de l’âge »
Certaines n’ont pas très bien marché, d’autres ont été de magnifiques expériences. Je repense en particulier aux Rencontres internationales corps-objet-image, dont nous avons organisé quatre éditions. Chaque fois, près de 80 étudiants d’écoles d’art se sont retrouvés pendant cinq jours pour créer ensemble. De très belles rencontres ont eu lieu à ce moment-là et certains ont continué par la suite à travailler ensemble !
Pendant vos trois mandats, le TJP, auparavant dédié aux spectacles jeune public, a beaucoup évolué vers des productions plus hétéroclites. Avez-vous souhaité vous libérer de certaines contraintes ?
Chaque nouvelle direction amène sa propre sensibilité et ses projets. En arrivant en 2012, j’ai souhaité continuer à parler au jeune public, sans m’enfermer pour autant dans la question de l’âge. Je pense que les mélanges générationnels et sociaux sont très importants dans les salles de spectacle. De la même manière je n’aime pas enfermer une discipline – comme les marionnettes ou la danse par exemple – mais les mélanger.
Bien sûr, nous continuons à proposer des spectacles pour les plus jeunes et nous faisons un travail de recommandation en indiquant toujours à partir de quel âge nous conseillons une œuvre, en fonction de sa durée et de son contenu. Et nous sommes très heureux de toujours accueillir beaucoup de publics scolaires.
En onze ans, le TJP a programmé près de 500 représentations et accompagné les créations d’artistes de tous horizons lors de résidences. Photo : Benoit Schupp / doc remis
Qu’en est-il de la relation corps-objet-image que vous mentionnez comme étant le fil conducteur de vos programmations ?
La relation corps-objet-image est un point de départ pour qualifier les arts de la marionnette de manière très large. En 2022, quand on parle de marionnettes, il n’est plus uniquement question de sa forme figurative et articulée, mais bien d’une discipline qui déborde sur l’art chorégraphique et le théâtre d’objet. C’est une manière de questionner les fils qui relient les êtres et les choses, la manière dont les énergies circulent et se répondent dans la vie et sur scène. Ce concept permet aux arts de se rencontrer. C’est devenu une des missions du TJP : être un centre de création qui accueille et permet la rencontre entre les artistes de cirque, de danse, de théâtre… et, bien sûr, avec le public.
Au sujet du public justement : votre dernier mandat a été marqué par la fermeture des espaces culturels à cause du Covid. Comment avez-vous maintenu puis reconstruit cette relation avec les spectateurs ?
J’ai toujours eu à cœur d’impliquer un maximum le public, l’amener à investir les espaces de création. Pendant la période Covid, le public, mais aussi les artistes et toute l’équipe du théâtre a été très touchée par de longues périodes de fermeture. C’était une étape très frustrante, mais qui nous a aussi forcé à nous poser certaines questions : À quoi doivent servir les centres dramatiques ? Quelle place l’art prend-il dans une société dans laquelle il est jugé « non-essentiel » ?
Des « chantiers » pour approfondir le rapport à l’art
Pour garder le lien avec le public, nous sommes sortis du théâtre, avons organisé des randonnées, des repas avec le public et les artistes. Aujourd’hui, le fonctionnement du théâtre revient peu à peu à la normale et nous proposons aux spectateurs de tout âge de se lancer dans nos Chantiers – des ateliers accessibles en famille ou aux adultes organisés en parallèle de certains spectacles afin d’approfondir son rapport à l’œuvre et à l’art.
Renaud Herbin Photo : Benoit Schupp / doc remis
Quelle place a pris le TJP sur la scène strasbourgeoise selon vous ?
Nous avons beaucoup de chance car Strasbourg possède une très belle offre artistique et une grande densité de théâtre. En arrivant, il m’a paru essentiel de travailler à articuler tous ces projets. Loin d’un climat concurrentiel, nous avons chacun des forces complémentaires. Au fur et à mesure, nous avons pu développer de beaux partenariats sur certains événements. Par exemple, n’ayant pas de salle assez grande pour accueillir le spectacle de Marion Collé, Traverser les murs opaques en mai, nous le présentons au Maillon. Nous nous faisons également mutuellement découvrir des artistes, ou nous accueillons un même artiste sous plusieurs formes.
Quels projets avez-vous pour la suite ?
Je vais pouvoir me consacrer à nouveau principalement à ma vie d’artiste ! Pendant onze ans, j’ai eu la double casquette de directeur et d’artiste, puisque j’ai continué à créer et à présenter des spectacles. C’est intéressant mais également très chronophage. Je vais pouvoir à nouveau écrire, prendre le temps dont les artistes ont souvent besoin pour nourrir leurs projets. Je vais poursuivre ce bout de chemin au sein de ma compagnie strasbourgeoise L’Étendue. J’ai des envies de créations et de tournées. Pour cela, je suis heureux de pouvoir bénéficier d’une aide financière prévue pour la sortie des directeurs de CND. Je n’exclus pas de revenir un jour à la direction d’un théâtre, car je sens que j’ai encore des choses à faire à cette place. L’avenir nous le dira !
Renaud Herbin présentera sa nouvelle création, À qui mieux mieux, du 6 au 12 octobre, sur le plateau du TJP. Photo : Benoit Schupp / doc remis
La municipalité modernise ses règles de financement des lieux de culte à Strasbourg – une spécificité liée au droit local d’Alsace-Moselle. Après la vive polémique en mars 2021 au sujet d’une subvention pour la nouvelle mosquée Eyyub Sultan, le débat actuel pourrait tourner sur l’avancement des projets pour lesquels la Ville peut accorder ses fonds publics.
Ce n’est pas une délibération sur la mosquée Eyyub Sultan, mais l’ombre de l’édifice gigantesque de la plaine des Bouchers plane sur la délibération qu’a concoctée la municipalité écologiste. D’ailleurs, la maire Jeanne Barseghian (EELV) espère que ce « cadre transparent et partagé » permettra désormais d’éviter « l’instrumentalisation politique et la stigmatisation d’une communauté ». Autant dire : ne plus rééditer la crise majeure de mars 2021 lorsque le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait frontalement attaqué le co-financement de la construction de cette mosquée de la Meinau. Une demande depuis abandonnée par l’association Milli Görüs, qui porte cette mosquée.
Dix-huit mois plus tard, le nouveau texte reprend des règles antérieures et les explicite (voir notre article). Jean Werlen (EE-LV), conseiller municipal délégué en charge des Cultes, convient d’ailleurs que pour les travaux de rénovation, « la grille a modestement bougé à la hausse », notamment pour les rénovations énergétiques. Autrement dit, la Ville pourra financer davantage des rénovations de lieux de culte. Jean Werlen ajoute que ces règles ne sont « en aucun cas une remise en question des autres acquis ».
Les 10% maintenus, un plafond ajouté
Mais c’est davantage sur les nouveaux édifices, comme la mosquée Eyyub Sultan, que se concentre l’attention. Sur le plan financier, la municipalité réitère la part de 10% du montant provenant de subvention publique, une manière strasbourgeoise d’étendre le droit local des trois cultes concordataires aux autres cultes, selon le principe « égalité des droits, égalité des devoirs », instauré dans les années 1990.
Une nuance, et de taille, s’est ajoutée avec la mise en place d’un plafond à un million d’euros de subvention maximum tous les 10 ans, justifié par le nouveau contexte budgétaire. Exit donc les demandes à 2,56 millions d’euros comme pour Eyyub Sultan. Jeanne Barseghian précise qu’il est clairement indiqué que le pourcentage de 10% est un « maximum », mais qui n’est « pas automatique » et en aucun cas « un droit à être financé ».
La préfecture impliquée dans le processus
Sur le plan politique, la délibération invoque la récente loi dite contre le séparatisme, promue par Gérald Darmanin, encore lui. Ainsi, la Ville saisira désormais la préfecture du Bas-Rhin qui sera chargée de vérifier la provenance des fonds d’un projet de construction et de déterminer si l’association demandeuse représente une « menace ». « Si l’État fait alerte, le processus est stoppé », appuie Jean Werlen. Un cas de figure qui aurait empêché les critiques sur le dossier Eyyub Sultan.
Jeanne Barseghian complète :
« (Pour le reste de la France, NDLR) la loi fixe déjà certaines situations, lorsque des baux emphytéotiques ou des garanties d’emprunt sont accordés pour des lieux de culte. Nous proposons donc d’aller plus loin, avec une délibération qui permet d’organiser et de systématiser les saisines de l’État pour ce qui relève de sa responsabilité. »
Avec le soutien des communistes…
Membre de la majorité, le groupe des élus communistes compte voter la délibération. Ses élus disent avoir pu faire remonter leurs idées pour l’élaboration du texte. En mars 2021, ils avaient voté contre le financement de la mosquée Eyyub Sultan. Le vice-président, Joris Castiglione, rappelle que son parti n’est pas favorable « sur le principe » au financement des cultes, préférant défendre la laïcité.
Pour autant, « dans le contexte du Concordat qui impose ces financements », la délibération « fixe un cadre, garantit le principe d’égalité et permet d’ouvrir le débat, ce qui n’a pas été le cas jusqu’ici ». En revanche, à l’avenir, « il est hors de question de financer des intégristes ou un mouvement d’extrême-droite comme Milli Görüs ». Si une telle délibération devait revenir, les Communistes comptent s’y opposer à nouveau.
… et les interrogations de l’opposition
Une bienveillance que ne partage pas complètement l’opposition. Cette dernière regrette de ne pas avoir été associée au travail de rédaction du texte. Jeanne Barseghian et Jean Werlen ont certes consulté des représentants strasbourgeois des cultes, comme ils s’y étaient engagés, mais pas les forces d’opposition politique. Le signe peut-être que sur ce sujet sensible, la majorité n’a pas totalement confiance dans ses concurrents.
À défaut d’avoir une délibération transpartisane, le débat devrait porter sur un aspect de forme important, à savoir : jusqu’à quand un projet neuf peut bénéficier d’un soutien public. Président du groupe « Renaissance » (ex-LREM) et ses alliés, Alain Fontanel voit une modification des règles antérieures :
« C’est l’abandon de la clause du coup parti, qui jusque-là empêchait de financer un projet en cours de route. Pour Eyyub Sultan, il y avait un engagement clair de la municipalité précédente, à savoir une mise en conformité du plan d’urbanisme, mais pas de subvention après coup. Le contribuable n’est pas là pour combler les trous d’un projet trop ambitieux et surdimensionné. »
Pour l’ancien premier adjoint, il serait dommage que « ce non-dit » efface par ailleurs « un travail dense et de qualité ». D’ici la séance du 26 septembre, il compte déposer un amendement pour s’assurer qu’il ne soit pas possible de financer un projet amorcé.
Débat à venir sur l’interprétation des anciennes règles
Mais voilà, la municipalité conteste cette interprétation. « Cette règle n’a jamais existé », estime Jeanne Barseghian, prenant l’exemple de la Grande mosquée au Heyritz : une pose de la première pierre en 2004 et un versement des fonds en 2006. « C’est la preuve que les règles étaient insuffisamment claires et créaient de la confusion », ajoute t-elle. Dans ce débat qui devrait convoquer l’histoire politique contemporaine strasbourgeoise, les oppositions pourront rétorquer que des négociations et engagements de principe autour de ces 10% pour la Grande mosquée avaient alors été pris dès le tout début des années 2000, soit bien avant le lancement du chantier.
Trouver le bon ton et positionnement est aussi un exercice périlleux pour les oppositions. La rédaction du nouveau texte a fait l’objet d’un travail de plus d’un an avec une douzaine de représentants des cultes et des associations laïques. Aller contre ce travail, approuvé par les cultes strasbourgeois, pourrait envoyer un message défavorable à leurs communautés de fidèles.
Qui doit contrôler les associations subventionnées ?
Pierre Jakubowicz (Horizons) salue d’ailleurs une délibération « qui va dans le bon sens » :
« C’est à se demander pourquoi il a fallu passer par tant de pertes et de fracas alors qu’elle correspond à ce que nous demandions avant le vote pour la mosquée, à savoir un dialogue interreligieux. Il est regrettable qu’il ait fallu passer par la délibération de mars 2021 (pour la subvention en faveur de la mosquée Eyyub Sultan, NDLR), qui a fait du mal à notre ville. »
Néanmoins, le conseiller municipal s’interroge. En effet avec la loi sur le séparatisme, n’importe quelle association française doit désormais signer un « contrat d’engagement républicain » qui énonce quelques banalités (respect des règles de la République, reconnaissance du caractère laïc de la France, etc.). « Comment la Ville s’assure que l’engagement du contrat républicain est vraiment respecté par un signataire ? », questionne-t-il. Une interrogation que partage… Jeanne Barseghian :
« La loi rappelle des choses qui relèvent de l’évidence, mais il y a des angles morts car elle repose sur le déclaratif. Comment l’État s’assure de la provenance des financements et contrôle le respect des engagements républicains ? La loi ne le dit pas. »
Depuis ce que la municipalité appelle « la polémique » de mars 2021, les dons ont afflué pour la mosquée Eyyub Sultan dont le chantier a avancé avec la construction de la grande coupole et de minarets. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc
L’opposant demandera pour sa part un retrait de la délibération de 2021 par un vote symbolique. « L’impression générale est que la subvention de 2021 est annulée, mais seule l’association a retiré sa demande, tandis que la délibération reste toujours valable en droit », redoute-t-il. De ce retrait, et de l’amendement d’Alain Fontanel sur les projets déjà amorcés, devrait donc dépendre le vote du premier groupe d’opposition. Dix-huit mois plus tôt, les Marcheurs n’avaient pas participé au vote concernant la mosquée (ce qui revient à une abstention).
Le groupe « Les Républicains », avait pour sa part voté contre le projet de financement d’Eyyub Sultan en mars 2021. Comme la préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier, Jean-Philippe Vetter et ses troupes avaient même déposé un recours devant le tribunal administratif, fait rarissime. Une requête qui n’a pas encore de date d’audience. Sollicité, l’opposant et ancien candidat n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet, disant réserver sa première intervention pour la séance du conseil municipal. Idem pour Catherine Trautmann, l’ancienne maire et cheffe de file des Socialistes, dont l’entourage indique qu’elle mène « des consultations » avec les représentants des cultes. Mais le débat sur les réseaux sociaux et par voie de presse interposée pourrait débuter avant le 26 septembre.
Jusqu’où aller pour nourrir sa famille ? La Festival du film fantastique vous invite à vous poser cette question samedi 24 septembre pour une projection spéciale de Pamfir, en présence du réalisateur Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk.
Le Festival du film fantastique (FEFFS) et Rue89 Strasbourg vous proposent de tenter de gagner une invitation pour deux personnes à la projection spéciale de Pamfir, samedi 24 septembre à 19h45 au cinéma Star Saint-Exupéry, en présence du réalisateur Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk.
Le pitch
Pamfir, colosse ukrainien, voudrait oublier son passé de contrebandier et faire vivre sa famille honorablement. Mais, en tentant de réparer les erreurs de son fils, il va retomber dans ses pires travers. De ce postulat classique, le cinéaste tire un récit aventureux et picaresque sur un truand aussi jubilatoire qu’attachant dans un village d’Ukraine isolé.
La bande annonce
Bande annonce de Pamfir
Le concours
Tirage au sort mercredi 21 septembre à 17h. Seuls les gagnants et les gagnantes seront prévenues.
La rédaction de Rue89 Strasbourg est composée de journalistes toutes et tous prêts à écouter les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pour parler des sujets qui les intéressent. Notre existence et notre moral dépendent du nombre d’abonnements pris pour nous soutenir. 🙏⤵
Dans la résidence La Saulaie du quartier Danube à Strasbourg, un appartement acquis grâce au dispositif d’accession sociale a été rapidement revendu par son propriétaire… avec une marge de plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Un appartement acheté environ 230 000 euros grâce à des aides publiques… revendu six semaines plus tard pour 370 000 euros. La bonne affaire a eu lieu dans la résidence « La Saulaie », située à côté de la tour Elithis, dans le quartier Danube sur l’axe Deux-Rives de Strasbourg. Le bailleur social CDC Habitat y a fait construire cet ensemble livré en novembre 2020. Il comprend des habitations pour personnes handicapées, plus de 300 mètres carrés de surfaces commerciales et 24 logements en accession sociale.
TVA réduite et prix du mètre carré attractif
Ce dispositif du Prêt Social Location-Accession (PSLA) permet à des ménages aux revenus modestes d’acheter un appartement en profitant d’un tarif réglementé du mètre carré. En zone B de moyenne tension immobilière, comme à Strasbourg, un foyer de deux personnes peut profiter du PSLA si ses revenus sont inférieurs à 33 761 euros par an. Le ménage bénéficiera alors d’un prix de vente plafonné pour l’appartement, 3 861 euros par mètre carré (hors TVA) à Strasbourg. Une affaire pour le centre-ville, mais cette aide publique permet à des foyers modestes de s’installer. En contrepartie, les bénéficiaires du PSLA doivent rester et habiter dans leur bien, qui doit être leur résidence principale.
Le dispositif PSLA offre un autre avantage aux foyers modestes : une TVA réduite (5,5% au lieu de 20%). Pour l’achat d’un appartement à 230 000 euros, la TVA réduite permet ainsi une économie de plus de 33 000 euros.
Sauf qu’un appartement acheté grâce à ces conditions avantageuses en avril a été revendu en mai au prix du marché. L’information, que Rue89 Strasbourg a pu vérifier, a été déposée sur notre plateforme anonyme et sécurisée.
Résidence La Saulaie, construite par le bailleur social CDC Habitat, livré en novembre 2020 avec 14 appartements en accession-location. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Un appartement acheté 233 000 euros revendu 370 000 euros
Après deux ans d’occupation en tant que locataire, Jérôme (le prénom a été changé) a acheté son quatre pièces de 75 m² à la résidence « La Saulaie » pour 233 000 euros soit 3 107 euros du mètre carré (€/m²) grâce au dispositif d’accession sociale. Six semaines plus tard, Jérôme a mis en vente le même appartement sur LeBonCoin avec une annonce titrée « 4 pièces de 2020 début Neudorf ». Prix du bien : 370 000€ pour la même surface (soit plus de 4 900 €/m²), une augmentation de 60% ! Contacté, le propriétaire vendeur n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.
L’un des appartements de la résidence a déjà été revendu, quelques semaines à peine après avoir été acheté. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Sollicité sur cette vente, le bailleur social CDC Habitat a refusé de communiquer sur le cas précis de Jérôme en invoquant le respect de sa vie privée avant d’ajouter : « Une fois le produit vendu, nous ne pouvons légitimement intervenir sur sa cession ultérieure. » En d’autres termes, CDC Habitat n’a aucun moyen de contraindre le propriétaire de l’appartement à vendre en dessous d’un certain prix.
Concernant la TVA réduite associée au dispositif PSLA, le bailleur social a indiqué que le vendeur peut revendre son bien sans rembourser la réduction de TVA à condition de respecter l’une des exceptions énoncées par l’administration fiscale, comme le « décès d’un descendant direct faisant partie du ménage » ou la « mobilité professionnelle impliquant un trajet de plus de 70 km entre le nouveau lieu de travail et le logement en cause ». Sur son profil LinkedIn, Jérôme indique travailler à Porto, au Portugal, depuis juillet 2022.
Une autre revente à prix fort dans la même résidence
Mais le cas de Jérôme n’est pas isolé au sein de cette résidence. Au deuxième étage du bâtiment vert et orange de La Saulaie, un panneau Foncia indique un appartement vendu. De l’autre côté de la bâtisse, un écriteau Century 21 annonce un logement à vendre. Sur LeBonCoin, une offre a été publiée au début du mois de septembre pour un « appartement Quartier Danube ». Prix du bien : 370 000 euros.
Un autre appartement était indiqué à vendre au début du mois de septembre 2022. Une annonce postée sur LeBonCoin a rapidement disparu. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc
Très vite l’annonce a disparu du site. Sur place, nous avons aperçu un panneau de l’agence immobilière Century 21 accroché à une terrasse du deuxième étage. L’entreprise vend le trois pièces de 62,7 m² à 395 000 euros. Grâce au tarif réglementé de 3 861€/m², l’appartement a été acheté à environ 242 000 euros.
Les risques liés aux contrats de PSLA sont connus des bailleurs sociaux. Ainsi, un article du magazine Union Habitat, une fédération d’organismes HLM, indiquait en septembre 2018 :
« Dans un contexte de hausse des prix de l’immobilier et de marché tendu, le risque d’effet d’aubaine est plus important et certains vendeurs souhaiteront le limiter, cette situation sera d’autant plus probable que le prix de vente des logements concernés aura été fixé à un montant inférieur à celui du marché, d’où une possibilité accrue de plus-value importante en cas de revente, y compris à court terme. »
Dès septembre 2018, ce même article conseillait les bailleurs sociaux sur « la mise en œuvre d’un dispositif anti-spéculatif » autour des contrats de PSLA.
Directeur interrégional adjoint Nord Est de CDC Habitat, Éric Troussier indique simplement que « si le cadre réglementaire est respecté, nous n’avons pas le droit de poursuite ». Ce dernier parle d’un épiphénomène parmi la cinquantaine d’appartements mis en vente en PSLA par le bailleur dans le Grand Est. Pourtant, sa collègue directrice de développement Cécile Simonin indique « ne jamais avoir été alerté sur ce phénomène ». En fin d’entretien, Éric Troussier finit par admettre : « C’est vrai que ça mériterait des outils supplémentaires, mais charge au législateur de mettre en places des gardes-fous. »
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.
Près de 80 personnes ont manifesté samedi 17 septembre pour l’hébergement inconditionnel des migrants installés place de l’Étoile. Dans le cortège, l’ouverture d’un gymnase par la municipalité écologiste est décrite comme insuffisante, voire dangereuse pour certains sans-papiers.
« Pour nous, la mise à l’abri dans un gymnase est un guet-apens. » Militante de l’association Attac et du collectif D’ailleurs Nous Sommes D’ici, Germaine (le prénom a été modifié) tient une banderole « Un toit, un droit, papiers pour tous » sur la place de l’Étoile en ce début d’après-midi, samedi 17 septembre. Malgré l’ouverture d’un gymnase par la municipalité écologiste la veille, la manifestante ne décolère pas : « On sait très bien qu’une fois pris en charge par la préfecture, les migrants seront renvoyés dans leur pays. » À ses côtés, Martin (le prénom a été modifié) rajoute : « On est en colère, sidéré par la collaboration de la Ville avec la préfecture ainsi que du manque de discussion avec les associations (d’aide aux migrants, NDLR). »
Départ de la manifestation pour un hébergement inconditionnel des migrants. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg/ cc)Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg
Hamza : « J’ai déjà été dans le gymnase Branly »
Vers 14 heures, près de 80 personnes ont quitté la place de l’Étoile en direction du centre-ville de Strasbourg pour l’hébergement inconditionnel des migrants. Au sein du cortège, Hamza explique son refus d’intégrer le gymnase du Heyritz :
Hamza a déjà connu la mise à l’abri dans un gymnase. Cette fois, il l’a refusée. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg/ cc
Hamza fait partie de ces migrants dont la demande d’asile a déjà essuyé un avis négatif. Accompagné de bénévoles strasbourgeois, il tente de faire une nouvelle demande de titre de séjour pour des raisons médicales (il dialyse trois fois par semaine), « mais prendre un rendez-vous à la préfecture est devenu quasiment impossible », explique le militant strasbourgeois Gabriel Cardoen.
Une situation « absurde et insensée »
Fondatrice de l’association d’aide aux personnes sans-abri, Sabine Carriou était présente au camp de l’Étoile lorsque la municipalité écologiste a lancé une mise à l’abri. L’ancienne professeure de mathématiques décrit une situation « absurde, insensée où l’on disait à celles et ceux qui ont épuisé tous les recours de demande d’asile, de ne pas aller au gymnase. »
Dans le cortège, plusieurs manifestants estiment aussi que la municipalité n’est pas allée assez loin avec cette ouverture d’un gymnase. Pour Julien, de l’union locale CGT, la mairie « doit arrêter de se lamenter de l’attitude de la préfecture. On sait que la préfète veut juste expulser les migrants. Donc si l’État n’assume pas ses responsabilité, la mairie doit la prendre. Elle pourrait par exemple réquisitionner des logements vides à Strasbourg afin d’offrir un vrai toit aux migrants. »
Malgré l’ouverture d’un gymnase la veille, plusieurs dizaines de tentes continuaient d’occuper la place de l’Étoile samedi 17 septembre. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg/ cc
Contactée, la Ville de Strasbourg indique avoir ouvert 100 places dans le gymnase Heyritz. Dans la soirée du 16 septembre, seules 27 personnes étaient hébergées dans le bâtiment municipal. Sur la place de l’Étoile, des dizaines de personnes continuent de vivre dans des tentes à quelques mètres de la mairie.
Rédacteur en chef de Rue89 Strasbourg. Spécialisé depuis 2019 en enquêtes locales, à Strasbourg et en Alsace sur des sujets variés allant de l’extrême-droite à l’hôpital public en passant par la maison d’arrêt de Strasbourg, les mouvements sociaux, les discriminations et l’expertise-psychiatrique.